13/06/2013
15:47:18
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Activités étrangères dans l'Empire Listonien - Page 14

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Communication entre la direction des manifestations et l'Althalj a écrit :

Non.

L'Althalj ne fournit pas d'armes.
L'Althalj vous demande d'attendre l'issue des discussions.

Il y aura la tentation d'agir, de réagir, néanmoins il vous faudra faire preuve de la plus difficile des retenues.
La priorité reste celle du bien être de la population du Shibh Jazirat Alriyh.

Le futur de la péninsule sera détermine par la sagesse insufflée par les habitants de Shati Alqahwa.
Le rapprochement avec les Althaljirs ne pourra pas être tamisé.

L'Althalj vous demande, une fois de plus, de faire preuve de patience.
Il ne faut absolument pas provoquer ou s'irriter des manières Eurysiennes.


Les manifestations avaient eu lieu toutes les semaines sur l'axe passant du port, à la place du marché, jusqu'à la villa du gouverneur. Chaque semaine, les femmes avaient été omniprésentes lors de ces demandes constantes, certes vigoureuses, mais pacifiques, afin que le Shibh Jazirat Alriyh détermine son futur et brise les ponts avec des Listoniens d'Eurysie n'ayant de volonté d'intégrer ou d'assurer leurs droits et leurs besoins primaires.

La montée en puissance ces dernières années de l'Althalj, tant économique, socialement et culturellement sur la scène régionale, avait intrigué dans un premier temps. Puis après plusieurs saisons, il y avait eu un intérêt réel de se rapprocher de cette exception régionale et continentale. La région avait subi plusieurs crises et l'Althalj avait pleinement affiché ses ambitions de faire prospérer l'Afarée de l'Ouest, de tirer ses voisins vers le haut, autant que possible dés lors que le vent soufflait encore dans la bonne direction.

Sécurité, prospérité économique, sociale... pour la religion, il y avait une différence intéressante à noter.
L'Althalj priait Ilâh. Les femmes avaient leur place dans la société d'une manière bien différente que partout ailleurs où la religion musulmane était prépondérante. De ce fait, la place sociale avait permis d'influencer la place de la religion et la religion elle même.
Au Shibh Jazirat Alriyh, le sunnisme restait maître et... la religion influençait la place sociale des femmes.

Toutefois les choses changeaient doucement.
Alors que le voile était porté par la majorité des femmes à Shati Alqahwa, que la mode Listonienne, permettait une tenue vestimentaire plus flexible qu'un traditionalisme strict, des signes avant coureur d'un changement était perceptible depuis plusieurs années et encore plus dernièrement.
En effet, certaines mèches de cheveux étaient visibles dorénavant, bordant avec soin ou sortant nonchalamment du voile religieux.
Y avait-il un débat autour de celui-ci, de la liberté de faire montre d'un traditionalisme ou d'un flexitraditionalisme ? Non pas vraiment... les choses se passaient doucement au Shibh Jazirat Alriyh sur ce front.

Le changement visible et soudain avait été celui de ces femmes qui faisaient porter leur voix dans les rues.
Mères de famille, jeunes étudiantes, il y avait eu une affirmation nette que les femmes n'étaient pas "à leur place" juste "à la maison".

Les femmes du Shibh Jazirat Alriyh étaient peut être les plus enthousiastes et énergisées par le rapprochement avec l'Althalj. Les hommes... à voir, du moment que leur quotidien est amélioré. Les plus traditionnels seraient plus enclins à convoiter un loyalisme Impérial, le choix du statut quo...

Mais quel paradoxe !
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Le jour du débarquement, les soldats listoniens gravirent les rues de Shati Alqahwa en chantant, la fierté dans la voix et le regard suspicieux malgré le semblant d'aisance.
Toutefois, et ce, bien qu'ils furent expérimentés, certains étant des fusiliers marins ou des forces coloniales, la chaleur écrasante de la fin de l'été était encore omniprésente et se faisait ressentir avec fureur pour ces métropolitains bien habitués aux températures plus claimantes.

Les passages dans les ruelles permettaient un peu de répit, le vent y circulant par intermittence pour rappeler que celui-ci n'était pas forcément un allié lorsque la chaleur charriée était tout aussi étouffante.
Néanmoins l'ombre aidait et les soldats concentrés à s'égosiller transpiraient abondamment. Leur formation ne leur ferait pas tourner de l'oeil, les gaillards souffraient, mais ils géraient.

Les volets se fermaient à leur passage, les regards n'étaient pas ceux de la peur pour certaines ou certains. Une mamie assise sur le pas de sa porte sur une chaise en bois dans une ruelle, pas plus large qu'un mètre, ne bougea pas d'un iota tandis qu'elle toisa les soldats étonnés de la voir tranquillement assise avec les deux mains sur une canne droite, les jambes écartées et la mâchoire légèrement en avant, le dentier s'étant fait la malle il y a de cela belle lurette. Voile non ajusté, elle portait une robe usée, mais joliment décorée de broderies locales, un mélange de Listonie et Jazirati.

La ruelle montait, les pavés du sol en pente abondamment polis par les années de passage et miroitant avec un verni citadin rappelant que la civilisation se bataillait au jour le jour contre la crasse ambiante.

La vielle dame ne moufeta pas lorsque les soldats arrivèrent à son niveau. Il n'y avait rien ni personne alentour, les volets s'étaient fermés, la ruelle était parfaitement ordonnée, nul panier ou détritus dans un coin. Le balais de la vieille dame séjourna à ses côtés comme son outil de travail et peut être son arme face aux contrevenants à la règle de bienséance.

Les soldats n'avaient pas le temps de s'arrêter, ils avaient leurs ordres.
Il y eut un bref regard en coin toutefois.

Derrière la vieille dame toute petite par rapport aux jeunes métropolitains, s'affichait une peinture murale ; une grande peinture murale, sur plusieurs mètres.







La vielle dame ricana et bafouilla dans un listonien littéraire parfait, les dents manquantes pour une prononciation claire.


Quoi ? Les latrines, c'est par là d'où vous venez, direction le port et l'océan.
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Avancée des Chantiers de la Route


Le désert s’était couvert de bâtiments modulables en l’espace de quelques jours seulement. Le spectacle était si inhabituel qu’en le voyant on ne pensait pas directement à un chantier de grande ampleur, mais plutôt à ses films de science-fiction représentants systématiquement la colonisation de mondes lointains sous l’apparence d’un paysage arides constellés de modules. La différence est que dans ces films, les modules tombaient de l’espace tandis qu’ici, ils avaient été déposés au sol par trois dirigeables du Consortium Saphir, selon une méthode éprouvée dans d’autres chantiers et qui paru presque surréaliste aux ouvriers de la région. Les grandes dirigeables blancs volaient depuis les régions est, formant un pont aérien qui apportait matériaux, engins de chantiers et préfabriqués divers le long du grand tracé de la future route. Faute d’infrastructures permettant de faire transiter ce fret par le sol, et considérant les complications qui auraient accompagné un passage par le port de Nasabis, il avait été décidé préférable de retarder le début du chantier de quelques jours, le temps que les aérostats fassent le trajet depuis le Nouveau-Monde.

De toute façon il fallait aussi former les ouvriers. Et si on avait prévu de le faire dans le contexte professionnalisant d’écoles préfabriquées, les communautés s’étaient montrées très serviables et avaient prêtées leurs maisons communes, mairies et autre places pour les premiers jours. Maintenant, toute la dynamique s’était bien mise en marche et une activité inhabituelle s’était saisie du Kodeda.

C’est vrai, même du temps de la colonisation, lorsqu’on avait créé les routes et les usines, les grandes mines de métaux rares, même du temps où la Listonie investissait réellement dans sa province coloniale, celle-là ne s’était pas animée toute entière au service d’un même projet. Là c’était quelque-chose d’assez exceptionnel tant dans sa forme que dans son contexte : nonobstant la nature particulière de cet investissement et le but occulte qu’il servait, on ne pouvait pas nier que l’Afarée avait rarement, si jamais, vu la mise en place d’un tel chantier. Car il ne s’agissait pas d’une simple route. Dans ce contexte il fallait envisager une route comme une veine. Le Consortium, pour sa part, envisageait clairement d’ériger une artère. Et le système limbique qui allait avec. Le projet courait du Kodeda aux régions Kah-tanaises, reliant les trois provinces autour d’un même grand axe routier et ferroviaire qui serait à terme escorte de gazoducs et de canalisations. Celles-là étaient déjà érigées, en Kodeda, en même temps que les routes reliant les villages à l’Artère. On voulait connecter les communautés de la région, et à défaut de l’être par les infrastructures promises, celles-là l’étaient déjà par l’effort commun que représentait ce chantier, et l’énorme bassin d’emploi qu’il composait pour tout le temps qu’il durerait. C’était des villes sinistrées qui s’étaient soudain réanimées : les vieux brisés par les travaux des champs ou de la mine voyaient avec surprise les jeunes, ceux qui jusque-là pensaient rejoindre Nasabis pour y vivre avec tous les cloîtrés des quartiers indigènes, se rassembler autour de ces étrangers dont la culture comme l’ethnie était à la fois très familière, mais différence en quelques subtils éléments; Peut-être simplement en ça qu’ils étaient des hommes et femmes libres et le portaient sur eux comme un genre de fierté, un genre de fierté qu’ils transmettaient aux jeunes. On montrait des grands plans. Des routes; Des canalisations. On prenait en compte les questions et les problèmes, on prenait même le temps de questionner les propriétaires terriens, les paysans, les gens du cru, sur les problèmes que connaissaient leurs communautés. On voulait adapter le plan glorieux mais quelque-peu rigide qu’avaient pondus les technocrates du consortium aux réalités d’un terrain où le sinistre socio-économique s’incarnait en des dizaines de variantes.


