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Activités étrangères dans l'Empire Listonien - Page 11

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CONFIDENTIEL - Récit de bataille - débarquement du Pontarbello / témoignage issu de la journée du 20 janvier 2007


carte des principales manœuvres pontarbelloises
Carte des principales manœuvres pontarbelloises (clic gauche pour agrandir)


Les côtes d’Aleucie du Sud commençaient à se dessiner distinctement aux yeux de l’avant-garde de l’ANPL lorsque le survol de plusieurs ATT-2 “Tortuga” amis marqua le début des hostilités par l’accomplissement des opérations aéroportées. Le parachutage de quelques centaines de combattants avait effectivement vocation à déconcentrer la présence militaire de l’autorité impériale listonien sur les côtes. Projetés derrière les lignes ennemies avec des équipements divers leur permettant une certaine mobilité, à l’instar de véhicules tactiques tout-terrain, les parachutistes de l’ANPL viennent dépaissir les défenses impériales stationnées sur le littoral méridional du Pontarbello, afin de permettre un déploiement optimal de la cavalerie blindée de l’ANPL, équipée par l’intermédiaire du Jaguar Paltoterran.

Quatorze heures, c’est ce qu’il fallait aux chalands de débarquement du Jaguar Paltoterran pour traverser le bras de mer au sud de la pointe du Pontarbello et déposer le contingent blindé de l’ANPL sur les côtes listoniennes.

Pionnier de l’attaque à bord de l’unique Tanque Alguareno Pesado TAP-10 déployé par le Jaguar Paltoterran , le Teniente (litt. Lieutenant) Jonatán Yepes est le chef de groupe des trois chars estampillés ANPL qui avaient officiellement compté parmi les premiers à pénétrer l’espace territorial de l’Empire listonien. Malgré une préparation en territoire alguareno, rien ne semblait avoir été suffisant pour désamorcer le stress et l’anxiété qui le gagnait peu à peu. L’armement des chalands de débarquement se mit en marche, annonçant l’inéluctabilité des combats à mesure que les embarcations rejoignirent la plage. Conscients de leur vulnérabilité à bord d’une embarcation telle que celle-ci et ne pouvant démarrer les tirs de suppression à bord du chaland, certains membres des équipages de chars s’en étaient remis à la prière à Dieu, le temps de franchir les dernières centaines de mètres qui les séparaient de la plage.

Lorsque le ponton s'abaissa pour frapper l’écume et se terrer dans le sable, l’adrénaline ôta toute hésitation aux pilotes de chars qui évacuèrent les embarcations de façon prompte et discontinue. A bord de son char lourd, le lieutenant Jonatán Yepes coordonnait la progression de son escadron de cavalerie blindée, constitué par trois premiers chars et quelques véhicules de télécommunication, le temps que les chalands de débarquement opèrent un nouveau convoi entre l’Alguarena et le Pontarbello. La traversée, fixée à 14h pour une embarcation se déplaçant à peine plus de 20 km/h, laisserait les forces déjà à terre livrées à elles-même, aucun renfort blindé n’étant permis durant ce laps de temps.

Aux côtés du TAP-10, deux Vehículos de Reconocimiento Blindado Ligero (VRBL) “Bandito” entament une reconnaissance le long des plages. Les foyers depuis lesquels des tirs listoniens partaient vers les embarcations sont rapidement ciblés par les canons des blindés, qui opèrent machinalement au rechargement de leurs armements le temps qu’une section de combattants ne se déploie pour prendre des positions défensives en hauteur le long des côtes.

A ce débarquement, les forces impériales listoniennes opposent un maigre dispositif défensif qui bénéficie pourtant d’une certaine réussite, grâce au tir vertical d’un lance-missiles antichars qui finira par s’abattre sur l’habitacle d’un VRBL Bandito. L’absence de mines sur la plage permet cependant une progression rapide des forces pontarbelloises, qui ont avec eux la puissance de feu. Craignant toutefois les combats de proximité, qui permettraient notamment à l’infanterie listonienne d'exécuter des tirs mortels de lance-roquettes et lance-missiles antichars, la force blindée de l’ANPL stoppe sa progression sur la plage et sollicite un appui aérien de l’aviation légère du Jaguar Paltoterran, matérialisée par le survol quelques minutes plus tard de trois hélicoptères légers polyvalents.

Le passage de trois Helicóptero Ligero y Versátil (HLV-Abejorro) du Jaguar Paltoterran prive la défense antichar listonienne de toute couverture. Celle-ci, contrainte de quitter ses positions retranchées pour ne pas essuyer les tirs de roquettes air-sol des appareils qui les surplombent, repasse dans le champ de mir des éléments blindés qui finissent par acculer et finalement neutraliser les éléments résiduels. Les places défensives où s’étaient installés les mortiers légers listoniens sont elles aussi mises à mal par le passage de l’aviation légère pontarbelloise et alliée, et la mobilité aérienne ennemie oblige les forces impériales listoniennes à parfois quitter leurs positions sans emporter avec eux le matériel le plus encombrant, à l’instar desdits mortiers légers. Plusieurs grenades fumigènes, tirées à main ou depuis les lance-pots fumigènes des blindés de l’ANPL, marquent la reprise de l’avancée pontarbelloise sur la plage.

Parc logistique de la Brigade du Jaguar Paltoterran a écrit :Nouveau budget = 12 140 pts + 2 631 pts (RP) + 4 747 pts (ce RP) = nouveau solde à 19 518 pts pour financer de nouveaux équipements
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Salut et fraternité.

J'ai déjà donné mon avis ██ ██████ ██ ██████. La mise en application du code Tate. Kī. Goei. n'était pas une bonne décision. Si notre objectif et d'éviter à tout prix une escalade de la violence, alors il faut éviter au maximum tout ce qui pourrait nous positionner de façon officielle contre ███████████. Nous savons de façon quasi-sûre qu'ils sont derrière ce qui se passe, et même si l'objectif final est de les empêcher d'agir et de mettre un terme rapide à cette opération, cela doit rester du domaine du complètement officieux.

C'est en principe tout ce que j'en pense. Nous avons de toute façon déjà un prétexte extrêmement clair pour intervenir sur le territoire concerné. Nos intérêts sur place sont multiples. Il n'a jamais été secret que le Commissariat à la Paix a déployé des agents formateurs là-bas. De plus plusieurs de nos ressortissants ont rejoints les différents territoires coloniaux pour y mener des actions humanitaires essentielles en cette période de délitement total de l'administration impériale. Il est totalement attendu d'une puissance prétendant à l'internationalisation des éléments de la lutte et entretenant des ambitions ouvertes ainsi que █████ ██ ██████ de réagir lorsque ses ressortissants sont mis en danger, à fortiori des membres de ses forces armées.

C'est probablement aussi ce qu'ont pensés les citoyens du Commité, et je pense que la Convention avait des raisons logiques d'approuver leur demande express d'instauration du protocole spécial. Cependant, comme j'en discutais avec █████ █████, je considère et persiste à considérer que cette réaction aurait dû se faire dans un second temps. Nous aurions dû commencer par une simple déclaration d'intention, sans faire passer un état spécial contraignant lors de l'Intercommunale. L'Union s'est placée dos au mur, seule et sans l'aide de personne. Si elle recule nous risquons un effondrement administratif, conformément aux ███████, si elle continue d'avancer à découvert nous courons le risque d'une escalade.

Je comprends que l'on puisse me traiter d'alarmiste, mais le fait est, je pense, que nous nous sommes amputés d'une certaine marge de manœuvre. Du temps et de l'énergie qui auraient pu être utilisés de façon beaucoup plus constructive ailleurs vont se retrouver gâchés dans un processus diplomatique et administratif visant à contourner les règles du Tate. Kī. Goei. sans provoquer un conflit ouvert. C'est déplorable.

Maintenant je vous l'accorde. On ne peut plus rien y faire. J'en ai parlé au ████████ ██████ ████ ainsi qu'à ████████ ████ du mouvement Totaliste, ils estiment que si les forces officielles ne sont plus en mesure de manœuvrer elles devront temporiser. Ce qui laisse le champ libre à une opération différée et à l'entrée en scène d'acteurs peut-être plus disruptifs, ou tout du moins n'étant pas nécessairement bloqués par la situation administrative et politique. Je ne peux pas parler d'opérations clandestines car tout ceci sera très ouvert, mais je pense que vous et votre service comprenez ce que je veux dire et qui je pointe du doigt en le disant.

Voilà pour ce qui était de votre question.

Concernant ce qui nous intéresse réellement, maintenant. Les règles régissant la cohabitation de nos deux institutions et les méthodes qu'il faudra utiliser à l'avenir pour coordonner nos efforts : il est évident que nous ne pouvons pas impliquer le commissariat. Celui que vous vous obstinez à appeler "Grand Ami-N°15" a cependant accepté de décréter une procédure Sécuriser. Désinfecter. Extraire. Le commandement opérationnel a aussi été officiellement délégué à notre corps commun à condition que :

– Nous respections les règles d'engagement d'usage et ne fassions rien qui ne puisse nier à l'image de l'Union auprès de ses alliés. Sur ce point je pense que nous serons d'accord.

– Nous continuions de leur faire des rapports réguliers sur l'ensemble de nos décisions, du ██████ et du processus ayant amené à les prendre. Vous pensez sans doute que c'est un travail facétieux et inutile, je pense pour ma part que c'est la ligne de vie qui nous relis encore à un semblant d'officialité. J'ai insisté pour que vos services s'en chargent. Ils sont plus calés que ██ ██████ ███████ en termes de communication cryptée et entretiennent de meilleurs relations avec eux.

– ████ ██ ██████████ ███ ██ ███████ ██ ██ ████████ ██████ ██ ███████ █████ ███████, ████ ████ ███████████. Ce dernier point peut s'avérer problématique et nous en rediscuterons en conséquences. La transparence viendra à la fin de l'opération, je compte que vous pour comprendre ma position. Si vous le désirez je peux temporiser pour le moment, mais je ne suis pas capable pour le moment de vous donner la moindre estimation du temps que cela nous fera gagner.

Maintenant, quelques éléments à prendre en compte dans notre réflexion :

– La continuité territoriale Pharoise n'est pas respectée par ██████████. Ce qui signifie qu'un contentieux diplomatique émergera à court ou moyen terme. Selon moi nous ne devrions rien attendre de la part de nos amis. Ils sont culturellement pirates, si vous voulez, et n'engageront pas une lutte ne leur rapportant rien dans l'immédiat. Je crois que cette carte ne pourra pas être jouée avant un long moment. En fait il se peut que cela joue en notre faveur mais sur une temporalité beaucoup plus étendue que celle nous intéressant dans l'instant. Nous le savons. Les pharois le savent. Le simple fait que nos ████ ████████ ne se soient pas exprimés de façon commune ou, comme vous me le disiez, informelle signifie clairement qu'ils jouent pour le moment leur propre tempo: il est entendu que c'est à nous d'agir, ergo, cet échange. Tout ce que nous pouvons espérer en l’état c'est de pouvoir utiliser les infrastructures de l'enclave pour débarquer hommes et équipements, et que cette même enclave servira de refuge potentiel aux différents VIPs que nous espérons extraire. Je ne suis pas persuadé que les mercenaires respectent les frontières pharoises, mais s'ils sont assez stupides pour le faire alors c'est tout le futur de la province qui sera menacé. Croyez-moi, ████████, j'ai déjà eu affaire à des pharois en colère. Ce n'est pas quelque-chose de bon.

– J'ai aussi exclu la possibilité de faire appel à 'aide des ███ pour le moment. Je suis sûr qu'ils nous aideraient et ce n'est pas le problème, cependant un conflit à ce stade de leur développement révolutionnaire pourrait compromettre tout leur avenir. Ils seront, là aussi, plus utiles sur un temps long. Je propose que nous oublions jusqu'à leur existence pour le moment.

– L'Enclave n'est pas insulaire et il est possible d'y accéder par la terre ferme. Cette option n'est pas optimale mais devra être sérieusement considérée si le blocus s'avère problématique. Ce dont je doute. Les derniers rapports semblaient indiquer que la "No go zone" concernait uniquement le ciel. De plus, et cela composera une quatrième piste :

– Nous avons des alliés dans la région. Le Gouvernement Izcale ne prendra pas le risque de se compromettre mais sa population a le courage de ses ambitions. À savoir celle de ne pas se voir ██████████ ███ ███ █████████. Nous pouvons clairement jouer sur cette fibre pour en faire des alliés fidèles. J'en avais parlé au département confédéral. Ils considèrent effectivement pouvoir mener une campagne de propagande agressive visant à présenter ██████ comme l'exacte réponse à l'actuelle situation. Cependant une telle campagne ne pousserait pas nécessairement le gouvernement à agir dans l'immédiat. La période électorale approche, mais nous ne sommes pas sûrs qu'elle suffise à faire quitter à l'Izcalie ses vieilles habitudes de présidentialisme autocratisant. Non. Nous ne devons rien attendre des instances officielles.

