Axis Mundis, le 13 Avril 2010
A Aoki Subaro, secrétaire général du parti communiste de la République Populaire du Mokhaï Communiste.
Camarade,
Je me permets de m’adresser à vous selon une formule que certains considéreraient usurpés, tant il semble douteux que votre politique soit celle de la fraternité faisant de chaque homme des frères et chaque femme des sœurs. Cependant je crois qu’il est encore possible pour nous de nous entendre sur quelques aspects, au moins, ce pourquoi je vous contacte.
En temps normal nous avons une certaine répugnance pour l’interventionnisme. Et si la ligne autoritaire, eurycommuniste, de votre régime rentre dans la définition précise de ce que nous qualifions d’État dégénéré, elle n’aurait, à elle seule, justifié cette prise de contact. Voyez-vous, nous laissons l’impérialisme aux impérialistes. Et ceux-là sont en mouvement.
Vous savez ce qui se passe en Eurysie. L’ONC vient sonner le glas des dictatures se réclamant du communisme. Une décision hâtive dont les conséquences particulièrement graves ne pourront pas être ignorées. Vous concernant, au moins, cela signifie que vos soutiens étrangers, rassemblés au sein de l’Union des Nations Communistes et Socialistes, vont ou disparaître, ou être affaiblis au point de ne plus représenter qu’une quantité très négligeable sur le plan des affaires géopolitiques.
Ainsi, je crois que vous vous en rendez compte, la situation impose un changement dans votre façon de gérer votre régime. L’ONC a démontrée une fois de plus qu’elle n’hésiterait pas à manier la guerre pour éliminer ses opposants. Votre régime, par ses caractéristiques, en fait partie.
Il se trouve maintenant deux possibilités que je vous invite à étudier avec moi.
- Possibilité une, vous êtes, essentiellement, un communiste. Ce que je suis aussi, selon les définitions d’usage. Votre premier intérêt et le bien-être de votre peuple, sa libération des chaînes du salariat et de la société de classe. Si tel est le cas les méthodes ultra-radicales que vous employez sont contre-productives, et le système d’avant-garde que vous employez contredit directement l’objectif émancipateur de votre idéologie. Tout de même, vous restez un homme de bien, et il me semble que nous pourrons nous entendre.
- Possibilité deux, vous êtes, essentiellement, un dictateur. L’apparat communiste n’est qu’une décoration, un prétexte justifiant l’existence de votre régime et vous permettant de maintenir une quantité importante de pouvoir et de régner, tant que les puissances étrangères le permettent, sur votre petit royaume personnel. Dans ce cas vous êtes un être essentiellement égocentrique et la menace qui pèse désormais sur le Mokhai devrait vous pousser à nous écouter.
Le fait est que l’ONC finira, un jour ou l’autre, par déployer d’importants efforts pour abattre votre régime et le remplacer par une quelconque oligarchie rutilante, dont l’ouverture brutale au marché devrait finir par créer une situation à la Prodnov, soit une économie morte, une population découplée du pouvoir économique et une situation sociale que l’on peut qualifier, sans exagération, de scabreuse. Cette destruction de votre régime se fera par des moyens ou militaires ou terroristes, mais devrait en toute logique amener à votre mort et au jugement (expéditif, s’entend), de l’essentiel de vos fidèles. Le moment où l’ONC se décidera à agir, enfin, approche. Selon nous vous avez jusqu’à la fin des guerres eurysiennes actuellement enclenchées, si tant est que celles-là n’escaladent pas au point de justifier l’ouverture de nouveaux fronts et d’une mobilisation totale de l’appareil économique de l’ONC.
Je crois que pour le moment mon analyse est assez claire, et je crois que vous devez la partager, au moins en grande partie.
Je n’irai pas jusqu’à nous qualifier d’ami du Mokhai, mais l’Union, pour mépriser l’État, respecte les peuples. Votre peuple a été humilié par des années de colonisation impérialiste. La transition démocratique ne s’est pas faite et le pathétique régime représentatif que vous avez renversé s’est lui-même construit sur un mensonge. Vous, enfin, essayez de construire le rêve social sur des montagnes de cadavre. C’est, hélas, ce qui nous empêche de vous proposer, purement et simplement, notre aide.
Ce que nous vous proposons, en fait, c’est une voie de sortie. Vous pourrez arrêter les frais. Survivre. Et voir le Mokhai demeurer une entité territoriale indépendante et libre de ses décisions, d’une part, et sa population accéder à l’émancipation par l’éducation et le socialisme, de l’autre.
Ce que nous vous proposons, en clair, c’est d’accepter la main que nous vous tendons. Placez-vous sous la protection du Grand Kah, acceptez les conditions de la Matrice du socialisme. Nous étions les premiers communistes. Nous sommes aujourd’hui les plus puissants de la planète. Le contre-modèle eurysien, autoritaire, n’a donné que des accidents de parcours.
Si vous aimez votre peuple, vous le laisserez goûter au succès de nos méthodes. Si vous tenez à votre vie, vous savez aussi que nous sommes votre seule option viable.
Je reste à votre disposition si vous souhaitez discuter des conditions de notre offre. Nous ne pouvons assez vous inciter à une réponse rapide.
Respectueusement,
Citoyenne Actée Iccauhtli
Membre du Comité de Volonté Publique
Au nom du Commissariat aux Affaires Extérieures