L’Observateur du bien Commun, Bulletin officiel et quotidien du Parlement Général.Sur la Question du réarmement des Communes, portées par le Comité de la Volonté Publique par l’intermédiaire du Citoyen MAYHUASCA.Le Citoyen arrive au Parlement Général à 16H20. Son apparition provoque un certain tumulte rapidement calmé par l’action du premier orateur le citoyen Choque Caipa. L’ordre du jour suit son cours jusqu’à 16H50 où la question du réarmement, avancée par le Comité de la Volonté Publique le 01/04/2004 est à nouveau discutée ; Le citoyen MAYHUASCA se rend à la tribune centrale.
C. MAYHUASCA : Camarades et citoyens, s’il m’est désagréable de le rappeler je crois qu’il est nécessaire de dire, une fois encore, qu’être membre d’un Comité quel qu’il soit ne nous exclus pas de la Députation. Nous avons été nommés par les Communes via votre intermédiaire pour concentrer leurs ambitions au sein d’une même volonté. Parole de centralisateurs, dira-t-on, mais l’essentiel est le suivant : si nous ne passons plus l’essentiel de notre temps au sein de ces nobles murs, nous savons pour autant ce qui s’y passe. Je sais ainsi, chaque bruit de couloir, négociation, discours et avis que chacun peut émettre. Ce qui est attendu de moi comme des autres membres de chaque comité, en vertu de notre mission de représentation et du respect de la souveraineté populaire, tel que le précise la charte constitutionnelle mise en place lors de la Grande Révolution.
Aussi oui, je sais. Il aurait fallu être aveugle et sourd pour ne pas savoir. Savoir ce qui se dit, ce qui se prétend. Les paroles odieuses que l’on murmure entre les bancs de la députation. Les craintes justifiées, aussi.
C. ROJES : Et quelles sont-elles, ces paroles, Aquilon ?
(Rires.)
C. MAYHUASCA : Dois-je rappeler aux Horlogers leurs propres mots ? Mais non. Car nous allons bien en débattre et que le Comité entend bien jouir de vos conseils et opinions. Allons à l’essentiel et laissez-moi vous expliquer ce projet ; Après quoi, citoyen, vous serez bien capable de vous répéter si nécessaire.
Le Comité le propose. Le Réarmement doit être à l’ordre du jour.
(Chahut. Le citoyen attend.)
Le réarmement. Parfaitement. Ô réarmement, perfide serpent, poison des cœurs dirait-on. J’ai entendu prétendre qu’on ne s’armait pas en prévision de la paix mais enfin, les Communes seules ne sont-elles pas à l’initiative de toute action de l’Union ? Et représentants des Communes, ne savez-vous pas qu’elles ne désirent que la paix ? Leur donner les moyens de la guerre n'en fera pas es assassins !
Je sais pourtant d’où viennent ces réactions. Il est attendu que l’évocation des armes vous pousse dans des retranchements épidermiques. Moi-même, j’enrage des extrémités auxquelles nous pousse le monde. La vérité s’accorde mal du rêve révolutionnaire et nous devons de fait en prendre acte.
Alors je sais. Je sais bien ce que nous craignons tous. En Deux siècles de révolution, et deux siècles de crises ; Politiques, économiques diplomatiques et – bien souvent – à l’avant-garde de nos problèmes, l’armée. Celle qui refusa de désarmer le Daïmio. Qui installa Sukaretto à l’aide des bourgeois. Qui tenta tant et tant de nous soumettre au Capital. L’armée incarne l’usage de la force. L’usage de la force la coercition. La coercition ce que nous avons éliminé du Grand Kah. Alors oui, je vois bien que l’on peut penser que mettre la militarisation à l’ordre du jour, c’est en fait mettre la fin de l’Union à l’Ordre du Jour. Le Comité s’envisagerait-il junte ? Pensons-nous seulement en avoir le droit ? Et pourquoi aurions-nous même besoin de remilitariser l’Union ? Des questions légitime auxquelles je vais répondre, et-…