– Ce qui m'amène à la dernière piste de réflexion. Il existe différente factions moins officielles mais plus a même de nous êtres utile dans l'immédiat. Je n'approuve pas l'usage de ███ ████████, vous le savez, mais cette option permettrait d'étendre le champ des possibles dans le plus pur respect de ce que doit être un Sécuriser. Désinfecter. Extraire. Plus spécifiquement je pense au ████████ ██████████. Ils sont terrifiés, et je n'emploie pas ce mot à la légère, par la possibilité d'une victoire du ███. Ils savent précisément à quoi cela amènerait et ne veulent pas voir leur longue carrière s'arrêter sous le coup d'une poussée d'impérialisme étrangère. J'ai déjà pris contact avec eux pour discuter plus en détail des modalités que pourraient prendre notre coopération et j'ai été, pour tout vous dire, positivement surprise de constater qu'ils étaient ouverts à de l'action extrêmement concrète et, oserais-je le dire, extrêmement directe. Je pense qu'ils pourraient en fait régler plusieurs de nos problèmes d'un coup. Tout ce qu'ils demandent c'est un soutien financier et matériel à la hauteur des actions qu'ils espèrent mener. J'ai besoin de votre accord, conformément au principe de consensus qui nous lis désormais, pour valider le budget d'assistance que j'espérais faire signer par le ███████. Ce point est plus urgent que tout ce que j'ai déjà évoqué dans ce message et je veux que vous me répondiez dès que possible. Le plus vite nous pourrons faire le nécessaire les concernant, le plus vite █████████perdra l'avantage initial.

C'est tout me concernant. Pourriez-vous me faire un rapport détaillé des mesures et recommandations entreprises par ██ ████████ ████ ?

Je vous remercie d'avance.
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CONFIDENTIEL - Récit de bataille - Opérations aéroportées sur le Pontarbello / affrontement de la semaine du 20 janvier 2007.


Parachutage d'infanterie pontarbelloise et techniques de airdrop du matériel de l'ANPL.
Les opérations aéroportées et la pratique du airdrop ont constitué une réelle révolution dans la projection militaire en territoire hostile.


Le parachutage de plusieurs centaines de combattants pontarbellois avait strié le ciel de la péninsule à mesure que leurs parachutes s’ouvraient. Pour les forces impériales listoniennes qui avaient tourné la majeure partie de leur dispositif défensif vers le large, la surprise était totale. Cible prioritaire des parachutistes, l’héliport impérial où deux hélicoptères de transport listoniens stationnaient dans l’attente des premières directives, ou à défaut des premières réactions de l’état-major impérial.

Les troupes aéroportées pontarbelloises n’avaient pas encore posé le pied au sol qu’elles débutaient déjà les premiers combats face aux troupes impériales listoniennes en contrebas.
Si les effectifs humains initiaux ne laissaient pas présumer d’une victoire facile pour les forces indépendantistes pontarbelloises, l’équipement déployé et la mobilité de leurs forces étaient l’atout phare de leur opération, pour porter l’affrontement au moment et à l’endroit qu’ils désiraient. Ne disposant d’aucun système de défense antiaérien tangible, si ce n’est quelques postes de mitrailleuses lourdes en hauteur et chargés de scruter le ciel à la recherche d’une approche d’hélicoptères pontarbellois, l’armée impériale listonienne ne pouvait que subir l’ouverture de fronts, tantôt à l’arrière de ses lignes, tantôt sur ses flancs, compte tenu d’un emploi important d’avions de transport tactique ou d’hélicoptères de transport, du côté des indépendantistes pontarbellois.

La prise de l’héliport fut retardée par la proximité d’une unité motorisée listonienne qui vint rapidement renforcer les positions. Les parachutistes pontarbellois évitèrent donc un assaut frontal sur cette position, pour ne pas risquer d’être eux-mêmes débordés par ces renforts une fois qu’ils auront pris d’assaut la position. Ils laissèrent donc les forces listoniens présentes à l’intérieur des terres converger sur l’héliport pour ensuite, accomplir des manœuvres d’encerclement, forts qu’ils étaient de trois cent et quelques soldats affiliés à l’ANPL. En plus d’une infanterie parachutée, le contingent de l’ANPL pouvait compter sur des éléments de motorisation aéroportés, projetés au combat de la même voie que les soldats chargés d’en être les utilisateurs. Ces éléments motorisés furent appréciés pour déborder les forces impériales listoniennes présentes l’héliport et débuter la jonction entre les forces blindés de l’ANPL sur le littoral, et celles parachutées à l’intérieur des terres.

L’encerclement de l‘héliport impérial permit aux forces de l’ANPL de traiter la zone de contrôle ennemie en deux poches de résistance distinctes, dont la jonction était rendue impossible pour les combattants listoniens.

Sur la plage, la force blindée avait su ancrer ses positions et neutraliser les principales places défensives, fortement aidée par le concours des hélicoptères légers polyvalents qui étaient pour l’occasion équipés de pods lance-roquettes antipersonnels mais aussi antichars. Cependant le risque d’une menace blindée dans les rangs impériaux listoniens avait été surévalué et le groupe du lieutenant Jonatán Yepes avait fini par traverser la plage, offrant la possibilité aux embarcations qui l’y avaient déposé, d'exécuter d’autres allers et retours sur les jours qui suivirent. Pour accélérer le déploiement des forces motorisées, les ATT-2 Tortuga étaient eux-aussi de la partie, multipliant les atterrissages succincts, voire les techniques de airdrop, pour déposer des véhicules tactiques, la liaison aérienne entre le Pontarbello et l’Alguarena n’exigeant que 25 minutes de vol.

De nouvelles unités (propriété de la Brigade du Jaguar Paltoterran) rejoignent le front par les airs et la mer:
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La Brigade du Jaguar Paltoterran fait de nouvelles acquisitions:
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Nouveau solde budgétaire pour le Jaguar Paltoterran / l'ANPL:
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Ecusson des services secrets alguarenos
Désireux de creuser l'écart entre l'administration coloniale et eux, les indépendantistes du Pontarbello ont convenu de la création d'un drapeau régional pour ce territoire au cœur des quêtes d'influence.

CONFIDENTIEL - 17 février 2007 - Récit relatant des évènements intervenus fin janvier / 1ère quinzaine de février.

Débarquement de chars légers de l'ANPL sur l'unique plage méridionale du Pontarbello.
Des renforts de l’ANPL arrivent sur la presqu’île du Pontarbello, largement équipés grâce à une enveloppe noire de la Fédération d’Alguarena.

Profitant de la présence de chalands de débarquement, les forces de l’ANPL ont acheminé de nouveaux éléments blindés et de nouvelles petites embarcations rapides modernes. Alors que les affrontements ont commencé à se taire sur la côte pontarbelloise, soldés par la reddition des forces résiduelles de l’Empire listonien, la Brigade du Jaguar Paltoterran a renforcé les positions de l’ANPL par le transfert nouvelles unités récemment acquises. “Reconnaissance, engagement, annihilation et occupation” avait soufflé Alana Morterero, agent de liaison et correspondante au Pontarbello des services secrets alguarenos. “Les forces listoniennes au Pontarbello ont été défaites, il faut maintenant installer un verrou autour du territoire conquis et leur donner les moyens de durer”. Il faut dire que l’éclatement d’un coup d'État militaire au Pontarbello avait éveillé l’indignation de plusieurs nations régionales, à l’instar du Grand Kah et de l’Izcalie.

“La prise de l’héliport revêt une importance stratégique dans l’acheminement de nouvelles forces d’infanterie mais le gros des équipements n’a pas d’autres choix que de transiter par la mer. Les ATT-2 Tortuga constituent eux-aussi des pièces maîtresses dans le train logistique de l’armée pontarbelloise, puisqu’ils ont cette facilité à permettre des atterrissages hors pistes, là où les avions de ligne sont condamnés à emprunter les aéroports.” Il existe des aéroports civils au Pontarbello, qui auraient pu faire l’objet d’une réquisition pour le transit des forces de l’ANPL et du Jaguar Paltoterran, toutefois compte tenu des forces limitées composant l’avant-garde, il eut été impossible d’occuper le territoire ultramarin listonien dans son intégralité (ou en tout cas ses principales agglomérations) pour sécuriser l’acheminement de troupes par les aéroports civils en milieu urbain.

“Les chars dormiront dans les plaines, sous un filet de camouflage nylon et l'œil vigilant des opérateurs radar…” avait confié le Teniente (litt. Lieutenant) Jonatán Yepes qui commandait le 1er peloton blindé, depuis rejoint par d’autres éléments de cavalerie, au point de former sous cette arme l’esquisse d’un escadron de combat.

Le fret militaire maritime avait en effet dédié l’exclusivité de ses moyens au transfert de ces unités, pour permettre sous 2 à 3 jours max, la constitution complète des forces blindées envisagées au Pontarbello. Pour sécuriser ces opérations, de nouvelles vedettes modernisées accompagnaient les flux entre la presqu’île pontarbelloise et le territoire alguareno. Si ces unités arborent les armoiries du Pontarbello, caractérisées par la présence d’un lion blanc sur un fond bleu et marron, la conduite de ces engins reste jusqu’ici essentiellement confiée aux membres de la Brigade du Jaguar Paltoterran. “L’Armée Nationale du Pontarbello Libre est une force militaire relativement récente, toutes les compétences ne s’y trouvent pas malgré la présence de militaires de métier” allusion directe à la maîtrise d’expertises autour de matériels militaires tels que le pilotage d’hélicoptères ou d’aéronefs ainsi que la manoeuvre de blindés de plus de quinze tonnes…

De nouveaux équipements sont acquis par les forces de l'ANPL et leur prestataire en mercenariat, la Brigade du Jaguar Paltoterran :
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Ces troupes gagnent le territoire du Pontarbello, depuis le fret aérien et maritime mis en place par l'ANPL/le Jaguar Paltoterran:
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Nouveau solde budgétaire pour le Jaguar Paltoterran / l'ANPL:
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Salut et fraternité.

Franchement c'est de mieux en mieux. Ou de pire en pire, selon comment vous voulez voir la situation. Personnellement, tout ce que je vois, c'est que nous prenons du retard sur le plan militaire et que la crise risque de s'achever avant que nous ne soyons en mesure d'y apporter une réponse claire et, j'ose le dire, définitive. J'ai fait part de toutes vos interrogations au ██████ ██ ███████ ████████. On m'a donné des réponses assez vagues. Trop vagues, en fait, pour que je puisse m'en satisfaire entièrement. Cependant quelques éléments m'ont été donnés, suffisamment pour que je puisse émettre une interprétation relativement claire de la situation.

J'ose croise que ce que je vous envoie n'est lu que par vous et vous seul. Et si l'██████ ██████ ██ ████ ██████ █████ ██ le problème deviendrait plus structurel que ponctuel. Là où je veux en venir c'est que ce qui va suivre devrait, dans l'idéal, rester entre nous : je crois qu'ils ont peur. Pas tant de la situation ou du Grand ami N°4, mais de ce qui pourrait se jouer sur le moyen terme. La situation n'est pas bonne. ██████ force à la confrontation sous couvert d'intentions pacifiques et nous pouvons au choix intervenir et risquer la désapprobation de l’opinion publique et internationale, ou attendre que la situation passe et nous retrouver face à un problème insoluble, faute des moyens nécessaires à une attaque frontale ou détournée contre le Grand Ami. Pour le moment il ne joue pas carte sur table ce qui signifie qu'il n'emploie pas ses moyens optimaux, ou pas ouvertement. Nous avons une fenêtre de tir extrêmement réduite pour en profiter. Si nous ne saisissons pas cette opportunité, vous le savez aussi bien que moi, ce sera terminé, et pour de bon. Il n'y aura plus rien à faire et il faudra que ██████ se fasse à un statut de seconde zone. En d'autres termes nos options sont extrêmement limitée.

Le problème c'est que le ███████ ██ ███████ ██████ doit jouer l'équilibriste. D'une part une grande partie de la Convention est encore acquise aux clubs non-interventionnistes. De l'autre une action trop directe pourrait le mettre en situation précaire vis-à-vis de ses partenaires étrangers ou de ses voisins. Il doit doser l'effort, et ne sait pas encore comment s'y prendre. C'est comme ça. Nous sommes victimes de la révolution : plus personne dans l'administration n'est habitué aux interventions extérieures de ce genre. C'est un savoir qui n'existe plus que sous une forme théorique, et personne n'est vraiment pressé de passer à l'acte tant le risque d'erreur est important.

Que cela reste entre nous, mais je sais qu'une décision a été prise sur ce point. Vous me disiez que ce qu'il manquait au ███████ ██ ███████ ██████ c'était, plus que des compétences dans ce domaine précis, un individu en mesure de porter la flamme militaire. Nous le savons, les ███████████ se répartissent le gâteau. C'est officieux mais tout le monde voit bien qui s'occupe de quoi.