Puis les jeunes rencontrèrent des médecins, et furent dispatchés dans ces centres de formation que les dirigeables avaient déposés du ciel. Les femmes étaient acceptées à salaire égal des hommes, et comme le salaire était bon, certaines familles parmi les plus conservatrices acceptèrent, comme un renoncement, à laisser leur progéniture étudier quelques semaines, et travailler ce travail que l’on voyait comme celui des hommes; Il fallait bien vivre, et même si tous n’étaient pas acquis à l’apparente transparence des étrangers, tous comprenaient bien qu’ils représentaient une opportunité économique réelle. Contrairement aux Listoniens ceux-là ne venaient pas avec le bâton de la loi, de la police coloniale, de l’armée, mais bien avec la carotte d’un salaire stable, de droits, de syndicats aussitôt ouverts par des mouvements originaires de Nasabis ou des anciennes chambres agricoles.

Et le chantier continuait sa croissance, comme un fleuve émanant de dizaines de sources différentes, s’acheminant, curieusement, non-pas des terres à la mer mais dans le sens inverse, serpentant à travers les aspérités du terrain, les montagnes du Grand Seques, et s’enfonçant toujours un peu plus profondément à travers les terres extrêmement arides de ce coin de l’Afarée. Il y eut bien quelques difficultés. La principale fut la disparition d’un certain nombre de fonctionnaires de Nasabis, happés par l’Armée et sa reprise en main de la colonie. Un spectre inquiétant auquel on tâchait de ne plus penser. Il y avait l’illusion que la liberté apportée par les investisseurs kah-tanais permettrait de vivre correctement, avec ou sans les listoniens. Comme si on pouvait séparer la colonie de ses habitants, faire sécession par désintérêt. Première étape d’une pensée révolutionnaire qui fleurirait vraiment quand l’aspect le plus important deviendrait clair : que c’était impossible. Que la colonie resterait cette prison tant qu’elle serait occupée. Que cette bouffée d’air frais ne serait que ça, sans un effort supplémentaire. Sans une indépendance qui prendrait la forme qu’elle devrait prendre.

Tout de même, l’Armée savait se rappeler à ses sujets, et la disparition d’un certain nombre de fonctionnaires provoqua de nombreuses difficultés aux administrations du Consortium, qui perdirent par la même certains de leurs contacts réguliers, virent leurs dossiers se perdre, n’eurent plus d’interlocuteur dans telle et telle partie du gouvernement colonial. Des problèmes qu’un peu de bonne volonté, de nombreux coups de téléphone et deux réunions arrivèrent à régler, non sans stresser prodigieusement tous les partis impliqués.

Il y eut aussi le cas particulier d’un groupe de nomade qui argua que la route allait passer sur son territoire. En théorie ceux-là n’avaient pas à revendiquer quoi que ce soit, en ça que l’administration coloniale ne reconnaissait pas les revendications de ces peuples. Mais les Kah-tanais furent conciliants. On s’enquit de ce qu’ils désiraient, on fit mine de négocier, on leur rappela comme les communes kah-tanaises voisines étaient ouvertes avec eux, leur offrant régulièrement l’asile, les soins, les laissant commercer et vivre sur leur territoire. Finalement on s’accorda sur une concession acquise pour une somme dérisoire, mais qui sembla satisfaire les plaignants. L’un dans l’autre ce problème ne retarda pas le chantier, les efforts des ouvriers se concentrant encore sur les portions arrières de la route.

Le tout prenait forme à une vitesse qu’on aurait pu qualifier de nazuméenne, en référence à la rapidité effroyable avec laquelle les Jashuriens bâtissaient leurs propres infrastructures. C’était rendu possible par le sérieux des travailleurs, les moyens mis en place par le Consortium et la très importante étude de terrain qui avait précédé tout le projet. Et, comme convenu, les syndicats faisaient remonter tout problèmes et revendications Saphir qui, trahissant probablement en partie sa nature réelle, ne se comportait pas avec eux comme avec une nuisance, mais comme un gouvernement le ferait avec son parlement. Tout compte fait, le chantier était devenu une chose vivante, animée par tous les hommes et femmes qui y travaillaient, et ces syndicats n’étaient que les organes senseurs d’un réseau neural qui avait tout intérêts à ne pas maltraiter ses cellules, s’il voulait pouvoir compter sur elle jusqu’à l’édification finale du corps.
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Suite de ce poste.


C’est inconcevable. Je manque de mots pour l’exprimer. Et ce qu’ils font… Il faudrait les enfermer, les enfermer tous : je ne trouve pas d’autre mot pour exprimer mon dégoût.
- Notes personnelles de la citoyenne Iccauthli à propos de la manifestation d’Alcyonnenne.


La masse immense s’étendait à travers toute la cité Jardin. La Place 1816, noircie d’une foule si épaisse qu’elle en dépassait sur les rues adjacentes. Tous étaient venus ici, dans un de ces rares moment où les citoyens du Grand Kah oubliaient jusqu’à leur éducation, jusqu’à leur être profond, et renonçaient l’espace d’un instant à leur âme, à leur statut de citoyen actif pour celui d’une foule. D’une masse au sens grotesque qu’emploient les fascistes cyniques et les théoriciens de l’avant-garde communiste. Cette glaise de chair qui attend les ordres, attentive à la moindre vibration de l’air.

Pour l’heure c’est elle qui vibre, la masse. Elle est composée de tout profil,et on devine bien qu’il ne s’agit pas des défilés ordonnés des clubs politiques, ou des évènements spontanés qui accompagnent les cessions communales ou les grands faits et actes de l’actualité. C’est à la fois bien plus sauvage, incontrôlable, et plus délibéré encore que les démonstrations de force du peuple auto-organisé. La ville avait répondu à l’appel d’un homme seul. Dangereux phénomène. Elle s’était amassée dans sa multitude effroyable. La foule ne faisait jamais peur à un kah-tanais, mais la masse le terrifiait. Alors oui : effroyable. Effroyable. Effroyable. Trois fois effroyables, pour faire l’une de ces répétitions qu’avait tant magnifié le fautif en son temps.

C’était l’un de ces hommes immense. Un mythe incarné, demi-dieu fait viande. Sa masse fragile d’os et de peau était de celle dont les traits étaient familiers à une vaste quantité d’individus. On aurait aucun mal à le reconnaître. Même sans ça, son style était de ceux qu’on ose qualifier de caractéristique. L’homme s’adressait rarement à la foule, et plus rarement encore à la masse qu’il avait convoquée presque par accident. Tout cela, en fait, tenait sans doute bien de l’accident historique. De l’erreur cosmique. L’avenir dirait seulement si la tentative commencée dans l’erreur pourrait amener à un succès, ou s’éteindrait dans le silence rendu nécessaire par sa condition première.

Ribambelle d’espoir. Sang. Un homme joue des coudes à travers la foule, la traversant vers la grande statue équestre qui se trouve au centre de la place. Elle date de la révolution. Représente, ironiquement, le général qui allait tenter d’y mettre un terme, de bâtir son empire. Les habitants d’Heon-Kuang avaient aussitôt réagis en déclarant leur fidélité à la démocratie, et la statue avait été gardé. A la chute du premier empire, on avait coupé sa tête, et laissé l’officier de pierre, sur sa monture, saluer une foule hostile à laquelle on avait soustrait le spectacle de ses traits vaniteux.

Le Grand Kah raffolait de ces cicatrices historiques. Leur simple présence générait une énergie politique folle, rendue magnétique par la situation toute particulière. D’une part la présence de l’homme qui changeait les foules en masse, de l’autre l’effervescence des élections qui avait justifié sa prise de parole.

L’Homme jouant des coudes arrive face à la statue et grimpe dessus. Il porte un sac qu’il ouvre pour révéler des guirlandes rouges, qu’il commence à placer sur la statue. Une jeune fille, à côté de lui, tag le socle, recouvrant les mots laissés par ses prédécesseurs (un «Qui a trahi trahira» rouge sang et un chat) par un avion. Un alcyon.

La masse s’intéressa vaguement à la statue et à ceux qui s’en prenaient à elle, puis son attention se reporta vers la chambre communale, cet ancien hôtel particulier dont on avait pas trop su quoi faire et qui, depuis, servait à toutes les occasions.

Derrière les baies vitrées de son balcon, se trouvait l’homme.

Andrean Gabriel d’Alcyon n’était pas du genre à se vanter, mais en la matière il avait comme une nette impression d’être une créature formidable, qui avait tendance à s’accentuer à la faveur de ses succès, de plus en plus nombreux à mesure que son âge se faisait lui-même de plus en plus avancée et que les années écoulées amassaient dans leur sillage sénile les exploits, succès et réussite.

L’homme était un nom, et par là il faut bien comprendre, l’un de ceux que l’on se devait de retenir. L’un des plus grands auteurs de son pays – ils étaient trois à se disputer sa paternité – un artiste, un poète illustre et, plus important encore, un visionnaire. L’un des plus grands de sa génération, et dont le génie tout particulier avait refusé de s’étioler avec l’âge. Son succès n’était pas une de ces vieilles réputations qui vieillissait comme des vieilles médailles d’officier, mais un fait vivant, qui continuait sa croissance et refuserait peut-être de mourir avec lui.

