26/02/2015
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[PRESSE] Brèves de presse, pour une actualité toute en objectivité - Page 5

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Un regard plus léger sur l'Humanité



Les mœurs impériales listoniennes réveillent le dandysme aristocratique au Pharois Syndikaali

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Longtemps mise de côté au profit de la praticité et de l'austérité, l'ouverture pharoise au reste du monde et la prospérité du Syndikaali semble sonner le retour de la flamboyance vestimentaire chez les aventuriers et pirates albiens.


Bien malin qui aurait pu prévoir les influences de la culture listonienne sur le Syndikaali, désormais mélangée avec celles des Pharois des différentes régions. Si nul doute que les mélanges de populations auront des effets à moyen et long termes sur les mœurs du pays, l’un des plus immédiatement spectaculaire est l’évolution de la mode pharoise au cours des deux dernières années. Pour comprendre comment le style listonien a trouvé un terreau fertile à l’hybridation au Syndikaali, il nous faut prendre un peu de recul sur la place du vêtement au sein de la culture pharoise.

Anthropologues et sociologues le savent depuis longtemps, les textes, articles et ouvrages traitant de ce sujet sont nombreux : la mode est souvent au miroir d’une société. Analyser les évolutions du style vestimentaire d’un peuple permet d’en comprendre partiellement les transformations culturels et enjeux politiques avec lesquels ce dernier est en prises. Révolution sexuelle, émancipation du corps ou au contraire retour au puritanisme ou au traditionalisme, désir de se rapprocher de la nature ou de s’en émanciper, la mode traduit les problématiques d’une époque dont elle est le reflet indirect.

A ce titre, le « style » pharois ne fait pas exception et si une retrospective historique des derniers siècles serait assurément trop longue pour ces pages, il n’est pas inintéressant de revenir sur l’évolution de l’habillement au Syndikaali au cours des deux-cent-cinquante dernières années.


Dans une région aussi hostile et froide que le nord de la péninsule d’Albi, les vêtements ont d’abord répondu à des besoins strictement utilitaires. Si cela n’exclue pas les parures et les ornements, l’explosion géographique de la société pharoise, divisée en petites propriétés isolées les unes des autres a longtemps diminué l’utilité sociale de la distinction. De manière assez évidente, s’il n’y a pas besoin de se montrer aux autres, le style vestimentaire a peu d’importance, tout comme les formes de démonstrations ostentatoire de richesse.
Cette analyse trouve toutefois sa limite en ce qui concerne les capitaines et marchands. Soumis à une forte concurrence les uns vis-à-vis des autres, la beauté extérieur des navires et des tenues joue un rôle fondamental afin de se démarquer de la concurrence. Le modèle économique traditionnel pharois étant une multitude de propriétés foncières plus ou moins éloignées les unes des autres, reliées par le passage fréquents de navires de commerce assurant le transport des marchandises par voie de mer, on confie plus naturellement le fruit de son travail à un capitaine arborant des signes extérieurs de bonne fortune. Il faut ajouter à cela la superstition très ancrée au sein du territoire Pharois, un marin aillant l'air d'un miséreux renvoie comme message qu'il pourrait apporter avec lui le mauvais œil.

Cette dichotomie ente deux sociétés, l’une marquée par la sobriété, l’autre par l’étalage de sa fortune, a longtemps joué un rôle social de séparation entre le peuple de la mer – historiquement économiquement et militairement dominant – et celui de la terre, plus méprisable.

Pendant l’âge d’or de la piraterie pharoise, au XVIIème siècle, les parures des capitaines jouèrent un rôle particulièrement significatif, étant signe de succès économique. C’est aussi l’âge d’or des tenues de style « cocoq », très chatoyantes, brodées de fils d’or et d’argents, souvent ornées de pierres précieuses et de tissus d’importation étrangère, ou issus de rapines. Les capitaines et marins privilégient alors l’esthétique à la praticité, être entravé dans ses mouvements par une tenue complexe et onéreuse renvoie le message que l’on ne craint pas les mutineries et que l’on commande suffisamment d’hommes pour ne pas avoir à se battre seul.


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Flamboyantes jusqu'à l'absurde, les tenues n'ont vocation qu'à souligner l'aura de celui ou celle qui les porte. La peur ou l'étonnement qu'elles suscitent sont un facteur important au moment de la chasse d'un navire, l'équipage de ce-dernier préférant souvent se rendre plutôt que d'affronter des Pharois à l’aspect terrorisant.


Le style cocoq sera abandonné dès le début du XIXème siècle avec la montée en tension de la société albienne et les crises mettant à mal le pouvoir de la Couronne. L’ensemble de la péninsule entreprend de se militariser et les formations stratégiques en combat naval à plusieurs navires prennent le pas sur le romantisme individualiste des pirates. On privilégie dès lors l’efficacité en prévision d’un conflit de grande ampleur qui se déclare en 1829 avec la révolution albienne. Les marins préfèrent alors des tenues plus sobres, permettant de repérer rapidement le grade hiérarchique de la personne afin de faciliter la circulation des ordres et les manœuvres, y compris lorsque les instructions se prennent grâce à des longues-vues.

Un capitaine fiable est un capitaine austère, qui privilégie les actes et les succès sur le terrain plutôt que l’esbrouffe. La place importante prise par les idéologies socialistes et ouvriéristes infuse la sobriété de la terre vers la mer. Le peuple travailleur ne désir pas suivre au combat des flambeurs mais privilégient l’organisation collective et la démocratisation des organes décisionnaires.
Si les pirates n’ont pas disparu, le charme aventurier se voit progressivement remplacé par des questions plus prosaïques d’efficacité et d’égalité. Il devient alors mal vu de chercher à trop se démarquer ce qui, sauf à quelques exceptions, pousse les Pharois à harmoniser leurs tenues. Les fourrures, la laine et le tissu épais, capable de tenir chaud dans les mers du nord viennent remplacer les soieries et la dentelle. On parle alors « d’austérité martiale » dont l’influence se ressent tout au long de la République Pharoise.


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Dépourvu de fioritures, c'est la couleur du bonnet qui indique le grade de militaire de celui qui le porte. Ici un officier républicain.


C’est l’avènement du Syndikaali au cour de la deuxième moitié du XIXème siècle, qui verra le retour de la flamboyance avec la mise en avant des idées libertaires, anarchistes et individualistes. Indépendant de la Couronne et inspiré par le vitalisme révolutionnaire qui infuse depuis la Commune d’Albigärk, le pays se rend à l’évidence qu’il ne peut compter sur ses seules ressources terrestres pour prospérer. Le commerce du Détroit mais surtout la piraterie et la contrebande retrouvent leurs lettres de noblesse en venant irriguer de richesses exotiques le territoire pharois.

Reprenant certains des codes cocoq, c’est le dandysme qui fait son apparition, prenant à contre-pied l’austérité martiale en vogue depuis plusieurs décennies. L’échec de la République Pharoise et de ses ambitions égalitaires fait ressurgir le désir de se démarquer et se développe un véritable élitisme vestimentaire distinguant « ceux qui prospèrent » de « ceux qui restent à terre ». Les froufrous et la dentelle du cocoq ne reviennent toutefois pas à la mode, les pirates préférant les coupes cintrées, souvent androgynes, allant de paire avec un éloge de l’agilité et de la sveltesse. Le corps idéal pharois est celui du gymnaste, capable de sauter d’un pont à l’autre et de grimper dans les voiles ce qui convient aux tenues serrées et moulantes, mettant en valeur les muscles sans risques de s’accrocher aux cordages.


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Avant tout autre chose, le style se doit d’épouser le mouvement et cherche à jumeler la force masculine et l'agilité féminine dans une tendance de tenues androgynes.


Il est intéressant de constater qu’a contrario, une contre-culture se développe dans les centres urbains en pleine expansion avec la révolution industrielle. Ces-derniers restant néanmoins isolés les uns des autres, les styles sont localisés. On s’habille ainsi « à la mode d’Helmi », « à la mode de Kanavaportti » ou « à la mode de Pharot ». Ces styles ont toutefois comme point commun de marcher dans les pas d’Albigärk, parangon de la culture pharoise sur la terre et qui impulse les canons du bon goût dans le reste du Syndikaali.
Les styles dits « terrestres » se démarquent donc des styles « de la mer » dans une volonté d’affirmer la valeur du travail collectif au sein des corporatives et des phalanstères ouvriers. Moins chauds et imperméables que les tenues destinées aux marins, les vêtements terrestres dévoilent plus naturellement la peau au niveau des bras et des jambes, dans un contexte de révolution sexuelle précoce. L’accès aux richesse d’une grande partie des pharois grâce à la mutualisation des profits de l’industrie va avec une émancipation sociale grandissante et des revendications culturelles progressistes. Le libertinage, encore aujourd’hui associé au monde de la mer, trouve ses adeptes dans les grands centres urbains qui développent des quartiers portuaires pour accueillir les besoins de ces nouvelles mœurs.


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Utilisant des matières moins nobles, moins couteuses à laver mais également capable de supporter les températures de l'industrie lourde, les styles terrestres cherchent autant à être pratiques au quotidien qu'à magnifier le corps au travail.


C’est également une accélération de la mise en valeur des femmes comme rouage fondamental de l’économie. Alors même que toute la société tend progressivement à se détacher des mœurs conservatrices, reliquats du christianisme albien, au profit d’une sexualité plus libre et émancipée, le corps féminin se désexualise à mesure qu’il se dévoile, se révélant prioritairement comme un outil de travail. En fait, c’est la sexualisation masculine qui nivelle les tabous autour du corps féminin, ramenant les deux genres sur un terrain assez horizontal, chacun pouvant au même titre que l’autre devenir objet de désir. Si la révolution féministe est encore loin, la démocratisation des expériences bisexuelles transforment le regard masculin – et également celui des créateurs de mode – débarrassant les femmes du poids de leur érotisation, qu’il convenait jusque là d’exacerber ou au contraire de masquer.


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La mise en valeur de la peau va de paire avec la résurgence du tatouage, pratique religieuse longtemps associée à l’Église Abyssale qui revient à la mode comme parure esthétique.


Cette « belle époque » reçoit finalement un coup d’arrêt avec la prise d’Albigärk, véritable moteur culturel du Syndikaali qui se trouve amputé de son cœur révolutionnaire. La société est sous le choc et prend conscience de sa vulnérabilité. Un mouvement contre culturel réactionnaire se diffuse alors. De nombreux Pharois prônent un retour à des modes de vie plus traditionnels et la sobriété des tenues allant avec. C’est le début de la « mode grise » qui renoue avec le besoin d’efficacité et d’ordre de la population pharoise. C’est également le début de la Nouvelle Doctrine, un vaste plan stratégique et militaire d’aménagement du territoire visant à renforcer les positions du Syndikaali dans la région. Très rapidement, les excès vestimentaires sont mal vus, considérés comme un gâchis de ressources qui auraient pu être dédiées à la collectivité.

A l’image des grands travaux d’aménagements urbains qui valorisent les installations de style brutaliste et rationalistes en béton, la mode pharoise est aux couleurs ternes et naturelles, ne nécessitant pas de colorants et moins d’entretien. Les vêtements chauds et durables sont valorisés. Ce n’est pourtant pas la fin de la créativité stylistique, au contraire. Les couturiers du Syndikaali, largement encouragés par le gouvernement qui souhaite développer des pôles culturels pharois indépendants d’Albigärk, déploient rapidement des trésors d’intelligence pour répondre aux nouveaux enjeux du pays. Les tenues privilégient alors la praticité, poussée jusqu’au rang d’art. Un même manteau peut se déconstruire aisément afin de retirer des manches, des couches et de la fourrure, de sorte qu’il se suffit à lui-même quelle que soit la saison. On orne les habits avec des motifs en poches et les accessoires de type bandoulière deviennent très prisés. L’objectif est de faire de la tenue pharoise un modèle d’efficacité sans rien sacrifier à la diversité des formes et des patrons. On cherche également à permettre plusieurs tenues en une, en retournant les tissus ou en mixant différents éléments les uns aux autres afin d’offrir de la diversité vestimentaires en utilisant le moins d’étoffes possibles.

Cette créativité connaîtra un très grand succès, renouvelé par des timides tentatives d’apporter de la couleur et des ornements à mesure que la Nouvelle Doctrine offrait ses premiers succès économiques et politiques.


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Austère mais adaptée à la dureté du grand nord et de la navigation, la mode grise cherche à accompagner le corps du travailleur pour lui permettre une meilleur motricité dans l'effort et privilégie l’ergonomie de la tenue et l'utilité des accessoires à leur aspect esthétique. Cela n'empêche pas aux stylistes d'accorder un certain soin à l'harmonie de l'ensemble.


C’est toutefois l’ouverture du Syndikaali à la mondialisation, au début des années 2000, qui marque un nouveau tournant majeur pour la mode pharoise. Dopé par une croissance fulgurante grâce à l’accentuation des échanges dans le Détroit et une politique économique volontariste à l’étranger, les Pharois reprennent progressivement confiance dans le potentiel de leur nation. La Nouvelle Doctrine, qui a confirmé son efficacité, s’autorise désormais quelques débordements grâce aux renouveau des aventuriers Pharois partant à la conquête des mers. Le phénomène de piraterie et de contrebande s’accentue significativement, d’abord en mers du nord, puis dans le reste du monde, apportant dans la foulée son lot de figures charismatiques et de nouveaux riches aux caractères flambeurs. Un exemple caractéristique de ce phénomène étant certainement la démocratisation des animaux familiers exotiques tels que les perroquets et oiseaux chanteurs ramenés du Paltoterra à l’occasion d’expéditions pirates dans la régions.

Il faudra toutefois attendre le conflit pharo-listonien et l’indépendance d’Albigärk pour que cette tendance se concrétise radicalement. L’euphorie de la victoire, la relance du dynamisme culturel albien mais surtout l’influence des meurs aristocratiques listoniennes sont autant d’ingrédients favorisant le retour du style élitaire de la piraterie pharoise.
La culture de Listonie, quoiqu’elle n’ait pas eu le temps de complétement infuser en cinquante ans de colonisation d’Albigärk qui possédait déjà une culture locale très forte, a de quoi entrer en résonance avec le désir de distinction et d’émancipation par le vêtement resté en germe au sein de la société pharoise tout au long de la deuxième moitié du XXème siècle.

Habituée à l’autarcie culturelle depuis la chute de la Couronne d’Albi, s’il a pu être flamboyant le style Pharois n’en restait pas moins modeste, n’ayant jamais cherché à s’imposer hors des frontières culturelles de la péninsule. Une grande part de la culture du pays repose en effet sur son particularisme ce qui la vaccine contre toute volonté d’impérialisme culturel, de sorte que la confrontation avec des mœurs étrangères est un phénomène rare au cours de l’histoire de la région.
L’ouverture « forcée » aux Listoniens a donc eut l’effet d’un électrochoc pour les isolationnistes du Syndikaali, provoquant aussi bien un sentiment de rejet pour les plus xénophobes, que de stimulation esthétique.


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A gauche, aristocrate Listonien. A droite, pirate Pharois. Influence, singerie ou hybridation, l'aristocratie impériale déringardise le désir de distinction au sein de la société pharoise.


Il n’en fallait pas plus aux aventuriers Pharois pour décider de remettre au goût du jour leur tentation élitaire. La société listonienne étant marquée par la séparation entre la noblesse et les roturiers, les pirates du Syndikaali en ont repris les codes, initialement dans un soucis de paraitre respectables aux yeux d’une population habituée aux marques de prestige par le vêtement. La mode s’est ensuite répandue comme une traînée de poudre, entraînant dans son sillage un retour en fanfare de l’excentricité, d’autant plus flamboyant que les technologies modernes dans le domaine du textile et de la navigation font que les marins sont moins à la merci du climat et des éléments. Il devient plus aisé d’assumer des tenues vaporeuses ou légères lorsqu’on dispose d’une cabine chauffée.

Quoique la suprématie des capitaines soit aujourd’hui de l’histoire ancienne, à l’époque des armées de métier et des complexes militaro-industriels modernes, le souvenir de la distinction par le vêtement est encore vivace et tend à polariser le style des Pharois en deux.

D’un côté, un grand soucis de réalisation et d’individualisation de soi par sa tenue, celle-ci devenant un moyen d’expression de la personnalité et du vécu de la personne qui l’arbore. Bien que minoritaire, ce style qualifié d’aristo-individualisme trouve son succès au sein des milieux anarchistes et pirates, plus généralement libertaires, valorisant la diversité du genre humain et l’excentricité comme moteur et stimulation de l’intelligence et de l’imagination.
Soit, dans un mouvement contre culturel, la praticité et l’austérité restent le mot d’ordre, ces caractéristiques étant valorisées par une grande partie de la population héritière de la mode « grise » de la Nouvelle Doctrine. Une période chère aux Pharois, qui reste fondamentale dans leur imaginaire historique, un demi-siècle charnière entre humiliation militaire et rebond économique ayant fait du pays la deuxième puissance mondiale à l’aube du XXIème siècle.


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Entre austérité et flamboyance, comme souvent, plusieurs Pharois se font face et cohabitent.



Si on y regarde bien, la mode pharoise fonctionne donc historiquement comme un yo-yo tiraillée entre flamboyance et austérité selon que la population du Syndikaali se sent assez en confiance pour s’adonner aux excès, ou au contraire estime qu’elle doit se recentrer sur la rationalisation des maigres ressources dont elle dispose.
Aujourd’hui, la mode pharoise semble entrer progressivement dans un nouveau cycle, certainement influencée par les vagues migratoires qui touchent le Syndikaali et l’ouverture à la mondialisation et aux médias étrangers. La manière dont évoluera le style vestimentaire du pays reste donc un mystère, héritier de traditions encore vivaces et ouvert aux inspirations du monde extérieur, les prochaines années s’annoncent sans aucun doute d’une grande fertilité pour le monde de l’esthétique.
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Un regard plus léger sur l'Humanité



Et les Pharois se mirent à l’aviation

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Symbole d'émancipation et de liberté, la conquête du ciel devait un jour ou l'autre trouver le chemin du cœur des Pharois


Il n’est de bonne culture qui ne se transforme. En quatre ans l’aéronautique semble avoir réussie à gagner le cœur des Pharois. Il reste bien entendu quelques indécrottables du tout navire mais la jeune génération apparaît de moins en moins hostile à l’idée de voyager par les airs. Mieux : elle montre une appétence toute prononcée à l’idée de se professionnaliser vers ces métiers d’avenir. En témoigne le succès des offres de formation de pilotes, proposés grâce au partenariat noué avec le Reynaume Aumérinois, qui ne désemplissent pas à Albigärk.

Alors ? Un pays où la culture de la navigation côtière est si ancrée peut-il en quelques années faire sa mue ?

Il faut bien entendu nuancer le phénomène, on sait que le Syndikaali présente des niveaux d’inégalités assez élevés en particulier depuis le début du boom économique de 2004. Si l’aviation séduit indiscutablement les enfants des classes supérieures, la classe moyenne et ouvrière, elle, continue de parier sur le secteur naval. Il faut dire que les études sont longues et chères mais surtout que le secteur de l'aéronautique demeure, quoi qu'on en dise, encore une niche : principalement utilisé dans le domaine militaire et touristique, il est très loin d'être en mesure d'égaler les centaines de milliers d'emplois qu'on trouve dans le commerce et le transport maritime et fluvial.

