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Activités étrangères dans l'Empire Listonien - Page 13

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30/07/2007



Les annonces d'exercices en mer par l'Empire Listonien n'eurent rien d'anodin, il y a de cela un an. En effet, les crises de Jadis, au Nazum ou le déploiement de la force Frontex Listonienne, rappelèrent en grande pompe la tradition militaire maritime du Saint Empire du Plantan de Listonia. Après le vacillement de la métropole et le reflux des responsabilités vis à vis des "colonisés", considérés comme des citoyens de seconde zone, la Flotte Listonienne ne semblait que bonne à rouiller dans les ports de la métropole, loin des conflits et déclaration d'indépendance qui s'étaient multipliées ces derniers mois.

Le plus agaçant pour Listonia était de voir avec quelle rapidité la culture du dénigrement de sa multi-ethnicité-géographie avait frustré, avait blessé ses propres concitoyens... "de seconde zone". Des droits limités, une méfiance de la métropole, une logistique abandonnée vers ces territoires lointains afin de recentrer les efforts sur la stabilité de la métropole, et peut être la communication générale vis à vis des étrangers ou de l'international avaient achevé de rompre avec ses citoyens Listoniens lointains.

A l'Ouest, il n'y avait plus de colonie Listonienne... sauf le rocher de Jadis et ses centaines d'habitants. Au Nazum, tout était stable. En Afarée, le changement était en cours, comme une vague partant de l'Ouest et balayant le globe, les uns jaugeant les autres et la réaction de la métropole avant d'agir et de formuler ce qui démangeait depuis des générations et encore plus ces deux dernières années... Combien de milliards avaient été investis pour réarmer Listonia au détriment du bien être de ses citoyens ? Déjà en 2006, la presse de l'Althalj s'inquiétait, et encore plus en Janvier de cette année... 5% du PIB Listonien avait été estimé par les analystes des journaux de la Volonté du Peuple était passé dans l'achat d'équipements. Pas le budget militaire, mais l'achat d'équipements seulement... sans parler des locations territoriales contre des navires militaires.
Ainsi 10% à peu près passait dans le militaire par an... du jamais vu auparavant pour un régime monarchique.

Lorsque les autorités du Kodeda confirmèrent le débarquement de troupes de la métropole le 30 Juillet 2007 et qu'une partie de la flotte semblait se dirigeait vers le Sud, Sud Est, il n'y eut guère de doute quant aux intentions de l'Empire Listonien. L'Empereur Philipe Ongro III l'avait annoncé, Listonia ne comptait pas laisser l'histoire se répéter en Afarée et n'avait pas non plus l'intention de prioriser le rétablissement de la stabilité au Pontarbello, au risque de se frotter à la première puissance mondiale.
L'Afarée ferait l'affaire, il était temps de montrer les dents, elle était à la portée d'un Empire d'Eurysie.

La qari Malha ik Kebur contacta le Gouverneur de Shati Alqahwa afin d'obtenir des nouvelles et les intentions de celui-ci.


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Malgré les demandes de la flotte listonienne, le Päivää ne semble pas décidé à bouger

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Arguant (non sans raisons) qu'il se trouve en eaux pharoises, accosté au niveau de l'enclave allouée au Syndikaali, le destroyer Päivää est dans son bon droit pour continuer de mouiller au Shibh Jazirat Alriyh.
Le Capitaine Eikki, commandant du navire et officier de marine pharoise, assure être en communication sans interruptions avec les navires de l'Empire.

« Il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Les Listoniens sont dans leur droit en s’inquiétant d’une possible ingérence, et nous sommes dans le notre en assurant la protection de la région. En somme, il n’y a rien dans cette situation qui ne se règlera avec quelques éclaircissements polis. » déclare-t-il aux journalistes de l'Agence Générale de Presse conviés à bord quelques jours plus tôt pour documenter le réveil listonien et l'actualité de la province.

Si les soldats du Syndikaali avaient jusque là une certaine lattitude pour profiter des plaisirs du Shibh Jazirat Alriyh, le Capitaine Eikki a toutefois demandé le rapatriement du gros de la garnison à bord du destroyer.

« Je sais reconnaitre une situation tendue quand j'en vois une. Nous ne nous écraserons pas devant les commandants de Listonie, toutefois nous sommes favorable à tout ce qui ira en faveur de la désescalade. Je ne veux pas faire croire à une forme d'occupation d'un territoire qui n'est pas le notre. Simplement il y a beaucoup de Pharois au Shibh Jazirat Alriyh, l'activité économique post-impériale de la région s'est construite en partie sur nos capitaux et nos entrepreneurs méritent que leurs efforts ne soient pas ruinés du jour au lendemain. Notre mission ici est double et peut paraitre ambigüe, je le reconnais : nous avions jusqu'ici la charge morale de protéger deux peuples coextistant, voici que l'Empire réclame de récupérer celle de protéger les Listoniens, soit. Mais on ne détricote pas plusieurs mois de travail et de cohabitation lucrative par la simple présence de navires de guerre. »

Présent également à bord du Päivää, une délégation de chercheurs en économie venus d'Albigärk confirment l'analyse du Capitaine :

« Écoutez c'est assez simple : si les Pharois partent, le Shibh Jazirat Alriyh fait banqueroute. Soit l'Empire est prêt à verser d'énormes subventions de sa poche pour assurer que la province continue de tourner le temps que son économie se restructure, soit il laisse le tissu économique privé maintenir le territoire à flot. Mais cela implique un peu de libéralisme et donc de se détendre le cul si vous me passez l'expression. » nous explique l'un d'eux.

Le Syndikaali ne semble donc pas prêt à abandonner la province et ses citoyens. Pour autant, les militaires multiplient les gestes de coopération à l'égard de la flotte listonienne.

« On a tendance à oublier que le Syndikaali est le seul allié de l'Empire, sa chute n'a fait qu'aggraver la situation, à l'heure actuelle la Listonie doit faire face à de multiples fronts et les conflits larvés au Nazum ou plus chauds au Pontarbello ne l'autorisent pas à se disperser. Si l'Empire se brouillait avec le Syndikaali ce serait une catastrophe pour sa stabilité, n'oubliez pas que plusieurs territoires, Porto Mundo ou la Caprice Coast accueillent de grandes populations pharo-listoniennes et la prospérité de l'Eurysie repose en partie sur les liens tissés par les diasporas. Si conflit il venait à y avoir, chacun de ces pays aurait de terribles leviers pour bloquer l'autre. Et cela, croyez bien que les états-majors en ont conscience. A l'heure actuelle la priorité numéro un pour la Listonie et le Pharois, c'est la paix. Et le reste on verra quand l'Empire ira mieux, j'ai envie de dire. S'il faut faire sauter o Prefeito pour ça, croyez bien que personne n'hésitera très longtemps. N'empêche que pour l'heure, c'est une soupape utile, le Gouverneur a un pied dans tous les camps, y compris en Althalj qui va avoir son mot à dire. Il est la clef de la paix en Afarée, mais aussi une possible bombe à retardement... »

Interrogé sur le rôle que jouera l'Althalj, l'expert est formel :

« On pense bien sûr au poids économique du pays qui est quasiment le seul mondialisé dans cette partie du monde, si on exclue les comptoirs fortunéens, mais d'un point de vue strictement militaire, l'Althalj a beau ne pas être une grande puissance, elle bénéficie d'un accès direct à la province, là où le Syndikaali comme l'Empire devront mobiliser toutes leurs capacités de projection en cas d'intervention. Et se mobiliser ici c'est se démobiliser ailleurs. Enfin, et c'est sans doute le plus crucial, les appels du Pharois à un meilleur ancrage régional des provinces listoniennes, y compris en soutenant des referendum, cela n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd et engage directement l'Althalj. Le Syndikaali ne peut pas du jour au lendemain revenir sur ses promesses d'émancipation par la régionalisation. Cela le place de facto du côté du Tamurt avec qui les négociations sont de toute façon déjà engagées. Non, franchement, c'est un vrai panier de crabe politique cette affaire. Personne ne veut avoir recours à la force mais les choses sont si entremêlées d'intérêts différents que le moindre souffle de travers pourrait faire s'effondrer le château de carte... »
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CONFIDENTIEL - 4 août 2007 - L’intervention militaire listonienne dans les colonies change la donne pour le Prince Mutarrif ibn Saadin.


Soldat de la marine listonienne, en liaison sur les docks d'une ville portuaire kodedane.
En mouillant au large des colonies d’outre-mer listoniennes, l’Empire impose un rapport de force qui contraint le clan Saadin à faire preuve d'une posture expectative.