Personne ne s'occupe de la ██████. C'est un sujet très compliqué. Il est nécessaire de contingenter les responsabilités car si elles étaient partagées la moindre faute pourrait faire tomber l'ensemble, et ce n'est pas ce que veulent les ████████, la convention et encore moins le peuple. Le ████████ est très populaire. Pourtant ce sont les règles du jeu. Donc il faut que quelqu'un s'empare du sujet. Il faut une tête brûlée ou quelqu'un qui sent plus utile en tant que potentiel fusible qu'en tant que membre permanent de l'Honorable. Donc quelqu'un va démissionner au sein du █████████ ██ ████, et ils vont appeler de nouvelles élections pour le remplacer.

Je ne sais pas encore de qui il s’agira, ce qui signifie que ce ne sera pas l'un de nos amis. Je l'ai appris par les directeurs qui ont explicitement demandé à l’Honorable d'obtenir des consignes plus précises, ou l'autorisation d'agir avec un degré de liberté plus conséquent dans l'affaire nous concernant. La réponse a été, là aussi, assez vague mais suffisamment riche en indice pour permettre de reconstituer le puzzle. La demande des directeurs se verra bientôt répondre de la manière la plus démocratique possible.

Nous concernant je ne crois pas que nous ayons le temps d'attendre toute une campagne électorale pour mener les actions nécessaires au maintien de la paix et de la ████████ ███████. Je vous préconise donc de continuer. Les directeurs m'ont assuré que pour le moment, faute d'indications contraire, ils ne s'opposeraient pas à ce que nous menions une campagne de basse intensité dans la région. Sur le plan diplomatique et du service après-vente, pour reprendre l'expression que vous employez, ██████se porte garant de nous.

Alors allez-y, et ne faites pas attendre nos alliés.
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20 février 2007 - L’ANPL revendique le contrôle total/la libération totale du territoire pontarbellois.


Actions de communication des médias pontarbellois
Que ce soit par une présence militaire ou médiatique, l’ANPL et la nouvelle administration pontarbelloise s’attachent à occuper le terrain.


Après le déroulement du gros des combats l’ayant opposé aux troupes impériales listoniennes, l’Armée Nationale du Pontarbello Libre (ANPL) a affirmé détenir sous son contrôle l’intégralité du territoire pontarbellois. “De la pointe de Maraes au Sabalco (fleuve dans l’extrémité nord du territoire) nous sommes là et ne formons qu’un, par le peuple pontarbellois et pour le peuple pontarbellois…” s’était enthousiasmé le Général Leopoldo Sapateiro, commandant-en-chef des armées de l’ANPL avant l’investiture tant espérée de la première fonction présidentielle du pays.

Après les déclarations d’officiels appartenant à l’ANPL, ce sont également des personnalités civiles, notamment les maires de certaines localités au nord du Pontarbello, qui ont constaté la présence de forces de l’ANPL au sein de leurs communes. Aucun acte de justice sauvage entre les indépendantistes et les civils ayant participé au fonctionnement des institutions impériales n’a été enregistré.

En certains endroits, l’occupation de certaines villes par l’ANPL ne souffre d’aucune ambiguïté, compte tenu de la présence de ses forces et de l’aménagement de certaines structures pour accueillir le train logistique des forces armées. Dans la ville côtière Fuenloda, c’est par exemple un véritable port artificiel qui s’est érigé pour permettre l’arrivée de renforts mécanisés sur le sol pontarbellois. “Ce matériel est bien entendu de manufacture étrangère, compte tenu des carences industrielles constatées sur le territoire du Pontarbello, cependant il fait l’objet d’une prise en compte par l’ANPL et l’on travaille à la formation de ses soldats pour qu’ils soient en mesure de les utiliser et donc de les intégrer dans un dispositif défensif…” confiait Felipinho Mascarenhas, un consultant en sécurité employé par l’état-major de l’ANPL. Les infrastructures logistiques et administratives du pays sont aux mains de l’ANPL, si certains villages pontarbellois pourraient déclarer ne pas avoir encore vu de soldats de l’ANPL chez eux, ce n’est qu’une affaire de temps avant qu’un déploiement optimal des forces pontarbelloises ne permette de les contredire.

Occuper l’espace, pacifier le territoire, faire valoir une domination martiale pour inciter au renoncement à toute velléité par les autorités impériales listoniennes de métropole ou ses alliés, voilà l’ambition affichée par l’ANPL, alors qu’elle travaille sur la constitution de son contingent national. Les forces loyalistes au régime impérial listonien et toujours présentes sur le territoire du Pontarbello, sont quant à elles condamnées à la dispersion, ne pouvant plus opposer des unités militaires constituées et équipées de façon significative.

Une escadrille d’hélicoptères survole quotidiennement la ville de Fuendola, pour effectuer des liaisons diverses au départ du port artificiel, construit par des éléments du génie affiliés à la Brigade du Jaguar Paltoterran, une société militaire privée positionnée comme prestataire en sécurité auprès des futures institutions indépendantes pontarbelloises. “En une semaine, tout a changé” nous confie un riverain de la même agglomération, “présence militaire, combats, et déploiement d’une force de maintien de l’ordre, les nouvelles autorités indépendantistes reprennent du service au sein des différentes administrations locales.” Des consultants privés travaillent à la sécurisation des réseaux de télécommunications pour permettre de multiplier les échanges entre la population et la nouvelle administration.

Suivi budgétaire a écrit :Budget de l'ANPL / Jaguar Paltoterran = 12 959 pts + 3 783 pts = 16 742 pts de développement.
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Afarée, méridional exotisme

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Bien que le projet chemin noir ait été un échec partiel, l’implantation du Syndikaali dans les colonies listoniennes a tout de même ouvert de nombreuses opportunités pour la société civile. Loin des magouilles, loin des plans tortueux d’un gouvernement pirate aux ambitions tentaculaires, comme bien souvent ce sont les entrepreneurs privés et équipages indépendants qui font la véritable force de la pieuvre pharoise.

Et ces-derniers ne perdent pas le nord : la boussole pointe au sud ! Vers les contrées luxuriantes et mystérieuses de l’exotique Afarée, continent enjôleur pour nos marins habitués des austères océans gelés du cercle polaire.

Or, summum des plaisirs que réserve la côté ouest afaréenne, outre le soleil qui réchauffe les peaux pâles, la drogue y circule aussi facilement que les spiritueux. A quelques encablures de l’Althalj, la province du Shibh Jazirat Alriyh fait figure de zone tampon. Délestée du poids invasif de la lourde administration impériale listonienne, le port flaire bon la terre de non-droit où les équipages du Syndikaali ont pris l’habitude d’accoster en profitant de leur enclave pour y charger des cargaisons de champignons et de plantes psychotropes. D’autres viennent tout simplement consommer, dans ce qui s’apparente de plus en plus à une destination touristique à la mode.

La gorge prise, les finances balbutiantes du Shibh Jazirat Alriyh lui rendent difficile de refuser cette clientèle bruyante mais dont les poches regorgent de capitaux eurysiens. Déjà la côte se transforme et sur les quais se sont ouvert depuis quelques mois des établissements entièrement dédiés aux plaisir et à la consommation de produits stupéfiants. Un business lucratif faute de mieux et qui semble adapté au climat doux, rencontre entre la côte océanique et les latitudes chaleureuses de cette région du continent afaréen.

Pour l’heure, cette économie de substitution suffit à encore à injecter dans la province les fonds nécessaire au maintien de ses institutions, mais il semble bel et bien que prise entre l’Althalj qui fournit la marchandise et le Pharois qui la consomme et l’exporte, Shibh Jazirat Alriyh soit devenue bon gré mal gré une plateforme commerciale pour l’un des business les plus lucratifs au monde : celui des drogues douces et du projet cuttlefish.

Dans son palais au style colonial, Paolo o Prefeito assiste impuissant à la transformation de sa province et de ses habitants. Mais comment le gouverneur pourrait-il bien s’y opposer ? Qui le suivra dans cette guerre perdue d’avance alors que la population risque de manquer de tout ? Couper la drogue, c’est couper le robinet des liquidités. Et puis… Paolo o Prefeito a la tête ailleurs. Allongée nue sur l'un des canapés de velours de sa terrasse en escalier, la Capitaine Suoma l’invite d'un geste alangui à venir la rejoindre. Leur dernière partie d’échec s’est terminée sur un pat, il faut bien trouver une conclusion satisfaisante à cette belle journée de printemps…
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Le 18 mai 2007 - Shibh Jazirat Alriyh

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Paolo o Prefeito, un gouverneur au cœur des convoitises


Suite à une opération de corruption et de séduction politique orchestrée par le Pharois Syndikaali, le gouverneur du Shibh Jazirat Alriyh au nord de l'Althlaj, accepte de participer aux négociations avec cette dernière.

Charmé par l'intrigante capitaine Suoma et constatant que seuls les capitaux étrangers pharois et althaljirs maintenaient encore sa province à flot économiquement, l'ombrageux gouverneur a annoncé ce matin accepter de participer, aux côté de sa voisine méridionale, à une rencontre diplomatique afin de mettre sur la table des négociations le statut politique de la colonie afaréenne. L'administration impériale métropolitaine n'ayant pas été conviée, cette annonce a des airs de ruptures entre Shibh Jazirat Alriyh et la Listonie.

Plateforme afaréenne du trafic de drogue et de plaisir, Shibh Jazirat Alriyh pourrait bien s'inscrire dans les prochains mois, à sa manière, dans les pas du Pontarbello, de Jadida, de Porto Mundo ou de la République Hafenoise et devenir la cinquième colonie listonienne à déclarer son indépendance vis-à-vis de l'Empire.

66-100 - réussite majeure
L’administration centrale est affectée par des cas de corruption au profit des intérêts pharois. Bonus +20% pour toute opération d’influence politico-culturelle émise par le joueur Pharois.

11-65 - réussite mineure
Des élus locaux sont touchés par la corruption et s’engagent au profit des intérêts pharois. Bonus +10% pour toute opération d’influence politico-culturelle émise par le joueur pharois.
6-10 - échec mineur
La tentative de corruption auprès des administrations locales est un échec.
1-5 - échec majeur
La tentative de corruption auprès des administrations locales est un échec et de notoriété publique dans les médias locaux. Elle contribue à attiser le ressentiment antipharois. Malus de -10% de réussite à toute opération politico-culturelle sur le territoire.


Résultat de l'opération (arbitrée par Albel / Empereur administrateur)
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Lorsqu’il s’éveilla, Mattias constata qu’il était encore fatigué. Le drap de sa couchette avait glissé sur le sol pendant la nuit et son hublot laissait passer les rayons du soleil qui réchauffaient son torse nu. Il n’avait pas encore pris l’habitude de fermer ses rideaux. Au Pharois et dans les eaux du nord, la lumière était blanche et diffuse et se reflétait généralement sur un vaste ciel de nuages uniformes qui au loin se mêlait aux banquises. En hiver, il n’y avait du jour que quelques heures, et encore n’était-ce pas un éclatant zénith mais plutôt un long et alanguis couché de soleil qui se trainait à l’horizon comme une grosse larve flamboyante et paresseuse.
Mattias avait grandi à Lastenkoti, l’orphelinat perdu dans les glaces, au-delà du cercle polaire. Il y avait appris à naviguer, et tout un tas d’autres choses moins utiles aussi. A dix-sept ans, il était entré comme mousse au service d’un chalutier. Le paysage n’avait pas trop changé, beaucoup de glace à la dérive et pas beaucoup de temps passé à terre. Pendant deux ans il avait gravité dans les eaux blanches de l’océan gelé du nord, de Helmi à Pharot en passant par Merengrad, le port des communistes. C’était une ville étrange, Merengrad, mais construite en partie par des Pharois on y trouvait surtout du béton et de la grisaille. C’était comme ça le communisme, et apparemment la piraterie aussi puisque le Syndikaali n’avait guère l’air plus fantaisiste.

A Pharot, il s’était plutôt bien amusé cependant. Des copains avec qui boire et rigoler, pas mal de conneries qui lui rappelaient la vie en collectivité de Lastenkoti. Malgré tous ses défauts, l’orphelinat laissait généralement un bon souvenir aux pensionnaires : parfaitement bien équipé et encadré par une équipe pédagogique dévouée, planté au milieu de la mer comme une île mystérieuse, l’enfance là-bas avait des airs d’aventure et vous propulsait dans la vie solidement doté d’un esprit de débrouille et d’initiative. Ca avait été le cas pour Mattias. Sinon il ne serait pas devenu marin. Le seul problème avec Lastenkoti, c’était indiscutablement son climat et la faible luminosité qui pouvait faire péter des câbles aux Pharois les plus endurcis. Pour les enfants, ça passait encore, à cet âge on s’habituait vite et les séances régulières de solarium permettait d’éviter les carences en vitamine D. N’empêche que le personnel tournait pas mal et avait tendance à tomber malade.