Toutefois certaines transformations de paradigmes assez radicaux auront contre toute attente permis de changer l’état d’esprit de la population. On se souvient en 2006 lors du lancement du projet de rattrapage technologique en aéronautique militaire que le texte avait soulevé des nombreuses levées de bouclier, venus logiquement de la droite conservatrice et traditionnelle mais également de la gauche libertaire qui voyait dans le développement de la surveillance par les airs la fin de l’équilibre des pouvoirs entre l’armée et l’Etat d’un côté et la piraterie de l’autre. Si ces deux univers ont longtemps travaillé de manière symbiotique, une part conséquente du matériel militaire se retrouvant entre les mains de particuliers en bout de course, la manœuvre est plus complexe pour les avions de guerre qui sont de fait l’apanage d’une armée de métier seulement.
Certains s’inquiétaient donc légitimement de voir, par le biais des airs, l’Etat récupérer progressivement le monopole de la violence.

Des craintes pas complètement apaisées mais qui n’auront pas réussies à convaincre la population puisque devant les derniers succès de l’aviation, désormais capable d’égaler voire de dépasser celle de l’Alguarena, quasi 80% des Pharois estiment qu’il s’agissait d’un « investissement nécessaire. »
Plus rare encore : 72% d’entre-eux trouvent qu’il s’agit d’une bonne utilisation de leurs impôts. Dans un pays traditionnellement très hostile à la taxation, ce chiffre est loin d’être négligeable.

Une tendance sur laquelle certains n’ont pas tardé à surfer. L’Alliance Septentrionale exalte depuis quelques temps l’avenir de la piraterie qui s’annonce, combinant puissance navale et aéronautique dans une symbiose parfaite. Son chef de fil, le Citoyen Jalmari, a d’ailleurs posé récemment aux côtés d’un des dernier modèles de chasseur-bombardiers en cours de conception.
Du côté du Parti du Progrès on met évidement en avant la sagesse de leur décision, rappelant que c’est la coalition libérale qui avait à l’époque pris la décision d’initier un rattrapage en se rapprochant de l’Aumérine.

En fait, seul le Parti des flots et la Fédération Anarchiste continuent de réclamer l’abandon du projet, s’attirant pour cette dernière un procès médiatique pour anti progrès.

Il faut dire que face aux discours alarmistes, plusieurs événements récents ont achevé de retourner l’opinion en faveur de l’aviation.
La crise du Prodnov est la dernière en date où si la marine pharoise dominait les mers, le Syndikaali s’est retrouvé assez démuni dans les airs, allant jusqu’à volontairement choisir de laisser ses chasseurs à terre pour éviter d’engager un front intenable, quitte à l’abandonner aux forces de l’ONC.

Mais plus discrètement, c’est le développement de l’industrie de pointe et du rail avec elle qui ont permis de doucement relativiser l’importance des voies maritimes.
Si celles-ci restent le poumon économique du Syndikaali en ce qui concerne le commerce extérieur, l’augmentation drastique des échanges à l’intérieur du territoire Pharois ont rapidement commencé à souffrir du manque d’infrastructures adaptées. Les marais et la déshérence du système de routes dans les terres sont un obstacle certain pour le développement économique du pays.

Or de plus en plus de Pharois travaillent désormais dans ces nouveaux secteurs, en particulier les jeunes, ce qui leur fait prendre conscience du retard accumulé et de l’impossibilité à moyen termes de continuer à se reposer massivement sur le transport naval. Bien que les infrastructures portuaires soient d’excellente qualité, la navigation reste un moyen de transport long et nécessitant beaucoup d’intermédiaires.

Le train pour le transport de marchandises et l’avion pour le transport des personnes semblent beaucoup plus indiqués et face à cette réalité pratique, les vieilles traditions pèsent peu.

De manière plus générale, c’est toute une génération qui en quatre ans a triplé son niveau de vie, l’ascenseur social fonctionne à plein régime et un Pharois de 25 ans peut être dix fois plus riche que ses parents au même âge à condition de se former dans les secteurs stratégiques, ce que le Syndikaali encourage largement.
Il y a donc un profond changement de paradigme qui s’opère au sein même de la population, balayant les idées reçues qu’on croyait pourtant bien ancrées. Des enfants nés en 1985 et qu’on avait préparé à se destiner à une vie de marin se retrouvent aujourd’hui par un coup du sort de leur orientation des cadres supérieurs dans la haute technologie, la finance ou l’informatique. Tout devient donc possible pour ces générations qui ont assisté en direct et participé pour certaines au triomphe du nouveau modèle économique pharois.

Enfin, et c’est sans doute la note la plus incertaine de notre constat, on voit depuis peu un retour timide du nationalisme chez les plus jeunes Pharois. La multiplication des conflits internationaux et les succès politiques et économiques du Syndikaali contribuent à accentuer le sentiment que quelque chose est en train de se jouer et qu’il devient nécessaire de transformer l’essai.
La vieille conscience d’être politiquement sur la corde raide, héritée des précaires républiques pirates menacées de toutes parts et qui avait façonné l’humilité du Syndikaali et des Pharois face à leurs voisins semble bien se retourner pour donner naissance à des ambitions nouvelles.

Complexe d’infériorité ou de supériorité, le Pharois oscille et tandis qu’il se dessine progressivement comme une puissance incontournable en Eurysie, de plus en plus nombreux sont ceux qui s’autorisent à rêver plus grand. Il faut dire que la rhétorique qui avait prévalu ces derniers siècles et sur laquelle s’était construit une partie de l’esprit national est à double tranchant : puisque le Pharois est condamné à vivre en marge du monde, il doit soit s’y faire discret, soit s’imposer par la force.

La discrétion, qui était au cœur de la Nouvelle Doctrine et insistait sur l’importance de ne pas étendre le poids politique et économique du Syndikaali hors de sa zone d’influence semble désormais de l’histoire ancienne.
Bien sûr, nombreux sont ceux qui s’attachent encore à cette idée mais dans les faits il semble de plus en plus admis que les Pharois ne se cantonneront pas aux mers du nord et déjà la capacité de projection offerte par l’Empire Listonien à ouvert des portes qui ne se refermeront plus, du moins pas sans violence.

Dans ce contexte, le développement très rapide de l’aviation semble cristalliser en un seul point tous les enjeux de ce changement de paradigme : la Nouvelle Doctrine qui pariait sur la supériorité navale ne suffit plus et grâce à la voie des airs, le Syndikaali s’ouvre à de nouveaux horizons. Le monde est désormais accessible, pour le meilleur et pour le pire.

Ce changement charrie naturellement son lot d’angoisse et d’espoir et si la plupart des Pharois jouissent simplement de ces nouvelles opportunités économiques et de l’enrichissant rapide du pays, d’autres estiment que le Syndikaali doit désormais assumer son poids et ne plus se contenter d’adopter une position prudente et humble face au reste du monde.
Plusieurs stratégies s’affrontent cependant : de celle du Parti Communiste Pharois qui souhaite voir le Syndikaali devenir avec le Grand Kah la tête de pont du socialisme mondial, jusqu’aux ultra nationalistes de la Meremme et du Cœur dAlbi qui souhaite la réunification de la Péninsule sous la coupe de Pharot, en passant par les adeptes de la geste pirate de l’Alliance Septentrionale, bellicistes et aventureux qui veulent voir le pays déployer tout son potentiel quitte à se brûler les ailes, les programmes ne manquent pas.

Dans cette cacophonie, les libéraux du Parti du Progrès et la droite du Parti Populaire pourraient bien jouer la carte de la modération et se rapprocher programmatiquement pour esquisser les contours d’une nouvelle coalition. Le Parti Pirate, la troisième force politique pharoise, se fait quant à lui plus discret, mélangeant la chèvre et le chou. Pour l’heure l’extension de l’influence du Syndikaali fait assurément ses affaires mais celle-ci demeure précaire et la tentation d’un pouvoir fort pour défendre les intérêts commerciaux des Pharois et de leurs alliés face aux nationalismes régionaux à son charme.

Derrière la question de l’aviation pharoise, c’est un nouvel équilibre régional et mondial qui semble pointer son nez. Alors que le rattrapage technologique touche à son but et que le Syndikaali tutoie désormais la première puissance mondiale d’un point de vue scientifique, l’extension du complexe militaro-industriel et les tensions politiques divers mettent les Pharois au pied du mur. Alors que l’économie et la politique sont des dynamiques de longue haleine, la précipitation fut-elle désagréable devient nécessaire quand le monde s’accélère soudainement. Le Syndikaali devra bientôt faire un choix et les élections qui se profilent d’ici un an et demi pourraient bien impulser des projets encore inimaginables quelques années au paravant.
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Un journal pour les gouverner tous.




La grande réforme de la garde-côtière passe grâce aux votes du Parti Pirate et du Parti Communiste

« Par ce texte, nous mettons fin à l'arbitraire de l'Etat » annonce la députée Kielo.
« Plus personne n'est en sécurité à présent » dénonce la coalition des droites.
« Ils changeront d'avis quand ils se feront enculer dans les ruelles » déclare le ministre Kaapo.



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Au Syndikaali, les doctrines de maintien de l'ordre n'ont cessé de s’adoucir depuis plusieurs décennies, sous l'impulsion des milieux libertaires.


Héritière du programme politique du Capitaine Nooa, chef du Parti Pirate, la loi sur la réforme de la garde-côtière a été validée hier soir devant les deux chambres.

Le fruit d'un débat houleux
Bien que légèrement passé sous silence en raison de l’actualité internationale, les commentateurs étrangers qui prennent le temps de s’intéresser à la politique intérieure pharoise n’auront pas manqué de relever le titanesque débat qui anime depuis plusieurs mois les deux chambres – et les cafés du commerce. Sobrement intitulé « réforme de la garde-côtière, pour une garde-côtière strictement réactive » le projet a été porté par la députée Kielo et c’est peu de dire qu’il fait des émules.

Principalement soutenu par les factions anarchistes et libertaire, la loi s’est vu opposer une levée de boucliers venue de la droite et des libéraux, farouchement hostiles aux ambitions portées par le texte. Il aura fallu plusieurs amendements et compromis passés avec le Parti Communiste Pharois pour rassembler suffisamment d’élus afin de faire voter la loi.

Mais pourquoi la réforme des garde-côtes (équivalent de la police hors du Pharois) pose-t-elle à ce point question ? C’est qu’il s’agit d’un nouveau coup de butoir porté à l’exécutif par le législatif. Désarmer l’Etat est le maître mot des pirates qui voient dans tous les outils de contrôle entre les mains du gouvernement un péril existentiel pour les libertés civiles. Connu pour sa législation très permissive – avec toutefois la subtilité que les règles en mer et sur terre ne sont pas les mêmes – on pourrait se demander en quoi le Pharois Syndikaali a-t-il besoin de renforcer son Etat de droit ? Un angle d’attaque tout choisi pour l’opposition au projet de loi qui n’a cessé de dénoncer un « extrémisme libertaire » et le « laxisme terroriste » de ses tenants. « Plonger les Pharois dans la peur en généralisant la criminalité », un moyen pour le Parti Pirate d’imposer ses vus et de contenter son électorat composé « majoritairement de racaille » ? C’est en ces termes que le député Aadolf (Parti Populaire) a choisi d’entamer son discours devant la chambre concitoyenne. Un débat qui n’aura donc pas été mené sur des bases paisibles, c'est le moins qu’on puisse dire

Alors qu’y a-t-il dans ce texte ?

Un point, central, cristallise tout l’enjeu de cette réforme : la garde-côtière doit-elle être proactive ou réactive ?
Pour nos lecteurs les moins familiers de cette nuance, précisons la.

Une garde-côtière proactive est une garde-côtière qui prend des initiatives afin de prévenir des crimes avant qu’ils ne se produisent. Prenons l’exemple classique d’un contrôle d’identité. La personne contrôlée n’a – a priori – rien à se reprocher, elle n’est pas en flagrant délit, et, puisque le contrôle est censé être juste et impartial, rien ne permet de distinguer une personne contrôlée d’une autre. En d’autres termes, le contrôle d’identité peut s’appliquer à n’importe qui au quotidien.
Quel est le but d’un contrôle d’identité ? Il en existe deux : le premier, officiel, est de vérifier si la personne contrôlée est en règle avec la loi, et capable de présenter ses papiers. On vérifie si elle ne se trouve pas illégalement sur le territoire mais comme rien ne peut le laisser penser, les garde-côtes présupposent donc qu’un crime pourrait être en train d’être commis – la non-autorisation d’être sur le territoire – mais cela sans preuves.
La deuxième fonction du contrôle d’identité est plus officieuse : elle est un prétexte au maintien de l’ordre social. Prétexter un contrôle d’identité permet d’obliger un individu à cesser momentanément ses activités, l’isoler, lui poser des questions, fouiller éventuellement ses affaires, et cela hors du cadre d’une garde-à-vue. C’est un outil répressif, au même titre qu’un coup de matraque.

Le point important pour comprendre les enjeux autours de la notion de garde-côtière proactive, c’est que celle-ci agit sans preuves. Elle agit préventivement. « Au cas où ». Ou dans l’optique d’étouffer dans l’œuf une situation qui pourrait dégénérer ou aboutir, in fine, à de la criminalité. Le conditionnel est important.
Outre que la combat préventif du crime pose question par principe, les méthodes employées, elles, vont parfois à l’encontre du bloc de constitutionalité pharoise. Une faille que n’ont pas manqué de souligner les députés du Parti Pirate, en effet, plusieurs enquêtes menées par les départements de sociologie d’Albigärk indiquent que les contrôles d’identité se font la plupart du temps au faciès, ou sur des critères de discrimination injustifiables au regard du principe d’égalité entre les êtres humains. Ainsi, les Francisquiens seraient particulièrement visés, ainsi que les Listoniens. Il faut dire que ces deux populations ont composé les vagues migratoires massives les plus récentes dans l’histoire du Syndikaali, et que malgré une relativement bonne intégration à la société pharoise, des préjugés subsistent en raison des conflits ayant opposés nos nations respectives. Ces discriminations, indique l’étude albienne, sont souvent justifiées par un supposé manque de culture démocratique de la part des ressortissants Francisquiens et Listoniens, ayant grandi dans des régimes autoritaires, et qui contraste avec les mœurs libertaires pharoises.

Ainsi, puisqu’il n’est pas possible pour les garde-côtes de garder un œil sur toute la population, faute de moyens légaux et d’effectifs humains, les actions préventives en arrivent à cibler des populations, des quartiers, des moments spécifiques, sur la base de préjugés ou d’une doctrine de maintien de l’ordre orientée. Un maire pourrait ainsi s’appuyer sur ses forces de police pour influer, hors du cadre de l’Etat de droit, sur la répression de certains comportements qu’il jugera arbitrairement inappropriés, plutôt que sur d’autres.

En quoi la doctrine réactive s’oppose-t-elle alors à la doctrine proactive ?
Comme son nom l’indique, la police réactive se contente de réagir au crime. Elle est informée d’un problème et se rend alors sur place pour le régler. En somme, elle ne présuppose pas le crime mais se contente d’y remédier une fois que celui-ci est constaté.
Le principe pourrait ainsi être formulé « mieux vaut guérir que prévenir », ce qui peut sembler quelque peu contre-intuitif mais a été défendu par la députée Kielo comme « le seul moyen de garantir le respect des libertés individuelles ». Certes la garde-côtière perd alors en efficacité puisqu’il devient assumé qu’elle aura toujours un coup de retard sur les criminels, mais il s’agit du prix à payer pour une société libre.

« Un faux prétexte » pour la droite qui y voit « une manœuvre pour laisser les mains libres à la faction pirate ». Il faut dire que le Parti Pirate est souvent – non sans raison, l’ont prouvé certaines enquêtes – taxé de complaisance voire d’association avec certains milieux criminels pharois et internationaux. Faut-il alors voir dans ce projet de loi une manœuvre du PP pour contenter sa base ? « Peut-être », concèdent avec franchise certains députés du drapeau noir, « mais tout le monde fait ça, et le débat a le mérite de soulever des questions intéressantes ».

Le projet de loi vise en effet à criminaliser toutes doctrines de maintien de l’ordre proactive, jugées comme une atteinte aux droits de l’homme. « Une boîte de pandore » pour la députée Kielo : « Si nous autorisons les garde-côtes, sur simple intuition, à enquêter sur des citoyens innocents, alors nous nous retrouverons dans quelques années à légitimer les caméras de surveillance « préventive » directement chez les gens, comme dans 1996 ! » conclue-t-elle en citant le célèbre roman dystopique de Gary Orwill.

Si le débat qui a opposé le Parti Pirate avec le Parti du Progrès et une coalition des droites, vent debout contre le texte, a fait tant d’émules, c’est parce qu’aucune des deux positions n’est réellement satisfaisante.

D’un côté, il est incontestable que les doctrines proactives posent des problèmes de respect de l’Etat de droit en abandonnant les garde-côtes dans une zone juridiquement floue, où il leur est constamment nécessaire d’arbitrer entre la protection des citoyens et le fait de piétiner certains de leurs droits. En vérité, pour en revenir à l’exemple des contrôles d’identité, même si les problèmes de discrimination au faciès ne se posaient plus, il n’en demeurerait pas moins qu’au nom de la sécurité de tous, on légitimerait un pouvoir arbitrairement exercé sur les individus. Si le contrôle d’identité semble être relativement bénin – et encore – la pente est assurément glissante et la tentation est grande d’avoir recours aux caméras de surveillance, au fichage électronique, à l’écoute des conversations privées et autres joyeusetés heureusement encore aujourd’hui interdites au Syndikaali.
Un problème également soulevé est qu’à l’occasion, la doctrine proactive cause en réalité le crime qu’elle entend contrôler. On se souvient par exemple de cet automobiliste tué par balle par les garde-côtes en essayant de fuir un contrôle de police. Non seulement l’automobiliste est mort, mais il aurait pu blesser les garde-côtes, ou en accélérant dans sa fuite tuer un passant. Ce cas extrême est révélateur des limites de la proactivités qui, pour prévenir d’un crime bénin – être illégalement présent sur un territoire – met en danger la vie de plusieurs personnes.

A l’inverse, la doctrine réactive désarme indiscutablement le pouvoir exécutif. Il est tout aussi bien possible de dénoncer une pente glissante inverse : au nom du respect du droit des individus, doit-on s’interdire d’exercer sur eux toute coercition, y compris si celle-ci se fait au nom de la démocratie ? Qu’en est-il par exemple des services secrets ? Ou anti-terroristes ? Ceux-ci doivent, par principe, se montrer intrusifs, et des risques lourds pèsent sur le pays qui devient régulièrement le théâtre de conflits armés entre équipages pirates concurrents. La question des services secrets a été particulièrement compliquée à trancher, et une épine dans le pieds du Parti Pirate au moment de faire voter son texte. En effet, malgré m’attachement très fort des Pharois aux libertés individuelles (attachement confirmé dans une dernière enquête OpinionQuestion où plus de 87% des personnes interrogées se déclaraient hostiles à l’idée de sacrifier des libertés pour leur sécurité), il n’en reste pas moins que les Pharois ont également une forte conscience des menaces dont leur pays est la cible.
En fait, l’idée d’avoir au-dessus de la tête une sorte d’épée de Damoclès fait partie inhérente de l’imaginaire politique pharois, dont la république pirate s’est bâtie sans alliés, dans l’adversité, et s’appuie sur un modèle politique et économique extrêmement marginal à l’international. Dans un tel contexte, le recours au renseignement extérieur ET intérieur est perçu comme une nécessité de la realpolitique pour défendre « la base arrière » autre nom donné au Syndikaali.

Alors ? Quelles conclusions pour ce débat ?
Comme souvent au Syndikaali, la résolution se trouve dans le compromis entre les différentes factions. C’est un accord passé avec le Parti Communiste Pharois qui a permis d’obtenir le nombre de députés suffisant pour faire voter le texte de loi.
Celui-ci a toutefois été amandé sur plusieurs points.