L’horizon n’est plus très bleu lorsqu’on regarde au large des territoires ultramarins listoniens. Un constat partagé par la famille et les proches du Prince Mutarrif ibn Saadin, après qu’une flotte impériale se soit positionnée en force dans chaque région listonienne qui entendait hisser les voiles et se détacher ainsi durablement de sa puissance colonisatrice. “Faire venir quelques égorgeurs et coupe-jarrets de la Mandrarika et du Varanya pour assurer ma protection et saper les forces de mes opposants était une chose, mais se heurter à la marine impériale avec quelques fusils d’assaut et une poignée de grenades serait une autre affaire, une sale affaire, pour ne pas dire un hara-kiri” confiait le pacha à son plus proche conseiller.

Conseiller Jamil Rahhu : L’Empire s’est offert les moyens d’installer ses colonies sous cloche, afin d’étouffer les flammes de l’indépendance qui ont pris place dans les cœurs des kodedans et des citoyens installés au sein des autres régions coloniales limitrophes. On parle de centaines d’hommes avec des moyens de projection redoutables à l’instar d’hélicoptères. Prenez mon conseil majesté, vous voir rester ici est pour moi une source d’angoisse permanente. Si vos motivations étaient toutes connues, il ne faudrait que quelques minutes aux forces impériales pour conduire un assaut héliporté sur votre palais. Songez à une autre résidence, par principe de précaution. Allez vous installer chez un parent éloigné ou un autre représentant des communautés Beïdanes du pays, mais je peux vous parier qu’un tel déploiement de force listonien n’inspire rien de bon pour qui se tiendra trop fermement debout face à cela. Soyez un roseau et non un chêne, le premier peut se plier mais jamais ne se rompre…”

Prince Mutarrif ibn Saadin : “C’est l’opportunité d’une vie Jamil. Ma famille a vécu sur plusieurs générations sans jamais se voir proposer la chance de gouverner le pays. Aujourd’hui cette opportunité m’apparaît, telle une grosse pomme si charnue qu’elle ferait maintenant suffisamment pencher la branche de l’arbre qui la maintenait jusqu’ici hors d’atteinte.
Mais je note votre désapprobation et quelque chose me fait intérieurement vous donner raison. Cependant je suis né dans un rôle qui n’est pas le mien et il me faut essayer de reprendre ma place, au risque d’accomplir une tentative payée chèrement par le sang de ma communauté…

A ce stade, il est raisonnable de penser que seuls des mouvements populaires puissent ébranler le régime listonien, compte tenu de l’empreinte militaire que celui-ci vient d’imposer au large du territoire.

Si les partis indépendantistes et les grandes familles kodedanes travaillaient ensemble, il ne fait pas l‘ombre d’un doute que nous aurions les soutiens nécessaires pour imposer le renouvellement de nos institutions. Mais en l’absence de compromis sur la trajectoire désirée pour la région, le pays, le statu quo et l’administration listonienne doivent être maintenus…
Nous ne pouvons pas perdre l’autorité impériale au profit d’un autre régime, fut-il kodedan, nous sommes et resterons l’alternative. On va donc maintenir une présence et un lien permanent auprès de la société civile, pour bloquer toutes les initiatives indépendantistes que ces partis de hooligans souhaiteraient installer sur notre territoire.

Un référendum pour l'autodétermination est la pire chose qui puisse arriver au Kodeda. Car l’indépendance vis-à-vis de l’Empire Listonien doit s’accompagner de mesures fortes, pour installer une économie pérenne, des décisions fortes devront être prises, pas nécessairement les plus justes. La situation économique et politique du Kodedan sur les quinze prochaines années impose de nous passer d’’une poignée de doux rêveurs qui pense pouvoir jeter le pain listonien tout en s’épargnant des réformes politiques exemplaires. Pour développer les secteurs en souffrance, il nous importera possiblement d’émettre une suspension des salaires minimum applicables sur les secteurs agricoles et industriels, en vue de favoriser la création d’emploi par les entreprises de ces filières… Une mesure forte, peu conventionnelle, que ces hooligans seraient incapables de prendre faute d’un courage politique réel, préférant largement arroser les rêveries entretenues par ceux qui les ont élus…

Renforcez la sécurité autant que faire se peut Jamil, dites à notre contact latino que nous concèdons à plus de rétributions moyennant un soutien accru dans le développement de notre force de frappe. On va davantage marquer notre ligne politique et chahuter les soutiens du parti indépendantiste en rassemblant nos soutiens et faire de la communauté Beïdane, une force politique d’importance, tournée vers l’occupation des postes d’excellence...

Conseiller Jamil Rahhu : Il en sera ainsi majesté. A ce propos, notre contact latino a déjà appelé et souhaiterait échanger en privé avec vous.

Prince Mutarrif ibn Saadin : Passez-le moi dans mon bureau dans trois minutes.

Le conseiller opina du chef et partit s'exécuter alors que le pacha fit place nette dans le salon. Quelques minutes plus tard et en totale cohérence avec le souhait exprimé à son personnel, le Prince Mutarrif ibn Saadin passa un appel crypté en direction d’un homologue alguareno.

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C’était l’un des bâtiments les plus moderne et élevé de Nasabis, capitale du Kodeda. Une structure, comme une large pyramide de verre, longue de plusieurs rues, ornées des lettres métalliques, les noms de ses sponsors. Datadyn, Saphir Machrotechnology, Oreska Prospekt, Lafaille... À sa création on l’avait présenté comme un pôle recherche et développement, la structure abritait aussi une nouvelle chambre du commerce, un hôtel de standing international, des bureaux. Il s’agissait d’un lieu pensé comme le nouveau poumon économique d’une province asphyxiée, on l’avait construit à l’annonce de l’installation de l’enclave Pharoise, pour transformer la colonisation étrangère du territoire en une occasion. Le gouvernement n’avait rien à voir dans son édification, si ce n’était les quelques "taxes" extralégales qu’avait touché un certain nombre de fonctionnaires. Le Palais des Congrès de Nasabis, comme on l’appelait, échappait à sa juridiction. Ce qui s’y passait ne concernait que les corporations et leurs investisseurs.

C’était parce qu’elle en avait la certitude, que Zula avait fait taire ses craintes et avait décidée d’y mener la réunion qui devait maintenant avoir lieu. On lui avait présenté des opportunités de le faire ailleurs – entendre, loin de Kodeda et du danger que représentait l’arrivée de l’armée Listonienne – mais elle avait refusée. C’était une question de logique. Ils voulaient parler d’investir à Kodeda. Il fallait donc le faire à Kodeda. Ce serait très riche d’apprentissage pour les investisseurs, et la présence de l’armée ferait sans doute son petit effet sur leur psychologie de vers sentencieux.

De toute façon c’était ça ou rien d’autre. Elle ne pouvait pas le faire dans les provinces kah-tanaise, ç’aurait envoyé le mauvais message, l’Eurysie aussi, mais pas aux mêmes personnes. Les grandes puissances Afaréennes, enfin, étaient trop lointaines. Faire cette réunion ici, c’était déjà, en quelque sorte, acter l’indépendance de la province. La considérer comme un territoire souverain au sein duquel on gérait les affaires lui étant directement lié, plutôt que de le faire depuis de lointaines métropoles ne considérant la région que comme un bout de sable mal défini. Une vérité abstraite, qu’on ne s’imagine pas, ou vaguement, en nuances de chiffres et de rapports incompréhensibles. Intraduisibles en mot. L'aliénation quotidienne de la centralisation. Qui efface d'abord les cultures, puis les gens, et enfin les paysage. En le faisant ici, au moins, on rendait le sable concret.

D’autant plus que le vent s’était levé depuis le nord et qu’un brouillard épais de sable et de terre rouge avait couvert Nasabis.

Située sous la charpente de la pyramide, un pan entier de mur de la salle de réception était une vitre. En temps normal elle donnait sur la capitale, mais maintenant on ne voyait que cette masse nuageuse brune, et les innombrables grains de sables qui venaient gratter la surface du double-vitrage.

Zula se tenait contre le garde-fou qui séparait la salle en elle-même de la vitre. Les deux entouraient un cours d’eau intérieur. L’ensemble des lieux avait un côté très moderne. Riche. Il y avait des plantes partout, l’espace était large, inoccupé, sans mur de cloison, il y avait des pans entiers de sol occupés par des genres de jardins zen. Honnêtement c’était probablement du gâchis de fonds. Pas que ça dérangeait Zula. Elle ne payait pas, elle n’était qu’une petite main de la compagnie.

Tout de même, se dit-elle, le rutilant Palais des Congrès de Nasabis allait être couvert de sable, et ça il n’y avait rien qu’on puisse y faire. A part bien entendu tout nettoyer pour rendre au bâtiment son aspect rutilant. Jusqu’à la prochaine levée du vent. C’était ridicule. L'architecte en charge du projet n'avait probablement jamais mis les pieds dans la région, ou pas plus d'une semaine. Rien ne fonctionnait. Même pas l'architecture des lieux, qui était moderne au sens international du terme, mais ne se fondaient pas vraiment dans le territoire urbain local. Elle espérait sincèrement qu'on raserait les lieux après l'indépendance.