Mattias était arrivé à Lastenkoti très jeune, tellement jeune qu’il n’en avait plus de souvenirs tangibles et depuis il lui avait semblé que sa vie n’avait été qu’une longue nuit s’étirant dans le temps, entrecoupée de quelques brèches de luminosité lors des faibles étés qu’il attendait chaque année comme on attendait noël. Tout était noir, sombre, nuageux, pâle, fait d’obscurités profondes et de blancheurs éclatantes, et si peu de couleurs…

Pendant ces années, Mattias avait cru que cela lui conviendrait. Lorsqu’il avait été en âge de comprendre que la terre ne se résumait pas à un amas de roche, de pins et de glace décomposée en nuances verdâtres, grisâtres, blanchâtres, que des mots en âtre, que des mots qui inspiraient la boue, le froid, l’infertile et l’austère, quand il avait eu cet âge là en ouvrant des livres d’images, il s’était autoqualifié de silure, ce poisson noir adapte des chasses nocturnes. Un animal à sang froid comme l’océan gelé du nord, solitaire et visqueux. Mattias avait trouvé son compte dans le tableau délavé de son enfance et les deux années passées à naviguer dans le cercle polaire avaient achevé de le convaincre que son environnement naturel était bel et bien l’abysse gelée des mers pharoises.

Puis un jour on lui avait proposé de partir pour l’Althalj. Lotten, une espèce de femme volontaire qui faisait office à la fois de tutrice et de grande sœur et que Lastenkoti avait attaché à Mattias pour l’aider dans ses premiers pas hors de l’orphelinat, lui avait envoyé un sms un peu laconique :

ça te dirait d’aller en afarée ? pk ? mon cousin va chercher des épices en Althalj il cherche des matelots
Mattias avait entendu parler de l’Althalj, quoique indirectement. Pendant sa dernière année à l’orphelinat, les plus petits avaient souscrit à un programme international dans le cadre de leurs cours de géographie qui consistait à se trouver des correspondants hors du Syndikaali et échanger des mots et des cadeaux avec eux.
Les correspondants étaient althaljirs et les petits avaient même eu l’occasion pendant dix jours de visiter ce pays d’Afarée en voyage scolaire. Ils étaient rentrés tout bronzés et souriants. A cette époque, Mattias pensait déjà à l’après et l’Althalj était rapidement sortie de son esprit, remplacée par ses révisions pour l’examen général et quelques pensées impures naturelles à ces âges.

Et voilà que l’Althalj revenait dans sa vie, par la petite porte. Etait-ce ce souvenir dilué qui le poussa à accepter la proposition ? « ok » répondit-il.

Quinze jours plus tard, le navire accostait au Shibh Jazirat Alriyh.

Ce n’était pas exactement l’Althalj, lui avait-on expliqué, mais c’était déjà… tellement…

Il avait semblé à Mattias qu’on lui crevait un voile devant les yeux qui l’aurait empêché de voir le monde dans toute sa force et sa puissance. Tout ici tranchait à vif avec le Syndikaali. Les odeurs, les bruits, le goût des pâtisseries qu’on achetait sur le port et le soleil… ce putain de soleil…
Le premier jour, Mattias s’en était cramé le torse et les épaules si violemment qu’il en avait été malade. Une nuit de fièvre, puis on lui avait filé de la crème. Explorer ce pays lui faisait le même effet qu’une ivresse de printemps, l’impression de découvrir enfin une vitalité cachée après dix-neuf ans de grisaille et de rocaille.

Il en aurait vomi. Cela arriva d'ailleurs, car après le sommeil, seul l'alcool lui permit de supporter le choc. Ses premiers jours en Afarée se conduisirent sous le signe de l'ivresse et de la fièvre.

Tout son corps réclamait du sommeil mais le jeune homme se leva quand même. Il aurait bien le temps de dormir plus tard, sur le pont peut-être, tout à l’heure, ou cette nuit, ou la prochaine. Le soleil se levait sur l’Afarée et il ne voulait pas perdre un instant de jour.
D’un bond rapide, il fut debout. La cabine était étroite mais au moins était-elle individuelle. Il bénéficiait d’un placard tout en longueur où ranger ses vêtements et ses quelques effets, ainsi qu’un lavabo où s’écoulait un mince filet d’eau tiré des réserves d’eau douce – essentiellement de l’eau de pluie – du navire. Mattias en tourna les robinets, la tuyauterie râla un peu avant de cracher. L’eau était fraiche, délicieusement fraiche. C’était quelque chose qu’il n’avait jamais connu avant l’Althalj, ça, de l’eau délicieusement fraiche. Pourtant c’était la même eau qui coulait dans son lavabo au partir du Syndikaali, mais celle-ci était froide pour un temps froid, cela faisait quelque peu ton sur ton. Ici, le froid n’était ni un désagrément, ni un danger. Il venait soulager le corps du poids de l’épaisse chaleur de l’été afaréen, qui vous pesait sur le dos comme un sac. L’eau du robinet soulageait les muscles comme on ferait une pause.
Mattias s’en passa sur le visage, le cou et les épaules pour corriger les sueurs de la nuit. Puis il passa la porte de la cabine et quatre à quatre grimpa sur le pont.

Beaucoup sur le Rehellinen – c’était le nom du navire du cousin de Lotten – dormaient encore. Un marin à quai n’est pas grand-chose d’autre qu’un touriste et le plupart de l’équipage avait comme lui passé la nuit à boire, chanter et profiter des plaisirs du Shibh Jazirat Alriyh qui en proposait beaucoup. Pendant la journée, le capitaine faisait affaires. Des marchés s’ouvraient à grande vitesse dans cette région du monde et l’ex-colonie listonienne n’avait pas tardé à se changer en plateforme d’échanges et de stockage pour les grands flux du marché international, à commencer par celui de la drogue. Naïvement, Mattias ne s’en était pas douté en embarquant sur le Rehellinen, mais on n’avait pas tardé à lui expliquer le véritable but du voyage en Afarée, but qu’on n’inscrivait peut-être pas sur la fiche de poste à l’embauche, mais personne n’était dupe. Le Syndikaali prospérait en détournant le regard des activités de ses concitoyens et les opiacés partaient de l’Althalj se déverser sans distinction dans le reste du monde, légalement ou illégalement.
N'empêche que tout restait à faire. Aucun baron pirate n’avait à ce jour revendiqué le monopole de ce commerce lucratif et quand bien même l’un d’eux s’y serait-il essayé qu’assurément quelque coup de malchance aurait conclu sa tentative d’un drame sordide et malheureux. Les Pharois connaissaient le concept d’oligarchie, simplement au Syndikaali les oligarques ne vivaient pas vieux.

Mattias s’en foutait de tout ça. Le capitaine pouvait bien négocier de l’herbe, du caviar ou des tapis althlajirs, ce n’était plus son problème. Ca avait cessé d’être son problème à la seconde où il avait aperçu au loin les côtes de l’Afarée, une plage de sable doré bordé de jungle, bruissante et organique ce qui lui avait immédiatement fait penser à quelque chose de vivant, un vaste animal en feuilles et en branchages qui serait venu s’endormir près de la mer en tapissant le continent.

Sur le pont, une vieille femme sirotait du vin à l’orange dont quelqu’un avait acheté une caisse la veille, et un autre mousse d’un an son cadet lui tournait le dos, accoudé au bastingage en fixant la ville. Instinctivement Mattias suivi son regard.
Par-delà le bord du navire, séparé d’eux de quelques mètres de flotte et de cordage, s’étendait le Shibh Jazirat Alriyh. La ville donnait à voir l’étonnante articulation de rues et de maisons aux formes géométriques, agencées et ordonnées dans le but de gagner de la place dans un style colonial qui rappelait qu’en posant le pied sur ce sol, les colons listoniens avaient d’abord et avant tout cherché la praticité. Cet austère quadrillage était toutefois contrebalancé par le bordel qui animait les rues et ce alors même que le soleil venait à peine de se lever. En fait, comme chaque matin, on montait le marché qui donnait l’impression de déborder de partout tant les stands parvenaient à se glisser dans tous les espaces disponibles si bien que circuler dans la ville nécessitait soi-même de se faufiler sous les draps, slalomer entre les caisses et les sacs, parfois sauter par-dessus un étale au risque d’en envoyer valser les oranges et les poires et de se faire courser par le vendeur.

Mattias l’ignorait, mais la mue du Shibh Jazirat Alriyh était aussi récente que spectaculaire. En un an, tous les liens avec la métropole impériale avaient rompu, coupant net le flot des liquidités nécessaires à maintenir debout l’économie de la province. Puis, les choses s’étaient retournées. Débarrassé des carcans législatifs qui freinaient jusqu’alors son développement, boosté par les investisseurs pharois désireux de se tailler en Afarée une succursale sur-mesure pour leurs marchés noirs et soutenu politiquement par sa voisine althlajir, le Shibh Jazirat Alriyh s’était en quelques mois entièrement dédié au business, devenant un port de services dont le plus précieux d’entre eux était assurément l’opacité des transactions qu’on y menait.

Le trafic d’opiacé, c’était une évidence, attirait une sociologie particulière, surtout lorsque certains des revendeurs assumaient passer la marchandise en contrebande dans des pays où le commerce de celle-ci n’était pas légal. En résultait une grande animation joyeuse, galvanisée par les affaires et les gains pécuniers, mais également teintée de nervosité et de mystères qui vont de pair avec la surabondance des gens de passage, qui n’habitent pas un lieu mais se contentent d’en profiter. La dérive néocoloniale, si tant est qu’il soit juste d’employer ce mot puisque les Pharois n’avaient jamais rien colonisé, se faisait sentir au Shibh Jazirat Alriyh : on venait s’y servir, s’y ressourcer, profiter des plaisirs, des services et des charmes d’un comptoir exotique où quelques écailles vous ouvraient la porte à presque tout et n’importe quoi pourvu que vous vous donniez la peine de demander.

Mattias n’avait pas conscience de cela. Ou du moins, sa conscience n’était pas conscientisée. Comme n’importe quel jeune gens de son âge, passé le choc stendhalien que pouvait provoquer la flamboyante afarée sur un petit Pharois qui n’avait connu du monde que la rocaille et les icebergs, il avait rapidement été séduit par cette ville qui semblait, sous prétexte qu’il avait la peau pâle comme une huitre et quelques sous en poche, s’aplatir à ses pieds et n’avoir d’autre but que de satisfaire le moindre de ses désirs. Ce n’était pas tant le luxe aseptisé des hôtels pour touristes fortunés qu’une effervescence fébrile frappée du sceau de l’asymétrie et qui rappelait en toile de fond que dans les échanges de capitaux provenant du Syndikaali et les services proposés par le Shibh Jazirat Alriyh, il y avait quelque chose d’un rapport de domination économique et donc humaine. Cela vous émoustillait perversement et vous insufflait une énergie de conquérant qu’on ne retrouve guère chez soi. Il faut voyager pour comprendre toute la fascination qu’est capable de susciter le concept d’impérialisme.

- « Tu es réveillé tôt aujourd’hui. » dit la vieille femme qui sirote le vin d’orange.

Elle a un sourire dans les yeux, mais ses lèvres déjà retournent à la sussion des bords du verre où collent des traces du liquide sucré.
Elle s’appelle Suomi, c’est la doyenne de l’équipage et – Mattias l’a appris très tard – elle est la mère du capitaine. Ce grand gaillard barbu qui beugle les ordres et se vante d’avoir conclu « des affaires qui feraient pâlir de jalousie le Capitaine Eero », celui-là a emporté sa mère à fond de cale pour repasser ses chemises.
Des chemises, plus personne n’en porte maintenant, il fait trop chaud pour ça et la pâleur des peaux pharoises réclament de pouvoir se gaver de soleil comme des mortes de faim, privées de lumière trop longtemps durant. Même les femmes du groupe vont poitrine nue désormais, au-delà des températures, la proximité de l’Althlaj infuse des parfums d’émancipation.

- « Oui. » répond Mattias.

Arthurii, l’autre mousse, s’est tourné vers lui, lui adresse un regard torve. Les deux garçons s’entendent mal sans que cela n’aille jusqu’à la détestation. Mattias a pris la place d’un ami d’Arthurii, sur le navire, de ce qu’il a compris. De ce qu’il a compris l’ami en question était un sacré branleur, aussi, doublé d’un idiot. La décision de le virer a été saluée par tout le monde et faute de pouvoir s’y opposer, Arthurii se contente d’en vouloir à Mattias. Qu’à-cela-ne-tienne, l’autre a le cuir solide et surtout, surtout, pas de temps à perdre pour des conneries pareil.
De l’autre côté de l’eau, les bruits de la ville lui parviennent comme un chant de sirène, l’envoûtent et l’appellent, lui susurre à l’oreille des images fantastiques.

- « Tu vas peut-être manger un morceau avant de filer ? » lui demande la vieille.

Il hoche la tête et vient s’asseoir à ses côtés. Sur une caisse, une tasse de thé fumant et deux longues tranches de pain sur lesquelles reposent d’aussi longues tranches de poisson gras. On a saupoudré du gros sel dessus. Petit déjeuner pharois, Mattias aurait préféré des oranges.