Le cœur reste le même : la doctrine proactive est désormais illégale, ce qui va entraîner une refondation profonde des méthodes de la garde-côtière. Les méthodes d’enquête ou de contrôle intrusives ne sont plus autorisées sans justification et un mandat de l’autorité judiciaire affiliée.

En revanche, nuances exigées par les communistes, la marine reste soumise à des lois d’exceptions (les services secrets de la C.A.R.P.E. en font également partie). De plus, plusieurs coupes ont été faites dans l’outillage répressif des grèves et manifestations, notamment le désarmement des compagnie de maintien de l’ordre qui n’auront l’autorisation de n’utiliser que des armes de catégorie 1 (boucliers, gants de boxe, etc.). Enfin, et c’est un changement important, des garanties ont été trouvées pour les situations d’occupation, interdisant l’intervention des garde-côtes pour déloger par la force des ouvriers ou étudiants ayant pris le contrôle de leur lieu de travail.

Des amendements qui font bondir la droite, dénonçant « une union de gauchistes idéalistes ». Plus modéré, sans doute pour ne pas froisser ses potentiels alliés, le Parti du Progrès s’est contenté de déplorer un texte jugé « trop radical pour le bien des Pharois » et une « institutionnalisation du laxisme ».

Reste que la loi est belle et bien votée, seul l’avenir nous dira si ses applications donneront ou non des résultats significatifs.
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Un journal pour les gouverner tous.




Conflit entre le Syndikaali et Albigärk : les sciences sociales en question

Ransu Rasanen convoqué par le ministre de la Mer, de la pêche et des côtes
Plusieurs syndicats étudiants appellent au blocage des universités
« La cécité n’est pas un mot tabou » pour le Parti Pirate



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En faisant un trop libre usage des données du gouvernement pharois, l'Albigärk Yleisyliopisto et son Président, Ransu Rasanen, ont-ils violé les traités passés avec le Syndikaali ?


L'usage des données personnelles des Pharois est très réglementé par la loi. Si certaines sont fournies aux chercheurs, ces-derniers n'ont pas l'autorisation d'en faire un usage commercial ou de les mobiliser dans le cadre de prestation de conseils pour des politiques publiques ou privées.

C’est une situation qui prêterait certainement à quelques haussement de sourcils dans la plupart des pays du monde mais le gouvernement Pharois vient de convoquer le président de l’Université Générale d’Albigärk (l’institution réunissant les vingt grandes universités de la Commune) pour lui poser plusieurs questions relatives à l'usage des données personnelles dans la pratique des sciences sociales par ses laboratoires de recherche. En cause : une pratique illégale de la statistique, ou du moins une diffusion trop libre des données au grand public et aux médias. Des chiffres honteux ? Une réalité censurée ? Rien de tout ça, il s’agit en vérité de l’application de la loi constitutionnelle pharoise sur l’usage des statistiques dans le cadre de politiques publiques et privées. Explications.

La notion de « nation libertaire » peut sembler un peu vague pour celui qui, se contentant de voyager au Syndikaali et en particulier dans ses ports libres, n’y verra en définitive qu’un banal pays libéral, détaxé et soucieux des droits individuels. La nuance apparaît cependant lorsqu’on se penche sur la réalité de l’organisation sociale et des lois qui la structurent et la protège. La base de la philosophie politique moderne du Syndikaali est en effet le contractualisme, soit l’idée que chaque citoyen passe un contrat avec la société, dont il s’engage à respecter les lois, en retour de quoi celle-ci protège ses droits et lui offre les moyens de son épanouissement personnel.

Cette conception de la société place donc l’individu au cœur de la politique publique. Contrairement à des nationalismes qui subordonnent l’individu au collectif, le Syndikaali fait du respect des droits de ses citoyens une priorité, avec pour finalité leur émancipation, c’est-à-dire l’élargissement de leur autonomie pour reposer de moins en moins sur l’effort collectif. Pour le dire plus facilement, si dans la plupart des pays l’individu sert le collectif, au Syndikaali le collectif sert l’individu. Cette conception finalement assez banale de l’organisation sociale, et théoriquement partagée avec un grand nombre de nation libérale, s’illustre par la radicalité des efforts déployés pour faire respecter ces principes.

Nous avions déjà par le passé consacré un article aux différences entre la société lofotène et la société pharoise. Nous écrivions ceci :

« Si l’on pourrait s’attendre à ce que des démocraties libérales se rapprochent naturellement l’une de l’autre, il semble que certaines différences soient jugées indépassables des deux côtés. Le Lofoten affiche ainsi un anti-communisme autoritaire, faisant pencher le pays naturellement vers la droite. Capitaliste de connivence, son modèle économique relativement inégalitaire et reposant sur le mythe méritocratique pousse ses citoyens, moins à une émancipation parfois un peu trop hors-sol et mal définie comme au Syndikaali, qu’à l’intégration sur le marché du travail, perçue comme la réalisation et l'aboutissement finale du destin individuel. La marché comme forme flexible de la société est considéré comme un espace d'expression où l'individu peut se performer dans le cadre de lois et de règles optimales théorisées par les économistes et les philosophes du contrat social. Une mécanique de société radicalement efficace d'un point de vue économique et largement en faveur du secteur privé, compensée par un volet social dont l’objectif est ici d’assurer le renouvellement des forces vives du capital humain pour les entreprises et leur bien être pour préserver la paix sociale.

Le Syndikaali a de son côté un rapport inversé à l’émancipation puisque l’Etat comme le marché ne sont pas des finalités mais des outils au service des citoyens. De fait ces deux institutions peuvent être tordues et exploitées sans que cela ne vienne heurter les tenants de l’orthodoxie économique. L’individu est central au Pharois Syndikaali, ainsi toute la puissance collective doit lui servir de carburant, et c’est sans doute cela qui est perçu de manière très abusive par nos amis d’outre-Esperance comme du proto-communisme. A tort ou à raison, les règles économiques n’ont rien de sacré au Syndikaali et ne consistent pas comme au Lofoten en une loi d'airain du contrat social. Le marché est un outil dont le citoyen peut se saisir s’il le souhaite, ou le subvertir s’il en éprouve la nécessité. Le contrat social pharois repose sur l’idée que quelle que soit la décision prise, le Syndikaali soutiendra ou du moins ne cherchera pas à l’entraver. »

Nous n’en renions pas un mot, mais cet exemple nous permet d’illustrer les spécificités de la société pharoise en comparaison avec une société néo-libérale classique.


Les promesses libérales face à leurs contradictions et au spectre du néo-libéralisme.

Libéralisme, néo-libéralisme, ces concepts sont peut-être un peu flous pour nos lecteurs. Tâchons de les présenter rapidement.

Le libéralisme est une idéologie apparue dans ses premières formes avec la Renaissance et l’enrichissement des classes bourgeoises au détriment de la noblesse féodale. Ces classes bourgeoises, commerçantes, deviennent en quelque siècle le principal moteur économique des premiers Etats-nations en voie de modernisation. Un statut qui ne s’accompagne pas de la reconnaissance politique attendue puisque les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire demeurent majoritairement entre les mains de la noblesse, pourtant de plus en plus désargentée. Cette noblesse se maintient au pouvoir grâce aux taxes et au monopole de la violence qu’elle exerce sur ses sujets. Naît alors l’idée qu’une économie débarrassée des taxes et plus généralement gérée par ceux qui la font vivre, à savoir les bourgeois et marchands, serait bien plus efficace que le système féodal en voit de sclérose.
Pour étayer cette idée, la science économique élaborera un certain nombre de théories dites « classiques » cherchant à établir la valeur des biens produits et la manière de maximiser cette valeur. Si des théories classiques naîtront les théories marxistes et socialistes, c’est principalement le modèle du marché pur et parfait qui s’imposera tout au long du XIXème et XXème siècle, moyennant quelques expérimentations pratiques débouchant sur des famines et un taux de mortalité spectaculaire au sein des classes ouvrières.
Le modèle du marché pur et parfait repose sur un certain nombre de postulats dont le plus important est celui de la rationalité de l’individu. L’individu rationnel sait, ou est le plus en mesure de savoir, ce qui est bon pour lui et agit donc en conséquence. Il déploie des stratégies de court, moyen et long termes, pèse ses choix et prendra toujours la meilleure décision possible. Nul autre que lui n’est mieux qualifié pour décider de sa vie et de ses préférences à sa place, et certainement pas l’Etat.
C’est donc, en théorie, un modèle fondamentalement individualiste, dans le sens où l’individu est l’alpha et l’oméga de la société. Société qui, dans sa conception la plus radicale, n’est qu’une illusion, il n’existerait en vérité qu’une addition d’individualités rationnelles qu’il s’agit de faire harmonieusement coexister. Cette conception radicalement anti-Etat est alors qualifiée d’anarcho-libéralisme ou libertarianisme et ne doit pas être confondue avec le modèle libertaire du Syndikaali.

Qu’en est-il maintenant du modèle néo-libéral ? Soyons clair : le libéralisme est un échec. La science économique est unanime là-dessus, quand bien même le marché pur et parfait fonctionnerait les conditions de sa mise en place sont irréalisables. Pire : l’individu n’est pas si rationnel que cela, du moins pas dans la définition première du modèle.
Pour pallier ces faiblesses théoriques qui rendent le libéralisme inapplicable politiquement, une nouvelle théorie voit le jour, moins scientifique mais de fait plus réaliste : le néo-libéralisme. En quelques mots, ce-dernier assume que les marchés ne sont pas efficients par eux-mêmes et tendent à se dérégler en raison des biais humains et des aléas sociaux. L’Etat n’est alors plus vu comme un ennemi du marché mais au contraire son garant. L’Etat doit maintenir les lois du marché, les seules lois efficientes, face aux tendances régulationistes, planificatrices et socialistes des citoyens. Le marché doit être préservé, y compris par l’usage de la violence vis-à-vis des populations ou en bafouant les règles de la démocratie.
Il est d’ailleurs assez éloquent que ce modèle économique ait été testé dans des nations hostiles à la démocratie, telle que la Principauté de Carnavale, ou dans des démocraties défaillantes comme les Îles Fédérées de l’Alguarena et plus récemment le Pontarbello, dont le gouvernement terroriste s’est empressé de faire des appels du pieds aux grands groupes internationaux pour qui les droits de l’homme et les libertés individuelles sont un obstacle aux profits.

On comprend alors mieux comme une théorie politique et économique libérale, centrée sur l’individu et ses droits, est progressivement devenue une théorie politique et économique centrée sur l’Etat et le marché, des entités suprahumaines et coercitives. Il n’est alors plus questions de faire respecter les droits des populations mais d’imposer un mode de production jugé le plus efficace par les dirigeants.


Le modèle libertaire Pharois : alternative radicale aux autoritarismes

Dans un tel contexte de dérive politique, la devise du Syndikaali résonne étrangement avec l’histoire : « Nous illuminerons ». Une maxime certes un peu ronflante et peu usitée par les derniers gouvernements de gauche, mais qui, au-delà de la référence aux tours à feu qui ponctuent la côte pharoise, rappelle les ambitions premières de la République pirate : maintenir dans la tourmente des valeurs et un cap auquel on ne déroge pas. Telle est la prétention pharoise qui peut surprendre au regard de l’opportunisme, plusieurs fois dénoncé dans ces colonnes, dont ont pu faire preuve les différents gouvernements du Syndikaali. Demeure que certains principes ne souffrent pas de compromissions – pas tant du fait de la probité des élus que parce que le bloc de constitutionalité est assez ferme sur certains sujets – et que le pacte pharois n’est pas encore un complet mot creux.

Tandis que libéraux, nationalistes et communistes retombent irrémédiablement dans le piège de l’Etat centralisateur, le Syndikaali nage à contre-courant. Moins d’Etat, toujours moins d’Etat. « L’Etat, on ira le chercher jusque dans les chiottes » dira même le Capitaine Antonii, premier capitaine du Parti Pirate lors d’un débat à l’Assemblée Concitoyenne face aux élus du Parti Communiste Pharois. Et de fait, les dernières réformes, qu’elles touchent aux droits de la police, à la gestion des frontières où à la régulation économique vont toutes dans le sens de donner plus libertés et plus d’autonomie aux citoyens, quitte à prendre le risque d’une perte de pouvoir du régalien. Une situation qui n’est pas pour déplaire à la majeure partie du corps électoral qui place les factions pirates, anarchistes, libertaires, communistes et libéraux radicales régulièrement en tête des élections.

Face au tout État, le Syndikaali choisit donc au contraire de toujours plus relâcher la bride et de donner les moyens à la société de s’auto-gérer. Une conception de l’ordre sociale qui implique la destruction de tous les monopoles, y compris ceux de la violence, en acceptant par exemple de confier la sécurité aux comités de quartiers, associations de protection des citoyens et plus généralement au vigilantisme. Mais cette dérégulation générale s’applique de fait également aux plus précaires qui se voient offrir les moyens de leur émancipation et de la résistance. Ainsi dans la plupart des nations ayant adoptée un modèle néo-libérale, les grandes entreprises sont reines, entraînants d’immenses inégalités, une mauvaise répartition des richesses et du travail, et l’écrasement de la classe laborieuse. Au Syndikaali en revanche les travailleurs possèdent véritablement les outils de résistance : les syndicats sont par exemple littéralement armés et les lois libertaires de non-intervention policière et de non-répression des mouvements sociaux rendent très concret le risque des occupations d’usines et des grèves musclées. Les associations de défense des consommateurs possèdent également un très grand poids politique et économique, en témoigne leurs grands nombres d’adhérents et les financements privés qu'elles perçoivent de la part de coopératives soucieuses d'être fournies en matériaux et produits de bonne qualité.

Une situation qui a progressivement poussé à la mort des entreprises par capitalisation au profit des organisations de travailleurs, phalanstères et coopératives, ces dernières étant favorisées par une très faible taxation. Et de fait, l’Etat ne gère pas grand-chose, hormis le secteur de la santé. En confiant les services du quotidien au privé et à l’autogestion, le Syndikaali a l’une des dépenses publiques les plus ridiculement faible du monde ce qui lui permet d’accumuler une masse monétaire conséquente et d’investir ponctuellement dans des grands projets jugés stratégiques, dans des politiques de redistribution, ou dans des investissements à l'étranger. Il n’empêche que cette absence d’Etat n’est pas sans poser certains problèmes à commencer par les grandes inégalités régionales dont continue de souffrir le Syndikaali, et ses difficultés à organiser les infrastructures du pays à échelle nationale.

Ce n’est sans doute pas un hasard si le Syndikaali peine tant à développer un réseau routier ou de voies ferrées : outre l’héritage des navigateurs qui a longtemps préféré le fret maritime à la route, il y a aussi l’impossibilité matérielle du gouvernement pharois à coordonner ses investissements dans plusieurs régions pour certaines très autonomes et ayant déjà leur propre organisation locale, adaptée aux besoins de leurs habitants.

En d’autres termes, en tant que puissance publique le Syndikaali se lie les mains. La nation n’a pas le sens qu’on lui prête ailleurs, elle n’est que l’émanation du contractualisme pharois, du pacte passé par sa population. Un système qui fait ses preuves, bien qu’il n’utilise pas les outils classiques de l’Etat gestionnaire, centralisateur ou autoritaire pour organiser le corps social et maintenir la paix civile. Le Syndikaali a fait le choix d’un modèle violent mais libre, où la population n’attend pas de l’Etat qu’il vienne s’occuper de ses affaires, hormis sur quelques secteurs précis tel que l’armée – et encore – la santé ou la géostratégie qui reste l’affaire des deux Chambres parlementaires.


Statistiques et sciences sociales : outils maudits de l’Etat

On comprend désormais un peu mieux la méfiance des pouvoirs publics, émanation du corps électoral d’obédience libertaire, vis-à-vis des statistiques et sciences sociales. Le paradoxe est sans doute que depuis plusieurs années, le gouvernement s’est plus d’une fois appuyé sur l’expertise des savants d’Albigärk pour mener l’action de l’Etat. Certes, mais pas n’importe comment, rappellent les constitutionalistes. Et si les sciences sociales peuvent être mobilisées comme un outil de combat ou de défense vis-à-vis d’agressions extérieures ou pour mieux comprendre la complexité du monde, elles n’en sont pas moins une lame à double tranchant susceptible de se retourner un jour contre la société pharoise.

Nos lecteurs étrangers l’ignorent peut-être mais la majeure partie des données chiffrées traditionnellement produites par les pays modernes sont au Syndikaali soient confidentielles, soit carrément illégales. Le PIB, par exemple, n’est pas du tout un chiffre délivré par des institutions officielles, mais au mieux une estimation très contestable réalisée par des chercheurs indépendants.
Il en va de même pour la comptabilité nationale. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le budget du gouvernement ne respecte pas du tout les fameuses lois de l’équilibre comptable pourtant en vigueur dans la plupart des économies capitalistes, pour la simple et bonne raison que ces chiffres n’existent pas.

Comment est-ce possible de fonctionner ainsi ? Il y a une sorte de boîte noire, l’argent qui entre et sort du Syndikaali passe par des circuits opaques et globalement indéchiffrables, y compris par le gouvernement lui-même. Une situation qui a conduit à qualifier le Pharois, à une certaine époque, d’Etat blanchisseur, puisque nombreuses sont les multinationales à posséder au moins une succursale dans les ports-libres où se perdent de vue les flux de liquidités, la bonne santé de l’économie pharoise assurant aux autres nations la fiabilité des chiffres de sortie.

Inflation ? Taux d’intérêt ? Il faudrait consacrer plusieurs ouvrages pour expliquer en détail le fonctionnement (supposé) de l’économie pharoise. Toujours est-il qu’on comprend désormais mieux comment et pourquoi les statistiques d’Albigärk menacent indirectement l’organisation du Syndikaali. Pour le gouvernement c’est l’évidence, ébrécher la boîte noire pourrait menacer l’un des facteurs fondamentaux de la prospérité économique pharoise. Vis-à-vis de la population, c’est la tradition anti-autoritaire qui est convoquée. Empêcher l’Etat de « voir » sa population, c’est également l’empêcher de la contrôler. Il y a une politique de cécité volontaire imposée par la Constitution pharoise qui empêche le gouvernement d’avoir recours à la plupart des formes de statistiques pour gérer le pays.
Résultat, pas de démographie, pas de statistiques ethniques, la productivité demeure dans le flou et la plupart des règles comptables ne s’appliquent pas. Un moyen de remettre le monopole de la connaissance empirique entre les mains des acteurs de la société. L’efficacité d’une institution se mesure alors à la satisfaction des citoyens concernés, moins qu’à des projections chiffrées un peu hors sol. Le risque est bien entendu de manquer de hauteur de vue mais cela force la société à se maintenir à échelle humaine. D’où l’organisation politique territoriale extrêmement fragmentée et décentralisée. Les communautés et groupes s’autogèrent selon leurs besoins réels et pas selon des considérations nationales ou théoriques décrétées par l’Etat.

En affaiblissant volontairement voire niant l’échelle macropolitique, le Syndikaali se donne les moyens d’une politique d’individualisme réel. Mais cela passe avant toute chose par le désarmement des outils d’analyse, de compréhension et de mesure macroscopiques.

C’est une prérequis absolument nécessaire pour préserver la société et les gens réels de l’aveuglement du pouvoir étatique. Pour le dire plus simplement, une politique publique basée sur des chiffres, des estimations, ne voit pas le pays réel. Elle ne peut pas comprendre les transformations, parfois profondes ou douloureuses, qu’amènent ses réformes. Les études d’impacte sont très mauvaises et souvent idéologiquement orientées pour mesurer les effets réels des politiques publiques. Si l’on veut prendre le postulat libéral radicalement, il faut toujours partir du principe que les individus sont les plus capables de savoir ce qui est bon pour eux et donc que des transformations sociales ne peuvent et ne doivent se mener qu’à échelle individuelle. L’enjeu est alors de placer suffisamment de pouvoir à cette échelle pour lui permettre de transformer la société en cas de besoin. La souveraineté populaire n’est ainsi plus un vain mot, elle se réalise concrètement par le marché, certes, mais surtout par l’autogestion et la pratique politique, c’est-à-dire la concertation.


