L’homme avance parmi le dédale de petites rues que représente le centre ville de Baar. Il est arrivé depuis quelques heures en Hylvetia. C’est un homme rondouillard, au teint des métèques, avec une barbe de trois jours. Il donne un air mal dégrossi, du type de celui qui n’a pas dormi depuis quelques jours. La fatigue se lit sur son visage. Il porte de petite lunette ronde sur un gros nez. Il jette des petits regards inquiets à droite et à gauche. Il traverse la rue et s’enfonce un peu plus dans le dédale de rue. Il porte avec lui une serviette de cuir noir. Sa main est fermement accrochée à cette dernière comme si, sa vie en dépendait et à raison, elle en dépend. L’homme finit après plusieurs minutes à trouver ce qu’il cherche. Un petit restaurant, le Kaisers Bier, l’homme pousse la porte du petit restaurant. Il balaye la salle de son regard. Un serveur s’approche de lui et lui demande poliment :
« - Monsieur, désir. »
L’homme répond en anglais avec un accent perse :
«- J’ai rendez vous avec un ami.
- Il vous attend dans la salle privée. Suivez-moi. »
Les deux hommes se dirigent vers le fond du restaurant. Le serveur ouvre une porte. Les deux entrent dans une petite salle. Dedans, une table avec une nappe blanche, deux chaises. Un homme, un hylvète à la forte carrure, à la coupe en brosse, hume un verre de vin. Son regard se porte sur les deux hommes qui viennent d’entrer dans la pièce. Il s’exclame :
« - Joshwa ! Il était temps. Laissez-nous, je vous prie.
Le serveur exécute une courbette et ferme la porte derrière l’étranger. L’homme tire la chaise et s’assoie face à l’hylvète. Il commence par se servir à un verre. Il boit une gorgée avant de dire :
- Putain, il est pas facile à trouver votre bouiboui.
- Je vous en prie, c’est un très bon restaurant et peu cher. On y mange bien et c’est endroit discret. Vous avez besoin de discrétion pour votre affaire.
L’homme acquisse. L’autre poursuit :
- Votre pays est partout dans les journaux. Votre maître vit ses dernières heures.
- Le Shah peut encore tenir. Il n’a pas abattu toutes ses cartes. Les rebelles ne savant pas à qui ils ont à faire.
- Je me suis toujours demandé pourquoi un juif travaillait pour le Shah. »
Le juif le regarde interloqué. Il se reprend :
« - Je vous demande pardon ?
- Enfin, pourquoi vous ?
- Parce que je suis un excellent comptable.
- Dieu que c’est cliché. Enfin bon, excusez ma curiosité, on se connait depuis quoi…. Quatre vingt seize et je n’ai jamais pu demander. Pardonnez ma curiosité. Qu’est ce qui vous amène cette fois ?
- Le Shah veut transférer la majorité de ses capitaux dans vos coffres.
L’autre relève un sourcil :
- Il a parlé de combien ?
- Un milliard en écu hylvète. »
L’autre manque de s’étouffer :
« - Un mi…mi…milliard !
- Oui. Cela vous pose t-il un problème ?
- Nullement, nous avons les capacités pour accueillir une pareille somme mais comment vous comptez faire passer un milliard en Hylvetia ?
- L’or est déjà là.
- Où ?
- A Port-Marie, un cargo est arrivé depuis Thadimis.
- Oh putain… vous nous prenez de court.
- Nous n’avions plus le choix.
-Où est l’or ?
- Stocker dans des conteneurs à Port-Marie, pour l’heure.
- L’accord va devoir être revu par nos amis communs.
- Le Shah payera le triple.
- Bien. Qui d’autre que nous est impliqué ?
- Personne d’autre n’est au courant.
- Tant mieux. Je vais appeler mon supérieur et nous allons organiser le transport jusqu’au coffre. Nous allons devoir être discret, une escorte attirait trop l’attention.
- Oui, je le crains.
- Le coffre est un peu loin de Port-Marie mais, en passant par l’autoroute jusqu’à B, cela devrait aller. Reste le problème de la douane. S’ils fouillent les conteneurs, on est mort.
- Cela ne devrait pas poser de problème. Officiellement, ce n’est qu’une simple cargaison d’épices varanyiennes.
- Bien. Nous agrions en conséquence. Portez vous bien, cher ami. Je vais régler nos problèmes. »
Le banquier sort et part à droite, téléphone à la main. Le serviteur du Shah sort et part rejoindre son hôtel. Aucun des deux n’a noté le 4*4 noir au bout de la rue. Le chauffeur a les deux sur le volant. Il se retourne vers son passager et demande :
« - Qu’est-ce que l’on fait ? On suit lequel ? »
L’autre arbore un grand sourire. Il ôte son casque et remet en place sa mèche blonde. Il réajuste son costume et sa cravate. Le conducteur continue :
« - Tu sais que je n’aime pas quand tu fais ça.
- Je sais, je sais. Mais pour l’heure, on en sait assez. On peut rentrer. On va envoyer une équipe retirer les micros. »
Il agite un petit boitier au nez de son compagnon.
« -Nous avons tout ce dont nous avons besoin. Le Ministre sera satisfait. »
Le 4*4 démarre et prend la direction de Ludendorff.