Vérifiant le col de son grand uniforme bleu d’officier, il émergea sur le balcon dont il attrapa à deux mains la balustrade, humant l’air, levant le nez. Son rapport à la foule n’était pas un rapport visuel. De tout les sens qu’il employait pour en saisir les nuances et les aspects, la vue était peut-être le moins utile. On voyait très mal, dans ces conditions. L’instinct, cette énergie électrique que l’on ressentait sans être capable de la définir, était plus utile. Lui mentait rarement, surtout quand il s’agissait de s’adresser à l’être humain privé de son individualité. D’Alcyon le savait pertinemment.

Né en 1945, il avait passé les cinquante premières années de sa vie à s’ériger en monument de l’écriture, cherchant plus précisément à devenir le plus grand auteur kah-tanais et à placer le Paltoterra sur les cartes de la littérature. Il y était arrivé avec une apparente facilité qui le faisait passer, dans ces jeunes années, pour un talentueux impertinent, et maintenant qu’il vieillissait, pour un authentique mythe. Romancier spirituel et mystique, poète populaire, son style vorace avait fait des émules et caractérisé toute une génération d’auteurs essayant de se placer dans le village difficile de son romantisme holocauste, sombre et sanguinaire, où se mêlait fascination pour les héros, allégresse violente et aérienne d’un oiseau de proie, appel aux forces de la nature ou de l’Histoire avec un grand H. L’homme ne s’était jamais considéré pour politique et c’était peut-être pour le mieux en ça que sa façon d’exister était comme un contraste insultant avec la culture du Grand Kah.

Il avait, par son comportement, réussi à rendre scandaleuses sa vie d’amant insatiable, dans une culture où le sexe était une chose libre et acceptée. Il avait cette prestance des immenses dandys du siècle dernier, cet appétit immense de tout, et cette aura magnétique qui arrivait à camoufler ses inconstances et son caractère obtus sous le voile d’un génie qu’il convient de ne pas froisser. Il avait mangé à tous les râteliers, invité par tant et tant d’hommes d’État, d’auteurs, avait transmuté la matière morte de son pays et saisi à pleines mains les contradictions de son matérialisme révolutionnaire et de sa culture mystique. Il avait créé cet art qui n’était ni réaliste, ni fantastique, cette mystique silencieuse des choses, où la nature plus tonitruante que jamais, où la souffrance plus immense, la tragédie plus grande, l’allégresse plus immense, et où l’être coexiste avec les formes superbes que prenaient les angoisses du monde. Ce fantastique paltoterran, dont il avait la paternité, était maintenant l’un de ces styles importants et populaires, et lui, son maître, était l’un des derniers grands érudits, des derniers auteurs à la foi populaire et important. Cette espèce d’anomalie, venue d’un autre âge, dont on parlerait dans plusieurs siècles comme d’une créature de son temps, mais hors du temps. L’enfant d’un autre siècle.

Le regard de Andrean Gabriel d’Alcyon parcouru encore la foule, puis il leva les mains et lui fit signe, comme s’il ne la voyait pas. La chose était éminemment politique. Ces meetings il les tenait régulièrement depuis toute la débâcle d’Alguanera. Il avait des choses à dire à exprimer en mots. Il aimait s’adresser à la masse directement. Pour les médiocres et les vieilleries des Commités c’était plus clair, plus tangible que les notes, éditoriaux, pamphlets qu’il écrivait sinon. Leur style tendait à éclipser leur acidité réelle, et on le félicitait trop de ce qui se voulait insultant. En se comportant en César il avait le privilège de froisser, si bien qu’on ne le félicitait plus de ses tournures pour enfin répondre à la provocation.

En fait ça avait commencé sur un coup de tête. Quand il s’était embarqué dans l’armée des volontaires partants pour la Damanie, où il avait tué et fait tuer. Aussi doué en soldat qu’en poète, il était devenu un de ces véritables héros de guerre. Puis avait renouvelé l’exploit à Kotios. Là il avait boudé la révolution, passé la guerre. Il la trouvait ennuyeuse. La ville de Kotios ne lui offrait pas ce qu’il attendait d’une telle cité holocauste, sacrifice. Elle ne représentait pas la nouveauté tant recherchée, et à vrai dire, son fonctionnement même, dans sa culture, dans son factionnalisme, dans sa mondanité, ne justifiait pas tous les espoirs qu’on y plaçait, et tout le sang qu’on avait fait couler en son nom. De révolution en révolution, il allait de déception en déception. Sentiment affreux de voir qu’en toutes ces années il n’avait pas encore observé un mouvement de révolution réelle, réfutant jusqu’au réel. Il s’était brièvement rapproché des « Futuristes », mais pour Kotios au moins, n’éprouvait pas d’intérêt en la chose révolutionnaire. De toute façon la place d’orateur exalté était déjà occupée par cette femme, piètre oratrice, piètre héroïne, vision éculée de la révolte. Meredith. Vieillerie. Ordure.

Maintenant c’étaient ces mêmes futuristes, ces mêmes réseaux, qui organisaient ses meetings, réunions populaires en plein air, et permettaient à sa parole d’exister au sein d’un réseau construit. Ils avaient donné un aspect tangible à toutes ces éructations mystiques, et pour ça ils pensaient probablement qu’il leur en serait redevable, et accepterait de représenter leur club lors des élections, pour enfin le faire entrer à la convention. Factionnalisme stupide. Il s’en moquait bien. Il s’en foutait bien. Il n’en avait rien à faire. Les futuristes l’aidaient car c’était la chose à faire, et ils ne recevraient rien en échange. Ses vrais compagnons d’armes étaient des guerriers, des combattants rencontrés en Damanie, dans les rues ensanglantées de Kotios; des jeunes gens qui ne se contentaient pas de prêcher l’avenir par des mots – si bien trouvés fussent-ils – mais dans des actes concrets. Au balcon, il commença à parler, et ce fut ce qu’il dit. Célébrant la grandeur des soldats, de l’action concrète, célébrant avec vigueur le combat révolutionnaire et la nécessité d’offrir une nouvelle jeunesse au monde. Il s’agitait d’un ton extatique lorsqu’il parla brièvement de tout les espoirs que représentaient les années à venir, les secondes s’écoulant, les pulsations de chaque cœur dans chaque poitrine. Tout le monde le sentait venir. Le vieil homme, l’immortel vieillard, allait se porter candidat au Commité de Volonté Public. Sinon quoi d’autre ?

Sa parole s’éclipsa derrière la majesté de deux vétérans, dans leurs vareuses couleur highlands. Ils portaient un drapeau de division que l’on avait repris à l’ennemi fasciste. Déchiré de part en part, une large tache de sang rouge s’y dessinait, invisible sur le fond du drapeau mais apparaissant plus clairement là où le sang séché chevauchait des motifs plus pâles. Les vétérans l’accrochèrent à la balustrade du balcon. Derrière eux, d’Alcyon croisait les bras, levait solennellement le menton. Vois, vois la relique sacrée de nos luttes. Vois comme ce fut douloureux, et quelle puissance sacrée construit l’avenir ! Puis il se saisit du drapeau pour l’embrasser et le jeter au vent. Ses mains gantées se crispèrent sur la balustrade et sa voix se fit plus puissante. Avec elle, la foule approchait de l’orgasme métaphorique. Tout dans le ton cérémoniel et dans la voix du poète indiquait que le moment clé du discours approchait. On sentait l’excitation d’un grand changement. Une grande nouveauté. Quelque-chose qui allait être immense pour l’Union toute entière.

Ce fut le moment où, selon les analystes internationaux tout dérapa. Pour les autres, communistes, fascistes, démocrates, révolutionnaires, étudiants, lettrés, aventuriers, industriels charmés par la personnalité mondaine ou richissimes amusés par les cabotinages de l’aventurier, ce fut plus comme le retournement final d’un pièce à intrigue. Le passage inattendu, qui prend par surprise et offre une nouvelle perspective sur l’ensemble.

L’homme parla de la Listonie.

Il y avait quantité immense de choses à dire sur la question. L’Empire même était de ces vieilles structures, que l’on avait cru morte ou au moins amorphe, qui s’était réveillée, qui hantait les vieux couloirs de son Etat déliquescent et de ses colonies faméliques et pleines de vengeance. C’était le vieux monde fait corps, dans une parodie de la grandeur que les naïfs prêtaient aux monarchies. C’était cette espèce de crapule, de canaille de pays qui s’attachait à détruire pour prouver son existence. Cet être vampirique ou peut-être cannibale, qui dévorait ses semblables par compulsion, condamné à ne jamais pouvoir en digérer la chair. Le vieil empire était une immonde saloperie qui finirait, tôt ou tard, par y passer. C’était ainsi, c’était comme ça. Mais le peuple n’allait pas disparaître pour autant, et la disparition de l’État signifiait qu’il faudrait le remplacer par d’autres organisations. Ou ça, ou le chaos. Le chaos qui pouvait être fatal dans les colonies, incapables de survivre seules, surpeuplées, désastre attendant son heure, visant l’horizon, la bave aux lèvres. La possibilité de se changer en fosse commune, enfin. Pour le poète, c’était autant de Kotios à saisir. Autant de villes-holocaustes, et il avait un projet.

