Juillet 2010
L'importation du conflit contre le Valheim
20 mois après l'arrivée massive de réfugiés, la Manche Silice tergiverse
315 000 réfugiés en provenance de Kaulthie et du Valheim sont arrivés dans la péninsule d'Ostremont en novembre 2008. Les tensions entre les deux communautés ne se sont jamais véritablement éteintes. L'invasion du Hongar a aggravé la situation. Le Triumvirat Ksiaz-Azafran-Vittorio IV s'était subtilement positionné contre la Kaulthie, considérée comme agresseuse, et avait collaboré avec les forces du Liberalintern.
Le nouveau Triumvirat, fraîchement élu (Costa-Martinez-Vittorio IV) hérite d'une situation complexe. "Les liens de coopération avec le Liberlintern sont conservés mais ils souhaitent réchauffer les relations avec le Novigrad qui est cobelligérant de la Kaulthie. Dans cet exercice d'équilibriste, ils cherchent en priorité à écarter tout risque de conflit en Manche Silice", explique Jacinta Redes, spécialiste de la géopolitique de la zone des Pojas.
Novembre 2009
A Meulière, Calepleine, Villeneuve et dans les villes de moindre taille de Pays Minier, la violence est montée d'un cran. Pour la première fois depuis l'accueil des réfugiés, nous avons déploré une cinquantaine d'attaques à l'arme blanche. Chez les kaulthes, les violences sont également dirigées contre les forces régionales, jugées favorables à la cause du Valheim.
Le gouvernement du Pays Minier est fracturé. Jadviga Szidlo et Befana Abondanzieri, respectivement élues de Meulière et de Calepleine, les deux plus grandes métropoles de la région, sont prêtes à accéder aux demandes des factions. "Laissez-nous passer en Lendavie pour que nous retournions chez nous participer à la guerre, autrement, nous la mènerons ici". Durant de longs mois, les trois autres élus résistent, craignant de fâcher un voisin, qui, pourrait porter un coup fatal à l'industrie minière locale.
Juillet 2010
Le Triumvirat a finalement pris contact auprès du président de la Républque fédérale lendave. Kristjan Simen a accepté le libre passage. Des dizaines de milliers de réfugiés prennent donc le chemin du retour. Une rencontre avec le président de la République lendave est prévu dans quelques jours.
Les Bertholt se sont installés à Villeneuve il y a un an. Ce clan d'une vingtaine de personnes (deux grands-parents, trois couples d'enfants et douze petits enfants originaires du Höngar (Erwalburg) s'est pleinement intégré à la vie locale. Les hommes travaillent aux aciéries, les femmes embauchent dans les petits ateliers textiles et les plus jeunes ont été rapidement scolarisés. Au départ, ils vivaient à Meulière mais, harcelés par d'autres réfugiés kaulthes, l'autorité régionale leur a proposé ce déménagement.
Otto, le chef de famille, 77 ans, a fait une croix sur un retour au pays natal. "Jamais ces territoires n'auront droit au répit. Les parties prenantes ne dialoguent pas. C'est une idéologie contre une autre. Le peuple ne compte pas". Frederik et Stefan, ne partagent pas cet avis. Ils terminent leur préavis aux forges avant de prendre le départ pour le front. "La famille est en sécurité. L'exode de centaine de milliers de gaillards du Valheim l'a considérablement affaibli. Il faut y retourner pour chasser le Kaulthe de terres qui nous appartiennent", explique l'un des frères. Le reste du clan estiment que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Les discussions sur le sujet sont houleuses. Dans leur grande majorité, les réfugiés valhémiens comptent rester en Manche Silice où ils s'estiment bien accueillis.
A Calepleine, la fratrie Uhland a été chassée du Mustheid, une région au nord du Hongär, un autre front particulièrement disputé entre communalistes et libéraux de Kaulthie. L'aîné, Willy, a été le premier à passer la frontière avec la Lendavie, dès l'automne 2008. Trois mois plus tard, c'est au tour des cadets, Tobias et Rudolph. Leurs femmes et enfants vivent toujours en Manche Silice. "On attend qu'ils nous fassent signe que nous pouvons rentrer à la maison. Ici c'est du provisoire. J'ai même l'impression que l'on est chez l'ennemi", confie Fausta, l'épouse de Willy dont les fils purgent en prison une peine de trois ans de prison pour tentative de meurtre sur un réfugié du Valheim.
Avec l'installation durable en Manche Silice de dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants du Valheim pose la question de la solubilité de cette nouvelle communauté dans la société siliquéenne. Les différences linguistiques sont relativement faibles puisque le salvonipe, langue parlée dans le nord du pays, est constituée de nombreux emprunts aux langues germaniques et slaves. Raison pour laquelle, très peu de ressortissants valheimiens ne se sont aventurés en dehors du Pays Minier où la langue historique des Tchenkov est peu usitée.
Dans les deux villes principales de la région, Meulière et Calepleine, les Valheimiens bénéficient d'un fort accompagnement des services régionaux. Ils ont été logés par petits groupes dans des quartiers très divers de la ville, les enfants suivent des cursus de rattrapage en parallèle à l'école banale. Les adultes qui le souhaitent bénéficient d'un programme de validation d'acquis professionnels pour obtenir des diplômes équivalents et s'insérer plus rapidement sur le marché local de l'emploi.