Cécité volontaire : au risque de se rendre aveugle aux problèmes de la société ?

C’est effectivement un danger qui a été réfléchi des les premiers jours du Syndikaali. A désarmer l’Etat, ne sommes nous pas en train de nous rendre particulièrement vulnérables ? Et de fait, le Syndikaali l’a été. Sa première politique de libéralisation militaire grâce à l’usage d’équipages privés, de mercenaires et de pactes pirates s’est révélé un échec face à la Listonie. Également, pendant ses premières décennies d’existence, le Syndikaali est demeuré la nation la plus pauvre de la péninsule albienne, alors même qu’elle était paradoxalement la plus vaste en termes de superficie, et pouvait s’appuyer sur l’héritage des infrastructures royales d’Albi dans la région de la Langue.

Ce n’est que grâce à la Nouvelle Doctrine en 1950 et un demi-siècle plus tard en 2004, par l’ouverture du pays au commerce mondiale, que cette décentralisation radicale a commencé à payer. En se rendant infiniment plus flexible et moins étatisé que ses voisins, le Syndikaali a produit l’un des boum économique les plus spectaculaires du monde. L’alliance d’une société autogérée et des grands investissements publics ponctuels a permis un équilibre qui se pose aujourd’hui en contre-modèle radical des sociétés néo-libérales ou socialistes tentées de plus en plus par le tout sécuritaire et un renforcement du pouvoir de l’Etat.

Plusieurs associations de défense des droits ont pu cependant pointer du doigt de graves défaillances de la société pharoise, au regard des normes morales d’autres nations parfois voisines. Ainsi contrairement à la plupart des pays, le Syndikaali n’est pas apaisé. Les escarmouches sont fréquentes, les conflits se règlent parfois de manière sanglante et seule la dichotomie terre/mer permet de préserver la paix civile en déplaçant les excès de tous types au large. Alcoolisme, agressivité, luxure et tout autres vices sont tolérés de manière plus ou moins tacite une fois en mer, au point que certaines lois mentionnent précisément leurs différentes applications selon l’emplacement où le « délits » a été commis. Ainsi un citoyen pharois pourra être condamné pour coups et blessures s’il blesse quelqu’un sur la terre ferme, mais sera complétement blanchi si les coups ont été portés à plus de cent mètres des côtes.

Mais ce modèle ne règle pas tout, loin de là. Des cas de discrimination passent ainsi au rang de simples faits divers puisque assez peu documentés hormis par les associations qui choisissent de s’y intéresser. Exemple plus récent : le mutisme dont a fait preuve le gouvernement pharois vis-à-vis des dérives autoritaires de Porto Mundo, pourtant l’un de ses ports-libres. Dépossédé de véritables outils pour être maître chez lui, l’Etat pharois en est souvent réduit à se reposer sur la bonne volonté de sa population pour régler des problèmes face auxquels il se retrouve démuni. Un constat au goût un peu amer, que vient illustrer une célèbre phrase prononcée par le Capitaine Heikki l’ours zazou, lors d’un discours télévisé :

« Les libertaires ont le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres. »
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Un regard plus léger sur l'Humanité



« Pharois n’oublie pas qui est ton roi »
Le slogan royaliste, même tourné à la dérision, suscite les crispations

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La belle albienne et le triton pharois


C’est un mauvais souvenir et une blague de mauvais goût, des internautes ont récemment rapporté sur les réseaux sociaux la photographie d’un graffiti sur les murs d’Albigärk la bétonnée, évoquant un ancien slogan royaliste assorti de la tête du chien Nemo II. Détournement des images, plaisanterie innocente mais qui ressuscite des points de crispation historiques qu’on croyait enfouis depuis plusieurs décennies. Il faut dire que le timing n’est pas excellent alors le Syndikaali a récemment haussé le ton face à l’utilisation un peu trop libre des données personnelles de sa population par la Commune d’Albigärk, et que plusieurs syndicats étudiants ont appelé en retour au blocage des universités albienne pour protester contre la convocation de Ransu Rasanen, directeur de l’Albigärk Yleisyliopisto, par le ministre de la Mer Pharois.

Au-delà des questions de recherche, l’emploi du célèbre slogan royaliste albien n’est effectivement pas complétement anodin au regard de l’histoire du Syndikaali et de son ancienne capitale : la Commune d’Albigärk. Surtout, il révèle que certaines plaies et rancœurs, parfois trop rapidement mises sous le tapis par les commentateurs politiques, restent encore vives pourvu qu’on les chatouille un peu trop.

Pour donner un peu de contexte « Pharois, souviens toi qui est ton roi ! » est une phrase historique prononcée en 1689 par Eliio Ier après avoir réduit l’insurrection des chaluteurs, un groupe de pêcheurs d’origines pharoises s’étant soulevés contre la Couronne d’Albi. Cette phrase sera par la suite réutilisée à plusieurs reprises par les souverains de la péninsule comme un avertissement contre les révoltes de la côte nord, et plus généralement comme hymne de guerre lorsqu’il était nécessaire de mâter ces populations. Entre menace et sentence, elle s’est plusieurs fois assortie de massacres et répressions sanglantes, cristallisant alors l’expression la plus dure de la domination albienne sur les Pharois.
Le slogan sera par ailleurs convoqué lors de la guerre civile de 1830 par le grand amiral de la flotte royale et les partisans de la Couronne, puis, tout au long du XIXème siècle, il deviendra un cri de ralliement pour les tenants de la réunification albienne et divers factions royalistes de la côte sud.

En 2009, le parlement finnevaltai est frappé par une attaque terroriste organisée par des royalistes albiens, rappelant que s’ils sont devenus marginaux, ces-derniers n’en ont pas pour autant disparu.

« Pharois souviens toi qui est ton roi » est donc une phrase assez lourde d’histoire, qu’on l’utilise sur un ton ironique ou non, et a de quoi provoquer la crispation des factions les plus nationalistes du Syndikaali. Il faut dire que si Albigärk ne pèse désormais qu’un quinzième du poids économique de son géant voisin, et lui est totalement dépendante d’un point de vue énergétique et agricole, le complexe d’infériorité pharois demeure malgré tout vis-à-vis de son ancienne capitale.

Ville des arts, des savants, de la culture, du débat politique, philosophique et de l’innovation, Albigärk et la civilisation albienne ont bien longtemps éclipsé la côte nord, plus industrieuse et austère, aussi bien du point de vue de ses mœurs que de son histoire. Des siècles de domination politique des Albiens sur les autres peuples de la péninsule ont laissé des marques dans la mémoire, mais aussi dans le territoire. La côte nord et la région de la Langue sont encore aujourd’hui bien plus riches de patrimoine, notamment architectural, mais également en termes de production artistique et culturel.
Ce n’est que depuis cinq ans et l’essor économique extrêmement rapide du Syndikaali que ce-dernier peut se permettre de tutoyer son ancienne capitale, notamment sur le plan scientifique, et en particulier depuis qu’Albigärk lui doit son indépendance. Reste qu’on ne se débarrasse pas en quelques années d’un passé vieux de plusieurs siècles et la culture albienne demeure dans l’imaginaire collectif une figure ambiguë vis-à-vis des autres peuples de la péninsule. A la fois tyrans et dominateurs, mais aussi parangon d’une civilisation ayant atteint son apogée au cours des XVème, XVIème et XVIIème siècles, la grandeur passée de la Couronne d’Albi est un héritage dont on ne peut se revendiquer qu’à moitié, et que les politiques hésitent encore à mobiliser tant il peut être clivant.

Encore aujourd’hui ces souvenirs marquent le tissu de la société pharoise, dont les minorités Albiennes sont surreprésentées dans les milieux de la culture, des lettres et de la science. Une appétence et des cercles de cooptations qui facilitent encore aujourd’hui un entre-soi marqué par certains préjugés ethniques.

Faute de réel distinction physique entre les Albiens et les autres peuples péninsulaires, l’accent cristallise la distinction sociale en devenant un objet de fascinations et de tensions. Les sonorités albiennes, issues du sud du pays, sont tour à tour perçues comme une marque de snobisme, de mépris, ou au contraire de raffinement et d’intelligence. Jugé « grâcieux » par les Pharois du nord, ces-derniers sont également nombreux à trouver que leur façon de parler fait « un peu plouc » en comparaison de celle des Albiens. Des représentations épilinguistiques héritées de l’histoire commune de ces deux peuples et qui tendent à s’effacer avec la montée en hégémonie des mœurs pharoises au Syndikaali, mais dont on retrouve des traces notamment dans les médias, les milieux culturels ou dans certaines représentations un peu stéréotypées. Gommer les déclinaisons liquides de l’accent pharois pour adopter les tonalités plus pointues du phrasé albien est vu comme un moyen de faciliter son élévation sociale et marque son désir d’appartenir à la bonne société, au point qu’on demande encore à certains journalistes qui souhaitent faire carrière de procéder à un « lissage » de leur manière de parler s’ils veulent présenter l’actualité à une heure de grande écoute. De manière générale, plusieurs enquêtes ont montré que s’exprimer « à l’albienne » pouvait ouvrir certaines portes, étant perçu comme un gage de sérieux et de fiabilité.

Un héritage qui se retrouve aussi dans la mode, où les plus grands couturiers sont quasiment tous Albiens, là où les Pharois préféreront des tenues plus pratiques ou baroques. La gastronomie également n’échappe pas aux stéréotypes, la nourriture pharoise, très poissonneuse, a la réputation d’être insipide ou grossière en comparaison des plats du sud, si bien que les « restaurants albiens » sont souvent plus chers et plus raffinés.

Une grande part de ces représentations sont en vérité assez factices puisque les deux cultures se sont largement mélangées et influencées réciproquement durant plusieurs siècles où la péninsule fut unifiée. N’en demeure pas moins que le complexe d’infériorité pharois – parfois qualifié d’humilité culturelle – est réel. Petit pays froid et peu peuplé, marqué par l’immigration et une culture tournée vers la mer, laissant peu de traces hormis des traditions orales et des mœurs atypiques, les Pharois ont toujours considéré leur mode de vie comme trop atypique pour être viable ailleurs que chez eux. La domination culturelle albienne est un phénomène bien réel et encouragé y compris par les Pharois eux-mêmes, pour un certain nombre d’entre eux heureux de « se civiliser » au contact de leurs voisins du sud.
Encore aujourd’hui les spécificités de la culture pharoise sont assez rarement présentées comme un motif de fierté, hormis par les tenants de la geste pirate qui sont également lucide sur le caractère morbide de cette-dernière. Tournés vers les autres, vers l’ailleurs, les Pharois peinent à se réconcilier avec eux-mêmes alors même que leur modèle semble paradoxalement faire ses preuves à l’aube du XXIème siècle, faisant de l’est de la péninsule la première zone économique mondiale.

Une humilité, une timidité injustifiée au regard de certains, et qui pourrait de fait susciter des réactions épidermiques si l’on venait à la provoquer.
Si pendant des centaines d’années les Albiens ont incarné la culture dominante de la péninsule, le poids politique, militaire et économique pris par le Syndikaali fait que ce-dernier n’a plus à rougir de ce qu’il est. Une révolution culturelle aux effets imprévisibles à moyen termes, chez une population dont l’imaginaire entier s’est forgé pendant des siècles autour de son influence négligeable..
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Un regard plus léger sur l'Humanité



Syndikaali profond : entre archaïsme et ultra-modernité
Et si ces campagnes austères étaient un terreau d'innovation pour le géant technologique ?

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Deux adolescents Pharois jouant sur un éclairage mobile


A trop se concentrer sur les grandes mégalopoles industrielles et commerçantes du Détroit et de la côte nord, on en oublierait presque les territoires plus isolés du Syndikaali qui peinent parfois injustement à apparaître sur nos cartes grossières. Landes stériles et falaises rocheuses, marécages sauvages ou plaines enneigées, le territoire pharois est fidèle à sa réputation qui lui valut des siècles d’exil de son peuple, parti à la recherche de paysages plus hospitaliers. Paradoxe s’il en est, c’est sans doute la faible attractivité de ses sols qui épargna longtemps aux Pharois la conquête de leurs voisins et tourna résolument ce peuple vers la mer, l’intérieur des terres n’ayant rien d’autre à offrir que disette et moustiques.

Mais si seuls les amateurs d’austérité et de mélancolie romantique réussiront à trouver leur compte dans ces paysages apocalyptiquement gris, le Syndikaali pourra également surprendre quelques amateurs d'urbex et de surprises lors de leurs randonnées sauvages. Moucheté de ruines et d’habitations isolées, la côte pharoise fut riche de communautés de pêcheurs avant que la révolution industrielle ne concentre ses forces vives dans les grands centres urbains. Aujourd’hui encore subsistent à l’abri des regards les phalanstères, fermes fortifiées et surtout les grands phares, pour un bon nombre en décrépitude, qui donnèrent au pays son véritable nom, injustement méconnu : la Libre Association des Propriétaires de Phares et de Filets d’Eurysie Septentrionale.

Alliance des gardiens de tours à feu et des flottes de pêches privées, le territoire pharois s’est construit dans l’isolement des populations les unes aux autres, arqueboutées sur leurs pans de falaises, derrière fortins et murailles, prêts à résister aux attaques fréquentes des pirates. Si certains préférèrent se reculer un peu dans la campagne pour ne pas être visibles depuis la côte, la visibilité est la raison d’être des phares et face aux dangers de l’océan du nord les pharois passèrent les vingt derniers siècles à ponctuer leur territoire de fortifications.

Aujourd’hui obsolètes, et pour partie abandonnées, on retrouve leurs vestiges au gré de promenades ou, longeant la côte par la mer, le spectre de quelques bâtiments lugubres se détache parfois au sommet des rocheuses, souvenir d’une époque achevée.

Tous les Pharois n’ont cependant pas quitté leurs campagnes et les passions individualistes bien ancrées dans le cœur, des milliers d’hommes et de femmes occupent encore cet arrière-pays où l’on manque parfois même d’une route, où entre une forêt de pins sombres et une tourbière les Pharois ne sont reliés au monde que par leurs navires qu’ils mènent sur l’océan plusieurs fois le mois pour aller faire leurs courses à la ville la plus proche. Des navires... et des antennes radios.

Des petites maisons posées au milieu de rien, dont on peine parfois à comprendre d’où leurs viennent leurs revenus, des hameaux pour parties désertés et d’autres au contraire étonnement dynamiques, communautés de travail, familles élargies qui attirent parfois quelques ricanements en consanguinité, des ateliers historiques où l’on va se former auprès d’un vieil artisan, une usine obsolète devenue résidence d’artistes. Et d’autres choses. Un théâtre au milieu d’une forêt. Une barraque en bois à côté de laquelle se dresse une immense tour radio. Un laboratoire du gouvernement perdu dans les marécages. Un parc d’attraction datant du XIXème siècle.

Parce qu’il est froid et vide, le territoire pharois attire les anomalies et stimule l’imaginaire. Pas seulement métaphoriquement, d’ailleurs, nombreux sont ceux qui s’y retirent pour fuir la civilisation ou simplement pour profiter de la beauté austère de ses étendues silencieuses. Tout le monde n’aspire pas à la chaleur des pays du sud et dans cette campagne sauvage, rigoureuse, des tempéraments solitaires et des communautés autogestionnaires ont planté leurs drapeaux noirs.


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Si l’on croisera dans le Pharois profond des trappeurs et survivalistes décidés à faire sécession de toute civilisation, il est toutefois plus courant d’y observer un étrange mélange de tradition et de modernité, selon la formule consacrée. Moins que de tradition à vrai dire, il s’agit de modes de vies volontairement ascétiques, dépouillés, et pourtant bizarrement connectés et avant-gardistes.

En marchant dans les landes du Syndikaali, je me suis surpris à y découvrir des univers atypiques et isolés, mais pourtant d’une modernité à faire pâlir d'envie nombre de technophiles. Il faut dire que la faible population pharoise l’a dès le départ poussé dans les bras d’une course scientifique à la valeur ajoutée. En quelques années, le Syndikaali est passé d’une petite nation ouvrière et centrée sur la pêche et le commerce à une industrie à l’avant-garde de la technologie.

Aujourd’hui les estimations estiment la productivité par habitant à environ 130 000 par tête, ce qui fait du Syndikaali le pays le plus productif du monde. La raison en est simple : l’extrême connexion des Pharois avec les nouvelles technologies. Certains y ont vu les effets positifs du modèle autogestionnaire, il est en tout cas indéniable que le Syndikaali a fait la démonstration de capacités d’adaptation et de modernisation record.

Des effets qui se ressentent bien évidemment dans les grands centres urbains où les buildings poussent comme des champignons et où les grands travaux d’aménagement du territoire cristallisent la richesse du Pharois, mais c’est aussi à la campagne où la technologisation du Syndikaali est palpable. Dans ces grands territoires isolés se dressent aujourd’hui les éoliennes qui permettent aux communautés de survivre en autonomie. Les domaines privés ont vendu quelques mètres carrés de champs aux compagnies de télécoms pour y installer leurs antennes relais, quand ce n’est pas au gouvernement pour y mettre des radars.

Ici, ce qui était autrefois une chaumière se transforme en location de data center pour les particuliers et sur les côtes où ne se dressaient hier que les tours à feu, des installations étranges servent de postes de recherche pour l’étude de la faune et de la flore marine, où sur la qualité de l’eau de mer.

Sur une plage de galets, un long bâtiment aux allures de hangar cultive en fait des micro-algues et ce phalanstère qui hier encore tricotait la laine s’est reconverti en service de piratage informatique à l’international. Même bâtiments, mêmes communautés, mais leurs activités ont changé avec le temps, sous l’impulsion de l’impérieux marché dans lequel les Pharois se glissent si naturellement, habitués à saisir toutes les opportunités qui viennent passer sous leurs nez.

Société de commerçants, société de pirates, de boutiquiers, donne des résultats hors des sentiers battus et si le Syndikaali continue de tirer le gros de sa richesse de la route du nord, le pays se spécialise également dans les nouvelles technologie. L’avantage massif de se trouver au carrefour de deux océans est que l’importation est aisée et bon marché. Le Syndikaali peut se permettre de ne produire que ce qui lui rapporte, et délègue l’extraction de matières premières ou l’agriculture à ses voisins. Il faut dire qu’en étant l’unique acteur du marché Lutharovien et ses cent-quarante millions d’habitants, le Pharois tire cyniquement profit d’une manne laborieuse très bon marché.
Mais d’autres partenariats sont moins immoraux, ainsi la République Autonome de Priyscillia fournit depuis peu les étales du Syndikaali en légumes et en fruit, quand le Canta et le Banairah pourvoient à ses immenses besoins en pétrole. Les champs de la péninsule albienne sont également une béquille précieuse à la terre stérile du Pharois qui maintient sa balance commerciale à l’équilibre en compensant ses exportations dans les nouvelles technologies par l’importation de nourritures exotiques et de spiritueux de luxe.

Le Pharois, comme à son habitude, applique et pousse la logique libérale à son paroxysme : division du travail, spécialisation différenciée, économies d’échelle. Le Pharois, c’est sa force comme sa faiblesse, a trouvé sa place dans un écosystème économique dont il est le maillon le plus avancé et par extension celui qui s’enrichit le plus. Cela vaut pour sa chaîne d’approvisionnement, cela vaut aussi pour les financements qui irriguent son économie. Ce serait pêcher par naïveté que de prétendre ignorer que les ports-libres attirent, grâce à une fiscalité opaque et une comptabilité brumeuse, les profits des entreprises peu scrupuleuses.

