L'économie est un jeu dangereux
Autant en connaitre les règles.
- Et bien c'est une excellente question ! L'inflation on le sait, c'est la hantise des gouvernements et c'est bien normal. Une surinflation peut rapidement dégénérer en spirale ce qui entraine à moyens termes le pays dans une crise dont il est quasiment impossible de se sortir sans de lourdes et pénibles réformes structurelles et, disons-le aussi, beaucoup de casse pour les consommateurs et entrepreneurs. Alors est-ce que c'est ce qui nous menace aujourd'hui ? Pour répondre à cela il faut d'abord distinguer plusieurs types d'inflation, toutes ne sont pas aussi graves les unes que les autre. D'abord, il y a l'inflation à cause de la pénurie de production d'une part. Typiquement c'est ce qui arrive à un pays sous blocus ou dont un grand nombre d'entreprises décideraient de partir à l'étranger d'un seul coup. L'économie se retrouve avec une forte demande de consommation : elle a des hauts revenus mais peu de marchandises à fournir. Devant le manque de produits et le grand nombre de consommateurs potentiels, les prix augmentent ce qui empêche à termes certaines parties de la population de s'approvisionner en denrées essentielles. Devant la crise, le gouvernement n'a pas d'autres choix que de faire des investissements massifs et de créer de la monnaie pour les plus pauvres mais les denrées manquent toujours de manière structurelle ce qui poussent les vendeurs à augmenter encore leur prix et ainsi de suite. C'est bien une spirale dans laquelle on s'enfonce.
- Mais ce n'est pas le cas du Syndikaali ?
- Non pas du tout, au contraire notre pays n'a jamais autant été ouvert sur le reste du monde, les marchandisent affluent d'un peu partout et nous sommes très loin d'être en pénurie de quoi que ce soit. D'ailleurs, nous possédons un taux de chômage relativement élevé ce qui exclue l'hypothèse des salaires trop hauts par rapport aux produits de consommation disponibles. Pourtant ce matin encore notre pays accusait une augmentation générale des prix de près de 41%. Évidement il faut distinguer les secteurs, tout n'augmente pas de la même manière, mais c'est la tendance depuis plusieurs jours. En fait dans notre cas, nous sommes face à une inflation inverse, et j'aurai même envie de dire, c'est plutôt bon signe. L'essor économique du Syndikaali pousse les investisseurs étrangers à se tourner vers notre pays, c'est triste à dire mais les derniers drames que nous avons vécu ont créé une certaine sympathie pour nous en plus de donner de la visibilité à nos entreprises, le tourisme décolle par exemple, dans un sens comme dans un autre, ce qui est très bon pour les affaires. La petite escalade des tentions en mer du Nord ces derniers temps a également poussé le Gouvernement a faire des investissements militaires d'envergure. Enfin, plus généralement, l'ouverture à la mondialisation stimule énormément le commerce extérieur et les grands événements culturels internationales (c'est un exemple comme un autre) motivent les Pharois à entreprendre et créer en sachant qu'ils trouveront des débouchés. En somme, tout le monde produit vite, et à marche forcée pour profiter du climat économique extrêmement favorable. C'est cette constatation qui a poussé le Ministre de la planification, le Capitaine Kaapo, à décider d'injecter un gros paquet de liquidités dans la machine afin de ne surtout pas freiner la croissance.
Pari partiellement réussi : la croissance est bien là mais l'économie ne peut pas aller plus vite que la musique, déjà parce qu'encore une fois le Gouvernement - dirigé à majorité par le Parti du Progrès rappelons-le - se refuse à faire des investissement publics massifs en dehors de l'industrie militaire, conformément à sa ligne économique traditionnelle de laisser-faire. Mais surtout parce que le Capitaine Kaapo a sous-estimé sans doute le temps nécessaire à une partie de la population pour intégrer la nouvelle donne du marché du travail. On l'évoquait il y a quelques semaines dans ces mêmes colonnes, une part non-négligeable de nos concitoyens, et d'autant plus chez les jeunes, est formée aux métiers de la mer ce qui n'est pas un mal en soit mais devient plus problématique quand c'est l'industrie lourde et militaire, ou les métiers à haut taux de qualification comme les laboratoires de recherche, qui demandent de la main d’œuvre. Cela explique d'ailleurs que le taux de chômage ne bouge que très peu malgré la croissance : nous avons recours à l'immigration de travailleurs qualifiés pour combler nos recherches d'emplois. Alors certes cela créé de la richesse et une émulsion intellectuelle positive, mais en attendant à cause d'un mauvais diagnostique le moteur économique du pays se noie un peu dans l'huile qu'on a été trop empressé de lui injecter, si vous m'autorisez la métaphore.
Nouvelles usines à Helmi, image @Citoyenne Mirja.
- Il faut espérer que non et je pense que déjà ça va dans le bon sens, elle a commencé à diminuer depuis quelques jours, le Gouvernement et le Capitaine Kaapo semblent avoir pris la mesure de leur erreur de diagnostique et procéder à des investissements dans des secteurs moins qualifiés où la main d’œuvre pourra se réorienter plus naturellement et ainsi utiliser ce trop plein de liquidités qui n'attendent qu'à changer de mains.
- En somme la situation n'est pas catastrophique ?
- Non vous savez, le temps où tout le monde était terrorisé par l'inflation est révolu, les théories économiques ont fait du chemin et nous comprenons maintenant que les scénarios de surinflation comme certains pays ont pu en connaitre par le passé survenaient dans des situations économiques et politiques très particulières et exceptionnelles. Nous en sommes loin aujourd'hui. Toutefois ce n'est pas une raison pour relâcher complètement notre attention et le Gouvernement le sait, car au delà de l'augmentation des prix pour les consommateurs qui ne devrait pas être trop problématique si le marché du travail s'adapte suffisamment vite, l'inflation pénalise également les investissements publics qui fonctionnent sur la dette. En effet, si une inflation régulière permet d'avaler une dette déjà contractée, elle rend beaucoup plus problématique de s'endetter quand la valeur de la monnaie est basse, puisque ces taux faibles pour le moment remonteront dans le futur, faisant artificiellement augmenter le coût de la dette ce qui la rendra beaucoup plus difficile à rembourser d'ici quelques années. Donc le Gouvernement a intérêt à régler tout ça sans tarder, car à l'heure actuelle tous ses investissements lui coûtent plus chers que ce qu'ils ne valent réellement.
- Qu'est-ce qu'on dit ? Merci Pertti ! Allez à la semaine prochaine.