Il passait pour un mécène, utilisant sa providentielle popularité pour assister de toutes les façons possibles les hommes et femmes qui menaient la coûteuse mission humanitaire kah-tanaise, visant à s’assurer que les millions d’habitants coincés dans les villes nazuméennes de l’empire colonial listoniens ne se transforment pas en millions de cadavres. Le chaos, c’était ce qu’il restait de ces villes mourantes, maintenues en vie par le support vital que représentaient deux navires hôpitaux et des centaines de volontaires. On avait même établi un plan de contingence : si la situation l’exigeait absolument, et par ça il fallait bien comprendre que c’était une question de nécessité morale, éthique, alors les colonies listoniennes devraient être, d’une façon ou d’une autre, soustraite à l’Empire et intégrée à une administration humanitaire sous tutelle kah-tanaise visant en premier lieu à les stabiliser. Macao serait le centre de cette nation ad-hoc, un genre de mandat humanitaire total, constitué de villes légataires, grandes brûlées incapables de se défendre, qui se laisseraient gentiment dominer par leurs nouveaux maîtres.

Ce n’était pas exactement ainsi qu’on avait exprimé ou même pensé le projet du côté de l’Union, où se mêlaient intérêts stratégique et considérations humanistes sincères, mais pour d’Alcyon c’était tout comme. Quatre colonies Listoniennes au Nazum. C’était autant de cités holocauste. Autant d’occasions de montrer au monde, enfin, ce que devait être une révolution. Il salivait presque à cette vue. L’avenir à portée de main. Mais ne pouvant l’indiquer de la sorte, il traduisit sa pensée en des mots poétiques et magnifiques que les kah-tanais – et la communauté internationale – purent interpréter de façon favorable. Lui, le grand poète, l’immense auteur, le combattant de la liberté sans idéologie, drapé dans sa superbe, qui était tout à la fois et rayonnait comme un soleil, désirait être élu à la tête de la commission humanitaire devant s’occuper des colonies listoniennes dans la région. Lui, en vertu de son immense fortune personnelle, de sa notoriété mondiale, de sa finesse d’esprit et du droit du plus fort, le serait. Lui, enfin, éviterait le désastre et assurerait la bonne tenue du mandat international sur ces colonies.

Lui, enfin, ferait le nécessaire pour assurer qu’un nouveau soleil se lève sur ces provinces.
1503
Le 31 août 2007 - Kodeda

Actions de reconnaissance autour des infrastructures militaires et stratégiques (Pénitencier, centrales de distribution en énergie, etc...).
Résultat d'une opération d'influence clandestine à 30%.

Reconnaissance et intrusion autour des enceintes militaires impériales.
Les autorités impériales listoniennes ont reçu différents rapports, indiquant la présence d'hommes de main du Prince Mutarrif ibn Saadin, aux abords d'infrastructures militaires du pays.



Compte-rendu d'opération a écrit :
C'est une opération clandestine visant à permettre la reconnaissance du territoire kodedan et des principales infrastructures militaires, à fortiori stratégiques, s'y trouvant.

  • 76-100 - Réussite majeure : La reconnaissance militaire de tous les sites sensibles retenues par les agents opérants, est un franc succès. Un bonus au combat durable de 5% sera octroyé aux forces militaires du clan Saadin (et alliées) pour l’arbitrage relatif aux combats sur la province du Kodeda.

  • 21 à 75 - Réussite mineure : La reconnaissance militaire de certains sites sensibles est un succès. Un bonus au combat de 5% sera octroyé aux forces militaires du clan Saadin (et alliées) pour l’arbitrage relatif aux deux premiers mois de conflit qui interviendraient sur le Kodeda.

  • 11 à 20 - Echec mineur : La reconnaissance militaire échoue, l’Empire Listonien a connaissance que des actions de repérage ont été faites auprès de différents sites militaires mais aussi des structures civiles sensibles.

  • 1 à 10 - Echec majeur : La reconnaissance militaire débutée par le clan Saadin échoue et la présence de plusieurs hommes de main du Prince aux abords de sites sensibles est connue des autorités listoniennes.[/list]

  • Résultat de l'opération (arbitrée par Menisque / Modérateur-Pharaon)
    3026
    Message secret
    Information secrète réservée aux personnes autorisées
    2953
    Message secret
    Information secrète réservée aux personnes autorisées
    5569
    logos des services secrets alguarenos et du Clan saadin kodedan.

    CONFIDENTIEL - 18 septembre 2007 - Le Prince Mutarrif ibn Saadin, un choix légitime pour œuvrer au Kodeda et pour tracer un trait-d’union entre le Kodeda et le régime impérial.


    Portrait du Prince Mutarrif ibn Saadin.<br>
    Fort d’une certaine ferveur, mise en place par les récentes manifestations populaires, le Prince Mutarrif ibn Saadin s’est fait un interlocuteur crédible pour l’Empire listonien, qui se voit quant à lui contraint à des concessions grandissantes pour maintenir l’ordre établi.


    Remuant ciel et terre, pour ne pas dire soutiens financiers et potentiels électeurs depuis son quartier-général de campagne installé à son palais de Saribga, au coeur des communautés beïdanes kodedanes, le Prince Mutarrif ibn Saadin nourrit des ambitions politiques croissantes au Kodeda. Sa récente mais forte médiatisation a amené les pouvoirs publics listoniens d’outre-mer, à le rencontrer au palais impérial de Nasabis.

    Soucieux de se prévenir d’un quelconque traquenard tendu par les autorités listoniennes et désireux de capitaliser sur la rencontre avec celles-ci indépendamment de l’issue qui en sera faite, le Prince avait fait fuiter par l’intermédiaire d’un employé lambda, affilié aux tâches secondaires du palais, sa venue à plusieurs journalistes locaux, qui connaîtraient l’heure à laquelle il se rendrait au Palais de Nasabis, pour selon ses termes nous citons "Éclaircir l’horizon kodedan par une vision mesurée portée sur les intérêts du plus grand nombre”.

    Le jour et l’heure venus, plusieurs journalistes avaient donc fait le déplacement pour couvrir la rencontre qui se déroulera à huis clos mais dont la photographie d’un Prince pénétrant l’enceinte suffirait à illustrer les principaux titres par voie de presse. Pour un certain nombre de journalistes, le contenu de l’échange nourri entre le Prince et le Général Cortès importait peu, car la rencontre officielle entre les deux figures politiques locales suffisait d’elle-même, pour écrire une histoire.

    Bien entendu, beaucoup des soutiens du Prince Mutarrif ibn Saadin espéraient voir ce dernier gouverner en totale autonomie la province du Kodeda, et y incarner la première monarchie kodedane après plusieurs centaines d’années placées sous le signe du colonialisme. Décrit comme un homme providentiel pour beaucoup, illustre paria pour une poignée d’autres, le Prince Mutarrif ibn Saadin reste un personnage clivant, une image assumée par ce personnage controversé, qui vient finalement s’imposer comme le trait d’union fiable, entre un Kodeda autonome et indépendant, pour ne pas dire livré à lui-même, et une région impériale kodedane sous administration listonienne.

    C’est en effet l’effervescence autour du personnage princier, entre son cercle restreint de conseillers qui lui relate les moultes opportunités à l’échelle nationale et au-delà, la communauté beïdane et plus encore celle rurale, qui fondent tous leurs espoirs sur ce celui-ci, l’Empire listonien qui espère limiter la casse en promouvant plus de coopération avec les élites locales du Kodeda.

    Un “sauveur” prêt à accepter le rôle, face à la vision erronée entretenue par ses adversaires politiques du parti indépendantiste kodedan. “Intégrer l’économie du Kodeda à des régions mineures telles que celles kah-tanaises en Afarée serait une erreur monumentale. Le Kodeda a un accès à la mer, et donc au commerce international. Il ne peut pas concentrer ses efforts d’ouverture, vers l’élaboration d’un pont commercial terrestre vers des dunes afaréennes de plus, où un drapeau kah-tanais a été planté… Il faut voir plus grand, il faut voir kodedan…” Et de l’aveu même du prince, ce dernier vient apparaître comme la seule alternative crédible pour penser un Kodeda viable et en chemin vers l’autodétermination.

    Si la rencontre avec les autorités impériales listoniennes est faite selon leurs conditions, l’exposition médiatique croissante du Prince et de son clan vient obliger à la mise en place d’un certain lot d’actions de prévention du risque attentat. En effet, la moindre réception offerte par le Prince Mutarrif ibn Saadin (et Dieu sait comme il aime ça), contraint son personnel de sécurité à une prise en compte renforcée de la menace terroriste.

    Là où le Prince avait jadis un cordon de sécurité composé de jeunes miliciens débraillés avec un fusil d’assaut en bandoulière autour du cou, ces derniers se sont récemment vus remplacer par des équipes professionnelles aguerries, tout droit arrivées du Varanya ou de la Mandrarika où l’art du combat se fait une profession pour les autre théâtre de guerre afaréens.

    A travers cette initiative, le pouvoir princier souhaite satisfaire deux objectifs majeurs. Le premier d’entre eux est naturellement de chercher la professionnalisation des équipes de sécurité à son service, car la menace terroriste se fait grandissante à mesure que le Prince occupe l’espace public kodedan. Le second objectif, nettement plus subtil que le premier, est finalement d’aller chercher une posture de gouvernant, en s’entourant d’hommes de qualité mais aussi de prestance, sacralisant de fait la fonction de l’individu protégé. De l’aveu même d’un de ses conseillers, si le Prince s’était maintenu à confier sa sécurité aux jeunes miliciens beïdanes, il n’aurait guère plus d’influence qu’un seigneur de guerre et les autorités impériales auraient continué à le bouder.

