Douloureuse coïncidence pour le Pôle Nucléaire qu'arrive une catastrophe sur un réacteur loduarien juste avant qu'il ne vienne présenter ses dernières avancées. Les centres de recherche et développement ont depuis quelque temps travaillé sur le principe de conversion directe d'énergie permettant d'obtenir un courant électrique directement à partir de l'énergie cinétique d'un fluide conducteur, sans passer par des dispositifs mécaniques intermédiaires. L'intérêt de ce dispositif est de limiter les pertes et obtenir un rendement incomparable, allant jusqu'à exploiter 90% de l'énergie du système. Cette efficience s'explique en grande partie sur l'absence de potentiel énergétique entre un point chaud et un point froid (cycle de Carnot). Dans un réacteur nucléaire classique, le point chaud est le cœur nucléaire produisant de la température, et le point froid est la zone de refroidissement. Le potentiel d'énergie est alors obtenu avec la différence de température (et donc de pression) entre l'eau chaude et l'eau froide. Plus cette différence est importante, plus l'énergie mécanique développé par le changement de pression de l'eau sera important. Accroitre cette différence ne peut se faire que de deux façons : augmenter la température du cœur et abaisser la température de refroidissement, tous deux avec leurs lots de contraintes.
Avec la conversion directe d'énergie, le potentiel d'énergie n'est pas obtenu avec une différence de température entre un point chaud et froid, mais directement avec le mouvement de la matière. Le potentiel se fait alors avec le ralentissement entre la vitesse maximale et minimale des particules exploitées. Plus précisément, l'énergie est exploitée en faisant passer des particules chargées électriquement dans une bobine magnétique, le fluide initiant alors une tension dans la bobine de la même manière qu'un aimant en rotation dans une bobine de dynamo.
Le Pôle Nucléaire s'est alors penché sur l'application de ce dispositif pour ses réacteurs avec deux dispositifs : Le premier est le réacteur à fragment de fission, aussi connu sous le nom de réacteur nucléaire à collimateur magnétique. Et le second est le réacteur nucléaire à cœur gazeux. Le réacteur à collimateur exploite directement le mouvement des produits de fission obtenus dans le réacteur en les faisant passer à travers un générateur magnétoplasmique. Le cœur nucléaire lui-même est fait d'un alignement de fibres de carbone avec un revêtement d'uranium, le tout dans une bobine magnétique le long de son axe. La réaction nucléaire permet alors l'obtention des fragments de fission redirigés ensuite par la bobine magnétique faisant office de collimateur. Le flux est par la suite concentré le long d'une seconde bobine et génère une tension électrique en passant dans le champ magnétique. Le revêtement d'uranium contre les fibres doit être extrêmement fin pour ne pas piéger dans la matière les produits de fission et maximiser les surface de contact.
Une des difficultés propres à ce dispositif est le maintient d'une température raisonnable sur les tubes de carbone. Plusieurs solutions sont proposées sans résoudre totalement le problème jusqu'à présent. Soit les fils de combustible doivent être montés sur un axe rotatif, et un modérateur doublé d'un réflecteur de neutron placé uniquement sur une portion de l'enveloppe du cylindre dans lequel est logé le dispositif. La réaction nucléaire se fait alors exclusivement quand les fils passent à proximité du modérateur, permettant de les laisser refroidir le reste du temps. Les fils peuvent sinon être troqués pour des tubes, le revêtement de combustible et le flux de neutrons se faisant à l'extérieur, permettant le passage d'un liquide de refroidissement à l'intérieur. Les deux systèmes peuvent également se cumuler permettant un refroidissement actif et des délais pour abaisser la température.
Le réacteur à cœur gazeux n'est quant à lui pas exactement un dispositif d'exploitation direct de l'énergie, en étant notamment soumis au cycle de Carnot, mais il exploite toujours le mouvement de matière dans un générateur magnétoplasmique. Il s'agit d'exploiter du combustible gazeux sous forme de fluorure d'uranium mélangé à de l'hélium. Le mélange est alors chauffé par la réaction nucléaire et éjecté du cœur en direction du générateur magnétoplasmique. Ce n'est pas directement l'énergie cinétique de l'uranium qui est conséquemment exploité, puisqu'un transfert d'énergie thermique se fait préalablement avec l'hélium.
Le gaz est ensuite recyclé avec en particulier une extraction des déchets nucléaires et une injection de l'hélium purifié, mélangé à du combustible neuf. Il peut au préalable passer dans des turbines à gaz, puis dans des échangeurs de chaleur actionnant une autre turbine, cette fois-ci à vapeur, de manière à exploiter au maximum l'énergie véhiculée.
Le grand intérêt de ces deux expériences est de développer des réacteurs avec un rendement complètement incomparable à ce qui se fait actuellement (montant jusqu'à 90% pour le réacteur à collimateur magnétique). Cela permettrait d'augmenter la productivité à combustible et infrastructure égale, permettant une réduction des coûts de l'énergie. La baisse des besoins en combustible a un impact économique bien inférieur à celle des infrastructures, dont la production, opération et entretien représentent de loin la plus grosse part des dépenses. Mais économiser sur les besoins en matière première permettrait toutefois de renforcer l'autonomie et la souveraineté énergétique du Duché, avec une limitation de ses besoins et donc importations depuis l'étranger. La chose irait notamment dans le sens du développement des centrales nucléaires de quatrième génération capables de revaloriser l'uranium appauvri ou le thorium.