Cette division de l’effort se retrouve également dans l’économie intérieure du pays : grandes métropoles et petites communautés cohabitent dans le silence de leur mépris réciproque. Reste que le Syndikaali tient tout autant sur ses banques d’affaires et son complexe industriel gargantuesque que sur le petit tissu de coopératives à tailles humaines, de collectivités locales dont l’utilité ne se mesure pas à leur chiffre d’affaires. Cela tombe bien, le Pharois accordent peu d’importance à la réalité comptable.
Ces entreprises, ces travailleurs forment la pointe, l’avant-garde innovante et débrouillarde, affranchie des lois et des règles, perdue au milieu des forêts, perfusée sur le vitalisme du tissu économique pharois où les financements circulent sans presque jamais s’arrêter, où les entreprises étrangères injectent leurs liquidités un peu n'importe où, pourvues qu'elles en ressortent blanchies à la sortie, l’innovation technologique bat son plein. Il y a de l’argent pour acheter du matériel, de l’argent pour se former, s’éduquer, s’intéresser et du temps.

Société autogestionnaire, société habituée à la débrouille, société habituée à friser avec l’illégalité, société pharoise. Le regard que je pose aujourd’hui sur ces campagnes à mi-chemin entre le dénuement et la science-fiction m’évoque désormais moins les lieux reculés et coupés du monde qu’ils étaient il y a encore quelques années, mais bien le fer de lance d’une économie d'avant-garde, obstinée à se faire à échelle humaine.

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Un journal pour les gouverner tous.




Diffusion des machines à UV : le moral remonte au Syndikaali

Le directeur de Lastenkoti témoigne des effets positifs de la thérapie solaire
Les milieux autonomistes dénoncent « l'ingérence de l'Etat dans le moral des Pharois »
Des effets bénéfiques sur la santé physique et mentale espérés par le secteur de la Santé publique



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Déjà expérimentée dans les îles du nord et à Majakka, l'exposition régulière aux rayons UV pourrait marquer un tournant technologique et historique majeur dans l'apprivoisement du territoire pharois


Territoire austère et sujet aux intempéris, les Pharois ont longtemps subis leur positionnement géographique.

Le Pharois n’a jamais été un pays morose et affichait même des scores de bonheur assez élevés depuis plusieurs années, en raison notamment des perspectives économiques florissantes, de la place que prend le pays dans le système international, mais aussi de la culture autogestionnaire et des réseaux de solidarité accessibles assez naturellement pour tout un chacun. Le tout sans parler d'un substrat culturel relativement bonhomme, selon l'avis des anthropologues s'étant penché sur notre pays.

Reste que malgré ces chiffres, le taux de dépression et de suicide reste paradoxalement haut. La faute au climat austère, le manque d’ensoleillement à proximité du cercle polaire, et une météo capricieuse pour un temps significativement plus couvert que chez ses voisins.

Comme nul ne saurait s’affranchir de la chaire, les Pharois ne sont pas immunisés aux effets délétères de la pluie et des nuages responsables de carences en vitamine D et des tendances aux idées noires en raison de la faible luminosité. Un problème indépendant de la volonté humaine dont le seul remède est longtemps resté l’exil vers des contrées plus vertes et ensoleillées. Du moins jusqu’à ces derniers temps.

Fort de l’enrichissement rapide et continu du pays depuis plusieurs années, le gouvernement capitalise les revenus tirés de la richesse nationale en grands projets destinés à transformer en profondeur la structure du Syndikaali. Pas une mince affaire sachant l’attachement pharois aux initiatives privées, mais qui se réalise grâce à des commandes avec l’argent du budget de l’Etat et des campagnes d’investissement public à destination des collectivités locales, pour vanter les bénéfices de telle ou telle réforme.

Mettre en place des communs reste difficile, aussi ces projets se réalisent-ils en général dans des offres de service, d’infrastructures ou des réformes d’harmonisations interterritoriales, études d’impact, prévisions de croissance et promesses de bénéfices à la main.

La dernière en date : la mise en place d’un service national d’accès aux rayons UV pour l’ensemble de la population. Une initiative restée marginale et cantonnée à certaines régions du cercle polaire jusque-là, que le gouvernement souhaite généraliser en finançant à hauteur de 50% de l’apport initial de capital les coopératives qui souhaiteraient s’engager dans ce projet.

L’objectif : fournir à l’ensemble de la sphère pharoise (Albigärk comprise soit environ 18 millions de personnes) un accès au solarium tous les six mois. Il s’agit d’une mesure de santé public qui, passée le coup d’installation initial, devrait à termes permettre au Syndikaali de faire des économies sur le budget de la sécurité sociale, le seul secteur entièrement nationalisé à ce jour rappelons-le.

Une façon de faire de la prévention des maladies, pour le gouvernement, et donc de diminuer les dépenses publiques de santé en confiant une partie du travail au privé. Une idée qui devrait donc plaire autant aux tenants d’une certaine austérité budgétaire qu’à ceux qui souhaitent faire de la santé des Pharois une priorité nationale.


Initiative controversée, mais qui a déjà donné des résultats ?

L’expérimentation avait déjà été mise en place dans certaines régions ciblées, les îles du nord et la ville de Majakka sur la côte sud. Les résultats semblent tout à fait satisfaisants, montrant une baisse de certaines maladies d’environs 10 à 15%, un renforcement des défenses immunitaires et des effets – plus durs à estimer – sur le moral des volontaires.
De quoi fournir au marché les garanties suffisantes pour se lancer dans un tel projet.

Comme souvent avec les Pharois, celui-ci ne fait pas complétement l’unanimité et certains groupes autonomistes radicaux ont déjà dénoncé « la tentative du gouvernement pour agir sur le psyché de la population ». Leur principale crainte : bouleverser l'ordre social en injectant massivement du bonheur dans la société pharoise, ce qui pourrait entrainer une reconfiguration politique et la disparition de pratiques et de modes de vies traditionnelles, imposés par le climat depuis des millénaires. Une accusation un peu surprenante sur des questions de santé publiques mais qui se voit justifiée par les libertariens, opposés de principe à toute initiative de l’Etat, comme du côté des accélérationistes anarchistes.

« Nous rendre chimiquement plus heureux, même avec des UV, c’est repousser d’autant l’arrivée de la Révolution. Le gouvernement se sait aux abois, le système qu’il défend est à bout de souffle et il espère masquer ses échecs en jouant sur le moral de la population pour ensuite dire ‘regardez, les Pharois sont plus heureux’ mais c’est artificiel, et nous ne sommes pas dupes. »
La critique reste cependant marginale, et cantonnée à des petites communautés survivalistes ou autogestionnaires qui ne sont de toute façon pas le cœur de cible des coopératives privées. Il y a fort à penser que les premiers déploiements de ces initiatives se feront plutôt dans les grandes villes où un centre d’UV touchera un maximum de population afin de réaliser rapidement des économies d’échelle.

Du côté des îles du nord, on salue une initiative « qui s’est fait attendre ». Le directeur de l’orphelinat Lastenkoti, situé au-delà du cercle polaire et déjà équipé d’un centre UV, a témoigné l’effet « spectaculairement positif » qu’ont eu les thérapies solaires pour les enfants.

« Lastenkoti est une vieille institution et pendant des siècles nous nous sommes contenté de penser que le climat hostile et le faible ensoleillement de l’île renforceraient le mental des pensionnaires. Nous savons aujourd’hui que c’est une idée fausse, archaïque et proche de la maltraitance. Le manque de lumière impacte le moral, la santé et même la croissance des enfants dans les cas les plus extrêmes. J’ai pu constater par moi-même à quel point l’exposition aux rayons UV, une fois par mois, dans les moments le plus sombres de l’hiver, a eu un effet positif sur les enfants et le personnel de manière général. »
A tel point qu’à l’époque, il avait fallu augmenter le nombre de surveillants pour canaliser l’énergie des petits, dont on était jusque-là habitué à une certaine forme d’apathie pendant les mois de décembre et janvier où le soleil reste couché pendant la majeure partie de la journée.

Le seul défi pour les futurs solarium sera en définitive de convaincre la population de s’y rendre. Si la science est sans appel sur les bien faits de ces thérapies, il faudra communiquer sur le sujet auprès du grand public, en plus de maintenir un prix attractif pour ne pas dissuader les Pharois les plus précaires. Un sujet sur lequel le secteur public de la Santé est prêt à mettre la main à la poche, assuré qu’il restait gagnant malgré tout, vu les maladies que permettrait d’éviter les rayons UV à échelle de la population.

En moyenne, et selon le lieu de résidence des Pharois, une exposition aux rayons UV est recommandé entre une fois par an sur la côte sud à une fois tous les six mois dans les îles du nord. Le tout sur prescription d'un médecin, bien entendu.
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Un regard plus léger sur l'Humanité



Génocide de Jäa : la Saare reconnait officiellement ses crimes
L'heure est-elle à l'examen de conscience pour les peuples de la vieille Albi ?

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La « sanglante grandeur » de l'héritage albien n'en finit pas de faire débat.


C’est un tragique mais heureux cadeau de Noël, la reconnaissance par la Saare du génocide albien organisé dans les années 60 par Karl Tuli ravive des plaies encore douloureuses. Mais c’est aussi le prix de la cicatrisation. A Albigärk et dans le sud du Syndikaali, où les communautés albiennes sont majoritaires, on s’est félicité de la déclaration du Royaume de Saare qu’on espère être un point final à l’animosité qui oppose les Albiens aux autres ethnies de la Péninsule. Héritage de la conquête de ce territoire au XIIème siècle, la domination politique et culturelle des rois d’Albi sur les autres peuples de la région n’est pas sans avoir laissé des traces.
Si certains se félicitent de ce processus « civilisateur », les peuples Albiens étant connus et reconnus pour leurs qualités d’architectes et d’artistes, d’autres fustigent un déni des identités culturelles ayant mené à la disparition d’un grand nombre de traditions et de patrimoine jugé quantité négligeable par les maîtres de la Péninsule.

Aujourd’hui encore, les tensions restent vives, que ce soit au Finnevalta où un attentat commis par des royalistes Albiens au parlement avait outré l’opinion publique, ou au Pharois Syndikaali où la présence de la Commune d’Albigärk, ancienne capitale du Royaume, n’est pas sans périodiquement provoquer scandales et débats sur fond de distinctions culturelles et politiques.

En Saare, les choses ont pris un tournant encore plus dramatique dans le courant des années 60, avec le sort de la désormais tristement célèbre ville de Jäa, devenu un tombeau à ciel ouvert pour les héritiers du roi d’Albi.

Les crises sont donc encore loin d’être du passé et les groupuscules royalistes pro-rétablissement de la monarchie inquiètent les services contre-terroristes. A l’inverse les discriminations à l’égard des Albiens, sur font de haine revancharde font craindre des formes d’agressions à motifs ethniques ou, plus inquiétant, l’instrumentalisation du passé de la Péninsule par des gouvernements nationalistes et d’extrême droite, pointant du doigt les Albiens comme bouc-émissaires dans le cadre de programme de renaissance des particularismes culturels.

Au-delà de ces actes graves, il y a de toute façon des crispations que seul le temps pourra apaiser. La culture albienne, ultra-dominante sur la Péninsule, a durablement marqué les autres ethnies présentes qui souffrent encore aujourd’hui pour certaines d’une forme de complexe d’infériorité. C’est le cas des Pharois qui, pour ne pas vivre dans l’ombre d’Albi, se sont longtemps et encore aujourd’hui refusé à une architecture complexe et travaillée, préférant le brutalisme sobre et fonctionnel pour leurs villes. Les accents sont également objets de crispation, l’accent Albien étant à la fois considéré comme prétentieux et raffiné, il reste dominante dans les médias et certain politiciens cherchent à l’imiter pour se donner une respectabilité.

Autant de défis que la Péninsule devra apprendre à surmonter si elle désir faire vivre en paix ses différentes ethnies, à la fois si proches et pourtant fracturées.

A Kanavaportti, ville où la communauté albienne est majoritaire, une retraite aux flambeaux a eu lieu dans la nuit du 26 au 27 décembre pour célébrer dans la sobriété la décision de la Saare de reconnaître le génocide dont les Albiens ont été victimes. Un moment de recueillement qui n’a toutefois pas fait l’objet de commentaire de la part du monde politique Pharois, à l’exception du maire de Kanavaportti, le Citoyen Sinikka.

« Jamais les crimes d’hier ne sauraient justifier ceux d’aujourd’hui. Tous les peuples de la Péninsule aspirent à la paix, chaque pas fait dans cette direction est une pierre de plus au pont qui nous rassemble. »

Un discours qui n’a pas fait que des heureux dans les milieux ultra, plusieurs responsables politiques locaux dénonçant l’usage du mot « crime » pour parler de la conquête albienne. « C’est sortir l’histoire de son contexte. » explique Aapeli Ylitalo, porte-parole du parti royaliste et réunioniste Cœur d’Albi : « Devons nous aussi demander pardon pour les routes ? Pour la paix ? Albi, c’est six siècles de paix sous le règne de nos rois, les Saarois, les Pharois, est-ce qu’ils auraient préféré six siècles de guerre fratricide ? »

D’autres, présents dans la manifestation, se désolent du manque de prise de parole des pouvoirs publics Pharois :

« On aurait aimé que le Doyen Makku dise un mot. C’est facile de dire que le Syndikaali respecte toutes les cultures et tous les peuples, mais ce qui s’est passé à Jäa, tout le monde devrait s’en indigner, dans ces cas-là il n’y a plus de politique politicienne qui compte, mais c’est le message que renvoient les Pharois en restant muet. Sans doute qu’ils ne veulent pas jeter de l’huile sur le feu ou fâcher la Saare, mais moi ça me désole. »

Silence d’autant plus assourdissant qu’il concerne également des politiques d’origine albienne, comme le Citoyen Ministre Sakari ou le Citoyen Ministre Kaapo. Indiscutablement, l’affaire semble embarrasser et sans doute que sur ces questions le Syndikaali préfère se contenter de mettre la poussière sous le tapis. Personne ne souhaite voir ressurgir les démons des conflits ethniques et en ce qui concerne les Pharois, c’est une politique d’oubli qui sert de mot d’ordre.

Une position critiquée par le collectif d’historiens Memoria qui se désole de voir que l’histoire d’Albi a été partiellement mise de côté depuis le XIXème siècle.

« Lorsque la République Pharoise a été victorieuse en 1826, le gouvernement a mis en place un grand nombre de politiques culturelles pour revitaliser l’identité pharoise au détriment de l’héritage albien. Même si aujourd’hui nous sommes sous régime du Syndikaali, il y a des restes de cette époque et le patrimoine albien est peu mis en avant, sauf à Albigärk. Mais eux, ils ont d’autres problèmes. »

Silence gêné du côté Pharois, mea culpa de la Saare et critique véhémente des Finnevaltais contre les ultra-royalistes, chaque pays héritier de la vieille Albi semble faire son deuil à sa manière de l’ancien royaume. A l’heure où les rencontres diplomatiques se multiplient pour essayer de rapprocher les différentes nations de la région, la question de l’héritage albien devra se poser à un moment où un autre, que ce soit pour la remettre au goût du jour ou définitivement tourner la page, au risque de laisser sur le carreau les quelques millions de citoyens dont elle est l’histoire et la culture.
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Guerre au Valheim, les anarchistes y vont, le gouvernement tergiverse et la population s’en fout

Le Parti Libéral sonde ses troupes
Plusieurs députés noirs ont déjà rejoint le front
La droite pointilleuse sur le budget



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Si la réaction de la Fédération Anarchiste et des syndicats affiliés ne s'est pas faite attendre, la guerre au Valheim passionne relativement peu hors des hémicycles.


Le 16 novembre 2009 la Kaulthie lançait un ultimatum au Valheim avant de pénétrer au Höngar

Si la guerre débutée au Valheim fait couler beaucoup d’encre depuis quelques semaines, tout le monde n’y réagit pas de la même manière. Le Journal de Pharot propose dans cet article d’opérer une rétrospective sur l’état de l’opinion publique au Pharois Syndikaali, et les positions adoptées par ses factions principales, le gouvernement, et les débats aux Assemblées.


Gouvernement : un vote au Liberalintern et maintenant quoi ?

Pressé par son aile gauche qui souhaitait une intervention rapide et sans compromis aux côté des forces progressistes du Valheim, le gouvernement pharois a répondu… par la symbolique. Offrir du grain à moudre à sa gauche en en engageant au nom de la Commune de Kotios un vote devant le Haut Bureau pour la Sécurité du Liberalintern pour l’entrée en guerre de ses membres en soutien à l’un d’eux agressé. Une procédure bureaucratique ayant réussi à faire trainer le débat quelques jours, le temps de recevoir les porte-parole de la Commune et d’engager avec eux les démarches nécessaires.

On ne pouvait néanmoins éternellement repousser la discussion devant les deux Assemblées qui s’en sont saisi par elles-mêmes, en accélérant l’agendas parlementaire. Le Syndikaali doit-il s’engager aux côtés du Valheim ? Que voter au Liberalintern ? En cas de victoire du « non », le Syndikaali doit-il s’engager malgré tout, sans le soutien de ses alliés ? Quelle forme cette aide doit-elle prendre ? Autant de questions débattues depuis plusieurs jours entre les parlementaires de la Concitoyenne et de la Confédérale. Avant d’entrer dans les détails des positions de chacun, commençons par nous demander : pourquoi le gouvernement tergiverse-t-il ?

Pirates, communistes, libéraux, autant de sensibilités qui ont chacune leurs raisons d’engager ou de ne pas engager les hostilités contre la Kaulthie, coupable de l’invasion de sa commune voisine.

Côté communiste, tout d’abord, la décision n’a fait qu’un peu traîner, mais le parti semble décidé à voter, a minima, pour un soutien militaire à la guerre. Le Valheim est un Etat démocratique, membre du Liberalintern, le Syndikaali a déjà apporté son soutien à des Communes révolutionnaires par le passé, Kotios en étant l’exemple le plus emblématique, rien ne s’oppose formellement à un engagement plus en avant des communistes Pharois.
Deux réticences, malgré tout, on pu faire débat chez les rouges. D’une part la proximité des flottes de l’UNCS et de l’ONC qui risquerait de mettre en porte-à-faux la marine pharoise en cas d’escalade brutale des hostilités. « Pas question de prendre parti entre deux tyrannies ! » déclare le Capitaine Oli, porte-parole du PCP à la tribune. Le Parti Communiste reste sur sa ligne pacifiste et ne semble pas souhaiter devenir un acteur de premier plan dans ce qui pourrait en peu de temps tourner à la guerre générale. « Nous devons aider les travailleurs et les travailleuses de tous les pays, mais nous laissons la guerre aux impérialistes » poursuite le Capitaine. Une position qui vaut au PCP d’être accusé de « lâcheté » par son aile gauche et la Fédération Anarchiste qui, elle, a déjà commencé sa mobilisation dans le cadre des brigades internationales.