On ouvrit la grande porte de la salle. Zula avait envoyé son assistant chercher les invités du jour. L’indépendantiste se détacha de sa contemplation pour rejoindre le centre de la salle, grimpant quelques marches pour se faire. On y avait installé une table longue sur laquelle courrait un pan entier d’autoroute, sous la forme d’une petite maquette blanche rendant parfaitement compte du projet à l’ordre du jour et des moyens de sa réalisation. Des écrans installés tout le long de la table affichaient des informations techniques ou financière sur la structure. Rien que les invités ne connaissaient déjà, ils avaient tous reçu les études de terrain de faisabilité, de rentabilité. C’était une simple formalité, un moyen d’officialiser l’évènement.

– Messieurs !

Et elle écarta les bras, invitant tous les invités à approcher, leur faisant signe de se placer autour de la maquette. C’était une foule compacte d’investisseurs, actionnaires, qui à eux tous cumulé n’atteignaient pas un statut majoritaire dans le projet. Ce privilège revenait au consortium que Zula représentait. Mais ce n’était pas le sujet. L’investissement serait rentable. Ces hommes et femmes, riches de tout horizon, ne venaient pas diriger le chantier : ils venaient profiter des fruits qu’il allait inévitablement donner. Toutes les études sur le sujet étaient claires, leurs conseillers, panels d’experts, éminences grises de tout ordre étaient unanimes, leur avaient donnés des conseils clairs. Kodeda, d’une façon ou d’une autre, générerait du profit.

Bien entendu ce profit passerait par un plan d’investissement massif capable de rendre à la région une vitalité économique, et les moyens d’exporter par elle-même sa production, vers les destinations voulues, plutôt que vers le vieil empire. C’était la raison même pour laquelle on espérait bâtir cette route en direction des communes Kah-tanaises, elles-mêmes porte d’un important marché international. Bien sûr ça c’était ce qu’on leur disait. Dans les faits il s’agissait surtout de faire de toutes ces éminences économiques, qu’elles le veuillent ou non, autant d’avocats d’une cause qui allait, progressivement, virer à l’indépendantisme pur et dur. De toute façon ils n'avaient pas encore investis pour la plupart. Ils avaient simplement signés des promesses, des pré-contrats, tout un appareil qui les liait au projet sans leur coûter un dollar. Ils le défendraient, obtiendraient l'indépendance, puis observeraient avec une horreur mitigée par l'absence de perte nette, la nationalisation de l'économie et sa redistribution aux communes.

Ainsi on éviterait d’embarrasser messieurs les capitalistes, qui seront toujours les bienvenus pour faire du commerce avec Kodeda la revitalisée, au même titre que le consortium, Saphir Machrotech, qui allait pour le moment être seul à débourser dans le projet d'infrastructure. Et ce n'était pas franchement problématique Saphir était moins compagnie qu'organe d'influence, bien que personne ne le sache vraiment.

Zula attrapa la tasse de thé qui lui tendait son assistant, la posa sur la table, et lissa les pans de son uniforme gris. Elle se racla la gorge, et commença son discours.
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Le vent soufflait, cette brise caractéristique de cette côte Afaréenne. Presque continue, elle disposait de particularités fortes pour celles et ceux qui la connaissaient, qui la vivaient au quotidien. Le vent ondulait et s'accélérait par saccade, apportant les embruns d'iode, qui se mêlent à une odeur sèche du sable, une odeur épicée, terreuse et exotique pour des étrangers ou passagers. Le sel s'humectait sur les lèvres, la poussière et le sable venant apporter un peu de croquant si par mégarde la langue avait le malheur de vouloir humidifier les muqueuses.

Les chèvres bougonnèrent un temps, arrachant avec force les quelques broussailles vertes qui s'évertuaient à tenir le coup face à un climat rude et rappelant avec humilité la petitesse et fragilité de la vie en Afarée de l'Ouest et spécialement aux abords et au sein des Territoires Libres du Sahra'. Et c'est à travers la simplicité et difficulté de la survie en cette région, que des clivages sur l'approche du respect d'autrui et de la vie se discernent. Certains n'ont d'égard que l'égoïsme et la mise en avant de l'individualité : "fais ce qu'il faut pour survivre, car ainsi sont les choses en ces lieux". Certaines y voient au contraire la nécessité de faire don de soi, de partager, protéger, élever, intégrer.

L'individu, au visage et mains marqués par le bleu indigo de ses vêtements et de son large tagelmoust, ou shesh, bien ajusté, s'arrêta de marcher et sans quitter l'océan des yeux, posa la crosse de son fusil sur sa chausse droite et le tenant d'une main, plissa alors des yeux un instant pour mieux voir au loin. Le fusil était autrefois un mousquet Althaljir de type jezaïl artisanal. Celui-ci avait été amélioré et modernisé ces dernières années, tout en gardant l'aspect traditionnel avec les décorations en ivoire et marqueterie en bois sur la crosse qui s'ajustait sous l'aisselle et non sur l'épaule pour viser, était un vrai bijou technologique qui était à présent utilisé comme fusil de précision ou de chasse par les locaux de cette large région de l'Afarée de l'Ouest. Les détails permettaient d'identifier la région d'origine de la famille de la ou du titulaire, de même qu'un rang social au sein de la communauté locale. Principalement fabriqués et utilisés par les femmes, les jezaïls Althaljirs étaient aujourd'hui dans les mains des femmes comme des hommes.

Etait-il nécessaire d'être armé ? Depuis les interventions et la supervision de l'Althalj au sein des Territoires Libres du Sahra', le banditisme avait chuté, les populations nomades et sédentaires avaient obtenu une amélioration considérable de leur quotidien des suites de la crise des Courageux engendrée par les guerres dans la Corne de l'Afarée et l'irresponsabilité de certaines nations... aujourd'hui oubliées pour la plupart des non-Afaréens.
La question n'obtenait pas de réponse claire, car l'Afarée n'obtenait jamais satisfaction et retournait régulièrement dans ses travers.
Et non loin de là, l'Histoire s'était presque encore répétée, sans l'aide de voisins ou étrangers aux intérêts économiques et politiques.



Une bourrasque brûlante rappela à l'observateur qu'il était temps de rentrer afin d'éviter que les bêtes ne souffrent de trop de la chaleur tonitruante du soleil.

De sa main libre, relevant le pan de son takakat ou sa longue tenue bleu foncée, elle sortit une radio qu'elle approcha du visage.
Quelques mots en Alth suffirent et elle la rangea aussi rapidement qu'elle avait sorti l'appareil.


Les Althaljirs et les peuples des Territoires Libres du Sahra' n'avaient jamais vraiment considéré les habitants du Shibh Jazirat Alriyh comme des Afaréens avant que l'Empire Listonien ne fasse montre de prémices d'un effondrement politique, économique et sociale.
Mais le Sahra', l'Afarée de l'Ouest, panse encore ses blessures et se rappelle la nécessité d'aider son prochain, son voisin...

Que le blason soit Listonien, que le territoire soit Aricien, ou qu'il soit Palto-terrien, ses habitants ont aujourd'hui goûté à la dureté du continent et le quotidien isolé face au désert, face à l'exponentiel de toutes choses et au danger d'affronter seuls la vie où la proximité et la solidarité sont une corde de survie et que la négligence n'est guère pardonnée, car engendre des conséquences délétères et irréversibles dans ce monde cruel et impardonnable qu'est... l'Afarée.



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CONFIDENTIEL - 10 août 2007 - Le Prince Mutarrif ibn Saadin part en quête de soutien.


Palais et résidence principale du Prince Mutarrif ibn Saadin
Parmi les communautés beïdanes, nombreux sont les anciens et les sages invités par le Prince Mutarrif ibn Saadin.


Alors que quelques philosophes apprentis politiciens ne juraient voir l’avenir qu’à travers une poignée d’allumettes accolées les unes aux autres, l’avenir politique du Prince Mutarrif ibn Saadin souhaitait se reposer sur une vision politique claire et partagée par des alliés locaux et internationaux.


4 août 2007 - Palais du Prince Mutarrif ibn Saadin.

Rassemblée dans la cour du Palais baptisé par la haute société kodedane les jardins d’opale, en référence aux pierres précieuses utilisées dans la réalisation des différentes dalles extérieures, une poignée de personnalités locales, très aisée voire ouvertement fortunée, oeuvrait à l’analyse des différentes conjectures dans le cas où la tendance indépendantiste se confirmerait.

Prince Mutarrif ibn Saadin : Vos excellences, vous connaissez mon humilité permanente mais permettez-moi de vous rappeler malgré tout la dette qu’est la vôtre, après que je vous ai arrachés à cette ennuyante contemplation faite de bric et de broc pour illustrer ce qui doit être le pont entre le succès et nous.

[Des rires traversèrent l’assemblée...]