Mais ces promesses rencontrent actuellement deux très gros freins. Le premier est naturellement celui du cout de développement et de la faible progression des résultats. Le Duché a multiplié ses investissements et projets de recherches durant la Crise des Brouettes de manière à assurer des emplois, mais le retour à la normale progressif avec une privatisation de certains secteurs sous perfusion étatique, dans une politique d'austérité visant à limiter les dépenses (et donc les impôts, principale cause de l'inflation et baisse du pouvoir d'achat) a grandement réduit les ambitions industrielles. Soutenir conjointement les efforts de développement des surgénérateurs nucléaires ET de la conversion directe de l'énergie nécessite une division des efforts disponibles, déjà amoindris.
Et ces contraintes de développement furent sans surprise récupérées par les divers mouvements opposés au nucléaire ou favorables aux énergies renouvelables. Toutes ces ressources considérables allouées au nucléaire sont des moyens qui ne le sont pas dans des sources alternatives d'énergie, plus saines selon les critiques. Hydraulique, solaire, éolien, géothermique et d'autres variantes telles que l'énergie bleue.
Mais le gros des critiques vient de la sureté nucléaire, cœur de nombreux débats alors que la Loduarie Communiste subit une pleine crise. Rappelons que le Duché est directement voisin de Muzeaj, dont les décisionnaires se sont caractérisés par leur inconscience et impulsivité totale, qui pourrait amener à provoquer le pire à terme. Summum du malheur pour le Pôle Nucléaire, voilà que Carnavale, nation plus imprévisible (mais sans aucune incertitude dangereuse) que Muzeaj, exige du Duché un remboursement à hauteur de la centaine de milliards de crédits pour un emprunt non remboursé de Translavya. Si ce racket porte à débat et que les réponses les plus adaptées sont étudiées, les faits sont qu'une puissance que l'on pourrait qualifier de "missile-cratie" puisse fendre l'intégralité des centrales nucléaires sylvoises et provoquer une contamination inédite de l'intégralité de Paltoterra.
Il faut dire que les dispositifs de sécurités des deux prototypes de réacteurs à conversion directe d'énergie n'a pas été le coeur de discussion. Concernant le réacteur à fragment de fission, l'ensemble du système peut être intégré dans un dôme, voir en souterrain, et bénéficier des dispositifs de sécurité des réacteurs de troisième génération sylvois (barre de contrôle retombant automatiquement en cas de panne et cuve de récupération du corium notamment). Mais hormis en installant les infrastructures en profondeur, ces systèmes ne sont pas suffisants en cas de bombardement balistique, les ingénieurs n'ayant toujours pas été en mesure de proposer des solutions efficaces. La situation est bien plus critique concernant le réacteur à coeur gazeux, puisque l'uranium sous forme de vapeur et l'hélium irradié sont bien plus prédisposés à se disperser dans l'air en cas de brèche, et les systèmes de sécurité classiques sont dans ce cas inapplicables. La crise nucléaire loduarienne actuelle semble même mettre un important coup de frein à ce second prototype, les équipés attitrées avouant d'elles-mêmes ne pas pouvoir proposer de réponses appropriées à ce cas de figure. Ont bien été étudiés d'éventuels systèmes de ventilation pour aspirer les particules mais leur manque de résultat concluant et la possibilité qu'ils soient tout simplement mis hors d'usage en cas de bombardement ne les rend pas particulièrement efficace. Ils seraient même pour dire franchement efficace uniquement quand il n'y en aura pas besoin.
Le Pôle Nucléaire est pourtant loin de se montrer pessimiste (et il aurait été très mauvais de l'exprimer en tout cas). Ses représentants concèdent l'ampleur que doivent également prendre les énergies renouvelables, dans un mix complémentaire avec le nucléaire. Et si le contexte actuel démontre la nécessité de revoir les dispositifs de sécurité, n'est pas exclu à terme que le Duché développe des centrales souterraines (qui pourrait conséquemment aussi bien être des réacteurs à fragment de fission ou à cœur gazeux) de façon à se prémunir des menaces de ce genre nouveau. Les surgénérateurs et réacteurs à haute efficience seront qui plus est des alternatives pour réduire les déchets nucléaires et les dépendances étrangères pour une même quantité d'énergie, résolvant de cette manière les principales craintes exprimées par les opposants au nucléaire.
Les arguments du Pôle Nucléaire sont par ailleurs appuyés par les décisionnaires étatiques comme privés, allant dans le sens d'une diversification des moyens de production tout en maintenant une importante part de la production de base assurée par le nucléaire. Les raisons avancées sont multiples, l'une d'elle concernant notamment la surface moindre nécessaire au kW pour le nucléaire, contrairement au solaire, éolien ou hydraulique, argument allant dans le sens des besoins énergétiques croissants du Duché pour soutenir son industrialisation. Il ne serait en l'état pas possible d'assurer l'intégralité des besoins sans procéder au terrassement d'importantes surfaces, et la hausse de la consommation empêche de se priver de certaines sources importantes d'énergie.