    Après les autorités listoniennes, ce sont également les membres de la société civile kodedane qui pourraient avoir un intérêt soudain pour le Prince. En moyenne chaque mois et depuis les dernières manifestations réussies en soutien à sa famille, ce sont plusieurs dizaines de ruraux en provenance des quatre coins du pays, qui souhaitent rendre grâce à celui que certains n’hésitent déjà plus à qualifier de sauveur.

    Ce presque septuagénaire semble effectivement inspirer beaucoup de respect parmi les membres de la communauté beïdane du Kodeda. “C’est ce qui fait la force et la faiblesse du pouvoir princier, sa proximité avec certaines strates populaires, ce qui nous oblige à une vigilance de tous les instants” confie un membre de sécurité sous couvert d'anonymat. La crainte d’une tentative d’enlèvement ou d’assassinat est sur toutes les lèvres, se faisant la principale menace dirigée contre le clan Saadin.
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    Le 14 septembre 2007 - Kodeda

    Les services secrets du Grand Kah,
    sur la piste des opposants au projet de route
    Résultat d'une opération d'influence clandestine à 30%.

    Services secrets

    Kodeda nid d'espion. La petite guerre froide que se mènent Grand Kah et Alguarena prend des allures de jeu d'échec en trois dimensions, chacun avançant ses pions sur un plateau miné. Dans cette lutte pour l'information, les services secrets jouent un rôle décisif afin d'anticiper les actions de l'adversaire. C'est dans ce but que Mutarrif ibn Saadin fut placé sous surveillance par les communalistes.

    Une surveillance qui porte partiellement ses fruits. Si le prince est assez malin pour ne pas laisser trainer son linge sale à portée de vue des jumelles kah-tanaises, n'en reste pas moins que dès qu'on parle de petites dégueulasseries politico-militaires, tout pue très vite très fort. Les services secrets ont le nez fin et s'ils ne parviennent pas encore à résoudre le puzzle du Kodeda, l'implication des mercenaires Mandrakiens dans le projet d'attaque de la route ne fait plus aucun doute. Accessoirement, les bruits de couloir prêtant à Mutarrif ibn Saadin un penchant pour les liqueurs nazuméennes, vice mal vu dans cette région en majeure partie musulman, ont pris récemment un air de vérité... Les discrets va-et-vient de son chauffeurs et les caisses de "loukoums" qu'il transporte dans le coffre de sa berline n'ont pas réussi à tromper les agents du Grand Kah.


    Compte-rendu d'opération a écrit :
    Récolte d'informations sensibles concernant le "prince" Mutarrif ibn Saadin.

    • 76 - 100 - Réussite majeure : On trouve des preuves irréfutables de ses liens avec l'Alguanera qui le finance ainsi que des informations concernant les mercenaires Mandrakiens qu'il fait venir dans la région pour attaquer le projet de route. Peut-être quelques vices secrets ou autre choses compromettantes.

    • 21 - 75 - Réussite mineure : On trouve des informations sur les Mandrakiens qu'il fait venir pour attaquer le projet de route, peut-être quelques vices secrets ou autre choses compromettantes, mais rien permettant de comprendre clairement quel est le mécène de l'opération.

    • 11 - 20 - Echec mineur : On ne trouve aucune information concluante.

    • 0 - 10 - Echec majeur : On ne trouve aucune information concluante et les services de sécurité du Prince et l'armée Listonienne sont au courant de la tentative d'espionnage voir de son origine (partisans indépendantistes).

    Résultat de l'opération (arbitrée par Abitbol / Chancelier-Animateur)
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    Quelques semaines plus tôt, Ifilku.


    Elle s’arrêta un instant sur le pas de la porte. Regardant le petit jardinet devant la maison, elle sourit un instant devant la roue de vélo vide et le morceau de bois à ses côtés, laissé nonchalamment à moitié sur une plate-bande.
    Elle se retourna et fut presque étonnée de voir son mari par l’entrebâillement de la porte.
    Son visage était celui des mauvais jours, où l’inquiétude se lisait à travers un semi sourire qu’il ne pouvait empêcher, ce semi sourire qui la fit craquer il y a de cela dix années.


    Ilâh te protège, ma chère Tzila.
    Nous attendrons ton retour avec impatience. Ta fille dort encore, je lui ferai un baiser de ta part…

    La boule dans la gorge, il faisait face à la situation avec courage. Elle savait qu’il savait, toutes savaient au sein de l’Althalj ce que signifiait ce rappel à la base navale alors qu’elles revenaient de quatre mois en mer.

    Portant son uniforme impeccable, elle s’avança de nouveau vers lui pour l’embrasser encore une fois.
    Il était indispensable dans sa vie ; faisant montre de patience et d’une résilience exceptionnelle, car il permettait à la vie de sa fille et leur couple de tenir le coup à travers ces années de séparation, du fait de son travail, de ces nombreux mois au sein des navires de guerre Althaljirs.

    L’ambition Althaljir au sein de la Mer d’Emeraude n’avait jamais été aussi limpide ; contrôler l’océan, maintenir une stabilité et sécurité capable de faire front aux exigences continentales.

    Tzila portait les couleurs des officiers Nukhba, officiers de sous-marin des Forces Navales Althaljirs.




    Le déploiement du sous-marin FNA Alzalam (Alth : الظلام) au sein des eaux de Tifuzzel était un risque calculé. Le nombre de navires de guerre actuellement dans les environs n’avait jamais atteint un tel niveau auparavant… pas depuis deux à trois siècles…
    Le FNA Alzalam n’était certes pas à la hauteur des sous-marins Alguarena, technologiquement supérieur en de nombreux points, toutefois le Sous-marin d’Attaque Althaljir Diesel Electrique disposait de performances adéquates et il était déjà envisagé d’utiliser les mois d’apprentissage afin de créer un Sous-marin d’Attaque Nucléaire capable de rivaliser avec les grands d’aujourd’hui. Le FNA Alzalam alignait 6 tubes de lance-torpilles d’un calibre standard, un rayon d’action et une vitesse en surface et immersion en concurrence avec les designs outre-Althalj, pour un fonctionnement avec seulement 35 membres d’équipage.
    L’entraînement intensif qui avait précédé et suivi le déploiement de ce premier modèle était considérable. L’expertise ne se gagnait pas que lors de combats, et malgré une discipline et un calibrage des procédures et une culture choyée au sein de cette nouvelle Force Navale, l’ensemble de l’équipage du FNA Alzalam et des membres de l’amirauté étaient conscients des enjeux considérables qui se déployaient sur les Côtes Brisées.



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    Septembre 2007 - CONFIDENTIEL - Attaques des routes commerciales terrestres du Nord de Kodeda par les mercenaires mandrarikans.


    Mercenaires mandrarikans chargés d’exécuter des raids sur les convois de fret terrestres.
    La mise à mal du projet de routes commerciales terrestres vers les colonies kah-tanaises passe inéluctablement par la dissuasion armée, destinée à rediriger les flux commerciaux vers les voies maritimes, affranchissant durable l'économie kodedane du voisin kah-tanais au nord.


    Le Grand Kah avait récemment agité son projet de routes commerciales vers le Nord à qui voulait bien l’entendre, pour asseoir l’idée que l’avenir du Kodeda ne pouvait se dessiner que par une interdépendance avec les provinces afaréennes kah-tanaises. Mais considérant la faible industrialisation et le faible niveau de peuplement de ces provinces excentrées de la métropole que ce soit celle impériale ou encore celle paltoterrane pour le cas du Grand Kah, le Kodeda peut-il réellement miser toutes ses billes sur deux territoires coloniaux kah-tanais perdus en Afarée? Trois fois non s’était emporté le Prince Mutarrif ibn Saadin pour décrire son avis autour du projet kah-tanais.

    “On ne va pas tracer un cordon ombilical vers ces terres de cul-terreux où l’on a rien à envier? Notre salut est dans le développement de nos routes commerciales maritimes et s’il nous faut convaincre les investisseurs, nous allons demander à nos amis mandrarikans de s’en charger… Si la sécurité des voies terrestres kodedanes dirigées vers les colonies kah-tanaises d’Afarée est mise à mal, les investisseurs autour d’une telle entreprise prônant un rapprochement entre les deux régions se désisteront d’eux-mêmes.”

    Dans cette configuration le Prince kodedan de la communauté beïdane n’allait pas se contenter de promouvoir le développement de routes commerciales maritimes, mais également démontrer toute la futilité et la vanité des hommes qui feraient le choix d’investir vers le développement d’un commerce terrestre vers les provinces kah-tanaises afaréennes.

    Il faut dire que les centaines de kilomètres qui séparent les territoires souverains du Grand Kah et de la Listonie en Afarée (c’est-à-dire le Kodeda) forment un terreau propice à l’organisation d’attaques contre les véhicules de fret chargés d’acheminer par les voies terrestres, différents biens et marchandises inscrits dans le projet de rapprochement entre ces provinces d’Afarée occidentale. Des attaques répétées le long de la frontière au nord du Kodeda viendraient servir l’objectif poursuivi en trois phases:
    • les attaques et les brigandages des véhicules chargés du fret des biens commercés entre le Kodeda et le Grand Kah seront générateurs de coûts et de perturbations logistiques pour les principales sociétés utilisatrices,
    • la succession des interceptions pourrait à court terme, inciter les sociétés de transport à répercuter le coût de ces exactions aux sociétés bénéficiaires, qui pourraient inéluctablement, elles-mêmes répercuter ce coût aux consommateurs,
    • dans une autre échelle, la succession de ces attaques serait susceptible à moyen terme d’entraîner des coûts importants pour les compagnies d’assurance desdites sociétés de transport, ce qui viendraient contraindre ces compagnies d’assurance à ajouter des clauses modificatrices, limitant ou stoppant l’indemnisation des sociétés de transport qui poursuivraient leurs liaisons vers des destinations et sur des voies classées dangereuses, à très hauts risques, par les compagnies d’assurance.