- « Eh, tu m’as pris pour ta boniche ? C’est à moi ça, va-t’en chercher les tiennes ! »

Il s’engouffre dans le ventre du bateau à regret. L’air ici est chaud et beaucoup plus moite, saturé d’humidité et de vieilles odeurs de machinerie, de sueur et de bouffe. Quand on dort dedans on ne s’en rend pas compte, bien sûr, mais maintenant qu’il a goûté aux parfums épicés du dehors l’atmosphère à l’intérieur devient difficilement supportable. Tout dans ces entrailles et cette vie de labeur lui parait odieusement vulgaire. Heureusement, l’espace dans le navire est assez limité, afin de garder de la place pour les marchandises. Les portes des cabines succèdent à celle de la salle à manger, un sol en lino bleu marine et des parois couleur peinture écaillée. Au milieu de la pièce, une table en fer soudée au sol pour éviter de voler en cas de tempête et dans le fond, des rangées de placard et des plaques de cuisson.

Allongé dans un coin, un type dort. Il a probablement dû voulu manger quelque chose pendant la nuit et, ivre mort, n’a pas trouvé le courage de retourner à sa cabine. Mattias ouvre le placard du petit-déjeuner, dedans du pain frais et des conserves de poisson. L’une est ouverte, certainement celle de Suomi, il plonge la main tout entière dedans pour en extirper le filet gluant qu’il abat sur une tartine. Lorsqu’il émerge à nouveau, celle-ci a presque fini d’être engloutie.

- « C’est boooon… ? » demande la vieille de son ton trainant et mâtiné d’accent liquide de la côte nord.

- « J’y vais Suomi, passe une bonne journée ! »

Elle ne répond rien, le regard vissé sur le fond de son verre où un fond de liquide orange remue légèrement au gré des vagues qui soulèvent le navire.

A quai, il suffit d’un bond par-dessus le bastingage pour atterrir sur la terre ferme. Remonter sans échelle est plus complexe mais à l’aide du cordage on s’y hisse aisément. Poser le pied sur un sol stable après une nuit à tanguer est toujours comme une sorte de révélation. La redécouverte très animale de la capacité de l’homme à courir sans risquer de se casser la gueule. C’est en prédateur que Mattias s’engouffre dans la ville.


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11 juin 2007 - Appel à l’indépendance : l’Empire Listonien 2.0 sera l’Empire avec 0 territoriaux coloniaux.


Drapeau du Kodeda
Consécutivement aux différents mouvements mondiaux intervenus dans les colonies, la petite enclave coloniale de la pointe nord afaréenne souhaiterait envisager l’avenir.


Entre 2005 et 2007, les aspirations à l’indépendance des différents territoires coloniaux listoniens se sont succédées mais la plupart reste encore inextricablement lié à feu l’Empire Listonien. Pas pour le territoire de Kodeda, où une ambiance inhabituelle flotte depuis ces dernières semaines. En effet, la dislocation de l’Empire listonien a provoqué une perte de rentrées d’argent selon les possessions outre-mer en question et la politique sociale exercée auprès de certaines populations s’en est elle aussi trouvée durement affectée.

Avec la fin d’une bonne partie des dispositifs sociaux de métropole et destinés à développer son territoire aride, le Kodeda passe à côté des opportunités d’investissement sur son territoire. L’Empire listonien, un épouvantail qui ne trompe plus personne tant le support militaire qu’il est capable d’apporter à ses territoires d’outre-mer apparaît ridiculement petit, identiquement aux aides financières qu’il pouvait jusqu’ici déployer pour soutenir l'urbanisation et la modernisation de ces territoires, trop souvent exposés aux conditions climatologiques difficiles et en manque d’infrastructures, notamment routières.

Si l’émancipation est un processus long et complexe, quand l’on considère les aspects économiques tout particulièrement, il est une première marche que chacun doit rapidement franchir, celle de l’affranchissement politique, afin que le territoire puisse assumer en son nom, les décisions politiques à venir. Il ne peut pas y avoir d’indépendance énergétique, économique, s’il n’y a pas préalablement une instance politique indépendante, pour trancher dans l’intérêt du pays les orientations à prendre et qui affectent le développement économique.

A la genèse du projet d’indépendance, une longue réflexion qui prend place sur les deux, voire trois années écoulées. En effet, les dernières guerres d’Eurysie et le réchauffement des tensions autour de l’Empire listonien ont convaincu ses territoires coloniaux, particulièrement en Afarée, que le continent n’aurait rien à tirer d’une administration étrangère, qui vit au-dessus de ses moyens et en conflit permanent avec des puissances étrangères. Le continent afaréen est d’avis d’experts particulièrement stable, si l’on fait l’impasse sur le territoire varanyen récemment exposé à la guerre civile. La barbarie mise en place par les États Eurysiens qui se font la guerre, à l’image du tir de missile balistique francisquien dirigé contre un aéroport international damanien, fait l’effet d’un électrochoc parmi certaines colonies hors continent eurysien. “L’Eurysie, ou en tout cas ses explorateurs, est arrivée durant l’âge d’or de la colonisation, en conquérante sur des territoires du Nazum, de l’Afarée et de d’Aleucie. Prétendant apporter la civilisation avec elle et auprès de nombreux territoires pacifiques et faiblement militarisés, comme ceux de l’Afarée en somme, elle (cf: l’Eurysie) peine à convaincre compte tenu des conflits et des états de guerre permanents qui dominent la région, de manière quasi-annuelle. Une indiscipline qui précipite le glas du colonialisme où des territoires ultramarins aspirent à un avenir plus prospère et moins contraint par l’alignement politique des administrations de métropole…” vient souligner le sociologue kodedan Hayyan al-Wahrani, pour commenter l’évolution des mentalités en société et les aspirations grandissantes pour l’indépendance des territoires ultramarins de feu l’Empire listonien.

Ainsi, en Albigärk, en République hafenoise, au Pontarbello, ou encore au Porto Mundo, nombreux sont les associations, les intellectuels, les familles politiques et rassemblement citoyens qui appellent à une refonte des institutions locales, en vue d’établir une meilleure représentativité à l’échelle nationale.
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Les Grands Séques.


Comme le paysage était uniformément plat, on avait pu voir le nuage de fumée s’approcher dès qu’il avait percé l’horizon, derrière les collines des Grands Séques. Une petite masse brumeuse, de sable et de terre orange, arrachée au sol par les quatre roues motrices d’un tout-terrain dont les contours flous se durcissaient chaque minute, alors qu’elle remontait la vieille piste de terre battue en direction de Ganfra.

À cette distance on ne pouvait pas encore voir de quel modèle il s’agissait. Au bruit du monteur, à sa vitesse, à ce qu’on devinait de sa forme, le tout-terrain devait être un de ces véhicules militaires, utilisés par les courriers, les officiels du gouvernement, les bergers en transhumance ou se rendant au marché. Difficile de dire. La chaleur abrasive qui régnait à cette heure achevait de rendre l’ensemble indécryptable : des déformations optiques changeaient le point opaque, noyé dans sa poussière orange, en spectre ondulant doucement sur la ligne d’horizon. Un sous-mirage. On ne voyait pas ce qui n’était pas là, on ne voyait pas ce qui y était non-plus. Qu’une impression de véhicule, comme ces matières hypothétiques dont on connaissait la présence, car elle était nécessaire pour justifier l’existence de celles qu’on avait réellement pu observer. Ou peut-être une peinture impressionniste.

L’Aînée Udal l’observait d’un air tranquille. Son visage de vieillard dur, buriné par l’usure combinée du soleil et d’une vie de dur, ne laissait rien paraître. Il était étendu de tout son long sur l’un des transats de bois, sous les grandes toiles épaisses que l’on avait accroché pour fournir de l’ombre aux clients du Manva. La plupart buvaient à l’intérieur, au comptoir. La chaleur y était un peu moins étouffante, une climatisation antique assurait un minimum d’air frais dans un ronronnement fatigué, et l’alcool froid balayait la sensation poisseuse qui accompagnait la sueur.

Mais Udal aimait l’extérieur. Il aimait l’ombre, le vent charriait la terre, l’odeur des bêtes qu’on gardait dans un enclot non loin. Et d’ici, il pouvait surveiller le chemin en terre battue, et les voitures qui la remontaient à l’occasion.

Il leva une main. Sa petite fille apparue aussitôt. Une grande ado’, ou jeune adulte. Une peau très noire, pas encore aussi abîmée que celle de ses aînées, mais un regard déjà comparable. Ses cheveux crépus, courts, crâne protégé par un chapeau triangulaire de paille tressée.
Elle portait des vêtements traditionnels de la province. Colorés, droits, résistants. Comme partout dans le coin, si on voulait de la qualité il fallait importer depuis Somagoumbé ou Gokiary. Les vêtements des communes inondaient les marchés locaux, où ils concurrençaient les productions locales. On y pouvait pas grand-chose. Contrairement aux villages du grand Séques, contrairement à Ganfra, Somagoumbé, Gokiary, étaient des enclaves libres de leur destin. On imaginait pas un seul instant qu’un petit européen malingre, dans un uniforme vert, noyé dans sa sueur, brûlant au soleil, sa peau brûlée le rendant plus irritable et stupide encore, puisse y donner des ordres. Les populations locales avaient obtenu la liberté bien avant leurs voisins. Et ça avait profité à l’économie. Qu’est-ce qu’on y pouvait. Les jeunes étaient philosophes. Ils disaient qu’au moins, on pouvait acheter des vêtements issus de la culture du crû, au lieu de ces importations eurysiennes et aleuciennes qui ne profitaient qu’au blanc.

L’Aînée s’en moquait bien. Et dans le fond il se moquait bien de ce que portait sa petite fille. Ses parents l’avaient bien éduqué, elle était serviable, elle bossait bien. Mécanicienne. Aurait-on imaginé des femmes mécaniciennes, dans sa génération ? Non, non, non. Il se redressa un peu sur son transat, indiqua le nuage de poussière.

Akem, tu vois ?
Oui papy.

Elle s’était accroupie pour être à son niveau. Maintenant son regard était rivé sur l’extérieur, la main en visière alors qu’elle se trouvait à l’ombre du store épais. Des clients du bar avaient remarqués que la fille parlait à son vieux, et que les deux fixaient l’horizon. Quelques autres regards se tournèrent vers la petite route de terre battue. Le panneau indiquait Grands Séques 40 kilomètres, Diardé 65 km, Suleba 310 km, Lagometa 320. Quelqu’un avait tagué « Derrière coin avant la fin du monde ». Presque une blague, dans cette province ou chaque village avait des airs de bout du monde. Ganfra ne faisait pas exception. Mais Udal le savait, on s’y arrêtait parfois. Le Manva avait sa petite clientèle, faite d’étrangers de passage et d’originaux. Des contrebandiers kah-tanais, des exilés listoniens, des prospecteurs Tryloniens, des féministes du sud, venues prêcher leur philosophie bizarre et arriérée. C’était dans l’ADN du village. Depuis sa fondation, autour de quelques puits de pétroles et mine d’or. Les habitants d’origine s’étaient vu rejoints de nombreux immigrés volontaires ou forcés, souvent déplacés par de fausses promesses ou les autorités coloniales, bien que cela revienne au même, pour y creuser avidement la terre, y crever. Histoire ancienne. Les fils et filles des prospecteurs étaient des fils et filles de Granfra, maintenant. Et le Manva avait gardait sa clientèle d’expatriée, en vertu d’une réputation et de réseaux nés dans la douleur. Sa fille grogna.

J'y vois rien. Laisses, je vais chercher les jumelles.
C’est bien. Il agita un une la main pour lui donner son accord de principe. Pas qu’elle l’aurait attendue. Les femmes, pas plus que les enfants, ne respectaient autant la parole des anciens qu’ils ne le faisaient à une époque. Au final elle reviendrait avec ses jumelles, c’est ce qui comptait. Il l’entendait entrer dans le bar, alpaguer le serveur, échanger quelques mots dans un des nombreux dialectes locaux. L’autre qui fouille sous le bar, ouvre le gros placard en bois épais ajouté en 1989 pour stocker un fusil, à l’origine, fouille le bordel qui s’y trouvait – faux papiers, cartes de la région, armes, munitions, pièces détachées, paquetage qu’un soldat en fuite a laissé un jour, gamelles. Jumelles. La petite Akem le remercie et revient en courant.

Tu veux regarder ?
Non, non. Tu connais mieux les voitures que moi. Dis-moi quoi c’est. Sois gentille.
Hhuhm. D'accord.

Et elle se concentre, les yeux collés aux optiques des binoculaires. Elle s’avance un peu et s’accroupit au sol pour se stabiliser. Avec la chaleur, les déformations, le sable qui danse autour du véhicule, si on ajoute à ça l’instabilité, on y verrait vraiment rien. Elle se concentre, se mord la lèvre. Grogne dans sa barbe, semble réfléchir. Finalement elle retire les jumelles et essuie de la sueur qui a coulé de son front à ses yeux, puis sur les verres. Elle frotte vigoureusement, le replante devant ses yeux. Fixe encore un moment. Enfin elle se redresse, victorieuse. L’Aînée, toujours allongé sur la chaise longue de bois épais, n’est pas pressé. Il lève une main paume vers le ciel, émet un petit grognement interrogateur, souriant. Elle accroche les jumelles à la ceinture de son pantalon cargo en faisant un nœud avec les dragonnes.
C’est un Thunder Spotlight M48, peut-être un M48A1 ou A2. Y’a des pièces un peu bizarres, papys. Qui viennent d’autres véhicules. Pas comme si y’avait une concession en Afarée.
Akem, Akem, fille, je n’y comprends rien.