Non vraiment, si le Kodeda doit troquer son réseau commercial listonien contre celui du Grand Kah, illustré par deux bacs à sable timidement trempés dans les océans, j’investis dans une compagnie aérienne car l’on sera nombreux à prendre le vol des départs.

Le Kodeda a un accès océanique, pourquoi se contenter d’une voie terrestre vers des boui-boui kah-tanais pour se rattacher à son commerce international là où nous pouvons directement commercer depuis notre littoral? Est-ce là toute l’ambition proposée par ce parti indépendantiste? Mais je ris. Sortons d’une projection aussi ridicule qu’asservilisante.
La raison commande d’ouvrir et de développer des routes maritimes commerciales vers des hubs commerciaux de proximité, qui sont notamment les territoires ultramarins fortunéens, à mi-chemin entre les différents continents Afarée, Eurysien et Paltoterra. Le Kodeda a l’opportunité de développer son interface commerciale avec le monde et il faudrait faire dépendre celle-ci des territoires voisins, reliés par des voies terrestres?

[L’audience restreinte exprime sa désapprobation la plus totale]

Vous avez les moyens d’investir dans le pays, offrez-vous la volonté nécessaire pour le faire. Le Kodeda a l’ensemble des cartes à jouer, pour que les doux rêveurs du parti indépendantiste kodedan retournent travailler dans leur parc à fange de cul-terreux finis et pour nous laisser le pseudo luxe de choisir où notre argent doit être investi…

Husain ibn Mahbub : Prince, le soutien des Beïdanes vous est acquis. Le développement du commerce routier vers les territoires ultramarins du Grand Kah est susceptible d’affaiblir les flux commerciaux, maritimes et aériens, en partance du Kodeda. Là où certains d’entre nous possèdent des actions et des titres de propriété au sein des compagnies maritimes et aériennes, il nous importe de saper les perspectives de développement des compagnies de transport terrestres, une concurrence directe dont les frets vers les territoires Kah-tanais seraient susceptibles d’affecter la fréquence des exportations accomplies par certaines de nos sociétés.

Prince Mutarrif ibn Saadin : Ô pensez bien que le péril m’est connu noble Husain et les réflexions à ce propos ne manquent pas. Entre l’accomplissement du chantier d’une part et la constitution de groupes de pillards le long de cette voie transfrontalière, il y a à parier que sa construction ne serait pas amortie de sitôt… Le projet de construction de routes vers les provinces kah-tanaises sera sapé ou rendu financièrement non viable par notre réseau mutualisé de mercenaires mandrarikans. L’attaque de convoi de marchandises à destination du Grand Kah par voie terrestre permettrait d’une part le report des exportations terrestres vers le fret maritime et aérien mais aussi l’autofinancement des groupes de mercenaires mandrarikans dont nous envisageons le déploiement…

Parallèlement à tout cela, nous allons travailler sur une série de travaux et d’aménagements de l’espace portuaire kodedan qui sera susceptible d’agrandir la capacité d’accueil de flux commerciaux et de fournir une offre aux principaux industriels régionaux qu’ils ne seront pas en mesure de refuser, court-circuitant durablement les réseaux de distribution internationaux qui ne seraient pas kodedans.

De combien parlons ? 3 millions de dinars kodedans ? Faut-il seulement évoquer ce que cela représente pour la douzaine d’hommes que nous sommes?
Pour le développement du flux maritime on fera entrer le lobby pharois dans la danse. Les pharois installés au Kodeda transiteront-ils par les flux maritimes à venir ou le projet de voie terrestre vers le Grand Kah? Pour beaucoup d’entre nous, c’est de la rhétorique tant la préférence pharoise pour une solution maritime est l’évidence. Mais nous aurons l’occasion de confirmer tout cela auprès d’eux prochainement, moyennant quelques échanges épistolaires avec ces péquenauds tout juste embourgeoisés et que les porcs eux-mêmes se refuseraient de bouffer.

Mes conseillers militaires m’ont également fait savoir qu’il existe une donnée de taille à l'exécution d’un tel procédé, c’est de permettre le développement d’un réseau de contrebande susceptible d’importer des équipements et armements nécessaires à la conduite d’une révolution Beïdane, hissée à la tête des élites politiques. L’emprunt d’une voie routière et plus globalement terrestre vers le Grand Kah, implique que l’on se soumette à ses contrôles, rendant d’autant plus compliquées les tentatives de corruption en territoire étranger.
Il est effectivement acquis dans l’inconscient collectif et de notoriété publique, l’idée selon laquelle il est plus aisé de gérer nos importations illégales d’armes au Kodeda si elles passent par des vraquiers et porteurs de centaines de conteneurs, plutôt qu’au moyen d’un camion de transport empruntant des voies terrestres kodedanes, puis kah-tanaises…

[L’assemblée composée d’anciens et sages de la communauté Beïdane acquiesça aux arguments avancés par le Prince et lui réitéra un fervent soutien alors que les échanges prirent peu à peu fin après l’arrivée des théières.]
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L'air s'était alourdi sur Nasabis. La loi martiale avait pris un certain temps à se faire ressentir dans cette province coloniale où la loi du plus arbitraire régnait en fait depuis que l'homme eurysien avait saisi les terres de l'afaréen. C'était une question d'habitude. Pour la plupart des kodediens, l'arrivée des militaires, le renforcement du dispositif policier, l'assignation à résidence du gouverneur et la convocation des hommes et femmes ayant exprimés d'éventuelles sympathies indépendantistes n'était qu'une humiliation de plus dans la longue liste de celles subies par la région. On avait mis du temps à réellement saisir qu'il ne s'agissait pas d'un énième soubresaut de l'Empire, mais bien d'une réaction de ce dernier. Contre toute attente, la couronne impériale avait enfin décidé d'agir quant au sort de ses colonies.

Et tout d'un coup, l'ambiance de Nasabis, cette éternelle cité grouillante de marchés, de casbah, de quartiers coloniaux si propres et autochtones si vivants, avait changée du tout au tout. Les blancs disaient que la douceur de vivre avait disparue, d'un coup. Ils n'avaient pas encore saisi la réalité de l'indépendance prochaine. Pour l'heure les militaires n'étaient pas encore les héros dont ils cireraient les bottes et excuseraient les exactions, mais des importuns, faisant du mal au commerce, gâchant le grand soleil de leurs uniformes, imposant leurs airs sévères à une ville où il fait pourtant si doux vivre. Pour les autochtones, maintenant, c'était tout autre. Le Parti de l'Indépendance sondait l'air et sentait bien ce qu'il en était. Un doute. Une peur encore mal définie; L'armée est déployée, ça signifie qu'il y aura une guerre, non ? Et contre qui sinon contre le peuple ? On ne perdait pas espoir, mais on comprenait que pour Kodeda, au moins, il ne s'agirait pas d'une partie de plaisir. L'indépendance, ici, ne se ferait pas par référendum, ou en déposant des fleurs aux pieds des gendarmes.

Ce n'était pas bien grave. En tout cas ça ne dérangeait pas particulièrement les leaders du Parti de l'Indépendance.

Le Parti était organisé selon un schéma quelque-peu pyramidal rendu nécessaire par les impératifs de la clandestinité. Dans l'idéal chaque membre ne connaissait que ses deux subordonnés et son supérieur. Dans les faits cette théorie n'était respectée que chez ceux qu'on préparait à devenir des agents opérationnels. Il y avait trop d’interaction entre tous les autres. Penseurs, militants officiels. Beaucoup se connaissaient d'avant la lute. C'était une confédération de réseaux, d'organes, de syndicats, de mouvements, qui avaient pris un certain temps à se fondre dans la structure du Parti. Durant cette période d'adaptation, les uns et les autres avaient collaboré ouvertement comme dans n'importe quel syndicat. La clandestinité réelle, celle où il est impossible de réellement tirer le fil du réseau en capturant ses membres, celle où la main gauche ignore pour de bon ce que fait la main droite, et où personne ne rencontre le cerveau, ne viendrait qu'en cas d'échec de cette première génération de résistants.

On espérait sincèrement ne pas en arriver là, mais au cas échéant, on y était préparé.