Côté pirate, le débat a été expédié. « Pas de côte, pas de soutien, nous avons d’autres ports d’attache en Leucytalée » commente placidement le Capitaine Noah, ministre de la culture et premier capitaine du Parti. Une position qui ne fait pas consensus cependant et semble dissimuler des positions divergentes en interne. « Une flotte de l’ONC aux portes de la Leucytalée ? Est-ce qu’ils croient que cette mer est à eux ? Toutes les mers appartiennent à la piraterie. » nous explique la Capitaine Jeena, voix dissidente au sein du groupe des députés pirates de l’Assemblée Concitoyenne.
« La grande marine est là pour assurer les intérêts des Pharois, sinon à quoi bon ? Or moi, mes intérêts sont lésés actuellement, obligée de faire un détour par les mers d’Arcanie pour la contrebande, ce n’est pas pratique. » Un avis partagé par un certain nombre de députés qui semblent craindre une sanction électorale de la part des capitaines œuvrant dans la région. « Il faut dégager ces voyous, qu’on laisse les honnêtes gens bosser en paix ! » déclare en sortie d’hémicycle le Capitaine Gomez, spécialisé dans le commerce ouest-eurysien.

Malgré tout, ce sont sans doute les libéraux du Parti du Progrès que cette situation oblige à la plus grande gymnastique politique. Pionniers de la première heure pour la fondation du Liberalintern, farouches anti-impérialistes (du moins en ce qui concerne l’impérialisme des autres) ils sont aussi les principaux défenseurs de la stabilité commerciale du Syndikaali, placée (officieusement) au-dessus de toute autre priorité. Or la guerre au Valheim menace directement les intérêts économiques pharois, positivement comme négativement. Plusieurs députés ont ainsi fait part de leur pragmatisme en se livrant à une série de démonstration chiffrées sur le coup du déploiement de la marine, loin des bases pharoises, mais également sur ce que couterait potentiellement l’envoie d’armes, de matériel ou d’hommes, par avion compte tenu des conditions militaires actuelles. L'addition est salée, et les libéraux peu enclins à mettre en péril l'équilibre budgétaire pour une nation avec laquelle le Syndikaali ne partage rien sinon une vague accointance idéologique. « On peut très bien faire du commerce avec la Kaulthie, vous savez » commentera le porte-parole du PdP, provoquant une bronca à l'Assemblée Confédérale.
D’un autre côté – et ce n’est pas qu’un bruit de couloir – la crise du Prodnov n’est toujours pas digérée, notamment du côté des chefs du parti et le Capitaine Mainio dont la voix fait autorité. « Pas question d’un second Prodnov » souffle ainsi en off un député dont nous tairons le nom « le Parti du Progrès veut envoyer un message clair : les intérêts pharois seront défendus par les armes si besoin ». Il n’empêche que des trois, c’est encore le PdP qui fait traîner les discussions, à dessein ? « Une décision importante nécessite une réflexion toute aussi importante » se contente de philosopher le Capitaine Mainio. Dans cette situation, le PdP peut d’ailleurs compter sur l’aile droite des Assemblées, le Parti Populaire, le Parti des flots et l’Alliance Septentrionale semblent assez peu enclines à engager la moindre écailles sur un projet de soutien à des communalistes.

« Déjà que je trouvais qu’on léchait un peu trop les bottes du Grand Kah, ce n’est pas pour se mettre à nettoyer aussi celle de son rejeton abâtardé. » déclarera la Citoyenne Keima, porte-parole du Parti Populaire. Côté Cœur d’Albi, c’est encore plus radicale « pas un Albien ne doit s’engager au Valheim. Le continent n’a jamais rien fait pour nous, qu’ils se démerdent. »


La société civile prend de vitesse le calendrier parlementaire

Derrière ces tergiversations parlementaires, la société civile, elle, n’a pas attendu d’avoir l’aval de ses élus pour s’engager. Si du côté des syndicats on traîne un peu des pieds sur fond de négociation à huis clos avec les partis, la Confédération Internationale Libertaire du Travail (CILT) et l'Union des Travailleurs de la Mer pour la Défense de la Souveraineté Océanique (UTMDSO) ont d’ores et déjà annoncé être prêt à mettre l’appareil de production militaire pharois au service du Valheim (sous forme de prêt à rembourser pour cette dernière). Côté Confédération Internationale du Travail (CIT) on semble toujours attendre les consignes du Parti Communiste avant de se prononcer. C’est donc potentiellement entre quarante et soixante kollektiivinen d'usines qui pourraient fournir l’armée valheimienne en matériel. Si une part de ces assemblées ouvrières prend en charge la maintenance des armes stockées au Syndikaali, on peut malgré tout estimer entre trois et quatre lignes de production complètes destinées à la guerre.

Côté anarchistes non plus, on n’a pas attendu la politique politicienne. La Fédération Anarchiste, qui avait déjà appelé au soutien de l’insurrection de Kotios et accouché, à l’époque, de la flotte noire en unissant ses forces à celles de la Fraternité des mers du Nord, a déjà commencé à mobiliser ses troupes. Les puissants réseaux libertaires se sont donc mis en branle pour accueillir à Kanavaportti les troupes de volontaires internationaux, organisés en brigades, prêtes à s’envoler pour le Höngar d’ici quelques jours. Autre soutien de poids, une force d'intervention de dix milles hommes a été officiellement dépêchée à Kanavaportti par les stations libres, soit deux bons tiers de leurs forces estimées qui se disent désormais prêtes à partir. Des alliés de poids quand on sait que cette brigade militaire professionnel bénéficie d’un des meilleurs équipement militaire actuellement disponible sur le marché. S'il est difficile d'estimer proprement le nombre de soldats déployés par le camp internationaliste (gardé secret défense par la Fédération Anarchiste qui leur sert d'hôtes), les masses qui se pressent actuellement à Kanavaportti laissent peu de doute quant au succès de l'appel à la mobilisation.

Le Capitaine Hesekiel, porte-parole de la Fédération, a appelé « les hommes à prendre leurs responsabilités devant l’histoire » à Kanavaportti. Des discours, la Fédération Anarchiste en égrenne comme un chapelet, en pharois, en anglais, en syncrelangue, et dans à peu près tout ce qu’on trouve de gens motivés pour traduire à la sauvage les déclarations des représentants de chaque syndicat, cellule révolutionnaire et autres micro-partis présents dans la ville du canal.

« La lâcheté, il faudra en rendre compte. Battons nous aujourd’hui pour les alliés de demain, quand on tue un homme, c’est toute l’humanité qui meurt. Aujourd’hui aux côtés des Valheimiens, demain aux côtés de tous les opprimés. » déclare Hesekiel, hissé sur une palette en bois. Quelques applaudissements parmi ses partisans, globalement tout autour on monte des tentes, on cause politique et on picole pas mal.

Outre cette réunion de gauchiste, toutefois, le reste de la population s’émeut encore assez peu de l’agression kaulthique. Le fait que celle-ci ait lieu au Höngar, dans les terres enclavées semble sensiblement diminuer l’intérêt des Pharois pour ce conflit, plus habitués à se représenter la guerre en termes de batailles navales.

Plus prosaïquement, le désintérêt des Pharois pourrait aussi s’expliquer par le peu de liens qu’entretiennent le Syndikaali et la Kaulthie/le Valheim. La récente intégration de ce-dernier au Liberalintern est restée relativement inaperçue jusque-là et la position du pays, considéré comme « un petit Walserreich au milieu des terres » n’aide pas à se représenter ce peuple avec qui les contacts ont longtemps été négligeables.

« Le paradoxe c’est que de tous les pays susceptibles de s'engager dans ce conflit, le Syndikaali est sans doute le plus proche géographiquement du Valheim et de la Kaulthie, c’est d’ailleurs pour ça qu’il accueille les brigades internationales, mais malgré tout, le poids de l’enclavement de ces-derniers fait qu’encore aujourd’hui les Pharois peinent à se les représenter convenablement. » explique la Citoyenne Eima, politologue.
Ce désintérêt de la société civile peut-il avoir un impact sur l’effort de guerre du Syndikaali ? Eima répond :

« Oui et non. D’un côté c’est vrai que ça n’encourage pas les responsables politiques à agir, si leurs électeurs ne leurs mettent pas la pression, de l’autre on sait que les responsables n’ont pas beaucoup de poids, comparé à leurs bases. Ceux qui voudront soutenir le Valheim le feront et les autres n’y trouveront rien à redire. Ça peut éventuellement poser question si une partie du matériel militaire, ou des financements sont envoyés là-bas, mais tant que ce n’est pas le cas, il n’y a pas de débat. »
Les Pharois sont-ils vraiment en mesure de s’opposer à l’envoie d’armes au Valheim, voire à un déploiement de la flotte si une intervention était votée ?

« Marginalement, en vérité. Le poids de l’Etat est faible dans la vie des citoyens qui s’autogèrent à petite échelle, si l’Etat veut financer le Valheim, il le fait avec son argent de poche, d’une certaine manière, et que le complexe militaro-industrielle produise des canons pour les Kaulthes ou des vedettes pour le parti pirate, ça ne change rien pour le citoyen lambda. »
Sauf pour les pirates ?

« Ce n’est pas étonnant que ce soit eux qui s’opposent aujourd’hui à une intervention, même s’ils sont divisés. La faction pirate est historiquement et idéologiquement individualiste, les arguments moraux les touchent peu, mais si leurs intérêts sont menacés, cela peut devenir violent c’est évident. »
Pour l’heure, il semble donc encore difficile de savoir comment réagira le Syndikaali face à l’invasion du Valheim par la Kaulthie. Ceux dont on attendait l’engagement (anarchistes, communistes) ont déjà bougé sans attendre personne, côté politique on tergiverse encore sur fond d’opinion publique indécise ou désintéressée. Le business n’est pas vraiment impacté par les événements en Leucytalée et le Valheim n’était pas un partenaire commercial important pour le Syndikaali. Côté Pharois, la vie n'est donc ni bouleversée au quotidien, ni par les débats parlementaires. Tristement, il faudra sans doute attendre que les choses se concrétisent d’avantage, pour un camp comme pour l’autre, pour que les Pharois se décident à prendre le sujet au sérieux.
Mis à part le blocus de la Leucytalée par l’ONC, facilement contournable par les mers d’Arcanie, et qui ne gêne en définitive que la faction pirate, la guerre n’a pas encore eu le temps de véritablement s’inviter dans le quotidien des Pharois et l’inaction relative de l’ONC en soutien à la Kaulthie n’offre pas encore de prise aux plus bellicistes qui rêvent de revanche.

« Tergiversons encore un peu, mes amis, tant que le ciel est bleu. »
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Multiplication des tensions : le Pharois entre deux eaux

La Nouvelle Doctrine est-elle encore adaptée à l’internationalisation des conflits ?
Le monde politique divisé entre repli régional et interventionnisme militaire
La société civile armée trouve ses limites face à la professionnalisation de la guerre



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Alors que les autoritaires de tous bords malmènent la paix, le Syndikaali pourrait se voir contraint de choisir entre la défendre ou l'achever.


Le déploiement militaire du Pontarbello aux frontières de la Rousmala, énième clou dans le cercueil de la sécurité internationale

Invasion du Kronos par l’ONC, menaces au Mokhai, manœuvres en Rousmala, sans oublier le Prodnov, le Kodeda et les guerres en Afarée, les foyers de tensions de multiplient à travers le monde de plus en plus rapidement. Du point de vue Pharois cependant, tous partagent une même caractéristique : ils sont très éloignés géographiquement du Syndikaali. Prodnov mis à part, la constitution d’alliances régionales, à l’ouest avec le Canta et la Commune de Kotios, et à l’est avec les pays de l’océan du nord parait réussir assez efficacement à constituer des zones tampons entre la violence du reste du monde et la route du nord.

Pays pivot de celle-ci, le Pharois Syndikaali se démarque des autres nations du monde pour être entouré d’alliés et avoir su parlementer et négocier la paix et les échanges avec des nations par ailleurs fortement éloignées de son modèle politique et économique « libertaire » à mi-chemin entre libéralisme débridé et société horizontale d’inspiration anarcho-syndicale. Cette stratégie n’est, en soi, pas nouvelle, elle correspond au programme prévu par la Nouvelle Doctrine établie dans les années 50 qui consistait à privilégier la défense nationale en prenant le contrôle, par la diplomatie et l’économie, des deux espaces bordant le Syndikaali : la Manche Blanche et l’océan du nord.

Cette stratégie, qui a fait la fortune et la sécurité du Syndikaali, trouve cependant ses limites face à la nouvelle donne internationale. Dans une économie mondialisée dont le Pharois tire sa richesse, quand les grandes puissances militaires s’affrontent, même à l’autre bout du monde, les répercussions s’en font sentir chez vous également. La Nouvelle Doctrine a protégé les frontières, c’est une chose, et une attaque sur le sol Pharois est désormais considérée comme hautement improbable ce qui, au regard de son héritage de République Pirate, est déjà une grande victoire. Néanmoins, contrôler la route du nord ne suffit pas, en soi, à préserver son pays des troubles qui se déroulent au-delà.

Valheim, Kronos, Rousmala, les pressions venues de la société civiles sont nombreuses pour demander une intervention militaire officielle du gouvernement pharois dans ces conflits. Si certains veulent simplement un retour au calme, d'autres espèrent l'embrasement et le triomphe définitif du Liberalintern sur l'ONC. Mais entre ces cinquante nuances de bellicisme et la part (massive) de la population désintéressée par l'actualité internationale, d'autres voix se font entendre : celles du repli, du retrait des zones de tensions (y compris diplomatiquement) et un retour aux affaires et à la neutralité. Un moyen de préserver non seulement la société traditionnelle et les mœurs pharoises que certains estiment en danger depuis l'ouverture du pays à la mondialisation, mais aussi de préserver les acquis de cette dernière en investissant le trésor de guerre que représente l'économie du Syndikaali pour assurer la prospérité et la tranquillité de sa population.

Sur ce plan, deux camps politiques s’affrontent (encore). Faut-il abandonner la Nouvelle Doctrine et assumer le rôle du Syndikaali de gardien de la liberté contre les attaques autoritaires, venues des capitalistes comme des communistes ? Ou bien se replier dans les eaux froides des mers du nord afin d’y bâtir un économique régional puissant et autosuffisante vis-à-vis du reste du monde ? Les deux positions ont leurs partisans et le débat trouble même l’équilibre partisans, divisant au sein des institutions politiques et des factions civiles elles-mêmes.

On a ainsi vu le Parti Pirate se déchirer lors de son dernier congrès entre la ligne (victorieuse) du Capitaine Noah qui privilégiait la défense de la base arrière et celle (minoritaire), du Capitaine Aaltonen, partisan de reprendre le projet de route noire et d’assumer la présence pharoise à l’internationale. Se replier, ou engager une course en avant (certains parlent de fuite) ? La faction pirate est au cœur d’un dilemme qu'elle ne parvient pas à trancher, et que l’actualité semble vouloir chaque mois remettre au cœur des débats.

Même problème du côté du Parti Communiste Pharois chez qui la branche anti-impérialisme s’oppose à la branche avant-gardiste. Autrement dit, le communisme pharois doit-il rester passif et se contenter de dénoncer les agressions militaires et culturelles venues des capitalistes en se restreignant à faire avancer la lutte des classes sur le sol pharois ? ou au contraire, adopter une démarche plus active en finançant et soutenant les mouvements révolutionnaires et anticapitalistes à travers le monde ? quitte à délaisser le combat intérieur.

Chez les libéraux du Parti du Progrès, la question est plus floue. On sait l'importance qu'a pris la figure du Capitaine Mainio ces dernières années, et la fidélité que lui vouent les deux autres ministres du PdP en poste au gouvernement, le Citoyen Kaapo (Ministre de la terre, des villes et des propriétés) et le Citoyen Elias (Ministre du développement industriel, de l'artisanat, de la production) n'aide pas à faire émerger des voix dissidentes au sein du camp centriste. On sait néanmoins que c'est précisément le Capitaine Mainio (cela lui avait été reproché) qui avait été l'un des premiers à donner des coups de butoirs contre la Nouvelle Doctrine, en posant les bases du chemin noir grâce à ses relations avec l'Empire Listonien, puis en mobilisant au Prodnov contre les massacres de la dictature. Le Parti du Progrès ne semble donc pas être un rempart contre l'internationalisation des intérêts pharois et aurait plutôt tendance à plaider pour une plus grande implication du Syndikaali dans l'ordre géopolitique international, de manière franche et assumée.

C’est sans doute à droite que le débat est le plus déchirant, entre les tenants d’un nationalisme pharois, proche de l’anarcho-capitalisme, qui appellent à abandonner le monde extérieur et à se retirer des grandes organisations internationales, les adeptes d’un nationalisme étendu, poussant pour la réunification à marche rapide de la Péninsule Albienne, et puis les interventionnistes, partisans d’interventions armées rapides et décisives pour construire dès aujourd’hui un périmètre de sécurité et s’assurer que les nations stratégiques nous restent fidèles, quels que soient les moyens déployés à cette fin. Sans oublier la branche, plus minoritaire, qui appelle carrément à tourner le dos au Liberalintern et à initier un rapprochement vis-à-vis de l’ONC.

Du côté de la société civile, malgré la mobilisation importante des anarchistes sur le front du Valheim, force est de reconnaître que le doute s’est emparé de la population. Le Syndikaali s’est reposé longtemps sur l’initiative privée de ses citoyens et de ses factions aux intérêts antagonistes, prêts à se donner les moyens d’agir, y compris au-delà des frontières pharoises. Néanmoins, la multiplication des conflits et leur intensification est de nature à remettre en question cette stratégie. La mobilisation sur le front de civils, quel que soit leur niveau de motivation ou d’initiation aux armes par ailleurs, ne pourra pas éternellement faire le poids face à des armées professionnelles et coordonnées.

Si jusque-là, la faiblesse de l’Etat central pharois a permis à celui-ci de se dissimuler derrière les initiatives de sa population civile (on pense à la révolution Kotioïte, impulsée par le groupe anarchiste de la Fraternité des mers du nord), il a comme défaut majeur de rendre le Syndikaali vulnérable aux offensives militaires totales menées contre ses intérêts. A l’heure actuelle, un pays, même moins bien équipé que le Pharois pour la guerre, serait en mesure de remporter des objectifs stratégiques en cas de conflit ouvert, pour la simple et bonne raison que l’ensemble des forces armées du Syndikaali ne sont pas homogènes et ne répondent pas à un commandement unique. Un état de fait qui gêne les opérations de grande envergure et limite la capacité offensive pharoise à des actions de guérillas ou de déstabilisation.

Marine mise à part, qui reste le plus gros point fort des Pharois, la capacité d’intervention terrestre du Syndikaali est très faible avec quasi zéro véhicules militaires en état d’offrir un support aux troupes au sol et une aviation mono-modèle, basée quasi uniquement sur des fleurons de l’industrie militaire pharoise que sont les chasseurs-bombardiers Blizzard, mais dont le nombre dépasse largement les capacités de ravitaillement du pays qui ne peut donc opérer qu’à proximité de territoires alliés. Un manque de diversité et de capacité réelle de projection qui inquiète jusqu’au sein de l’état-major, qui plaide depuis quelques années pour défocaliser la production militaire de la production des chantiers navals pour diversifier l’industrie.

Au même titre que la publication des études elpides, il y a trois ans, l’intensification des conflits dans le reste du monde est de nature aux remises en question. Face à cela, le Syndikaali tergiverse, encore. La faute ou grâce à sa multicéphalité, diront les démocrates, et l’absence de pouvoir central, mais qui inquiète également de tous les côtés de l’échiquier politique, chacun plaidant l’urgence de ses intérêts. Quant à la société civile, elle réclame d’avantage de moyens d’agir par elle-même, y compris violemment. Les valeurs libertaires du Syndikaali deviendraient-elles de simples valeurs de droit et non plus de fait ? C’est ce dont s’inquiète, à juste titre, un certain nombre de commentateurs politiques, dont fait partie votre serviteur.
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Un journal pour les gouverner tous.




Pour sauver la démocratie, faut-il abolir les élections ?