    Vous ne pouvez pas dissuader les autorités kah-tanaises de vouloir capter les flux économiques en partance du Kodeda, il faut bien alors décourager ces flux économiques à se diriger vers le Grand Kah. Dans un contexte tel que celui-ci, la génération de surcoûts financiers à l'utilisation des voies commerciales terrestres reste privilégiée…

    Pour mener à bien cette mission, le Prince Mutarrif ibn Saadin compte sur “l’expertise” ou pour mieux le dire, la “témérité sauvage” de Cristobal Ravatomanga, surnommé “Charko” pour ses facilités à charcuter ses ennemis à l’aide d’une machette. A la tête d’une petite bande d’une vingtaine d’hommes, Charko écumerait les routes terrestres du nord-Kodeda, jonglant entre la frontière de cet État et celles de provinces autonomes où l’empreinte des institutions, et avec elles nécessairement celle des forces de l’ordre, est moins marquée.

    A ce jour, la bande de pillards ne bénéficie pas d’exploits notables mais continue d’aiguiser ses armes pour satisfaire la demande initiale de son commanditaire. Équipés de quelques pick-ups et armes légères portatives, les mercenaires mandrarikans n’ont pas le luxe de se permettre un affrontement armé avec les autorités listoniennes au Kodeda, si bien que les manoeuvres et exactions accomplies à cheval entre la frontière kodedane et celle des régions autonomes directement limitrophes, constitue la seule fenêtre de tirs pour eux. “C’est un équipement sommaire mais pour rattraper un camion poids-lourd sur une nationale, c’est amplement suffisant non?” justifiait le Prince Mutarrif ibn Saadin auprès du mercenaire Cristobal Ravatomanga, afin de s’affranchir de dépenses supplémentaires en vue d’un rééquipement complet.

    Le budget était là pourtant car le concours des services secrets alguarenos assurait une enveloppe de près de quarante millions de pesetas alguarenas mais la constitution d’un bataillon de choc au travers des combattants mandrarikans de Cristobal Ravatomanga n’était pas la priorité du Prince, qui multipliait les prises de contacts pour capter des mercenaires étrangers, en provenance également du Varanya ou de l’Alguarena, qu’il espérait directement débaucher auprès de la Brigade du Jaguar Paltoterran.

    Les rares contractors qui avaient pu être débauchés auprès de la Brigade du Jaguar Palotterran connaissait une affectation à la sécurité rapprochée du Prince, ce dernier souhaitant mettre à profit, autant que faire se peut, leur expérience et leur professionnalisme.

    Bien que quelques batailles d’égo pouvaient se jouer entre les mercenaires madrarikans, ceux varanyens et même ceux alguarenos, chacun d’eux n’avait in fine pour motivation que l’enrichissement et le versement à dates et heures prévues des soldes de mercenaires. Ce qui suffisait à recentrer chaque factions sur ses objectifs, enterrant du même fait, les rivalités naissantes qui pouvaient résulter d’une inéquité de traitement ou d’un manque d’ambition affiché par le Prince, lorsqu’il devait envisager les conditions de leur engagement, puis de leur déploiement.
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    Quelques semaines plus tôt, Acilmun.



    Le haut des montagnes s'évaporait en une longue écharpe continue et majestueuse.
    Le vent de l'Altilal Almujamada, la Dorsale Glacée, apportait un peu de fraîcheur en cette saison estivale et faisait virevolter les cheveux attachés, nattés ou en queue de cheval simple, sous leur coiffe militaire, la chéchia rouge vermillon. Uniforme d'ordinaire bleu azur pour les Forces Matriarcales d'Acilmun, le khaki et camouflage étaient privilégiés lors d'opérations où la furtivité serait de mise.
    Alignées sous les drapeaux des différentes contrées des Tamurt n Althalj, les Peuples des Neiges, un immense drapeau bleu foncé avec une bordure blanche était porté par une dizaine de porte étendard en avant des rangs. Selon la tradition, les Forces Matriarcales Ilâhmiques marchaient dans le centre ville face aux proches afin de leur signifier la fierté régionale et nationale et permettre une salutation, un aurevoir, une bénédiction familliale.

    Répétées chaque année afin de célébrer l'unification de la nation, il était rare que la Maktaba autorise cette tradition en dehors des dates habituelles, néanmoins les familles l'avaient demandée avec insistance et d'autant plus lorsque les flottes Listoniennes avaient été aperçues à Kodeda.

    La même scène était visible dans toutes les villes et villages où les baraquements se vidaient pour rejoindre leur assignation.

    A Acilmun, les militaires marchaient fusils à la main, pointés vers le sol, sans formation ou coordination serrées telles les voltigeurs d'antan. A Asefsaf, les femmes portaient leurs sabres à la main et les fusils dans le dos avec le même espacement entre chaque soldat à pied. La marche était fermée par quelques sections montées sur des chameaux, en habits bleu indigo, entièrement couvertes, visages marqués par des années de couleur bleue. A Icemlet, les rangs étaient serrés, pistolets mitrailleurs à l'épaule, marche non coordonnées. A Ifilku, les militaires montaient autrefois les chameaux et chevaux et les avaient remplacés par des camions de transport de troupes et des pickups armés des mitrailleuses lourdes. Des foulards fleuris pour couvrir les cheveux, chaque couleur précisait l'appartenance à une communauté, les couleurs qqariennes. Enfin les femmes armées de Tifuzzel étaient habillées toutes de bleu foncé et marchaient, armes de poings et dagues à la ceinture, têtes hautes, étendards, en laine tressée, des villes et bourgades de l'Ouest volant au vent.




    Le redéploiement des Forces Matriarcales Ilâhmiques n'affichaient aucunement la fin d'une volonté de la Maktaba de trouver une issue diplomatique à la crise Jazirati en cours.

    La venue d'une flotte de guerre Eurysienne en Afarée de l'Ouest avait provoqué une réaction forte et l'Althalj craignait de devoir intervenir comme ce fut le cas précédemment en Afarée de l'Ouest afin d'éviter l'embrasement aux frontières Althaljirs.


    Sur plusieurs kilomètres alentours la Péninsule, des locaux préparaient vivres et plans... non pas afin de fuir et se mettre à l'abri, mais pour aider les réfugiés Jazirati qui essayeraient de fuir dans le désert, un périple mortel pour toute âme cherchant le salut à l'extérieur du Shibh Jazirat Alriyh.


    Par ailleurs, les messages aux associations Jazirati étaient toujours clairs : l'Althalj n'armait pas et condamnait toute initiative avant-gardiste de la population.
    La diplomatie devait prévaloir. Le déploiement Althaljir devait permettre la protection des Tamurt n Althalj et ressortissants étrangers s'il advenait que la situation ne trouvait plus d'issue par les mots.



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    Septembre 2007 - CONFIDENTIEL - Brigandages et attaques de routes commerciales en Kodeda, une opportunité économique indirecte pour la République Sacrée de la Mandrarika?


    Pillards des routes mandrarikans, opérant au nord du Kodeda.
    Après l’âge d’or des pirates et des compagnies de pillards, qu’ils soient de nationalité nhoréenne, pharoise et izcale, les temps sont devenus plus durs pour ceux qui vivent de l’expropriation des richesses d’autrui.

    Et si le développement du brigandage le long des routes commerciales au nord du Kodeda venait constituer une opportunité réelle pour la Mandrarika? Le projet d'ouverture des routes commerciales vers les territoires coloniaux kah-tanais est un pain béni disaient ceux qui voyaient déjà se dessiner les routes commerciales jonchant le Kodeda et le Grand Kah afaréen. Oui mais pour qui? Car la récente promesse de mettre tous les kodedans au travail autour de la réussite et de la prospérité du pays laisse rêveurs de nombreux pillards et mercenaires mandrarikans ou encore varanyens. Si les actes de brigandages et de pirateries commis localement sont encore anecdotiques, il est vrai que ces derniers vont tendre vers une intensification, à mesure que le projet de routes commerciales entre le Kodeda et les territoires kah-tanais séduira les classes pauvres mandrarikanes, enfermées dans des spirales de violences au contact des seigneurs de la guerre qui s’y trouvent, en lutte perpétuelle contre le gouvernement local.

    Avec la géolocalisation possible des bâtiments commerciaux en mers, il n’est pas aisé, voire il est rendu complètement impossible de durablement détourner l’un d’entre eux le temps d’en décharger la cargaison sur un autre navire, dès lors que le navire attaqué se trouve à moins d’une heure de vol pour un hélicoptère gouvernemental. De plus, le manque de moyens maritimes des factions de pillards mandrarikans vient rendre d’une part impossible la conduite de raids d’envergure contre les bâtiments commerciaux puisqu’ils n’ont pour moyens de locomotion qu’au meilleur cas une petite embarcation légère, mais aussi d’autres parts, impossible la fuite de ces derniers face à une manoeuvre d’intervention orchestrée par un hélicoptère gouvernementale. La piraterie maritime est donc rendue très difficile pour les pillards mandrarikans qui lui préfèrent le brigandage aux abords des routes et autres voies terrestres. En effet, le brigandage aux abords des voies terrestres permet une meilleure dissimulation des soudards mandrarikans après chaque méfait.