C. XIULT-TRAN : T’as bien intérêt, camarade !
C. MAYHUASCA : Mais tout à fait. (Il attend avant de reprendre.) Il y a plus de cinquante ans la Révolution était menacée par le Coup des impérialistes. La Famille Sukaretto, financée par des intérêts étrangers dont nous tairons encore ici l’origine par souci de décence, a renversé les comités, attaqué les commune et placé un nouveau maître chien au sommet du Kah, tentant le rétablissement de l’État et de la coercition. Nous savons comment cette histoire se termine : dans le sang, la nausée et les morts. Dans la régénération, aussi, de la Révolution par le biais d’un nouveau Cycle. Kah est une roue. (Les députés reprennent en cœur.) Qu’avons-nous appris de cette période ; Qu’on fait nos aïeux ? Ils ont fermé la nation au monde. Puis l’ont reconstruit ; Plus important encore : ils ont pardonné de telle façon qu’une Sukaretto, descendante directe de cette famille dont on pourrait croire le sang maudit tant sa lignée s’est opposée à l’Idéal, a été élue par cette chambre même au Comité. Alors quoi ? Sommes-nous coupables d’avoir pardonné à la fille des monstres ? Pensons-nous finalement que le sang fait les maux plus que l’éducation ? Alors nous serions tous coupables de trahison, l’ayant nommé d’un commun accord tout comme vous m’avez nommé, et la citoyenne Actée, et le citoyen Suchong. Et d’autres.
Le Kah ne détruit pas. Nous le savons bien. Le Kah analyse, pardonne, inclus. La militarisation du Kah ne veut pas dire la réinstallation d’une force armée centralisée fonctionnant sur le modèle de celles qui nous ont tant et tant trahit. La remilitarisation du Kah signifie l’analyse des erreurs du passé et l’adaptation de nos objectifs et des méthodes pour les remplir à la situation présente et à ce que nous considérons êtres notre Idéal.
Quel est notre idéal, je crois que vous me détromperez si je fais erreur. Notre idéal est celui de la paix. Celui de la liberté. Du respect. De l’union et du bien commun par le bien individuel.
Quel est le contexte de notre idéal ? Celui d’un monde dur, traître. Nous sommes entourés d’ennemis idéologiques. Au nord de notre position la première puissance mondiale, d’un capitalisme effroyable. Plus au nord des républiques, oligarchies pathétiques dont la constitution même tient notre pensée en crime. Au sud l’esclavage. À l’est la monarchie. A l’ouest la république prolétarienne qui n’a de républicaine que l’oligarchie et de prolétarienne que le sang qu’elle presse dans son étau. Nous sommes entourés de peuples qui, observant notre idéal, décideront pragmatiquement de ne pas faire affaire avec nous. S’ils ont plus intérêts à nous écraser, ils le feront. Notre modèle menaçant par sa simple existence les présupposés des leurs.
Or c’est parce que nous voulons la paix, spécifiquement, qu’il nous faut estimer ce qui se passera en cas de guerre. Oui citoyenne ?
C. ZUHEN : Les milices communales ne suffiraient pas à nous défendre ? (Elle hésite, car on veut la faire taire.) Puis-je continuer ?
C. MAYHUASCA : Je vous en prie citoyenne.
C. ZUHEN : Ce que vous dites nous le savons bien. L’Union est un modèle unique et notre histoire le montre : un modèle en danger constant. Nos ennemis sont nombreux et sans aller jusqu’à prétendre qu’ils complotent sans cesse contre nous, ce serait grotesque, je crois que nous comprenons tous pourquoi vous désirez rendre le fait de coopérer avec le Grand Kah préférable pour eux que la solution consistant à prendre ce qu’il aurait à offrir par la force. Le Comité a pour mission d’être nos yeux et nos oreilles sur les affaires du monde et de proposer aux communes la manière dont il faudrait coordonner leurs actions. En ça je ne crois pas que nous puissions considérer que vous vous avancez en proposant de mettre la militarisation à l’ordre du jour. Je suis moi-même contre ce projet pour les raisons que je vais exposer mais je tiens à le dire, nous avons été pour beaucoup très sévère avec vous, au nom de la députation je tiens à m’en excuser.
(Quelques chuchotements d’assentiment. Quelques rires, aussi.)