Le sujet de la guerre précipite le début de la campagne ministérielle pharoise
L'implication réelle et future du Syndikaali au Prodnov est au cœur des discussions
L'imminence des élections accusée de servir de prétexte pour clôturer le débat



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Guerre, démocratie, Etatisme... les Pharois semblent las de leurs fardeaux.


La reprise des hostilités au Prodnov met le feu au débat public pharois

L’ouverture d’un nouveau conflit au Prodnov réactive les anciens débats autour de la place de la Nouvelle Doctrine dans la politique pharoise. Si certains voient un enjeu crucial de sécurité et de prospérité dans la sécurisation de la route du nord, grâce à la mise en place d'un puissant maillage diplomatique et militaire avec les pays de la région, d’autres estiment que le Syndikaali ne doit pas limiter son influence aux mers septentrionales. Certains, enfin, condamnent les formes d’ingérence voire d’impérialisme de la part du gouvernement, accusé de jouer son propre jeu dans le dos de la population. Dans leur viseur : la politique volontariste et interventionniste du Capitaine Mainio et par ricochet, celle du Parti Communiste Pharois, qui mobilisent pour la 5ème fois en six ans la flotte pharoise sur des théâtres extérieurs.

Le Syndikaali a-t-il vraiment à assumer un rôle de gendarme ? Est-ce de sa responsabilité d'établir un corridor humanitaire au Prodnov ? Doit-il mobiliser sa puissance industrielle pour étouffer les conflits dans l’œuf et si oui, jusqu’où s’étendent ses prétentions à garantir la paix ? Une question d’autant plus épineuse que le Prodnov a une histoire, les Pharois étant engagés comme mandataires et garants des accords de Nevskigorod pour l’oblast de Peprolov, mais aussi parce que cette fois, les stations libres ont décidé d’intervenir sur le terrain. Elles n’en sont certes pas à leur premier coup d’essai, ayant contribué par leurs contingents à la victoire de la coalition rouge en Damanie, mais cette fois-ci leur initiative engage la maison-mère, pour reprendre l’expression du géopoliticien Albien Manne Juntila. Le Syndikaali ne peut à la fois héberger les stations libres et par ailleurs se défendre de soutenir leur action, même passivement.

Sur cette question, le gouvernement entretien le trouble et semble pour l’heure faire bloc. On avait déjà vu par le passé l’alliance des libéraux et des communistes au Prodnov, les premiers défendant l’hégémonie politico-économique du Syndikaali sur la route du nord, les seconds apportant leur soutien à leurs alliés du Parti Républicain Communiste du Prodnov. Toutefois, le gouvernement, à travers la voix du Capitaine Mainio, a fait le choix de condamner l’attaque de la République Sociale du Prodnov sur sa voisine. Plus exactement, de regretter qu’une escalade de part et d’autre ait conduit à la guerre, distribuant les responsabilités entre l’impérialisme de l’ONC d’une part, et le bellicisme de la RSP d’autre part, sans toutefois les mettre sur un pied d’égalité.

Au sujet des stations libres, pas un mot, à croire que c’est un sujet tabou, ou que le gouvernement attend de voir l’issue des premiers affrontements pour se positionner. L’interprétation donnée aux événements ne sera pas la même en fonction de la manière dont tourne la guerre, une position opportuniste de la part du Syndikaali, mais finalement assez classique. En attendant, et certains commentateurs internationaux ne s’y sont pas trompés, le Syndikaali est mouillé dans ce conflit au Prodnov. Des condamnations explicites ont été émise de la part de la RLP ce qui n'a pas semblé troubler grand monde, étant acquis chez les libertaires que celle-ci n'est qu'une officine de l'ONC. Plus troublantes ont été certaines déclarations venues de médias Alguarenos laissent entendre qu'une tentative d'invasion du territoire Pharois serait envisagée. Si on connait le caractère belliciste des Îles Fédérées, le sérieux d'un tel risque a été balayé par l'Amirauté, que des journalistes ont interrogé sur la question.

« Il faut rappeler que l’Alguarena, c’est à peine cinquante-mille hommes réellement mobilisables. On a des retours du terrains qui nous affirment assez clairement que la majeure partie de leurs soldats s’entraînent sans aucun fusils depuis plusieurs années. Outre la perte d’expérience considérable et qui explique le recours au mercenariat, si l’Alguarena voulait mobiliser ne serait-ce que trente-mille hommes sur un théâtre extérieur, elle déshabillerait son armée de moitié et nos alliés prendraient la capitale en une après-midi. »

Interrogé également sur la mobilisation de flottes dans l’océan du Nord, l’Amiral Tuomas a rappelé que « les bases militaires et les alliés du Syndikaali placés au niveau des détroits de la région gênerait la mobilité de tout mouvement naval conséquent et permettrait facilement au Syndikaali de prendre l’ennemi en tenaille. Si l’ONC cherche à pénétrer l’océan du nord, il lui faudra pour cela déclarer la guerre à toute la région » a conclu l’Amiral avant de mettre fin aux questions en s’excusant. « Je dois aller prendre le goûter avec l’ambassadeur Kah-Tanais. »

Des explications qui, bien que laconiques, auront suffit à satisfaire provisoirement la curiosité des journalistes, considérant le peu d'intérêt qu'accordent les Pharois aux affaires internationales en général. Le paradoxe est qu'au-delà du non-sujet que serait une tentative d'invasion du Syndikaali, la société civile s’est par ailleurs assez spontanément emparée de la question militaire au Prodnov. Pas que son appétence pour la politique étrangère se soit réveillée dans la nuit, mais une seconde échéance pourrait à termes donner une profondeur supplémentaire à la guerre au Prodnov : l’imminence des élections pharoises.

Quatre années se sont écoulées depuis que les citoyens du Syndikaali ont été appelés aux urnes, ils auront bientôt de nouveau l’occasion d’y retourner. Or beaucoup de choses se sont passées durant ces quatre années, on a vu l’émergence de nouvelles forces politiques, les flux migratoires ont bouleversé les équilibres démographiques, les rapprochements nombreux avec le voisin Finnvaltais ont par ailleurs joué sur le sentiment d’appartenance à la communauté albienne. Outre ces questions, importantes, l’économie a également connu des bouleversements profonds, le Syndikaali concrétise sa place de second économie mondiale, première si on y ajoute la Commune d’Albigärk et le Porto Mundo. La sphère albienne s’impose comme prédominante sur la route du nord et l’influence pharoise s’étend désormais à l’internationale grâce aux enclaves listoniennes. Le Liberalintern a également vu son poids renforcé, s’imposant comme la première alliance défensive mondiale. Mais il y a également eu des scandales : la capture d’une cinquantaine de militaires au Pontarbello a remis sur la table la question de l’expansion de l’influence pharoise au-delà de l’Eurysie et ses limites. D’autres affaires ont par ailleurs été sujet d’inquiétude : la présence du destroyer Päivä en soutien au gouverneur O Prefeito en Afarée, puis près du Kodeda, la livraison d’un croiseur de dernière génération à la Loduarie, désormais en conflit ouvert aux côtés du Kronos, autant de motifs de débat et de controverse au sein du monde politique Pharois.

Récemment encore, la mobilisation de dizaines de milliers d’anarchistes, prêts à partir défendre le Valheim a questionné le rapport du Syndikaali aux théâtres extérieurs et son ambiguïté vis-à-vis de formes plus ou moins assumées d’impérialisme. La société civile doit-elle rendre des comptes au gouvernement ? Un réflexe assez peu contrintuitif pour les Pharois dont le pacte social, rappelons-le, met le pays au service des initiatives individuelles de ses citoyens. Or la tendance semble s'être quelque peu inversée ces derniers temps et la place que prennent les décisions du gouvernement dans le destin du pays inquiète les esprits les plus libertaires.

« Le gouvernement peut bien agir, mais à la fin ce sont les factions qui décident ! » a rappelé la Citoyenne Maijala, représentante syndicale de l’UTMDSO pour la région d’Helmi. Une parole de bon sens pour une large partie de la population, mais qui s'est vue renvoyée aux institutions par la réponse du Parti du Progrès « ce seront aux urnes de trancher ».

Problème : la campagne ministérielle n’était pas censée commencer avant au moins deux mois, or la guerre vient d’accélérer considérablement le calendrier électoral et les différentes formations politiques pharoises sont déjà en train de se mobiliser en urgence pour réagir à l’actualité. De fait, si le Parti du Progrès fait bloc autour du Capitaine Mainio et que les communistes serrent les rangs, conformément à leur discipline de parti pour défendre leurs ministres, le reste de la classe politique ne l’entend pas de cette oreille.

« Au nom des élections à venir le gouvernement censure le débat sur la guerre, mais dans six mois il sera trop tard, c’est maintenant qu’il faut en parler ! » s’exprime le Citoyen Kinnunen, porte-parole du Parti des Travailleurs. Une crainte à double-tranchant car si certains ont peur de voir leurs marges de manœuvres diminuées au nom du calendrier électoral, d’autres au contraire craignent que la question de la guerre au Prodnov ne monopolise l’attention et n’éclipse des sujets autrement importants à leurs yeux.

« Il y a de vrais sujets de société qu’il faut mettre sur la table. » explique Jesus Carbelito, porte-parole du Parti National Impérial, né du rattachement de larges populations listoniennes au Syndikaali. « La question des diasporas, de la double nationalité et des flux migratoires ne peuvent pas être laissées de côté à cause de l’actualité, il faut impérativement mettre ces sujets dans la balance. On ne peut pas partir pour quatre ans de plus en laissent le débat aux communautés régionales, il faut des décisions à échelle nationale ! »

Même angoisse du côté de plusieurs économistes qui s’inquiètent des positions radicales du Syndikaali en matière de gestion de ses finances et voudraient que la doctrine économique du pays soit débattue et soumise au vote. « Nous avons une politique fiscale et monétaire qui date de 1950, sans exagérer. La comptabilité opaque c’est une chose mais cela nous isole des autres nations libérales. Et puis le monde a radicalement changé ces dernières années, c’est le moment de faire le bilan. »

La guerre, donc, est en passe de prendre toute la place dans le débat public, avec des positions aussi tranchées que ceux qui, comme le Parti des flots, réclament un abandon pur et simple de la région, à ceux qui, comme le Parti Populaire, y voient un prétexte pour renforcer encore d’avantage le poids de l’armée dans le budget. L’Alliance Septentrionale, célèbre pour ses positions martiales radicales, a même plaidé pour une invasion plus franche et assumée du Prodnov. « Je n’ai jamais vu des pirates aussi timorés, moi je dis, débarquons cinquante-milles de nos hommes à Peprolov, en deux heures la guerre est pliée et on est de retour pour le goûter. » Position provocatrice condamnée par le ministère de la Défense territoriale qui l’a qualifié « d’irresponsable » avant de rappeler que « sauf s’il y est agressé, le Syndikaali ne s’engagera pas au Prodnov ».

Mais ne l’y est-il pas déjà engagé de fait ? Sur la question, le Parti Communiste Pharois s’en tient aux éléments de langage. Les forces militaires présentes sur place avancent à l’arrière du front, ont ordre de ne pas ouvrir le feu sauf en cas d’agression et doivent contribuer à la mise en place d’un corridor humanitaire et la prise en charge des populations locales afin de les rediriger vers des zones d’accueil. Une position que d’aucun qualifieraient d’hypocrite, mais qui a le mérite de garder le Syndikaali crédible lorsqu’il annonce souhaiter œuvrer pour la paix et la fin rapide des hostilités. Reste à savoir dans quelles conditions.

Sur la question du soutien aux stations libres, les avis divergent. Le PCP et le PdP bottent en touche, annonçant avoir demandé en urgence une réunion avec les représentants du collège des stations libres. Ces dernières ont répondu se rendre disponibles dès que leur organe décisionnaire aura établi une position claire sur le sujet. Autant dire qu’il ne faut pas attendre de réponse avant plusieurs jours, quelques jours décisifs dans l’évolution du conflit. Tout semble donc s'aligner pour retarder la mise en action des différents contre-pouvoirs, chaque institution se renvoyant la balle et disant attendre les positions des autres, et pendant ce temps les choses se font. Au point de donner l'impression que l'outillage démocratique du Syndikaali vient de se gripper ? C'est ce que craignent plusieurs ONG dont Imperialism Watch qui est monté au créneau pour critique « l’obsolescence manifeste des garde-fous Pharois, qui nous mène tout droit à la guerre ! »

Autre voix dissonante, cette fois-ci au sein même du gouvernement : la position du Parti Pirate, resté silencieux sur la question, et qui s’est pudiquement abstenu de voter aux Chambres la mobilisation de la marine. « Le Parti Pirate ne s’occupe pas de ces questions » a simplement répondu le Capitaine Nooa, interrogé sur le sujet. Une hypocrisie dénoncé à droite, quand on sait qu’une part de la flotte noire est « spontanément » venue en renfort à la marine pharoise au large du Prodnov. « Contrairement à ce que les médias diffament à notre sujet, le Parti Pirate ne contrôle pas la piraterie pharoise, s’il y a au Prodnov des mercenaires et des francs-tireurs, ce n’est pas de notre fait. » a répondu Nooa.

Le nœud de cette affaire reste encore et toujours le même : pris dans l’urgence de l’annonce de la guerre, le débat semble paralysée par l’imminence des élections pharoise et chaque déclaration est mesurée à l’aune de son poids tactique dans la compétition électorale. Résultat, les positions des uns et des autres sont minées, taxées d’être des postures, de dramatiser ou au contraire d’euphémiser les débats. Au point de faire se poser la question à certains : pour sauvegarder la démocratie, faut-il abolir l’élection ?

C’est un sujet à part entière qui mérite d’être traité mais la position des Pharois vis-à-vis des élections a toujours été ambiguë. Un rapport d’enquêté récemment publié par l’Observatoire de la Démocratie montrait comment, au Syndikaali, le fait de voter n’allait pas de soi et le sentiment national était systématiquement négocié, sujet à conditions. Pas étonnant donc que la moindre crispation politique entraîne l’apparition de projets politiques inattendus, dont ceux réclamant l’abolition des élections.

« La démocratie représentative, on sait de base que c’est un problème. Là on parle carrément de dictature de la majorité. Chaque citoyen est libre et souverain de son propre destin, libre de s’associer à d’autres citoyens souverains, je ne vois pas pourquoi on devrait comme ça institutionnaliser des périodes électorales qui n’ont pas de sens. »

Une position qui, bien que marginale, reste partagée étrangement sur tous les bords de l’échiquier politique au Syndikaali. A gauche, c’est la conception situationniste qui prime : « Un vote, un débat, ça se fait toujours en contexte. On devrait débattre chaque fois que c’est nécessaire et pas rituellement, abstraitement, une fois tous les quatre ans. S’il y a une guerre et que le Syndikaali est impliqué, je veux qu’on en discute maintenant, pas dans six mois, et c’est idiot de penser que des types qu’on a élu il y a plusieurs années ont toujours notre approbation alors que le pays a complétement changé de tête depuis. Voter pour une grève, pour une réforme qui vise à régler un problème, c’est concret. Voter pour ‘le communisme’ ou ‘le libéralisme’ ça n’a pas de sens. C’est comme une feuille de route trop vague pour être bien interprétée, les gens doivent arrêter de distribuer des feuilles de routes et devenir les pilotes. »
Approche d’avantage libertarienne à droite : « L’Etat n’a pas à décider pour nous, jamais. Nous avons des droits et ces droits sont autant notre bouclier que notre épée. Si nos droits sont menacés par ce qui se passe au Prodnov, alors les citoyens doivent prendre les armes. Si ça ne nous concerne pas, on ne bougera pas. C’est aussi simple que ça, mais laisser des bureaucrates décider à notre place du destin de la région, ou du monde, certainement pas ! »

Des positions qui trouvent écho au sein de la puissante faction pirate, expliquant certainement l’ambiguïté de ses leaders vis-à-vis du Prodnov, un conflit susceptible de les désavouer. Le Parti des flots a également annoncé mettre la question à l’ordre du jour. « Peut-être que ces élections pourraient être les dernières. Une dernière élection pour les abolir. »

Une position largement controversée malgré tout, et qui provoque une levée de boucliers du côté du Parti Communiste Pharois et des formations politiques de droite. « A un moment, il faut de la planification, on ne peut pas naviguer à vue. Je m’étonne que le Parti Pirate et ses sbires feignent d’ignorer qu’un bateau a besoin d’un capitaine, parce que cela sert leur propagande électorale. » s’est agacé la Capitaine Marketta, Ministre de la Planification. Son de cloche différent mais qui s’y joint du côté du Parti Populaire qui a vu son porte-parole, le Citoyen Kaarle, s’insurger vigoureusement : « Le Syndikaali est déjà l’un des pays avec le moins d’Etat du monde, j’aimerai la voir, leur autogestion, quand il faudra penser la réparation des égouts à échelle nationale ! » Le Citoyen Kaapo, ministre de la Terre, des villes et des propriétés pour le Parti du Progrès, a également pris position : « Facile de réclamer l’abolition de l’Etat quand on n’est pas au pouvoir, j’attends qu’ils l’appliquent une fois élus, je paye ma tournée qu'on verra tous ces anarchistes se découvrir tout d’un coup des passions bien autoritaires. »

La guerre, par sa spontanéité et le contexte dans lequel elle surgit, aura donc eu le surprenant mérite de redynamiser la conscience politique pharoise, au risque d’avoir également ouvert une boîte de pandore vis-à-vis des questions de démocratie au Syndikaali...
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Dans l'Œil d'Eikki
Le Capitaine Mainio est sur Pharois 1

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Eikki : Capitaine Mainio je vous remercie d’être avec nous ce soir, comment allez-vous ?

Mainio : Ma foi, on ne peut mieux, sinon qu'il me manque quelques heures de sommeil, je le confesse ! et bien qu'à choisir j’ai tendance à préférer les interviews en temps de paix, on y risque moins de lâcher une information confidentielle sur une plaisanterie.

Eikki : Puisque vous abordez le sujet de la confidentialité, j’aimerai revenir avec vous sur le sujet brûlant des révélations autour de l’influence qu’a pris la Coordination des Agences du Renseignement Pharois Extérieur, la CARPE, dans notre pays. [adresse aux téléspectateurs] Pour un peu plus de contexte ce sont des documents qui ont filtré via une enquête de plusieurs médias pirates et d’acteurs de la société civile, l’enquête est très longue mais pour simplifier les choses on y découvre un certain nombre de liens entre votre parti politique, le Parti du Progrès, et le Capitaine Ilmarinen, des procédures de surveillance intérieure et la constitution de bases de données illégales sur la population, sans compter la mention de réunions avec plusieurs capitaines pirates dont certains officiellement recherchés au Syndikaali. [retour vers Mainio] Plusieurs partis d’opposition et au sein du gouvernement ont commencé à parler de crime d’Etat et de trahison à la constitution, Capitaine Mainio je n’irai pas par quatre chemins, sommes nous face à une crise politique ?

Mainio : Crise sans aucun doute, et c’est l’honneur de la démocratie pharoise que de réagir durement face à ce que nous considérons, collectivement, comme une atteinte à nos institutions et nos valeurs. Je prends pour ma part très au sérieux ces révélations, que je découvre en même temps que vous, sur l’influence des services secrets qui, et cela ne fait aucun doute, ont pris une ampleur insoupçonnée ces dernières années, à la faveur des grandes transformations qu’a connu notre pays.

Eikki : L’enquête vous mentionne cependant explicitement Capitaine, comment pourriez vous ne pas être au courant ?