Une musique résonnait dans la salle de l'Hydra Café. Un homme chantait sur la saudade, par-dessus le timbre atone d'instruments à corde. La décoration était dans un style moderne, un peu chic. Mobilier coloré, plantes vertes entourant les tables, cernées de canapés rouges. Le club était posté dans un immeuble. Accessible par l'escalier ou une petite cage d'ascenseur dont les boutons indiquaient l'étage mais pas ce qu'on y trouvait. C'était un club d'initié, on y entrait librement, mais il fallait déjà connaître son existence. À une époque on faisait aussi restaurant, mais c'était l'affaire de l'ancien propriétaire, qui était mort et avait légué l'ensemble au fils de sa femme, moins porté sur la cuisine et plus sur la politique. En ça, au moins, l'Hydra n'avait pas changé. De tout temps c'était un lieu de rassemblement pour la bonne société, intelligentzia artistique, les étudiants ambitieux. Au fil des années on y avait exprimé des sympathies différentes, toujours dans un certain respect du lieu et de ce qu'il représentait. Pour son éloignement relatif avec la Métropole, Kodeda avait été le point de chute de nombreux opposants à la monarchie, ou aux gouvernements nommés par Sa Majesté. Restait de ces illustres invités et hommes de passage des tracts signés accrochés aux murs, des mots dans le livre d'or, des souvenirs amusés, des questions. Que sont-ils devenus ? Et des successeurs. La clientèle de l'Hydra, toujours propre sur elle, présentable, impeccable, était moins blanche qu'elle ne l'avait été. Il y avait des "bons" kodediens. Assimilés. Éduqués. Qui pour beaucoup étaient passés en métropole ou à l'étranger. Ils parlaient doucement, comme pour respecter la voix mélancolique qui s'échappait des enceintes. On lançait des regards furtifs aux grandes baies vitrées sur lesquelles on avait rabattu des persiennes de façon à se protéger du soleil. L'armée avait défilé dans les rues. L'air était lourd.

Une jeune femme, quasiment une ado, s'exclama en réponse à ce qu'avait dit un homme à sa table.

Non, non. Je déteste l'action directe. Mais si nous venions à souffrir d'une répression...

Eh bien ?

Nos mains ne seraient plus liées.

La remarque provoqua quelques rires et des soupirs désapprobateurs. Des regards en coin, aux autres clients. Ici tout le monde était un ami. On le savait, il n'y avait pas de mouchards. Les mouchards étaient connus, ils jouaient le jeu, savaient qu'on les tolérait jusqu'à un certain stade. Tout de même, on osait plus parler aussi librement qu'avant. Un homme embraya d'un ton pensif.

Je ne trouve pas que ce soit une très bonne chose. De toute façon avec ce qui est prévu...

La manifestation ?

Les campagnes de tractage. Avec la loi martiale la manifestation a été annulée. On te l'avait dit, non ?

Ah.

Eh bien en tout cas l'armée va vivre ça comme une provocation.

C'est à notre avantage.

On échangea des regards en coin, et il y eut quelques toussotements. La jeune femme qui avait parlé en première croisa les bras et lança un regard au patron, qui était apparu derrière la caisse. Il lui sourit et lui indiqua d'un signe qu'il arrivait. Pendant ce temps les discussions continuaient. C'était l'esprit de l'indépendance. Des individus qu'on aurait juré dépourvu de personnalité, comme le chœur d'un théâtre grecque, fixant la scène et la tragédie s'y déroulant sans intervenir autrement que par leur narration réflective. Ici, on philosophait sur l'occasion. Quelques-uns des clients auraient pu être membre du Parti, voir même des dirigeants de ce dernier, qu'on en aurait rien su. A défaut de pouvoir jurer que ces discussions allaient avoir la moindre influence, il convenait d'estimer qu'elles étaient strictement artistiques. De la gymnastique intellectuelle entre sympathisants inutiles.

Il faudra bien entrer dans la clandestinité. S'ils tirent le premier coup nous pourrons le faire sans perdre la face.

Nous, "nous".

En tout cas, la jeune fille s'arrêta le temps de remercier le patron, qui lui avait amené un café froid. Elle reprit. Ce n'est certainement pas à l'avantage du "prince".

Vous voulez parler de l'occupation du port et de l'aéroport ?

On dirait bien que les voies d'accès internationales sont fermées.

Pas bon pour le commerce, ça. Je suis sûr que Saphir ira en toucher deux mots au général.

C'est un général ? Moi je croyais que c'était un type de la marine.

Si tu veux. En tout cas le secteur économique va s'exprimer. Et ensuite...

Il haussa les épaules.

Non, vous n'y êtes pas. La jeune fille insiste. Elle fronce les sourcils. Vous n'y êtes pas du tout. Ils vont entrer dans la clandestinité parce que ça a toujours été le plan. Mais le prince ne peut pas se le permettre.

Tu penses qu'ils vont arrêter le prince ?

Honnêtement y'a moyen. En tout cas ce serait une bonne chose pour tout le monde.

On pourrait s'en féliciter, reconnu un autre.

Bon. Donc l'armée contre le prince, et le Parti dans l'ombre, c'est ça ?

On peut tout à fait estimer qu'il attendra son heure, après tout.

Il attend son heure depuis toujours.

Il continuera si nécessaire.

Conjecture. Moi je pense qu'il se lancera dans la guerre.

Au moment opportun, s'il se déclare.

Et en attendant...

En attendant il y a des choses légales à faire. Qu'ils laissent l'initiative de l'erreur aux autres.
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Le 16 août 2007 - Kodeda

Une fenêtre sur l'avenir

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Au Kodeda, les capitaux kah-tanais mettent le pied dans la porte d'une transition vers un modèle communaliste.


Suite à des tractations secrètes organisées par le Grand Kah avec certains clans du Kodeda et la bourgeoisie d'affaire locale, l'annonce d'un grand chantier kodo-kah tanais a pris tout le monde par surprise. Si les lois économiques de l'Empire ne sont a priori pas prévues pour cela, la relative indépendance laissée aux milieux d'affaires suite au désengagement listonien a poussé ces-derniers à prendre des initiatives économiques considérables. Corruption et appât du gain ont suffit à convaincre les bonnes personnes du bien fondé d'un tel projet qui, sauf décision impériale, devrait commencer à voir le jour très bientôt.
C'est en effet une formidable opportunité économique autant pour la population largement touchée par le chômage dans cette colonie délaissée de l'ouest afaréen qu'un espoir de désenclavement en se rapprochant des seuls territoires mondialisés à proximité : les enclaves kah-tanaises. Les élites locales qui ont préparé le terrain posent déjà les premières pierres du projet en annonçant une vaste campagne de recrutement et de formation qui, au delà de son aboutissement réel, suffit à souffler un vent d'espoir dans la région.

Non sans arrières pensées, cette injection de capitaux économiques ne va pas sans un intense travail de propagande révolutionnaire soulignant les bienfaits du modèle communaliste kah-tanais et sa force émancipatrice.
Si la propagande kah-tanaise se heurte à la barrière culturelle d'une colonie par ailleurs encore très portée sur ses traditions et son modèle de hiérarchies claniques, les communalistes parviennent à séduire au sein des cercles plus libéraux et mondialisés, ainsi qu'une partie de l'administration listonienne locale qui ne verrait pas d'un mauvais œil à gagner en autonomie.


Compte-rendu d'opération a écrit :
Investissements massifs dans la région par un consortium à capitaux privés et kah-tanais, dans le but de préparer la grande transnationale reliant la région aux communes voisines. Avec main d’œuvre locale, y compris non-formée et qui sera formée pour l'occasion, de façon à faire sortit les villages et villes périphériques du marasme économique dans lequel les a laissés la colonisation.

100 - 66 : Réussite majeure : Le chantier commence sur les chapeaux de roue. Il fait l’unanimité au sein de la société civile et d'une partie des élites économiques, rallie une partie de la population derrière les notions sous-jacentes à son existence (plus de liens avec les régions afaréennes voisines), progresse bien, devient un élément porteur d'espoir et d’intérêt dans la région, attirant des capitaux etc.
65 - 11 : Réussite mineure : La population civile est mobilisée autour du chantier, qui se met en place dans des conditions normales et commence à s'étendre à travers la région comme convenu. L'influence kah-tanaise croît.
10 - 6 : Echec mineur : Le chantier se met en place malgré quelques difficultés voir une certaine indifférence.
5 - 1 : Echec majeur : Une opposition de l'administration Listonienne, voir des casseurs payés par des princes ou autre, mettent le chantier en danger et l'empêche de dépasser les étapes préparatoires.

Résultat de l'opération (arbitrée par Abitbol / Chancelier animateur)


Compte-rendu d'opération a écrit :
C'est une opération de propagande idéologique visant à présenter les deux communes kah-tanaises voisines, ayant obtenues leur indépendance par le passé, comme des exemples à suivre sur tout les plans. Tant politiques qu'économiques. De l’agitation pro-indépendance à la sauce Kah-tanaise, comme aux grandes années de l’anti-colonialisme.

100 - 66 : Réussite majeure : La campagne remporte un très franc succès dans toutes les couches de la population. Le modèle communaliste kah-tanais semble devenir la voie favorisée par la population en vue d'une indépendance semblant de plus en plus inévitable.
65 - 20 : Réussite mineure : La population n'est pas nécessairement convaincue par le modèle communaliste et ses propositions, typiquement on peut encore craindre que le Grand Kah représente une entité étrangère colonialiste. Pourtant il demeure une indéniable sympathie pour les peuples habitants ses communes voisines. La population est quoi qu'il en soit poussée vers une indépendance sur un modèle libertaire.
20 - 11 : Echec mineur : La population n'est pas convaincue par les promesses de l'indépendance. Le message démocratique et communaliste ne touche qu'une minorité d'individus, sans écorner le prestige des princes ou la sécurité qui semble accompagner le régime listonien..
10 - 1 : Echec majeur : La population a peur du chaos que pourrait provoquer l'indépendance. Ou le gouvernement réagit de façon violente à l'opération de déstabilisation en raffermissant son emprise sur la province.