A l'inverse, à Villeneuve et La Source, les noyaux communautaires sont davantage livrés à eux-mêmes. Seuls les gros employeurs des mines et de la sidérurgie leur ont offert du travail. Les jeunes sont parachutés dans les établissements scolaires sans aide particulière. "Nous sommes très reconnaissants à la Manche Silice et en particulier au Pays Minier pour son accueil mais après tant de mois, nous aimerions être mieux considérés. Tout le monde souhaite revenir à Meulière et Calepleine", évoque Birgit Heine, présidente de l'amicale des valheimiens de Villeneuve, une association communautaire proposant des animations et moments festifs.
"Hors de question de surcharger Meulière et Calepleine. L'acceptabilité des refugiés du Valheim par les citoyens repose sur la notion de solidarité entre les territoires dans l'accueil", glisse une source au sein du gouvernement régional. L'autre raison que personne ne souhaite avouer, même sous anonymat, est le risque de déstabilisation politique. Selon nos informations, un groupe de pression appelé Komu et piloté par Birgit Heine et trois autres leader valheimiens, tenterait de diffuser une idéologie communaliste, absente de la péninsule d'Ostremont jusqu'à présent. Interrogé sur l'existence même de cette organisation, la présidente de l'amicale des valheimiens de Villeneuve nie. "Nous n'avons pas de droits civiques, comment pourrait-on transformer vos institutions ?".
Méconnaissable ! Ettore Podestat n'est plus chauve. Le dauphin se présente désormais avec une longue chevelure brune. Postiche, implants capillaires ou repousse naturelle ? Le sujet s'invite dans tous les foyers de Manche Silice et fait l'objet de nombreux commentaires et plaisanteries. Pourtant, le prétendant au trône landrin engrange silencieusement des points auprès de son père vieillissant. En mai dernier, le trentenaire (finissant) s'est rendu en visite officielle au Burujoa pour inaugurer une nouvelle ligne aérienne d'Air Ryoko, signer des promesses d'investissements directs en Manche Silice et "voir du pays". Les diplomates de l'empire nazuméen postés dans la péninsule d'Ostremont reconnaissent le succès de cette visite officielle. À la fin du mois d'août, Ettore va représenter la Manche Silice à Canta pour un grand raout de chefs d'État du monde entier.
Vittorio IV préparerait-il sa mise en retrait ? "Le nouveau triumvirat vient tout juste de démarrer. Ce serait un manque de respect pour le peuple siliquéen qu'il rende son tablier quelques mois seulement après. Le roi est en bonne santé, il jouit de toutes ces capacités intellectuelles. En revanche, les longs voyages pèsent sur sa santé. Il place toute sa confiance en son fils pour le représenter", précise l'entourage du monarque. Un intime ajoute un élément que la cour se garde bien d'avancer. "L'horloge tourne, Ettore est toujours célibataire. Il faut qu'il se montre partout où des prétendantes pourraient se trouver".
La lutte contre le crime organisé en Manche Silice a été abordée par de nombreux candidats lors des dernières élections triumvirales. Les statistiques estiment que les recettes des pègres siliquéennes représentent entre 6 et 8% du produit intérieur brut national. Les citoyens tolèrent de moins en moins cette mise en coupe de secteurs économiques et géographiques qui nuit également à l'image internationale de la péninsule d'Ostremont.
Une conférence s'est déroulée ce samedi à Rio de l'Estuaire en présence des trois triumvirs et de cinq représentants des exécutifs régionaux. Le Triumvirat souhaiterait l'édiction d'une législation anti-pègre applicable à l'ensemble du territoire national pour améliorer la lutte contre le phénomène. Dans le Pays Landrin, région particulièrement concernée par le problème, Gianluca Ramapopi, président de la Guilde, a refusé de participer à l'événement, dénonçant "une stigmatisation des siliquéens d'ascendance landrine" et demandant "[aux] triumvirs de nettoyer devant leur porte", accusant l'administration de l'État d'être "une organisation opaque au pouvoir démesuré".
Firmino Costa et Anselmo Martinez, les deux triumvirs élus sur des programmes anti-pègre, ne comptent pas en rester là et ont missionné des juristes pour mettre au point ledit arsenal législatif. "Sous trois mois, des annonces seront faites et dans 15 mois, un premier bilan sera tiré. À ce moment-là, nous publierons en transparence les résultats et pourront ainsi comparer la situation entre les régions qui ont accepté de jouer le jeu, et celles qui ont préféré refuser l'obstacle", prévient Firmino Costa.
Anselmo Martinez n'a pas souhaité faire de commentaire, mais ses rapports avec le clan Ramapopi et sa protégée Fia Savoldelli (candidate malheureuse aux élections) sont mauvais. Il se dit en privé que le triumvir entend saper l'autorité du président de la Guilde avec la bénédiction du monarque Vittorio IV Podestat, jamais à court de malice pour fragiliser ce "pouvoir alternatif de Podestavre".