Mainio : Ce qu’il faut comprendre c’est que la CARPE fonctionne par Agences. C’est d’ailleurs un élément de son nom, or ces agences sont indépendantes les unes des autres, le Capitaine Ilmarinen qui a toute ma confiance assure la tâche de les coordonner mais il semble que cela ne soit pas en soit suffisant pour les contrôler dans toutes leurs initiatives. Pour ma part, il est évident que mon travail m’oblige à être régulièrement en contact avec les services secrets, cependant, et c’est aussi un principe de la séparation des pouvoirs et des ministères du Syndikaali, je ne sais pas ce que chaque agence choisit de partager ou non avec mes collègues. S’il y a eu un favoritisme, je le déplore, et je comprends parfaitement que mes pairs appellent à d’avantage de contrôle mais la responsabilité ne peut en incomber au Parti du Progrès.

Eikki : Vous n’avez donc jamais été en contact avec les bases de données illégales ?

Mainio : Je ne saurai le dire. On m’a présenté des rapports, j’en ai moi-même commandé, mais comment dès lors savoir les arcanes de la manière dont ceux-ci ont été constitués, c’est impossible à dire il faut bien le comprendre. Et d’ailleurs, en tant que ministre des Intérêts internationaux, surveiller la police n’est pas de mon ressort.

Eikki : Est-ce de celui du Citoyen Kaapo ?

Mainio : Pas plus en vérité. Pour être honnête je pense que la situation nous a collectivement échappé. Le Pharois Syndikaali est devenu trop grand trop vite et nul n’ignore que tel un léviathan, la société prend parfois son autonomie sur ceux qui la composent. Que la CARPE, dans son empressement à croître pour suivre les transformations du Pharois, ait perdu le contrôle de certaines de ses agences, je le crois, et que nous n’ayons pas pris le temps de mettre en place de solides moyens de contrôle de notre propre Etat, j’en suis persuadé.

Eikki : Personne n’est donc à blâmer ? Il n’y a pas de responsable ? Qu’en est-il du Capitaine Ilmarinen, le directeur de la CARPE ? N’a-t-il pas failli à sa mission ?

Mainio : Au contraire ! Je pense qu’il est de la responsabilité du monde politique et de la société civile de prendre cette affaire avec le plus grand sérieux. Nous devons sans tarder mettre des garde-fou et, pour ceux des nôtres qui se sont compromis en versant dans l’illégalité, les retirer de leurs fonctions. Les Agences coupables d’avoir mis en place ces bases de données seront dissoutes, après que nous aillons remonté jusqu’à l’origine du processus qui a mené à cette situation. Il faut dès à présent mettre à l’arrêt la machine pour en inspecter les pièces, si le résultat s’avère défaillant.

Eikki : Et pour le Capitaine Ilmarinen ? Vous n’avez pas répondu.

Mainio : En effet. Tout d’abord je souhaitais assurer nos compatriotes de la grande fiabilité du Capitaine et de l’immense confiance que je voue à son travail. Quant à savoir si celui-ci a failli à sa mission, je ne crois pas. Comme je le disais, la directeur de la CARPE a une fonction de coordination c’est-à-dire d’orienter les efforts des services secrets vers des objectifs décidés par le gouvernement et la société politique. Y compris d’ailleurs certains acteurs non élus mais dont le rôle a été reconnu d’utilité démocratique comme les syndicats, je pense aux Trois Communs, pour le secteur de l’armement. Il n’était en aucun cas de la responsabilité du Capitaine Ilmarinen de contrôler en détail l’action de ses Agences mais seulement d’évaluer et articuler les rapports et résultats de missions de chacune. Je crois, et c’est un biais que nous découvrons tous avec stupeur, que de fait il manquait à la CARPE une institution de contrôle, faute de quoi nous étions aveugles aux défaillances.

Eikki : Vous n’avez donc aucune idée de la façon dont ont pu arriver ces dérives, pardon, extrêmement graves ? La quantité de datas dont semble disposer la CARPE laisse à penser que le nombre de personnes impliquées dans leurs collectes, ce qui implique qu’une part de l’administration et peut-être de la recherche est mouillée, à des degrés divers…

Mainio : Je le redis, je n’en ai aucune idée. Les Pharois savent en quoi l’opacité de notre comptabilité nous protège par ailleurs, bien qu’elle nous expose également, je m’en rends compte, à ce genre de dérive. L’absence de véritable contrôle sur les finances publiques a été pensée pour lier les mains de l’Etat et empêcher la statistique de devenir un outil d’oppression mais force est de constater que ce vœux pieu a été corrompu, au moins partiellement. Je ne saurai dire si un meilleur suivi des deniers de l’Etat est nécessaire, mais il est au moins certains qu’un minimum de travail de vérification de leur usage doit être mis en place, au moins pour vérifier que les sommes allouées ne vont pas financer, comme on le voit aujourd’hui, des activités criminelles.

Eikki : Donc pour vous c’est l’absence de vérification des effets concrets des projets financés qui est à blâmer ?

Mainio : Oh pas seulement entendons-nous bien ! Un projet ne se réalise pas par opération du saint esprit et sauf à croire à la banalité du mal, poussée dans ses retranchements les plus radicaux, il est encore des hommes qui ont commandités ces recherches. Ceux-là devront payer, c’est l’évidence.

Eikki : Capitaine, vous comprenez que ces révélations ébranlent la confiance de la société dans les institutions politiques, en particulier en contexte de conflit dans l’océan du nord. Comment peut-on penser que ceux soupçonnés de conflit d’intérêt puissent mener une enquête indépendante ? Et comment s’assurer du bon fonctionnement des institutions alors que par ailleurs une grande part du pays est mobilisé dans la défense du Prodnov ?

Mainio : A vrai dire, ce n’est pas à moi de répondre à ces questions. Non que je ne le souhaite, mais comme vous l’avez justement souligné mon nom apparaît dans ces leaks et bien que je plaide l’innocence, il serait inconvenant pour la probité démocratique de notre pays d’autoriser les suspects à devenir également juges et bourreaux. J’appelle donc, dans les prochains jours et avec l’aide de tous les partis politiques, à la mise en place d’une enquête indépendante et pilotée par les deux Chambres afin de laisser le gouvernement hors de ce processus. En ce qui concerne maintenant l’effort de guerre, comme je vous l’ai dit la CARPE est divisée en Agences, il faudra vérifier que l’Agence du Prodnov n’est pas mouillée ce qui, dans ce cas-là, lui permettrait de poursuivre son travail dans de bonnes conditions. Quoiqu’il en soit je peux d’ores et déjà assurer à nos alliés que ces événements ne sont en rien en mesure d’entraver notre mission de maintien de la paix au Prodnov.

Eikki : Pour vous, les leaks ne remettent donc pas en question votre capacité ou celle du Parti du Progrès à participer au gouvernement ?

Mainio : Dans un autre contexte, peut-être, c’est vrai. Mais l’imminence des élections me fait penser que c’est d’abord aux Pharois de juger si nous sommes aptes à poursuivre ou non notre mission. Il était de toute façon attendu que l’action politique du gouvernement ralentisse avec le début de la campagne électorale des ministérielles, aussi la vie politique pharoise devrait être en mesure de suivre son cour tout en laissant la justice faire son travail par ailleurs.

Eikki : Ce scandale ne risque-t-il pas de desservir votre parti ?

Mainio : Si nous avons fauté par manque de vigilance, nous en acceptons les conséquences. Néanmoins, je gage qu’une enquête approfondie nous dédouanera de toute responsabilité, les Pharois s’en rendront compte tôt ou tard.

Eikki : Concernant les données, de nombreux citoyens ont fait part de leur inquiétude quant à la manière dont celles-ci ont pu être collectées. Beaucoup sont ceux qui ont du mal à imaginer que les ministères, en raison de leur influence et de leurs moyens d’actions, puissent ne pas être impliqués.

Mainio : Ils ont raison d’une certaine manière, bien que je n’irai pas m’aventurer à pointer du doigt qui que ce soit. Mais pas forcément de la manière dont on le pense. La bureaucratie pharoise a ses limites et repose en partie sur l’initiative et le bon sens de ses membres qui sont, pour un certain nombre de tâches, volontairement peu dotés. Comprenez qu’en dehors de certaines missions telle que, récemment, la gestion des flux migratoires ou la défense du pays, nous avons démocratiquement fait le choix de ne pas donner trop de poids à notre administration, un choix qui nous honore par ailleurs ! Cela a d’ailleurs pour conséquence que l’information circule vite, mais peut-être un peu trop vite. Il n’est tout simplement pas impossible que certains verrous aient sautés parce qu’il s’agissait des services secrets, quand des agents de la CARPE vous demande l’accès à certains dossiers, vous avez tendance à penser qu’ils ont une bonne raison de le faire. Je crois que s’il y a une leçon à tirer à ce stade, c’est que nous avons collectivement pêché par naïveté.
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Un journal pour les gouverner tous.




Tout va bien, et pourtant...!

Malgré la multiplication des succès pharois, la défiance envers les politiques menées augmente
Reconnue à l'internationale : la sphère pharoise peine à convaincre à l'intérieure de ses frontières
Le marasme de l'opinion publique inquiète en période de guerre et d'élections



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Décollage réussi pour la pieuvre pharoise !


Les premiers sondages entourant les élections ministérielles laissent entrevoir une situation imprévisible sur fond de tensions politiques et militaires.

Il y a de quoi donner des sueurs froides aux partis de gouvernement : alors que tous les indicateurs sont au vert et que le Syndikaali semble au sommet de sa puissance, la défiance vis-à-vis de l’action des responsables publics s’accentue de jours en jours. Comment expliquer ce paradoxe apparent ? Retour sur trois statistiques… et leurs conséquences.


Pharois Syndikaali : première puissance militaire mondiale

Le chemin a été long mais les récentes actualisations des études Elpides, réalisées par les chercheurs du Lofoten ont rendu leur verdict : le Pharois Syndikaali est sans contestation possible la première puissance militaire au monde. De quoi réjouir les tenants de la Nouvelle Doctrine qui ont fait de l’inviolabilité de la base arrière leur préoccupation centrale, et ceux qui, lors de la publication de la première occurrence des études, s’étaient alarmés de voir le Syndikaali si mal placé.

Et pourtant… une partie de la puissance militaire pharoise est avant tout imputable à des changements méthodologiques. En effet, le Syndikaali est le pays dont la population civile est la mieux entraînée au monde. On estime à environ 300 000 marins capables de prendre les armes – avec une efficacité moindre que des soldats professionnels cependant – et grâce aux politiques volontaristes du Parti Pirate, ce chiffre augmenterait de 100 000 à 200 000 personnes par an. Un véritable écosystème de la violence qui forme par elle-même des dizaines de milliers d’hommes capables de prendre les armes.
Ce classement de puissance reste malgré tout théorique, compte tenu du fait que rarement une nation sera amenée à déployer l’ensemble de sa force militaire sur un front, sauf à être directement menacée. Toutefois, la présence massive de pirates et de garde-côtes au Syndikaali a l’avantage de permettre à la flotte pharoise de se déployer en entier, en confiant par ailleurs son arrière-garde à la société civile.
Le Syndikaali est en effet en mesure de s’autogérer et ce malgré une présence de forces de l’ordre minimale grâce à sa tradition autonomiste et libertaire. Une composante qui a été prise en compte dans les calculs et justifie donc les estimations à la hausse du potentiel pharois.

Pourquoi dès lors cette nouvelle ne remporte pas l’adhésion des électeurs ?

Sans pouvoir parler pour le moment de sanction dans les urnes, les sondages sont cruels, personne ne semble tirer bénéfice de cette première place. Ni le Parti du Progrès, ni le Parti Communiste, ni même le Parti Pirate pourtant pleinement investi dans les enjeux de renouvellement de la faction.
La raison à cela semble tenir en deux points : tout d’abord le manque de fierté nationale inhérent à la culture pharoise. Dans la pratique quotidienne le fait d’être où non une puissance militaire se perçoit peu. Certes cela a des effets géopolitiques concrets et influe en cascade tout un tas de choses aussi fondamentales que l’économie ou le système politique. Il n’empêche que pour le quidam, compter mille ou cent mille militaires joue peu. Pire : les premiers concernés à savoir les conscrits ayant reçu une formation militaire par le Syndikaali sont eux-mêmes des rouages de la machine, ce qui les empêche de prendre du recul sur un état de fait historique considéré comme acquis. Le Syndikaali est l’un des rares pays au monde à posséder une faible conscience nationale en raison des conditions de sa fondation et de positionnement idéologiques marginaux. De fait, la compétition internationale joue peu pour des Pharois habitué depuis des siècles à quitter le pays comme on change de chemise, ou à reporter leur loyauté là où les arrangent leurs intérêts. Les effets de se savoir premiers ont donc un faible impact sur l’opinion publique. D’ailleurs les médias se sont peu emparés de la nouvelle, plus intéressés à traiter de la situation au Prodnov, des élections à venir et des scandales entourant la C.A.R.P.E.
La seconde raison s’explique par la multiplication des conflits qui a l’effet étrange d’impacter indirectement ceux qui ont reçu une formation militaire. Personne n’aime la guerre, personne ne veut se battre sauf à la marge quelques brigades internationales. De fait, être pirate, porter une arme, avoir fait son service militaire, c’est être potentiellement mobilisable ce qui tend à déplaire à la faction pirate, avant tout soucieuse de son business. En conséquence de quoi, la place de première puissance mondiale fait à juste titre craindre aux Pharois qu’elle ne serve de prétexte à justifier plus d’interventionnisme, comme a ou récemment le faire la Loduarie venue demander de l’aide au Liberalintern dans une guerre lointaine. Assez logiquement, ceux qui souhaitent maintenir le Syndikaali dans une position de neutralité et de défense régionale auront tendance à voter pour des partis moins interventionnistes. Or le Parti du Progrès subit depuis plusieurs années des procès en impérialisme, le Parti Communiste est impliqué par jeu d’alliance dans plusieurs guerres et le Parti Pirate est imprévisible.


Pharois Syndikaali : pays le plus développé au monde

Autre statistique qui aurait dû être célébrée comme une victoire : les chercheurs du Canta ont attribué la note de 91 au Syndikaali, le plaçant en tête des pays développés. Une prouesse rendue possible par la productivité record de l’industrie pharoise, grâce aux nouvelles technologie et un positionnement à l’avant-garde de la tech, mais également à la qualité de l’enseignement d’Albigärk, les deux facteurs se nourrissant probablement l’un l’autre. Malgré une espérance de vie en moyenne dix ans moins élevée que certains autres pays modernes – en raison de la forte mortalité des marins – le Syndikaali se positionne définitivement comme un géant technologique, à l’avant-garde de la productivité mondiale.

Pourquoi dès lors les partis de gouvernement n’en tirent pas profit ? Certes le Parti du Progrès engrange un certain nombre de bénéfice, considéré comme le principal acteur du développement pharois car appartenant au gouvernement depuis maintenant plus de douze ans dans différents ministères, mais la traduction électorale de ce succès est plus faible qu’escomptée. Un sort qui n’épargne en fait aucune formation politique puisqu’aucune ne semble réussir à légitimer son programme économique aux yeux des Pharois.

Là aussi, plusieurs explications s’affrontent. L’une d’elle est que la très (trop ?) rapide croissance pharoise qui passe en une décennie d’un pays relativement en retard à la première puissance économique mondiale, a entraîné trop de bouleversement pour que ceux-ci soient estimés à leur juste valeur. Le quotidien des Pharois, particulièrement les citadins, a été ponctués de travaux, de grandes transformations, de vagues d’immigrations et le tout accompagné de séquences politiques intenses et régulières qui ne permette pas d’avoir une vision d’ensemble des transformations – pourtant positives – qui travaillent le pays.

Cette analyse irait de paire avec le diagnostique posé par Henriikka Karjalainen, chercheuse en sciences politiques et économiques à ALbigärk : l’organisation du tissu économique pharois qui laisse la part belle à l’adaptation et la flexibilité en faisant jouer les marchés locaux a obligé les travailleurs à sans cesse changer leur fusil d’épaule afin de suivre les transformations profondes et rapides du pays. En résulte que malgré l’enrichissement massif des Pharois, ceux-ci ont par ailleurs été soumis à un fort stress et une impossibilité de se stabiliser durablement dans certains secteurs tant ceux-ci étaient en perpétuelle expansion. Par ailleurs le manque de main d’œuvre structurel du pays augmente la charge de travail individuelle, justifiant la forte productivité par tête mais rendant le travail intense.
Autrement dit, les Pharois ont été obligé de constamment se remettre en question alors que le tissu économique autour d’eux changeait en permanence, ce qui entraîne une forme d’épuisement qui empêche de saisir le développement économique comme un véritable facteur d’amélioration des conditions de vie.

Par ailleurs, le tissu économique pharois majoritairement composé de coopératives, et à l’origine du dynamisme du pays, privilégie massivement les réinvestissements de valeur ajoutée dans l’entreprise. De fait, si la richesse individuelle a explosé, elle accompagne en vérité la valeur des coopératives et se retrouve moins sensiblement dans la poche des travailleurs. Certes certains accumulent de véritables fortunes, mais pour la classe moyenne la chose est moins évidente.

Enfin, et ce n’est pas négligeable, l’enrichissement massif des Pharois s’est fait en peu de temps et a donc touché toute la société. Autrement dit, les Pharois sont devenus riches tous ensemble, ce qui gêne la comparaison et rend moins tangibles les gains de niveau de vie. Peut-être aurait-il fallu plus de pauvres pour donner le change ?


Succès économique : et pourtant ?

Dernier indicateur au vert, l’économie est forte, le pays devrait atteindre les deux-milles milliards de PIB avant la fin de l’année, confirmant là aussi sa deuxième place, première en incluant Albigärk. On l’a dit dans les deux parties précédentes, pas de quoi faire chanter l’hymne nationale aux Pharois – la connaissent-ils seulement ? mais il devrait au moins y avoir de quoi contenter les industriels et acteurs de la finance ? Au moins la piraterie ? Rien du tout, semble montrer les études, la faute cette fois à des indicateurs au rouge qui viennent entacher le tableau. Le prix de l’énergie qui ne cesse d’augmenter et le manque de main d’œuvre grippe l’économie pharoise qui peine à se développer aussi rapidement qu’elle le devrait. S’en dégage de la frustration pour ses principaux acteurs qui grandissent mais moins vite que prévu. Effacés donc les bénéfices de la productivité, désormais perçue comme un trompe-l’œil, la réalité du quotidien des coopératives et entreprises étant d’avantage constituée de bilan comptables positifs, mais d’une croissance inférieure aux années précédentes.
Les Pharois seraient-ils devenus des enfants gâtés, biberonnés à des taux de progression à deux chiffres ? On peut le croire, à voir les sondages qui montent jusqu’à 55% d’insatisfaits de la situation économique, alors même que l’année 2010 sera l’une des meilleurs pour le pays.

Dès lors il semble bien s'agir d'un enjeu de perception et de pédagogie, mais qui pourrait se révéler impossible : en effet les affects négatifs des Pharois sont de deux ordres et assez irréconciliables. D'une part certains suffoquent face à une croissance généralisée trop rapide qui bouleverse les modes de vie, paysages, habitudes et oblige à une remise en question permanente de son modèle économique sur les marchés, de l'autre certains se sentent frustrer aux premiers signes de ralentissements qui sont paradoxalement des indicateurs plutôt positifs à échelle macroéconomique. Pénurie de main d’œuvre et d'énergie indiquent une économie qui possède toujours un fort potentiel de développement, freiné par des causes exogènes. Il s'agira en effet de trouver d'avantage de travailleurs, et de nouveaux fournisseurs pour relancer la machine pharoise ! Mais cela, c'est de la théorie économique et malheureusement la population n'y entrave pas grand chose.


Décidément, on peut le dire : notre pays va bien ! Pourquoi dès lors les Pharois ne s’en rendent-ils pas compte… ?
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