Résultat de l'opération (arbitrée par Abitbol / Chancelier animateur)
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Message secret
Information secrète réservée aux personnes autorisées
17267
À l'ombre de la liberté

BusIstanbul



Le temps c’était suspendu sur chaque centimètre des treize mille sept cent soixante-quinze kilomètres carré du Kodeda. Certains, peut-être plus cyniques ou réaliste, auraient parlé d’un juste retour à la norme. C’est vrai que le temps s’était arrêté depuis bien longtemps pour les hommes et femmes de cette province épuisée. Le sable et la poussière avaient pris possession des lieux en même temps que les colons, qui avaient brisé les sabliers, démantelés les horloges, arrachés les gnomons des cadrants solaires. Leur entreprise folle d’asservissement – donc de massacre – s’était faite sans aucune forme de méticulosité : une violence pré-fasciste qui n’avait pas encore compris qu’on pouvait industrialiser le meurtre, ni quelle dose constituait une charge tactique d’horreur, mais travaillait activement à avancer dans ce but. Les villages enterrés, les penseurs assassinés, les clans asservis, montés les uns contre les autres, et la terre, riche, éventrée pour en tirer l’or.

Puis l’espace d’un instant, au profit des indépendances cumulées sur d’autres continents, de la faiblesse de l’empire occupant, des actions kah-tanaises et princières, on avait cru que l’histoire avait redémarrée. Que sa mécanique avait enfin cicatrisée de telle façon qu’à défaut d’une marche, elle rampait vers l’avenir, s’entraînant à rattraper le temps perdu. On avait brièvement pensé que Kodeda serait la prochaine sur la liste des provinces à enfin acquérir le droit de regard sur leur propre histoire. Qu’elle obtiendrait à son tour, d’une façon ou d’une autre, les clefs de sa libération : que ses habitants marcheraient parmi d’autres en hommes libres, indépendants, et que la Listonie, l’infâme empire, ne serait à terme plus qu’un sale souvenir, honnie dans les livres d’histoire, tout juste contacté à l’occasion de sempiternelles demandes de restitution des reliques volées. Ce genre de rapport qu’on attend entre un ancien empire et ses anciennes provinces.

Puis le temps s’était à nouveau figé, et les acteurs du changement s’étaient terrés dans le sable, aux aguets. Quoi qu’il y eût eu comme un progrès. Pas en ça que la situation s’était améliorée, mais en ça spécifiquement qu’elle avait empirée. La région était prise d’une fièvre, qui pouvait au choix la tuer, ou définitivement la purger de son mal. L’armée était un symptôme de ce progrès. Sa présence signifiait clairement que l’indépendance était devenue assez tangible pour alerter jusqu’à l’empire alanguit. Maintenant, on ne pouvait plus y faire grand-chose : on ne préparait plus le grand jour, on le vivait, en quelque sorte.

Et donc le temps s’était suspendu. Mais les mécaniques étaient décrassées, et ce n’était pas cette fossilisation de l’histoire qu’on avait connue par le passé. Le Kodeda n’était pas retourné dans son tombeau, à attendre que la poussière le ronge. Au contraire. Il en était sorti pour de bon, et si les aiguilles n’avançaient plus, c’est qu’on savait qu’à la moindre minute, à la moindre seconde, tout pouvait exploser. Le ressentiment de décennies d’oppression, la haine de l’ennemi, le racisme de ce dernier. Il suffisait d’une inflexion sur le cadran, d’une rotation de mécanisme, et la région entière pouvait s’embraser. La fièvre devenir combustion spontanée. Et ce serait pire que tout. Les rafles, les fusillades, les bombes. Il devait y avoir d’autres options. C’était ce qu’on cherchait à prouver depuis tout ce temps, c’était même ce qu’on cherchait à accomplir. Car il ne faisait aucun doute, pour personne, que l’armée seule ne saurait arrêter l’histoire. Tout au plus, comme dans la présente situation, elle pouvait pousser ses acteurs à s’arrêter, considérer leurs chances, faire à l’avance le deuil nécessaire à la lutte armée. L’armée venait réprimer, oppresser, mais ne pouvait pas gagner. Ou temporairement. Elle devait le savoir, et en face, on en était sûr : il y aurait sans doute des morts, si on ne pouvait l’éviter, mais il n’y aurait pas de retour en arrière. Kodera mourrait, mourrait toute entière, avant de refuser la liberté qu’elle s’était offerte.

Maintenant ce n’était pas tout à fait à l’ordre du jour, et pour le moment les choses se passaient plutôt bien. Le Parti de l’Indépendance Kodedarienne, toujours officieux, toujours silencieux, qui n’avait pas encore exprimé son existence et demeurait une construction mystérieuse, hantant les ambassades de quelques puissances régionales et l’esprit de quelques notables locaux, avait déjà joué. C’était au tour de l’autre. Des autres, devrait-on plutôt dire. Car c’était une danse à trois. Le PIK, le Prince, l’Empire. Pas l’Empire. L’Armée. Un membre plénipotentiaire, qui agissait dans cette province comme dans son royaume, détachée des lois, des règles du jeu. Une puissance qui pouvait s’avérer incroyablement utile, ou destructrice. C’était ce qu’on attendait de voir.

Il n’y avait pas vraiment de doute quant au fait qu’à chaque mouvement du PIK ou de ses alliés, il y aurait réaction – pas nécessairement équivalente ou proportionnée. On ne s’attendait pas à pouvoir progresser indéfiniment vers l’indépendance sans provoquer une répression plus ou moins aveugle. Cependant, pour le moment, les mots n’étaient pas prononcés clairement, et rien n’indiquait ouvertement que l’objectif était de créer un mouvement de masse en mesure de prendre possession de la province. Rien n’indiquait non-plus clairement, qu’il s’agissait d’une entreprise révolutionnaire et indépendantiste à sympathie libertaire. Le PIK n’existait pas, ses réseaux étaient vieux et anciens, et personne n’aurait pu expliquer sans provoquer des levées de sourcils – et de boucliers – que ces vieux syndicats, vieux professeurs, vieux philosophes, vieilles émanations locales de partis listoniens, étaient soudain devenus un dangereux collectif social-révolutionnaire. Non. Il s’agissait simplement d’une évolution de leur politique classique. Défense des travailleurs et des intêréts économiques régionaux, éducation des masses, inclusion des "autochtones"à l’administration et à la vie civile impériale. Tout ça était sain, non ? C’était tout le contraire d’une indépendance, si on ne se penchait pas sur les valeurs. Bien entendu, le fait de pouvoir nier toute doxa révolutionnaire ne servait qu’un temps. Le temps des journalistes, des politiciens, des diplomates ; Et ce temps était révolu. Enfin pas tout à fait, mais l’Armée sonnerait bientôt la cloche, la fin de la récréation, rappellerait tout le monde à l’ordre. Plutôt une province morte qu’une province libre. Plutôt une province inutile, poids pour l’Empire, qu’un Kodeda générant sa propre richesse. C’était toute leur doctrine. Toute leur logique. L’Empire portait ses colonies comme des médailles sur sa poitrine, ou comme des papillons épinglés dans une vitrine.

Parce que le colonialisme, en somme, était à la fois cannibale et nécrophile. Fasciné par sa propre puissance, l’homme occidental avait arraché des terres pour en faire, finalement, un grand parc d’attraction à sa propre gloire. Le terrassant, le maintenant à terre, le battant à coup de triques, de bottes, de sabre, pour le regarder comme un reflet déformant de sa propre gloire. La propension des empires à exterminer des peuples lui renvoyait l’image de sa puissance fantasmée. Là il pouvait ignorer la loi. Là il pouvait tuer. Là il pouvait réprimer. Piller. Violer la terre et ses habitants. C’était toute la logique : un exutoire pervers, un onanisme dégénéré, une libido qui exigeait qu’on tue en son nom, qu’on jette les corps dans une grande fosse commune ou dans un four, autant de charbon alimentant le moteur de ce train fou fonçant droit vers sa propre mort. On tuait les corps, on en dévorait la chair, on était pleinement satisfait du résultat. En ça l’arrivée de l’armée était logique. L’Empire avait constaté que les morts se relevaient, que le sang coulait à nouveau dans les veines de ses territoires coloniaux, que les esclaves osaient, à nouveau, redresser l’échine, fixer le ciel, inspirer. Emplir, pour la première fois en plusieurs décennies, leurs poumons de l’air frais, de l’espoir, et envisager les possibles. Alors on allait réprimer, tuer. À nouveau cette tuerie qui satisferait tant la métropole et ses dirigeants. C’était tout l’objectif. Cet empire colonial ne servait à rien. Économiquement délaissé, militairement indéfendable. On y exilait les fonctionnaires et les officiers qui embarrassaient la couronne, mais on y envoyait aussi les plus ambitieux, ceux qui rêvaient de se faire un nom au soleil.