Il lui fait signe de se calmer un peu, plisse les yeux en secouant la tête.

Raconte-moi tout. C’est une bonne nouvelle ?

En fait il connaissait la marque. Thunder Spotlight. Tout-terrains pas trop chers, nombreux dans la région. Fabrication militaire. Mais le Diable est dans les détails. Il veut tout savoir. La petite est bien. Elle s’installe à côté de lui sur la chaise, acquiesce pour elle-même, rassemble ce qu’elle sait et cherche un moyen de l’expliquer au vieillard, qui n’y connaît rien. Elle est très bienveillante. Elle ne respecte peut-être pas autant les hommes et les ancêtres qu’elle le devrait, mais elle les repsecte tout de même. Tout n’est pas perdu pour la nouvelle génération. Finalement, ses traits sérieux d’ado’ prématurément vieilli par le sable s’éclairent.

Ok c’est une voiture Kah-tanaise. Genre lors des guerres civiles dans les années 70/80 ? Tu sais, grand oncle y avait pris part. Y’en a un tas qui ont débarqué avec les étrangers. L’A1 c’est le modèle plus rare, acheté par les officiers Listoniens, et l’A2 c’est avant qu’ils arrêtent la production, c’est presque un modèle de luxe.
Ahah. Il se redresse. Une voiture d’officier ou de mercenaire. Voilà qui commence à beaucoup moins lui plaire. Les officiers, surtout, étaient particulièrement détestables. Les mercenaires on pouvait toujours les payer pour dégager la place. Donc des eurysiens?
Pas un listonien, je crois. Y’a des pièces de rechange. Sans doute un étranger.
Hm.

Le vieux se rallonge en arrière, pensif. Après tout, les étrangers passaient souvent au Manva, même s’il n’aimait pas ça il ne pouvait pas s’y opposer. C’était juste très étonnant de les voir arriver depuis la petite route de terre battue, qui fonçait donnait sur l’Afarée entière, sauvage et dangereuse, abandonnée à son sort par les empires coloniaux. Généralement ils s’y rendaient, pour continuer l’acte de pillage, fraîchement débarqués dans les ports listoniens, bourrés de rêves, d’espoirs et de marchandise de contrebande. Mais en venir ? Jamais. Peut-être un aventurier brisé, mais pas au point de ne plus pouvoir revenir. Peut-être autre-chose. Il attrapa l’épaule de sa petite fille.

Tu dis à Adze ce qu’il en est. D’accord ?

Elle acquiesça.

D'accord.

Il la lâcha et la regarda partir, sautant au-dessus du tout petit muret qui séparait la terrasse couverte de la rue droite, et traverser celle-là en contournant la volaille qui s’y balade. Elle grimpe rapidement les marches de la maison d’Adze, qui fait office de shérif, contournant poliment les enfants qui y sont assis, pour profiter de l’ombre du porche. Disparaît à l’intérieur.

Brave fille, la petite.
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Rouler. Rouler des heures durant. Rouler des heures durant sous un Soleil si chaud qu’on en crèverait. À suer sang et os sous ses rayons meurtriers. À perdre la raison, progressivement, entre l’impératif de l’éveil, de la concentration, cette route droite mais traîtresse, chaussée merdique jamais développée par ce putain d’empire cannibale qui n’a jamais vu la région comme un énième trophée qu’on laisse crever là, et le ronronnement constant du moteur du tout-terrain, truc increvable qui a connu à minima trois guerres et deux continents, mais qui continue de servir fidèle comme tout vieux soldat. Rouler est un enfer, rouler est un calvaire, rouler est chiant comme la pluie. Sauf que la pluie, ici, il n’y en a pas – déjà – et on en aurait bien besoin – ensuite. La terre est sèche. Sèche et abandonnée. Il y a des champs mais pas d’irrigation. Pourtant l’eau elle l’a vue. A peine plus haut dans les collines, les Grands Séques comme disent les habitants. Il y a de l’eau. Qui coule de sources discrètes, qui sillonnent entre les pierres dures et tristes, abreuve quelques figuiers, quelques buissons, donnent quelques-uns des fruits que les bergers vendent avec leur lait, leur laine, leur viande lorsqu’ils descendent en ville. Et la ville, où l’on boit l’eau insuffisante d’un puits pourri, creusé des décennies plus tôt pour éviter que les ouvriers-esclaves importants dans un genre de nouvelle traite négrière n’y passent. Tout ce pays pu l’exploitation. Et même pas intelligente, avec ça. La voracité coloniale est un cannibalisme criminel. Violer ce n’est pas faire l’amour. Exploiter ce n’est pas développer. La grande histoire des empires coloniaux avec les colonies se résume à cela. Un grand viol collectif. Une partie de jambe en l’air non-consentie qui ferait vibrer Georges Bataille d’horreur. Un truc incompréhensible. Le mélange d’une virilité toxique toute eurysienne. Débile et stupéfaite par sa propre toute puissance. De la merde dans les sinus et dans les couilles. Toute une population de vieux vicelards dégueulasses – explorateurs, colons, industriels, évangélistes, reporters, artistes en mal d’exotisme – poussés dans un délire régressif et destructeur à la vue d’un continent voluptueux que la force des baïonnettes était en mesure de leur apporter. L’entreprise d’exploitation la plus systématique et destructrice de l’histoire de l’humanité, cette salle colonisation. Et ses résidus, dispersés à travers la planète comme autant de fils bâtards que l’on refuse à la fois d’émanciper et de reconnaître, font peine à voir.

On ne pouvait pas nier qu’il y avait quelque-chose d’intense et de presque sexuel dans l’acte de destruction. Et oui il était évident que ces sociétés folles, atteintes de capitalisme aiguës, à la recherche de nouvelles conquêtes, de ressources, profondément masculines, n’avaient d’autre choix logique – selon leur logiciel – que de fondre sur la proie facile pour l’étriper. Arracher ses habits, brûler sa culture, dessiner sur son corps nu et meurtri, pas-même cicatrisé, des grandes frontières comme les traits au marqueur que le boucher fait pour délimiter les pièces du veau. Et slash. Vlan. Clac. Emballé c’est pesé. Un continent entier essentialisé en quelques mots. Beurs. Nègres. Colonies. Brutes. Caoutchouc. Pétrole. Diamants. Et maintenant ? Mercenaires, sectes, coups d’État. Brutalité. Blablabla. Putain de connards de merde. Même pas foutus de bâtir de vraies route et ça ose la ramener.

Les puissances eurysiennes et leur incompétence porteraient vraiment à rire si l’ensemble de leur œuvre n’était pas si triste. Pour l’ingénieure Aglaya Lilich, tout cela tenait de l’évidence. Sa haine, détestation totale et absolue de l’eurysie, était d’autant plus forte qu’elle avait fait toute sa carrière dans un domaine bien précis, celui de l’aide au développement. En d’autres termes elle était de ces pauvres femmes et hommes que des pays un peu plus conséquents que les empires avaient chargés d’étudier les ruines des colonies, l’état des lieux du monde laissé par la grande période du capitalisme ultra-totalitaire et dominant, et d’envisager avec beaucoup de sérieux et de précision comment réparer le désastre. Elle avait passé sa vie à étudier l’histoire des colonies, des puissances, des mauvaises décisions, conflits futiles et égos hypertrophiés qui justifiaient qu’à ce jour une part importante de la population se battait avec la misère, la faim, la soif, les maladies, l’absence d’infrastructures, ainsi de suite. Il y avait une multitude de causes, de raisons, de solutions, une nébuleuse en constante expansion d’élément à prendre en compte. Mais tout revenait quasi systématiquement à la même source : des puissances régionales avaient été happées par un empire, et l’empire – cette forme masculine et centralisatrice par essence d’autorité, avait fait ce qu’il fait le mieux. C’était comme un pénis – pour Lilich beaucoup de choses étaient très sexuelles. Elle associait énormément pensée économique et frustration corporelle. Pour elle tout venait du corps, tout s’expliquait par le corps. Donc, l’Empire n’était jamais qu’un énorme pénis. Qui avait besoin de croître, de violer, mais ne pouvait pomper le sang nécessaire à son érection que chez ses victimes. Un genre de symbiose paradoxal et ultra violent ou le viol est rendu possible par l’action du viol, et laissait des corps non-seulement choqués, mais aussi – surtout – desséchés.

« Même pas foutus de construire une route. »

Connards. Elle-même avait un nom et des traits eurysiens. Peut-être Nazuméen du nord, à la limite. Elle avait cependant passé sa vie ailleur. Et de toute façon elle ne reprochait pas aux gens leur origine, leur passé, ni même celui de leurs ancêtres. Sa haine contre les empires – eurysiens parce qu’ils l’étaient bien souvent, et encore plus en Afarée – venait de leur action et de ce qu’ils défendaient. Dans un même ordre d’idée, quand on lui disait que les colons avaient tout de même développés, ou éduqués ces barbares, qu’après tout ils étaient sous-développés avant l’arrivée des blancs, qu’on avait tout de même construit des routes, des hôpitaux, elle sortait le neuf coup. Non messieurs, vous avez construit des puits de pétroles et des fosses communes. Dois-je vous expliquer en quoi ce n’était pas à l’avantage des populations locales ou me feriez-vous l’honneur d’exceptionnellement activer les circuits certes crasseux mais nécessairement présents de vos synapses ? Mais si, et avec un peu de chance vous pisserez votre connerie demain. Ça fait si longtemps que le sang n’a pas inondé votre cortex, imaginez un peu ce qui s’y trouve.

La tentation d’inonder leur cortex de sang d’un coup rapide était aussi présente, mais elle était d’un naturel apaisé et non-violent, aimait-elle dire, tout en sachant parfaitement que c’était faux.

Comme elle était arrivée à destination, elle s’arrêta avant de mettre le frein à main et d’attraper le holster qu’elle gardait dans la boîte à gant. Dehors le village était comme dans ses souvenirs, à l’exception qu’on avait remplacé quelques antennes, et que les visages s’y faisaient plus vieux. C’étaient des maisons en brique de terre cuite couvertes d’adobe blanche ou de tuiles de carrelage bleues formant des motifs qu’on pouvait qualifier d’élégants, en y mettant un peu de bonne volonté. Les rues étaient très droites et assez larges pour permettre le passage des gros camions qui à une époque amenaient le personnel et repartaient avec les ressources extraites dans les mines. On devinait les vieux derricks rouillés derrière les toitures, et un drapeau Listonien, totalement déchiré, flottait sur un mat derrière le poste du shérif. Des gosses étaient assis sur les marches.

Dehors, Aglaya fut accueillie par une jeune femme. Elle faisait un peu garçon, surtout à cause de son air de dure et de ses fringues amples de mécano. Elle approchait à grands pas.

Olá ! Qual é… O modelo?

Elle lui parlait en listonien. En tout état de cause son accent était abominable, mais si elle la prenait pour une colonne, il fallait lui reconnaître du courage. L’ingénieure leva une main et lui répondit en bambara, dont elle savait qu’elle était la langue principale utilisée dans la région.

C’est une Thunder Spotlight M48 A2. Elle approcha de quelques pas. Mécanicienne ?

L'autre fut si surprise qu’elle ne répondit pas, se contentant d’acquiescer.

Tu me rappelles quelqu’un. Ton père, il est du coin ?
Ouais. Je m’appelle Akem Udal, madame.

Udal. Famille importante dans la région. Aglaya jetta un regard à la ronde. Elle identifia quelques curieux, capata le regard du barman dans le Manva, qui acquiesça en la voyant, puis trouva enfin le vieux Udal. Chef local influent. Il avait dû la reconnaître. Elle leva une main à son adresse avant de répondre à l’adolescente.

Tu diras à Ndifor qu’Aglaya lui passe le bonjour, si tu le croises.
Aglaya ?
Pas commun, je sais.

Elle haussa les épaules. Pour la région, peut-être, mais qui était-elle pour en juger.

Je lui dirai.

Elle semblait un peu méfiante. Sans doute surprise qu’une femme qui n’avait pas l’air de prendre des couleurs soit si à l’aise avec la langue de la région, et en mesure de lui citer le nom d’un cousin. Elle décida de faire un geste.

Tiens. Les clés de la Thunder. Y’a un souci sur le moteur, et là je viens de me taper dix heures de routes dans le sable, j’ai peur que les suspensions aient pas appréciées. Tu veux bien vérifier ça pour moi ?

Elle lui glissa aussi des billets. L’autre acquiesça et lui donna une adresse en échange, avant de courir jusqu’au véhicule.

Et fais-moi aussi un plein ! Et, par principe mais sans y apporter trop d’importance. Et interdiction de piquer dans le coffre !