    La conspiration imaginée par le Prince Mutarrif ibn Saadin et relative aux nouvelles routes commerciales envisagées par le Grand Kah au Kodeda est donc susceptible de remporter une meilleure adhésion que tous les projets de piraterie fantasmés en mer.

    Si les temps sont durs pour qui souhaitent se maintenir dans la piraterie, l’idée qu’on puisse s’emparer plus aisément des frets terrestres plutôt que maritimes, que l’on soit payés pour le faire et que l’on puisse se payer doublement, via le butin engrangé, maintenait un fort attrait des mercenaires mandrarikans pour ces basses oeuvres. Aidés par des contacts kodedans mis à disposition par le Prince Mutarrif ibn Saadin, les mercenaires mandrarikans s’offraient une opportunité réelle, au sein d’un espace régional en pleine mutation, démographique, économique et politique, ce qui rendait d’autant plus alléchantes et facilitées, les perspectives de richesse entourant ces raids routiers contre des véhicules de fret chargés d’assurer des liaisons transfrontalières.

    Ainsi et si l’Afarée avait depuis peu su s’affranchir des troubles sur sa côté orientale, après la fin de la guerre civile varanyenne, le nord du Kodeda ouvre un horizon nouveau pour ces laissés-pour-compte mandrarikans, qui n’ont rien à perdre et tout à gagner dans cette entreprise périlleuse. Le Kodeda pourrait donc à terme comptabiliser à lui seul, la majeure partie des exactions, atteintes aux biens et aux personnes, survenues en bande organisée sur le continent Afaréen. Une image crapuleuse qui nuirait fortement au devenir des voies commerciales terrestres envisagées sur la partie septentrionale du territoire kodedan mais aurait paradoxalement des répercussions économiques positives en Mandrarika.

    En effet, il est avisé de considérer le fait selon lequel l’enrichissement des pillards mandrarikans soit susceptible de favoriser une hausse des richesses entrant sur le territoire mandrarikan. Les biens qui sont volés au nord du Kodeda, peuvent difficilement être revendus localement, car ceci aurait pour effet immédiat de permettre aux autorités locales l’identification des pièces volées et l’arrestation du receleur. Compte tenu de la présence de seigneuries de guerre en Mandrarika, ainsi que de la connaissance des lieux et des hommes s’y trouvant, les receleurs et pillards mandrarikans qui sévissent au nord du Kodeda auraient des opportunités de revente mieux sécurisées dans leur pays d’origine, où la traçabilité du vol serait également plus difficile à prouver pour les autorités mandrarikanes. Si la concentration de pillards mandrarikans devait s’opérer dans la région limitrophe au nord du Kodeda, il y a fort à parier que l'événement se jumèlerait avec une recrudescende de marchandises en Mandrarika. Les niveaux de rétribution garantis par le Prince Mutarrif ibn Saadin, mêlés aux revenus des butins engrangés sur place, sont sans équivalent avec les niveaux de rémunération de la classe moyenne de la Mandrarika.

    Dès lors, il y a fort à parier que ces soudards qui tentent actuellement de piller le commerce par voie terrestre dans l’Afarée occidentale, soient également ceux qui investiront demain dans la pointe orientale de l’Afarée. L’argent salement acquis se blanchit toujours, les revenus recueillis vont donc naturellement se diriger vers des sources de revenus durables et moins dangereuses. Car s’il faut reconnaître que l’opportunité faite aux mercenaires mandrarikans est incitative, un bon nombre d’entre eux n’est pas pillard par vocation, mais par nécessité. Aussi, il est plus que raisonnable de penser que les pillards mandrarikans qui auront rencontré un certain succès, en d’autres termes une certaine fortune au Kodeda, seront tentés de prendre leurs distances avec méfaits, et devront pour cela, investir dans d’autres sources de revenus, majoritairement implantées en Mandrarika.

    En dehors des luttes politiques initiées entre le gouvernement mandrarikan et les seigneuries de guerre qui rejettent son autorité, la criminalité exercée en Mandrarika pourrait donc être revue à la baisse, car la réussite en affaires obtenue au préjudice des flux commerciaux kodedans et kah-tanais, peut déplacer foule de ces criminels mandrarikans voire internationaux, vers ce secteur très localisé.

    Cette baisse prévisionnelle des actes délictueux et criminels en Mandrarika est analysable comme consécutive à une hausse des départs du territoire, les départs des principaux criminels de guerre du pays, qui ciblent des destinations plus lucratives, à l'instar du Kodeda septentrional. Et si ces criminels reviennent en Mandrarika, nombre d’entre eux seront alors en mesure de rompre avec la criminalité, par l‘installation d’un fond de commerce ou plus généralement, celle d’une source de revenus plus noble… Dans ces conditions, le développement des routes commerciales au nord du Kodeda pourrait accélérer le repentir d’une fraction des soudards mandrarikans présents en Afarée, leur permettant l’acquisition des fonds nécessaires à un changement durable de leurs activités entretenant un caractère illicite.

    Le brigandage au Kodeda peut-il se faire l’un des fondements de la réinsertion pour une partie de la société civile mandrarikane? Au-delà d’anonymes, ce sont maintenant des experts en sociologie qui se mettent à y croire, arguant que la criminalité n’est pas un phénomène structurel mais conjoncturel, lié à l’absence d’opportunités. Entretenant une image relativement ambiguë, incarnation du personnage sans foi ni loi, le pillard serait donc en Mandrarika les honnêtes investisseurs de demain? D’autres sociologues préfèrent pour l’heure, entretenir de sérieuses réserves autour de ces perspectives car le brigand, au même titre que le pirate, est également l’incarnation d’une résistance à l’institution, à l’administration et plus globalement, à toute représentation étatique sur un territoire. L’idée que des économies souterraines, reposant sur des activités criminelles puisse déboucher sur une reconversion plus vertueuse, reste à prouver, car l’appât du gain lié au crime, reste une facilité, une facilité exemptée d’impôts ou de contrôles des administrations. Ainsi un criminel qui gagnait une somme “Y” grâce à ses activités illicites acceptera-t-il par la suite de gagner “Y-X” après le passage des institutions? Qu’importe la somme initialement acquise par le criminel, cette nouvelle situation entraînerait une perte financière pour lui, avec un effet psychologique dévastateur, qui nous amène à penser que tout recul, fut-il pour une situation encore très commode, sera inenvisageable pour de nombreux pillards mandrarikans ayant saisi l’opportunité de s’enrichir au Kodeda, jonglant entre leurs méfaits contre les routes commerciales terrestres, et les pots-de-vins du Prince Mutarrif ibn Saadin pour les inciter au passage à l’acte.

    Cependant, les sociologues et économistes s’accordent effectivement à dire que le regain des activités criminelles au nord du Kodeda est susceptible d’influencer positivement le taux de criminalité actuellement présent en Mandrarika, tout en favorisant le transfert de fonds, pour ne pas dire les investissements, du Kodeda vers la Mandrarika.
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    Le frisson...

    Les poils qui se hérissent sur une échine moite.
    Un sensation de fraîcheur qui s'immisce tel un courant d'air entre les plis du vêtement.
    Qui se répercute à travers le haut du corps en le faisant trembler doucettement.
    Et parfois vibrer de gauche à droite, une ou deux fois rapidement.
    Cette petite sensation de culpabilité d'avoir fait un geste anodin et pourtant naturel.


    La voix de la muezzine toucha les coeurs et apaisa les âmes.
    La divine était transmise par l'intermédiaire de la chanson, d'un lyrisme passionné.
    Telle une tradition ancestrale dont les origines semblaient si lointaines, si anciennes et pourtant toujours vraies.


    Elles étaient peut être un millier face à la montagne, dos au désert.
    Toutes s'agenouillèrent ensemble et portèrent leur front au sol, telle une vague, tel un voile qui se dévoile.


    Philosophe Idder Ibn Alhakim a écrit :
    "Il n'y a rien de particulier dans le chérissement d'Ilâh", diront-elles.

    L'approche, de ces peuples de la montagne, du désert et de la mer, de cette région du monde et de l'Afarée, est peut être singulière néanmoins.
    A travers les affres de la vie tumultueuse de ce continent, la chaleur peut aussi avoir du bon.
    La chaleur du Sahra' est terrible ; la chaleur des coeurs de ces femmes est douce toutefois.

    La valeur de la vie, dans cette étendue oubliée, évitée et diminuée sur une carte, est encore considérée et comprise.
    La faiblesse de l'être humain se dévoile et s'exaspére au contact du désert, proche des sources de pauvreté.
    Et ces femmes considérent que la protection et la célébration de la vie dictent leurs faits et gestes.

    Chaque instant doit permettre de ne point regretter.
    Chaque évènement se doit d'optimiser le sentiment que la vie mérite d'être vécue.
    Chaque vie doit être respectée et à juste titre, car elle est un bien précieux, unique et fragile.

    Ces femmes forcèrent le trait durant de nombreux siècles face aux exigences sociétales.
    Elles bâtirent une coque afin de créer des havres, un havre qui permettait au mieux à toutes et à tous de profiter de la vie.
    Et leur société évolua et l'Afarée évolua.