L’un dans l’autre, l’expérience avant montrée ses limites si longtemps, et de façon si claire, qu’on savait bien qu’elle était parfaitement inutile, et que s’y accrocher tenait du réflexe maladif, crispé, d’une très vieille nation qui approchait de ces derniers jours. Sans l’Empire que resterait-il à la Listonie ? La Listonie. Et qu’est-ce qu’était la Listonie ?

Honnêtement plus grand-chose. Ce pays avait oublié qu’il existait un avenir. Peut-être que ce n’était plus vraiment un pays, mais la marque inamovible d’un pays qui avait été. Peut-être que ce n’était plus une nation mais l’inertie d’une nation, dont l’énergie cinétique impulsée des siècles plus tôt n’avait pas tout à fait terminée de se dissiper. Peut-être que c’était pour ça que l’empereur, vieil homme sur son trône, héritier des milliers de massacres, d’une fortune volée, de générations consanguines, cet Eurysien par excellent, responsable comme tous ses pairs du sous-développement philosophique de son continent, encore tout entier tourné vers la guerre, avait été pris de panique en voyant ses colonies, ces territoires volés – Pire, inférieurs ! – se révéler plus capables que l’ensemble de son domaine de survivre à l’avenir.

Un pays dénué de vision, peuplé d’aveugles, paniquant de voir chez d’autres ce qui lui manquait tant.

Maintenant c’était une affaire bien lointaine, et pour dramatique qu’elle fut, la chute de l’Empire listonien ne ferait pas couler de larmes, à Kodeda. L’Histoire était un loisir de lettré, il fallait avoir une vie confortable pour prendre le temps d’analyser celle des autres, et une vie bien triste pour pleurer les assassins de hier. A Kodeda, à quelques exceptions, on était ni lettré, ni dans une situation permettant d’obtenir une vie "confortable". Un communaliste aurait fait remarquer, chiffres à l’appui, que cela s’appliquait dans la plupart des pays du monde. Mais à Kodeda, et le communaliste ne l’aurait pas nié, c’était pire. La ségrégation systémique et officieuse reléguait la grande majorité de la population à une situation empêchant à priori de penser. C’était du moins la théorie. Dans les faits, passé un certain stade d’oppression, on se questionnait tout de même sur la situation, et on en venait à accepter des solutions qui auraient pu sembler trop radicales aux ouvriers bien intégrés de pays faisant au moins semblant de respecter leurs prolétaires.

Radicalité. C’était le mot. Mais le mot qu’on ne prononçait pas. Toujours dans cette logique de respectabilité. On voulait pouvoir nier en bloc, alors on utilisait d’autres termes. On parlait de méthodes alternatives, d’éducation sociale, de philosophie. Vous comprenez bien, le Kodeda étant sous-développé, on ne peut pas y appliquer la même pensée économique et sociale qu’ailleurs. Et ça passait par des choses qui tenaient, bien souvent, de ce sacro-saint Bon-sens ! Celui-là même qu’affectionnent tant les modérés, qu’on utilise si fréquemment pour justifier de ne pas prendre de décision, de ne pas régler les problèmes, ou au contraire de se comporter en tyran, en monstre, ou en sale con. Ici le bon sens était réapproprié par les opprimés pour lutter contre ceux qui contrôlaient habituellement la parole politique et médiatique. Par exemple la création de fermes communales, les potagers hydroponiques dans les jardins, les travaux communs. C’était du bon sens. La situation locale ne permettait pas de développer de réel artisanat, et ne permettait pas non-plus d’intégrer la population à de grands projets capitalistes. Il n’y avait ni marché digne de ce nom, ni entreprise privée. Il y avait cependant des problèmes très concrets à régler, comme l’alimentation ou le manque d’infrastructures. C’était sur la base de ces problèmes très concrets que s’organisait le programme officieux du PIK. On mobilisait la population sur ces travaux simples mais salutaires. On faisait travailler les communautés comme un corps soudé, dans un même but et en obtenant des résultats extrêmement concrets. C’était la base du communalisme, à vrai dire. Ou même du socialisme. Ou de toutes les idéologies qui gravitaient dans les sphères les plus politiques du mouvement, si protéiforme fut-il. L’idéologie, la pensée, la philosophie, viendrait après. Plus tard. Bien plus tard. Ce qu’on voulait c’était du "bon sens". Du pratique. Du tangible. Inutile de tergiverser sur le Capital et les oppressions systémiques quand le terreau était fertile. On avait pas à convaincre l’esprit d’une population plus consciente que toute autre de son propre sort. Non. On devait toucher à son cœur. Et pour ça il suffisait de lui présenter des solutions fonctionnelles.

Et puis ce n’était pas tout. Il y avait aussi l’autre pan du plan. Celui qui n’était officiellement pas relié au PIK. Enfin, le PIK n’existait pas non-plus officiellement, mais ce plan n’était même pas indépendantiste. Le consortium érigé autour de Saphir, son grand projet d’investissement dans les infrastructures. Reliée Kodeda aux territoires voisins. Kah-tanais certes, mais enfin c’étaient les seuls à porter de route, le choix était strictement pragmatique – le pragmatisme, encore un mot récupéré aux ennemis. Ces infrastructures, donc, étaient surtout l’occasion d’ouvrir une porte. De connecter le Kodeda – et plus spécifiquement les zones les plus rurales de la région – au monde. Historiquement, on le sait bien, les paysans ont souvent été une force de la réaction. Petits propriétaires, classe-moyenne convaincue d’être opprimée du fait de son éloignement des centres de décision politique, ils n’étaient pas révolutionnaires par essence et tenaient à un certain ordre des choses, fondamentalement conservateur. Il n’était pas utile de convaincre les urbains : ils connaissaient déjà le reste du monde, au moins de loin. Mais cette porte ne semblait pas ouverte pour les paysans. C’était toute l’idée. Leur offrir des possibilités, et leur faire miroiter l’occasion de s’en saisir à l’occasion de l’indépendance. Il y avait aussi l’idée de créer une communauté d’individus. En rendant le déplacement facile, possible, en faisant travailler leurs fils, leurs frères, les désœuvrés sur ce chantier – en faisant de faire leur chantier, en mettant ces gens en contact avec des ingénieurs, en leur offrant les bases de formations professionnelles les extirpant de la terre ancestrale et de ses méthodes inchangées pour un vague, court, bref aperçu de modernité, on changeait progressivement l’ADN des champs pour le mélanger à celui, définitivement moderne, de la Kodeda de demain.

C’était aussi une occasion de les rencontrer, de leur parler. En les ouvrant à la modernité on les ouvrait au PIK et à ses messages. Ainsi qu’au Grand Kah. On fantasmait beaucoup sur cette nation, systématiquement présentée comme l’un de ces régimes communiste Eurysien, ou comme une force s’y apparentant. On voulait effrayer les foules en leur parlent de privation, de pauvreté, de misère et de totalitarisme. Bien entendu ces vagues menaces que l’on agitait pour garder les foules à leur place tombaient à plat quand il s’agissait de parler de la troisième puissance économique mondiale, réputée pour sa liberté de ton, son niveau de vie, peuplée d’immigrés venus du monde entier. Restait tout de même des craintes. Des vagues idées. Des a prioris. On a naturellement peur de ce que l’on ne connaît pas, et plus encore de ce qu’on ne comprend pas. Le Grand Kah, à défaut d’être un inconnu, était souvent un incompris. C’était l’occasion d’y remédier. Établir le commerce, permettre aux uns et aux autres de rencontrer des kah-tanais, de comprendre, enfin.

Les communes exclaves, surtout, n’étaient pas du tout l’image type de la commune kah-tanais "métropolitaine". Ces territoires étaient bien souvent des colonies révoltées, ou des tribus ayant demandé à la Confédération un statut de protectorat pour éviter la colonisation d’un tiers. La fougue révolutionnaire ne s’y était jamais exprimée dans les mêmes tons qu’au nouveau monde. Ce qui s’y passait était différent, progressif. La culture, si elle s’était métissée avec celle de l’Union au fils du temps, restait fondamentalement locale. En Afarée, même kah-tanaise, on trouvait des clans, des tribus, des chefs religieux et politiques. Il s’était avéré, en fait, que les systèmes tribuaux et traditionnels pratiquaient beaucoup plus aisément la transition vers le communalisme que les systèmes capitalistes. Question de complexité et de culture, sans doute. Le rapport à la propriété et à la production était beaucoup plus proche, accessoirement. Bien entendu ce n’était pas ce qu’on allait exprimer. Ou plutôt, pas en ces termes. Le but n’était pas de faire un meeting politique. Mais il y avait tant de points de convergence, tant d’aspects similaires, qu’un habitant du Kodeda confronté à un ingénieur de Somagoumbé, venu travailler sur la route, ne pourrait que constater qu’il partageait la même culture que lui et, sur de nombreux aspects, la même vie.