De toute façon la bagnole n’était pas à elle, elle l’avait récupérée sur un officier Listonien. Ce n’est pas exactement comme si elle allait lui manquer. Considérant son affectation, lui-même n’allait pas manquer à grand monde. De toute façon l'Afarée était perçue par les eurysiens comme ce grand foutoir, espèce d'oubliettes historiques où l'on envoyait se perdre des gens. Les colons et leurs gardes-chiourmes étaient déjà comme morts. Un contingent entier de zombi en garnison.

Une fois la petite partie avec son véhicule, l’ingénieure se réfugia enfin dans le Manva. Elle avait fière allure, mais savait pertinemment que rester trop longtemps au soleil, surtout à cette heure, risquait de transformer sa peau relativement bronzée d’expatriée vadrouilleuse en paysage crevassé plus rouge que les marches d’un temple Kah-tanais.

Elle passa la porte – une épaisse bâche de plastique transparent servant surtout à garder la chaleur à l’extérieur, et fut aussitôt soulagée de rencontrer le contact frais de l’ombre et de l’air climatisé. Le Manva était un pur bar d’expatriés, de voyageurs, d’aventuriers. Brefs de types qui parcouraient cette terre sans en être. Pour qui cette poussière sablonneuse orange, sa végétation sèche, ses paysages durs et sa chaleur hostiles demeuraient un mélange infernal, dont les effets étaient aussi délétères pour le corps que pour l’esprit. On devenait rapidement fou à se perdre en enfer. De fait, même si la climatisation coûtait probablement un bras à entretenir et à faire tourner, on ne s’en était jamais séparé. C’était un service pour lequel les clients payaient. Il fallait bien les accommoder un peu. Leur offrir de la fraîcheur.

À cette heure la clientèle n’était très impressionnante. Ce qui devait être le cas à toute heure et, de l’expérience même de l’ingénieure, était déjà pas mal du tout. Il y avait une bande de barbus en treillis en train de joueur aux cartes – mercenaires – une vieille femme avec un sac de voyage et un chapeau de bouvier – prospectrice – quelques types du village, deux soldats listoniens en repos – un blanc et un du cru, les deux étaient à un âge où il aurait été plus productif de commencer des études supérieures – un mec avec des airs un peu ridicules de capitaliste en balade – cheveux blonds plaqués en arrière, lunettes de soleil, une dent en or – revendeur de matériel électronique – qui discutait avec un type qui avait tout l’air d’un nomade hightech, probablement issues des enclaves kah-tanaises. Les deux parlaient en anglais. Aglaya approcha du comptoir. Derrière le serveur se tenait une grande carte du monde. 1985 ou 86, à en croire les frontières, le nom de certains pays, les colonies encore occupées et les vieilles puissances depuis disparues. Un profond sentiment de lassitude envahie Aglaya. Elle était entièrement vouée à la destruction des empires. Mais quand ils s’effondraient ? Quand leurs frontières éclataient comme celle d’une cellule soumise à trop de pression, que leurs tripes se vidaient sur tout un continent, qu’il ne restait rien de leurs institutions, que même le nom entrait dans la légende, puis le mythe, puis l’oublie ? Toujours un pincement au cœur. Elle s’installe au comptoir. Pensive.

Ce sera quoi ?
Vous faites encore des cocktails selon les pays ?
A l’occasion. Ce sera quoi ?

Il la fixait en fronçant les sourcils, comme pour essayer de deviner, comme pour lui demander de ne rien dire. C’était sans doute un jeu, chez lui, alors elle le laissa faire, pivotant un peu sur son siège pour lui présenter son profil, et un sourire un peu moqueur. Une mise au défi. Il faut dire que le barman était plutôt mignon, ça donnait envie de lui donner ud temps. Le genre grand noir au crâne rasé – en observant ses racines on devinait qu’il s’agissait de cacher une calvitie précoce. Quelques cicatrices d’acné ou de violence çà et là, mais des traits bien taillés, agréables, et un air intelligent avec ça. Un animal sensible, sans doute. Le pauvre. Toute la journée à servir des voyageurs sans jamais pouvoir quitter son village, pustule post-industrielle construite pour violer la terre, puis abandonnée comme une victime de meurtre dans un caniveau. Restait des ruines et un traumatisme qui cicatrisait lentement, dans une espèce de solitude de masse.

L’ingénieure était une romantique et une citadine. Elle adorait bouger, visiter le monde. Mais pas en tant que touriste. Elle voulait une visite exhaustive et réelle. Une liste des souffrances et des faits réels de la vie des autres. Quand elle ne voyageait pas, maintenant, elle avait besoin d’une ville. Vaste. Très peuplée. Où l’on peut faire des choses, croiser du monde. Elle voulait qu’on puisse bien vivre jusque dans le plus petit village d’Afarée, mais elle-même ne saurait s’y faire. Un genre d’hypocrisie qu’elle regrettait beaucoup mais contre lequel elle ne pouvait pas faire grand-chose. C’est la vie.

Cependant elle se doutait bien que ça participait à renvoyer une certaine image. Une espèce de grande femme avec des cheveux clairs, chaotiques à souhaits car soumis à la poussière et la sueur, protégés par un genre de turban qui se défaisait déjà. Peau un peu bronzée – elle n’aimait pas ça, la salope, mais était bien obligée à force d’être soumis au soleil – des mains d’intellectuelle, protégées par des gants épais. Un peu précieuse, mais lair sérieuse et professionnelle. Dure. Pas là pour rien, ou par hasard. Elle ne portait pas sur elle les clichés d’un pays particulier. Un peu par cruauté, elle décida de pousser le barman à l’erreur.

– Allez, essayez, au moins.
– Disons… Vogimska ?
– Vogimska ?
– L’accent.

Il eut un pauvre petit rire. Le Vogimska incarnait l’Eurysie de l’est à travers le monde. Elle rit encore un peu, sans le reprendre. Il essayait de se justifier, riant à son tour. Elle ? La réponse lui convenait.

Pas mal, mais environs douze mille kilomètres trop à l’Est. Elle indiqua la carte du monde accrochée au mur. Ce sera un Izcale.
Donc, Mezcal, bourbon, citron…
C’est ça, un Izcale.
Vous êtes déjà passé ?

Il fronça un sourcil, mais se mit au travail. Elle ne répondit pas, fixant encore la carte accrochée dans son dos. L’autre déposa le cocktail devant elle. Elle l’attrapa pour le vider sans attendre. Acquiesça. Après cette route à la con, ça faisait du bien de boire quelque-chose de pas trop dégueulasse. En plus le Manva était sur la route du trafic économique gris et noir. Les ingrédients étaient donc décents, même le mezcal, importé depuis les communes exclaves du kah, juste à côté. Le serveur récupéra son verre vide.

Autre-chose, miss ?
À partir de maintenant je tourne à l’eau. Elle fit un geste discret en direction des deux soldats listoniens. Des réguliers ?
Pas vraiment.

Il fronça un peu les sourcils et se pencha en avant pour lui parler discrètement sans trop en avoir l’air. Le type avait l’air de savoir ce qu’il faisait. Pas surprenant. Elle continua.
Tout fout le camp depuis les dernières indépendances, pas vrai ?
Ils font la gueule, ouais. Ils. Les Listoniens. L’Alguanera qui leur balance des mercenaires et qui tirent dans le tas ? Ça les a foutus à cran. Personne a rien dénoncé, donc ça veut dire que ça peut reprendre à n'importe quel moment.
Beau merdier. Vous avez une opinion, dans le coin ?
Pas vraiment.

Il était prudent. Elle décida de ne pas le pousser outre-mesure. Cette petite conversation ne servait d'autre intérêt que de satisfaire sa curiosité personnelle et son besoin de contact humain après un tel trajet. Elle avait déjà toutes les informations dont elle avait besoin, et les avait obtenue sans emmerder les locaux. Se leva de sa chaise et attrapa la bouteille d'eau minérale qu'on venait de poser devant elle. L'ouvrant d'un geste sec pour en avaler une longue, longue gorgée. Après l’alcool, un truc pour réellement se réhydrater . Elle lâcha un « Aaah » audible et satisfait avant de conclure.

Vous faites encore hôtel ?
Y'a des chambres à louer.
Et Mohammed, il bosse encore ici ? Petit, borgne, bricole des antennes, ce genre de chose.

Cette fois il avait compris. Il secoua la tête. Probablement qu'une telle accumulation d'indices ne laissait plus de place au doute. C'était l'idée.

Vous avez un message à lui faire passer ?
Un souci avec mon autoradio.
D’accord. Je vous propose, prenez une chambre chez nous. J’essaie de l’appeler. Il passera peut-être demain matin voir votre auto. Deal ?
Moi ça me va. Elle fit glisser quelques billets hors de son portefeuille et sur le comptoir, puis s'éloigna en attrapant sa bouteille d’eau et une petite clé métallique que le barman avait posé à côté. Garde la monnaie, va.
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16 juin 2007 - Le Prince Mutarrif ibn Saadin proclame son soutien à la révolution populaire des colonies listoniennes.


Prince Mutarrif ibn Sa'din
Figure d'un clan Beïdane éponyme, le Prince Mutarrif ibn Saadin souhaite l'émergence d'un Kodeda indépendant et plus inclusif des différentes communautés présentes en son sein.


Invité par une radiotélévisée locale communauté, une des figures de la communauté Beidane mais qui reste inconnue du grand public, souhaite appuyer l'émancipation politique du pays. Le "Prince" Mutarrif ibn Saadin, héritier de sa famille et chef de clan, s'est ainsi clairement et favorablement exprimé sur la question de l'instauration d'une région indépendante et théocratique au Kodeda, tournée vers le vivre ensemble et l'universalité des hommes et des femmes qui composent "la mosaïque culturelle" de notre pays.

Extrait de sa déclaration enregistrée par les médias communautaires beïdanes:

“La perversion et la corruption de la classe politique impériale listonienne sont autant d'aveux d'échec, qui plongent aujourd'hui l'Empire dans la rivalité, un profond chaos et une isolation des plus totales sur la scène mondiale. L'échec impérial par delà l'Eurysie est un appel solennel à l'indépendance de notre région, afin d'y entreprendre les projets de vie, les projets communautaires nécessaires à l'essor de nos régions.

L'égocentrisme des capitaux et des intérêts nationaux tourné vers la métropole a aujourd'hui laissé notre région sur le banc de touche, avec un trou béant en matière de développement humain, laissant définitivement la province du Kodeda avec un retard monstre, dans un espace continental lui-même déjà en grande souffrance.

Faut-il encore s'en convaincre mais il n'y a que les afaréens qui peuvent réellement sortir les afaréens de la fosse où ils se trouvent... Avec l'émergence de micro nations libres et autodéterminées, l'Afarée peut aujourd'hui nourrir des ambitions nouvelles, pourvu qu'elles se dirigent vers les intérêts de ses communautés. Beaucoup d’espoir est permis pour notre région qui traverse la pire crise de son histoire, après l'acte de colonisation lui-même.”

Dans un discours principalement écouté (et attendu) par les communautés beidanes, le Prince Mutarrif ibn Saadin est donc largement revenu sur la responsabilité des autorités impériales listoniennes, dans le naufrage économique et sociétal annoncé pour le Kodeda. Générateur d'instabilité en Eurysie et au Nazum après ses tensions territoriales exacerbées avec le Jashuria, l'Empire listonien ne fait plus rêver et se trouve condamné autant par sa politique étrangère que par sa politique intérieure, largement calquée sur les coopérations internationales permises et non permises. Une médiatisation remarquée, ou téméraire diront certains, alors qu'elle est fait au sein d'un territoire souhaitant se réorienter sur le plan politique. Les déclarations du Prince Mutarrif ibn Saadin peuvent sonner comme une déclaration de guerre pour le régime impériale listonien qui, contrairement à d'autres régions ultramarines, ne s'est pas encore autorisé la réflexion autour du devenir de la province du Kodeda, autour d'une possible d'indépendance régionale... une de plus.

Cette sortie politique est apparue pour beaucoup d'experts comme un nouveau souhait de porter la modernisation de l'Afarée, et paradoxalement par ses communautés les plus traditionnelles ! Pour la journaliste Zaafirah Karida Haddad “la volonté du Prince à s’afficher aux côtés des mouvements pro indépendantistes est un acte politique sciemment réfléchi, destiné à s’arroger l’initiative d’une modernisation du monde arabe, avec pour socle fondateur les milieux traditionalistes animés par les grandes familles maures du pays.

Faute d’adopter une posture bienveillante à l’égard des pro-indépendantistes, le Prince Mutarrif ibn Saadin et derrière lui sa famille, risqueraient d’essuyer une profonde rupture avec le monde arabe décolonisé, irrémédiablement privés du crédit accordé à son clan pour intervenir dans les orientations futures à décider. "Il faut rompre avec les archétypes d’une région sympathisante de l'Empire et dans laquelle les grandes familles kodedanes constitueraient des marionnettes aux intérêts mêlés avec ceux de l'étranger. Les grandes familles beidanes du Kodeda sont prêtes à se consacrer au pays et à prendre leurs distances avec la métropole listonienne et l'administration centrale en Eurysie... En tout cas, le Prince Mutarrif ibn Saadin est décidé à faire en sorte qu'on le croit, s'il n'y croyait pas lui-même.”