    La vie, le bien être de cette émeraude ne pouvait alors plus être une spécificité régionale.
    La souffrance avoisinante toucha les êtres dés lors que ces femmes s'unirent et partagèrent leurs inquiétudes.

    Les Tamurt n Althalj regardèrent outre leurs frontières et observèrent la souffrance, le coeur brisé.
    Et enfin, elles décidèrent de changer et de briser la coque pour en laisser filtrer ses bienfaits.

    Aujourd'hui les Althaljirs pleurent le malheur de l'Afarée.

    Autrui ne le comprendrait pas ou ne le concevrait pas à la hauteur de la tâche qui incombe à ces femmes.

    La prière n'est pas seulement divine.
    Ilâh est une approche Althaljir de la vie.
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    On s’était une fois de plus rassemblé à l’Hydra Café, dans cette ambiance proche des trattorias eurysiennes, joyeux mélange d’auberge espagnole et de meeting politique où chacun amenait tant sa nourriture que ses idées, et où une masse sans cesse renouvelée de partisans, délégués, envoyés de tout ordre se rassemblait à l’occasion des diverses réunions informelles qu’accueillaient les lieux. L’ambiance y était, c’était difficile à croire, plus lourde encore qu’il y a quelques mois seulement, lors de la déclaration de l’État d’urgence. Un nuage de nicotine généré par cinq ou si fumeurs menait la vie dure à la ventilation, et les partisans du PIK, rassemblés en conciliabule secret autour d’une bouilloire de thé, fixaient l’horizon jaunâtre de Nasabis, ses toits couverts de sables, ses rues vidées par l’anxiété. Au loin ses routes, peut-être une forme d’espoir.

    Donc, c’est un agent de votre gouvernement ?

    L’homme qui venait de parler n’était autre que Sharaf el-Sabir. Le jeune représentant des sections indépendantistes de la zone universitaire semblait avoir vieilli de huit ans en quelques mois. Pas « mal vieilli », cela-dit. Il semblait surtout avoir mûrit, compris certaines choses qui lui échappaient encore dans les jours précédents. Son interlocutrice, Aglaya Lilich, s’était fait la réflexion que ce n’était qu’une première étape. Ses traits se tireraient, se creuseraient, comme pour tous les autres, dès les premières effusions de sang. Sharaf était un genre d’idéaliste, il prenait bien la situation parce qu’il vivait dans sa petite sphère intellectuelle.

    Elle ne répondit pas à sa question, et avala une nouvelle gorgée d’Izcale, cocktail qu’elle avait importée en même temps que ses idées révolutionnaires. Le citron était local, le mezcale d’importation. On trouvait de nombreux produits d’importation, ici. Quoi que plus pour longtemps, à en croire l’actualité.

    Un peu froissée, elle fit claquer sa langue contre son palais. Elle n’appréciait pas la direction que prenait le Kodeda. L’architecte dû le prendre pou lui, sa réaction était sans équivoque.

    Je veux dire, pas un agent. Un envoyé. C’est le type qu’ils vont nous envoyer, c’est ça ?

    Non.

    Aglaya Lilich hésita à lui rétorquer que c’était elle, le « type » qu’ils avaient envoyé, mais n’en fit rien, le reprenant plutôt d’un ton amical.

    Il vient dans une mesure légale et officielle, pour attester de la situation. Indiquant l’horizon lointain, à travers la vitre, elle se redressa un peu dans son siège. Il va rencontrer Zula, les grandes pontes du consortium Saphir, étudier leurs preuves, enquêter, monter un dossier rapide pour permettre à la justice d’émettre une sanction.

    Tout cela ne semble pas très… Révolutionnaire.

    Elle haussa un peu les épaules, ce qui le fit sourire sans pour autant le pousser à retirer ses propos.

    On donne du temps à nos ennemis, Aglaya.

    Qui ? Nous ? Mais non, nous préparons la révolution. L’Union, elle, vient défendre ses intérêts économiques sur le territoire d’une nation alliée. Tu suis ?

    Cette fois c’est l’architecte qui haussa les épaules.

    D’accord. Et donc ce type, il est de votre "Égide", c’est ça ? Il va rassembler nos preuves, faire un rapport à l’Union qui le transférera à l’Empire et...

    Il la fixa. Leva la paume de sa main gauche vers le ciel l’air de lui demander des comptes. Aglaya Lilitch avala une gorgée d’Izcale et leva les yeux au ciel. Les enceintes du café jouaient maintenant un morceau de trip hop. Les sonorités électro-mélancoliques emplissaient l’air d’une langueur attentive. Ce n’était pas celle de cet éternel été, trop brûlant pour qu’on y existe, mais plutôt de ces saisons de passage, qui précèdent de peu les grands massacres.

    L’Égide s’occupe uniquement des affaires intérieures à l’Union. Le Kodeda n’en fait pas partie.. Elle lui sourit d’un air complice, il acquiesça. C’est un Prêtre-juge. Il ne vient pas mener une action de police ou d’enquête, mais attester de ce que Zula et les autres ont à montrer. L’Union n’a aucun intérêt à donner l’impression au monde qu’elle ingère dans les affaires de la Listonie. De toute façon je suis sûre que des missives sont déjà échangées en au lieu quant à cette histoire de pillage.

    Des missives. Et si l’Empire décide de ne rien faire ?

    Développe ta pensée.

    Elle semblait distraite. Quelques clients s’étaient mis à danser près du bar. C’était cette classe moyenne et éduquée, qui ne comprenait rien aux populations agraires et que les populations agraires ne comprenaient pas. Deux cultures qui n’entretenaient que des liens extrêmement ténus. Si elle devait choisir, Aglaya se sentait plus proche de l’honnête prolétaire que du petit bourgeois, fusse son cœur bien placé. Son capital culturel, cependant, faisait d’elle une étrangère à ce monde qu’elle défendait. Le Grand Kah, avec son économie d’abondance, changeait de toute façon les travailleurs en petits bourgeois. Au sens premier, factuel, du terme. Quand on avait plus à se préoccuper de la faim et de sa propre oppression, on tendait à évoluer au-delà des vieux principes.

    Sharaf el-Sabir suivit le regard de sa comparse et haussa un sourcil en la voyant fixer les danseurs. Est-ce qu’elle l’écoutait seulement ? Après un moment, il la vit lui lancer un regard en coin et, à son tour, lever une main vers le ciel. Bon.

    L’Empire a prévu de faire du prince son petit chien de guerre. Je suis sûr qu’ils seraient prêts à accepter d’oublier le fait que ce porc s’adonner au terrorisme.

    Tout juste.

    Pas de solution en vue, donc ?

    Nous avons un prêtre juge qui va bientôt récupérer des preuves que ce type a du sang Kah-tanais sur les mains. Comment penses-tu que l’Union va réagir à la nouvelle ?

    Elle pivota pour de bon vers son interlocuteur et lui lança un sourire désinvolte.

    Je sais. La solution militaire n’est pas sûre. Surtout depuis ce qui s’est passé au paltoterra. Et oui, je ne vais pas te mentir en niant que des barbouzes d’alguanera ont été repérées dans les parages du prince. Maintenant, réfléchissons ensemble si tu le veux bien. Une expérience de pensée.

    Si tu veux monologuer personne ne t’en empêche, je voulais juste savoir ce qui se préparait.

    Il se trame que les négociations entre l’empire et le prince ne vont rien donner, parce qu’il se trame que l’Empire n’a que peu d’alliés et que l’Alguanera n’en fait pas partie, et qu’il se trame que si le prince obtient le soutien de la Listonie, le Grand Kah lui fera savoir qu’elle assume par la même l’assassinat délibéré de ses ressortissants. Il se passe que la Listonie ne veut vraiment pas activer les mécanismes de défense du Libertalintern.

    Une escalade de la violence...

    Uniquement si l’Empire se montre déraisonnable. Sans quoi, il peut éliminer le prince, liquider ses possessions, et le Grand Kah ne fera rien, nous laissant par la même le champ libre pour continuer et achever notre petit travail.



    Un ange passe, l’architecte fixe l’ingénieure. Elle lui sourit de cet air détaché qu’elle arbore généralement lorsqu’elle parle directement de la révolution. Tout de même, il l’a rarement entendu parler aussi directement de ses implications réelles, de ses liens avec le Grand Kah, de la nature profonde et réelle des liens entre l’Union et les mouvements indépendantistes. Il ne sait pas quoi en penser. Un mélange d’inquiétude et d’excitation le traverse. Il hésite, soupire, se passe une main sur le visage avec un rire qui sonne faux, puis se retourne soudainement, fixant la fenêtre sous laquelle, cinq étages plus bas, viennent de passer deux véhicules de police, gyrophares hurlant. Il sursaute. L’inquiétude remporte la bataille.

    Je ne t’ai jamais entendu dire les choses aussi… Aussi clairement, Aglaya. Qu’est-ce qu’il se passe ?

    À quel point tu as confiance en la victoire, camarade ?

    Il ne répond pas, essayant de comprendre le sens de la question, la réponse que celle qui est progressivement devenue son mentor, attends réellement. Quand il trouve enfin le courage de lui répondre, de se retourner pour lui faire face, elle n’est plus là. Face à lui, un verre vide.

    La réponse c’est qu’il ne sait pas. Il ne sait pas si la Révolution peut l’emporter.

    Mais il fera tout pour.
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