Donc. Comme vous le dite, le Coup de 50 a été réglé par un nouveau cycle révolutionnaire et, comme vous le dites, le Kah a pardonné. Mais le Kah a aussi pardonné l’idée d’armée ! Vous faites comme si nous avions brûlé les fusils et les avions, broyés les navires et rejeté le mot « soldat » pour le ranger avec celui de monarque. Mais c’est tout à fait faux, puisque nous avons les milices. Elles n’ont jamais été dissoutes depuis la révolution et chaque commune le désirant possède la sienne. Tenez, vous le savez bien, la plus grande de ces milices étant la Protection Civile qui a arrêté il y a peu les synarchistes ! Cette même arrestation qui a poussé à la proposition du comité ! Alors nous avons une force armée. Prendre le Kah serait déjà pour toute force étrangère une opération complexe.
C. MAYHUASCA : La Protection civile est une force communale qui, contrairement aux milices, est équipée, entraînée et active. Mais elle n’est pas une force armée. C’est une force de maintien du bien commun dont l’activité ne saurait être au mieux que supplétive à celle d’une authentique force armée. Ce qu’il nous fait ce sont des professionnels de la guerre. Laissez-moi terminer, des professionnels de la guerre comme la Garde d’Axis Mundis.
(Brouhaha et chahut. Un citoyen indéterminé lance le cri de "centralisateurs". Les députés centralisateurs s’offusquent. Le premier orateur appel au retour au calme. Le citoyen Mayhuasca attend à la tribune.)
C. MAYHUASCA : Mais je ne suis pas un centralisateur ! Personne ici n’aime notre système autant que moi, la liberté autant que moi ! N’ai-je pas été nommé sur les valeurs que je représente depuis toujours dans mon action ? N’ai-je pas fidèlement rendu à la nation la somme de ses intentions, représenté les communes de façon à organiser le bien commun ? Vous est-il donc si inacceptable d'envisager que nos conclusions, que ce que nous voyons, serait en fait là encore destiné à la seule collectivité ? Alors ! Vous nous avez nommé pour ça ! Pour le bien commun. Et maintenant vous nous reprochez de vouloir le défendre ! Alors ! Alors, enfin, c’est bien vous qui nous avez nommé. Si vous ne voulez plus du Comité... Si vous ne reconnaissez plus le bien des communes dans ses conclusions… Je vous le demande bien clairement : mettez-y fin ! Et élisez ceux et celles qui, vous semble-t-il, représenteront mieux l’intérêt national !
C. HUALTAYAN : Citoyen ! Le Comité a toute notre confiance ! (Des approbations fusent.) Nous ne doutons pas de ses intentions. Mais la porte que vous voulez ouvrir a déjà été ouverte par le passé sans jamais faire entrer quoi que ce soit de bon.
C. MAYHUASCA : Alors adaptons ! Je sais ce qui vous angoisse. La Garde d’Axis Mundis répond au Comité seul. Mais la Garde sert à défendre la Commune spéciale. C’est un corps de défense. C’est aussi depuis plus d’un demi-siècle le seul exemple de force militarisée professionnelle de notre nation. Une garde similaire pourrait être mise en place dans l’essentiel des communes supérieure, pour commencer. Dirigée à chaque fois par les communes qui pourraient ainsi inclure les besoins et ravitaillement des soldats dans la planification d’ensemble. Pour éviter le factionnalisme les soldats pourraient être des volontaires de toute commune mis au service d’autres.
C. ZHEN : Ce qui retirerait toute forme de réel contrôle aux Communes.
C. HUALTAYAN : Propos d’anti-unioniste !
C. ZAN NEK : Peut-être, mais ça demanderait aussi de revoir toute la planification économique, de revoir à la baisse l'augmentation du niveau de vie, d'empiéter sur le bien-être national.
C. MAYHUASCA : Au profit de sa survie ! Mais j'entends ces avis, et nous savons comment cela se réglerera. Dans un premier temps, établissez vos commissions et prévenez vos communes. Le Comité prendra les mesures nécessaires. Le reste dépend désormais de la députation de l'union et du consensus qu’elle établira. Mais puisque ça ne tient en fait qu’à ça : ne percevez pas notre demande comme celle d’une remilitarisation du Grand Kah. Percevez-la comme celle d’un réarmement des communes. Et le Kah nous guide en cas de guerre. (Mouvement prolongé d’assentiment.)
(Comme ne certaine agitation succède au discours du citoyen; la séance est à nouveau suspendue.)