Dans son entreprise pour la modernisation du monde arabe, le clan Saadin ne peut plus se maintenir avec égoïsme dans la stricte protection de ses intérêts, jusqu'ici associés au développement des routes commerciales maritimes listoniennes. Le monde bouge et si les grandes familles maures kodedanes souhaitent que les choses restent les mêmes, alors il lui faut ironiquement accompagner ce changement. Sans soutien aux indépendantistes kodedans, le Prince continuera d’apparaître comme une élite déconnectée de plus au moyen orient, captée et satellisée par les intérêts des puissances occidentales coloniales dont l'Empire listonien est à ce jour l'une des plus marquées sous ce registre.

Pour défaire l'effondrement annoncé des régimes impériaux au pouvoir quasi-absolu, le Prince Mutarrif ibn Saadin a préféré consacrer les moyens substantiels de son clan pour soutenir une alternative politique à la mort cérébrale de l'Empire listonien et compter parmi les artisans du printemps kodedan. Des actions concrètes ont été lancées en marge de ce soutien officiel avec des projets envisagées autour de l'instauration d'une monnaie régionale, de la cartographie des ressources naturelles du pays pour en financer à moyen terme l'exploitation, les perspectives d'un redécoupage administratifs qui fasse sens avec les enjeux territoriaux locaux (emplois, urbanisme et aménagement routiers, agriculture, etc...).
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La petite fille saute par dessus un empilement de paniers en osiers et d'un geste preste pousse un immense pan de tissu léger séparant le stand de son voisin. Les motifs, autrefois aux couleurs de la Listonie, ont changé pour reprendre une once plus Afaréenne et moins... colonisante.
Arrivée chez le voisin, elle se faufile instinctivement sous un étalage de bibelots divers ; plastiques pour la plupart, leur provenance est celle du Nazum assurémment. Se déplaçant très vite sur les genoux et les mains, elle sort de sous la longue table provoquant l'étouffement d'un vieux grand père réveillé de sa sieste et qui lance un petit cri de surprise aigu tandis que la petite fille continue de filer d'un stand à un autre avec une agilité déconcertante, repoussant les pans de tissus les uns après les autres.
Dans le prochain, des fers à repasser, des bouilloires et des produits d'entretien et un homme qui beuglent de déguerpir... doigt d'honneur au monsieur... et ensuite le stand des théières et sets de service à thé brillants et éclatants, les yeux d'une femme vociférante à l'idée de voir le cuivre être bousculé et abîmé...

La petite fille aperçoit une ouverture dans la foule qui passe dans le marché de Shati Alqahwa et bifurque pour s'insérer et disparaître dans la foule.

Elle court très vite et évite les gens avec une agilité déconcertante.

Elle tient dans sa main un sac rempli de dattes brillantes et collantes.

Sans regarder derrière elle, elle arrive à sortir du marché en escaladant un parapet derrière une allée où se voit divers "remèdes locaux" et se retrouve sur une grande avenue, la principale qui passe à côté du marché vers le port "de plaisance", qui aujourd'hui fait office de port de marchandises pour les marchés secondaires.

Et là elle se retrouve nez à nez avec une foule qui se déplace toutes les semaines en masse vers la maison du Gouverneur.

Maman parle beaucoup politique à la maison et papa écoute patiemment. C'est drôle, papa était plus bavard avant. C'est maman la cheffe maintenant.
Faudrait pas qu'elle trouve mes dattes... sinon ça va fouetter...



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Ce mois-ci, avec plus d'effectifs qu'à l'accoutumée au sein des manifestations, la Península de Sotavento et sa capitale Shati Alqahwa, doivent enfin décider de rompre avec l'Empire Listonien, mais la question reste sous quelle forme prendra cette rupture ? Telle la multiplicité des villes-états indépendants anciennement colonies et comptoirs Listoniens ?

Avec la montée des trafics en tout genre et des "touristes" Eurysiens, l'insécurité est grandissante.
Rappeler l'Empire Listonien serait réconfortant sur ce point, toutefois être une fois de plus être considérés comme des citoyens de seconde zone serait un aveux de faiblesse insupportable qu'il faudrait justifier aux générations futures... Comment aurions-nous pu gâcher cette chance d'être Afaréens... Afaréennes ?

La mère de famille rumine ses pensées tandis que les femmes autour d'elle scandent des slogans pro-Althaljirs. La plupart dansent en tournoyant de manière saccadée en petits déhanchés au son de la musique qui parcourt la marche. Chantant les slogans, les femmes de Shati Alqahwa n'ont jamais eu un sentiment de liberté aussi prononcé. Certains se dévoilent depuis plusieurs mois et d'autres affichent une volonté d'engagement politique traditionnaliste. Toutes différentes, mais unies face à un jour nouveau, celui où leur voix peut être entendue.
Emancipation de la Península de Sotavento vers un Shibh Jazirat Alriyh, émancipation de la Femme vers un système Althaljir !


Je me ferai bien des dattes tiens... Je vais demander à Inaya d'aller m'en chercher au marché.




QUI MANGE SEULE !!

S'EEETRANGLE SEULE !!

QUI MANGE SEULE !!

S'EEETRANGLE SEULE !!


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Le soleil qui semble déjà bien haut au regard des critères pharois est trompeur : la matinée commence à peine et ceux qui s’affairent sur les quais du port montent les stands et installent les étales dans un grondement sonore rappelant les essaims de moustiques. Pendant qu’une grande partie des voyageurs dort, les habitants du Shibh Jazirat Alriyh travaillent déjà à ce que tout soit prêt à leur réveil. Telle est pour l’heure la voie qu’emprunte la province, un territoire de services au profit d’étrangers fortunés. Un sas aux règles et aux lois troubles entre deux mondes en affaires : afaréen et eurysien. Terrain de jeu colonial pour âmes en mal d’impérialisme.

Mattias se faufile dans un océan de fleurs, vagues colorées aux parfums entêtants, les étales débordent de plantes comme on en dégueule jusque sur la chaussée faisant disparaitre sous la masse végétale les structures en bois et en acier qui les soutiennent. Les vagues, la mer, l’océan, même à terre petit Pharois se sent dans son élément, tout prédispose à ses dispositions, dans les allées avancent des hommes ivres et armés, étrangers inadaptés aux mœurs et au climat faisant tâche grises dans leurs costumes délavés délassés gorgés d’humidité à cause de la chaleur, ouverts là où c’est possible et des barbes à n’en plus finir devenues obsolètes, sourcils brouillasseux chargés de colère et de toute puissance.
Le Syndikaali ne s’exporte pas très proprement et s’impose bien souvent par des têtes de ponts détestables, des commerçants rugueux, des pirates sans panache ni honnêteté, des gens crasseux et pathétiques aventuriers romantiques en quête de la plus-value des marchés d’autrui, fuyants leurs problèmes autant qu’ils les exportent. Les gens qui voyagent son fracassés de la tête, on n’est jamais serein que chez soi, ce peuple tourne mal et corrompt sous ses bottes de cuir crantées la neige se transforme en boue.

Du coin de l’œil, deux hommes le coude coincé contre un mur causent à une jeune commerçante les bras bloqués par un lourd panier de fruit, quelques mètres plus loin on hausse le ton sur un prix déjà bas et là quelqu’un vient de cracher un peu trop loin de l’égout, sur le bout d’une chaussure en tissu.

Pharois. Pharois partout chargeant l’atmosphère de la cité d’effluves électriques et de tensions. Ca sent la faim, le sel et la sueur. Les structures économiques transforment plus implacablement que tout le reste une société aux abois, qui apporte les capitaux écrase sans diplomatie toutes formes qui ne sont pas les siennes.

Mattias passe dessous un drap parmi d’autres qui se révèle pourtant être l’entrée d’une maison ou plus exactement d’un patio. Il a entendu des voix féminines de l’autre côté et sans trop réfléchir s’est engouffré à leur rencontre, avide de rencontre et de distraction.
Bien vu. Une douzaine de jeunes femmes, le teint hâlé des contrées afaréennes, tiennent conseil autour d’une fontaine asséchée. L’herbe est rase et jaunie par le soleil même si, dans ce carré de verdure, la chaleur est plus supportable qu’au marché dont on entend d’ici les échos.
Les filles parlent à voix basse en langue listonienne, ce portugais eurysien matinée des sonorités étranges du sud que des siècles d’implantation loin de la métropole ont fait ressurgir singulièrement. L’une, véhémente, est accroupie en hauteur, sur un muret et brandit un feuillet. Les autres, qui assises sur un banc, qui dans l’herbe directement, écoutent ce qu’elle a à dire.

Mattias reste dans l’ombre de la promenade, dans cet entre-deux qui cercle les patios, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. La main sur une colonne de bois, il écoute sans trop y croire, espérant comprendre un peu de ce qui se joue là à quelques mètres de lui.



Non, décidément, il ne comprend rien. Il n’y a que les postures et les mimiques qui indiquent et là, des hochements de têtes approbateurs, ici un ricanement de connivence, des regards entendus et profonds, des mines fermées par la colère et l’enthousiasme. Quelque chose se noue mais quoi ? A l’imagination politique du jeune homme s’oppose des pensées moins honnêtes. Le Syndikaali est terre d’Assemblées Générales et de harangues populaires, deux navires avant de s’écraser l’un sur l’autre ne manquent jamais de s’envoyer des fions au mégaphone. Forcément il transpose un peu de tout ça sur le petit groupe, revoyant en écho ses cours d’éducation civique à Lastenkoti.
D’un autre côté… ces filles-là n’ont pas grand-chose à voir avec les travailleurs de l’industrie lourde et les marines pharoises qu’il a l’habitude de croiser. Fleurs parmi les fleurs, voilà ce qu’il doit en être dans l’énigmatique afarée, sans aucun doute il n’y à là à voir qu’un spectacle bucolique, et tant pis si quelques roses ont des épines, n’est-ce pas ?

Quoi qu’on en dise, on pense toujours plus avec son cœur qu’avec sa tête.

Mais là-bas, on l’a repéré et Mattias a beau faire un pas en arrière, instinct de conservation qui le plonge un peu plus dans l’ombre fraiche de la promenade, rien n’y fera. Même les pirates se font engueuler quand on les retrouve dans des propriétés privées, et puis, il n’est pas si pirate que ça.

Alors qu’un bouquet de regard s’est posé sur lui, la fille au manifeste est descendue de son perchoir et déjà déboule l’air furibarde. En quelques secondes, assez pour prendre la fuite s’il avait eu un peu plus de jugeote, elle se tient sous son nez, plus grande que lui d’une poignée de centimètre, à l’engueuler en portugais. A n’y pas plus comprendre que tout à l’heure, il secoue la tête l’air de dire que désolé mais la barrière de la langue va poser un problème.
L’autre semble comprendre et le gratifie d’un guttural « Pharois dehors ! ». Que se passe-t-il alors dans sa tête à lui ? Ce mot là, ce mot qui le désigne, a des effets étonnants. Car on ne met pas les Pharois dehors, ceux-là ne s’en vont qu’au gré de leurs envies et devant cette fille, même plus grande, il se sent de jouer un peu crâne.

« Qu’est-ce que vous faites ? »
Elle lui met un coup de feuillet sur la tête. Lui rigole. Derrière la fille, le bouquet s’est changé en essaim et gronde déjà, pas impressionnantes pour deux sous. « Dehors. Dehors. » cela bourdonne menaçant.

« Oh je veux juste savoir… ? C’est pas interdit non ? »
Il s’en fiche bien de se faire comprendre où non. Le pirate s’impose et dispose, ainsi sont-ils éduqués. Ce que tu désires, prends-le, une vie saine et honnête c’est une vie sans regrets, grands singes balancés aux flots sur des barques chétives nous autres partons à l’assaut du monde depuis nos falaises gelées. Rien ne s’oppose à l’action car au vu du travail fourni il n’est rien qui ne soit immérité. L’aventurier pharois est un grand diable d’adolescent romantique, là est sa force, ici est sa faiblesse. Le Pharois est un existentialisme, hors de la vie, rien que la mort.

« Dehors ! Pharois dehors ! »
« Oooh… allez ! »

A la jeune fille qui continue de le battre de ses feuilles de papier une autre s’est joint à elle. Elle a les sourcils froncés et le visage dur.

« Va-t-en. Tu n’as rien à faire ici. »
« Ah toi au moins tu parles ! »
« Il faut, pour fermer le museau des brutes. »

Il la dévisage avec l’arrogance de son âge et de sa position.

« Dis moi ce que vous faites, je partirai. »
« Non. »
« T’es pas drôle, c’est pas la mer à boire pourtant, ensuite je pars prom… »

Elle lui colle un coup de genoux dans le ventre, il se plie, son indignation se perd dans le souffle qui lui manque.

« L’Afarée c’est pas ta chambre, dehors blanc-bec ici c’est Althaljir. »








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