Sauf que l’ingénieur, étant kah-tanais, n’avait jamais eu à s’inquiéter de manger à sa faim, ou de rembourser les études de ses fils et filles.

C’était comme ça qu’on gagnait les cœurs. Pas en imposant un changement, mais en présentant les avantages d’un système par des cas pratiques. En exposant les différences et les similarités. En mettant en contact deux peuples pour créer des liens d’amitiés. Pour assurer que les liens politiques du PIK soient suivis, rapidement, voir même précédés, de liens affectifs entre les peuples. Ces liens existaient déjà en vertu de la proximité et des accords signés du temps où la diplomatie allait bon train entre l’Union et l’Empire, mais ils pouvaient s’intensifier. Le Kah-tanais, de ce nébuleux marchant traversant le désert et s’arrêtant rarement ailleurs qu’à Nasabis, pouvait devenir un voisin, puis à terme, un ami. Le Kah-tanais pouvait devenir, plus qu’un kah-tanais, un habitant de sa commune – un habitant de Gokiary, de Somagoumbé, territoires souverains, membre de l’Union mais maîtres d’eux-mêmes. On pourrait expliciter, faire comprendre que les communes du Grand Kah n’étaient pas des colonies mais des territoires libres, dirigés d’eux-mêmes, librement liés à cette union qui leur avait permis la prospérité d’un important marché intérieur, les services publics d’une grande économie, la protection d’une puissante confédération.

Enrichir Kodeda, redonner de l’espoir à sa population, lui offrir une porte de sortie et – naturellement, par voie presque inévitable de conséquence, parce qu’il fallait bien faire venir des experts en tout genre et que le projet était en partie financé par des sociétés de l’Union – lui indiquer quelle direction prendre une fois la marché de l’Histoire réenclenchée pour de bon. C’était le beau projet d’avenir qu défendaient les artisans de l’indépendance.

Bien entendu, il restait l’armée, et inévitablement, l’indépendance ne se ferait pas sans un bain de sang.

Mais c’était ainsi. Puisqu’il faudrait sans doute passer par là, on le ferait. On ne laisserait simplement pas dire à qui que ce soit que c’était le plan, car jusque-là, enfin, on avait surtout travaillé à la paix.
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logos des services secrets alguarenos et du Clan saadin kodedan.

CONFIDENTIEL - 23 août 2007 - Meeting politique et manifestations de soutien, le Prince Mutarrif ibn Saadin veut confirmer l’essai.


Meeting politique du Prince.
Au Kodeda, la frustration des communautés beïdanes met un nouveau souffle dans les voiles du clan Saadin qui multiplie les actions publiques, pour se crédibiliser, se légitimer.


Les manifestations indépendantistes ont bougé (quelques) foules un peu plus tôt en semaine, https://geokratos.com/?action=viewTopic&t=1293&p=12#m13888 si bien que le clan Saadin ne souhaitait pas rester passif devant l’agitation politique permanente. L’indépendance? Le terme est à débattre quand on prend la mesure des investissements économiques grandissants du Grand Kah dans la région.

L’indépendance ne serait acquise (et garantie) que par la mise en avant d’un homme fort pour le pays, un statut et une posture dont très peu des personnalités publiques présentes sur place ne pouvaient se targuer d’avoir. Et comme dans bien d’autres domaines, la nature n’aime pas le vide, et là où une figure politique locale forte manque au Kodeda, le Prince Mutarrif ibn Saadin est naturellement positionné en tant qu’outsider sur le sujet.

Pensant d’abord pouvoir organiser un coup d’état mêlée à une purge de la classe politique kodedane en faveur de l’Empire, le Prince Mutarrif ibn Saadin s’est retrouvé contraint à l'organisation d’un plan B, devant le renforcement de la présence militaire listonienne dans la colonie. “Le Prince peut avoir les moyens de monter un contingent terrestre pour donner l’assaut sur la capitale, plus encore si ses mercenaires varanyens et mandrarikans sont épaulés par les communautés beïdanes dont il est originaire, mais il lui sera impossible d’empêcher l’ancrage d’une flotte de guerre listonienne au large du Kodeda et tous les raids aériens que cela impliquerait.

Militairement, il est raisonnable de constater l’impuissance du Prince kodedan face à l'armée impériale, si bien que les objectifs initiaux doivent se redéfinir. Recevant un certain nombre de transmissions cryptées, émises sur un canal sécurisé, le Prince dissimule avec peine son impatience.

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Information secrète réservée aux personnes autorisées


La surmilitarisation listonienne dans la région est susceptible d’installer une colère de plus en plus palpable pour les populations locales, dont l’activité quotidienne est de plus en plus entachée, pour ne pas dire de plus en plus entravée, sous des mesures parasites et coercitives imposées par le contingent impérial.

“L’Empire listonien a tout misé sur le hard power, en vue de maintenir la cohésion nationale du Kodeda. cela ne marchera pas” préfère prévenir la délégation des agents secrets alguarenos présents au Kodeda. “C’est là où il faudra être attentif car nosu avons de bonens raisons de croire que la pression actuellement exercée sur les populations locales, soit un précurseur à l’embrasement du territoire, dont la culpabilité sera plus facilement imputable à l’autorité impériale listonienne.”

A l’aube de ses 68 ans, le Prince Mutarrif ibn Saadin s’attendait à un autre contexte pour célébrer un anniversaire de plus, les festivités ponctuées d’interrogations des invités (lorsque la situation sécuriitaire intérieure ne les avait pas découragés de venir) avaient entretenu ses doutes et ses hésitations toute la journée, la principale d’entre elles étant de savoir s’il risquait une arrestation arbitraire de la part ds autorités publiques kodedanes.
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Le 10 août 2007 - Kodeda

Manifestations et meeting politique à la faveur du Prince Mutarrif ibn Saadin.
Résultat d'une opération d'influence politique à 30%.

Portrait du Prince Mutarrif ibn Saadin, affiché dans les campagnes kodedanes.
Dans l'espace public mais aussi celui politique du Kodeda, le Prince Mutarrif ibn Saadin prend de plus en plus de place.

Parallèlement aux efforts politiques du parti de l'indépendance kodedan pour prôner l'indépendance mais aussi l'attrait vers les territoires ultramarins kah-tanais, le Prince Mutarrif ibn Saadin souhaite engranger les soutiens et organise pour cela, différentes manifestations auxquelles se rallient les milieux paysans et ouvriers kodedans, auxquels s'associent également les illustres familles du pays, celles qui ont notamment solidarisé la communauté beïdane.


Compte-rendu d'opération a écrit :
C'est une opération de propagande idéologique visant à présenter le Prince Mutarrif ibn Saadin et derrière lui, son clan, comme une alternative politique crédible au Kodeda. Le Prince cherchera donc à rallier un maximum de soutiens, parmi lesquels se trouveront essentiellement les mondes paysan et ouvrier, en mal d'érudition, ainsi que la noblesse kodedane et ses différentes familles ancestrales, colonnes vertébrales des principaux clans beïdanes.

  • 66-100 - Réussite majeure : Le Prince Mutarrif ibn Saadin mobilise avec succès les chefs de clans locaux, monarchistes et plus globalement, la société civile kodedane en milieu rural, pour légitimer l’idée selon laquelle la monarchie doit se pérenniser dans la région, mais cette fois-ci s’entourer de figures tournées vers les intérêts kodedans. Il estime et fait estimer son appartenance à ces figures dirigeantes. La région reste bien évidemment listonienne mais inRP, le Prince gagne en soutien/légitimité parmi la population.

  • 11 à 65 - Réussite mineure : Le Prince Mutarrif ibn Saadin mobilise avec succès les chefs de clans locaux et autres monarchistes, mais il manque encore de soutiens sur l’ensemble de la société civile kodedane. Le maintien d’une monarchie au Kodeda est soutenu par des figures locales de premiers plans mais la représentation de celle-ci à travers le Prince Mutarrif ibn Saadin mériterait encore un pas de plus vers le consensus.

  • 6 à 10 - Echec mineur : Le Prince Mutarrif ibn Saadin défend le maintien d’une monarchie au Kodeda, mais le cœur des locaux continue d’osciller entre l’Empire ou une monarchie locale, pour ne pas dire, nationale, en cas d’indépendance.

  • 1 à 5 - Echec majeur : L’idée d’une monarchie locale ne décolle pas et peine à toucher les esprits du peuple kodedan. Des actes répréhensibles sont opposables aux manifestants et partisans d’une monarchie kodedane.

Résultat de l'opération (arbitrée par Menisque / Modérateur-Pharaon)
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