13/06/2013
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Activités étrangères dans l'Empire Listonien - Page 12

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Suite de ce poste.


Dans le genre chambre d’hôtel minable, Aglaya avait vu pire. De toute façon, la définition de ce que l’on pouvait considérer minable changeait d’un pays à l’autre. D’une région à l’autre, même. On ne pouvait pas appliquer les mêmes standards aux territoires isolés, exploités, abandonnés de tous, qu’aux centres névralgiques de ces empires tentaculaires, inondant chaque espace de ce luxe néphrétique, véritable colique de biens pillés, transformant chaque lieu de vie en hall d’exposition d’une vanité indescriptible. Le capitalisme, sa voracité impie, ses éternels vaux d'or... Ici, au moins, les choses étaient simples. Et puis comme dit, pour une chambre minable, Aglaya avait vu pire.

De toute façon c’était ce qu’il lui fallait. Elle n’avait pas l’énergie de fouiller une chambre bien meublée. Elle préférait ne pas y passer trop de temps, et rapidement pouvoir enchainer sur un repos bien mérité. Si elle n’en laissait rien paraître, les derniers jours avaient été exceptionnellement éprouvants. Déjà parce qu’elle s’y était tuée à la tâche, ensuite parce que, et ça malheureusement rien n’y faisait, elle n’arrivait pas à s’habituer à la chaleur abominable, sèche, dure, de ces régions qu’elle aimait tant parcourir.

Aujourd’hui encore, il faisait chaud. En sortant du Manva l’ingénieure avait aussitôt été assaillie par la différence de température séparant la salle climatisée du bar de l’extérieur. La bouffée brûlante fut comme une chape de plomb lâchée sur ses épaules, elle s’immobilisa sous le choc, le temps d’une grande inspiration. Devant elle s’étendait un chemin de gravier remontant petite cour sèche, ornées de plantes mourantes et séparée de la rue par des murets bruns, à moitié effondrés. De l’autre côté on devinait deux vieillards, attablés sur de petites chaises en plastique colorée, sous un parasol. Le tout détonnait dans cet environnement d’un terne désuet, traditionnel. De l’autre côté de la cour, à une dizaine de mètres du bar, se trouvait les chambres : deux étages de portes en bois, poussiéreuses, écaillées, abritées par un pare-soleil métallique courant tout le long du toit. L’architecture d’un motel Aleucien, les matériaux typiques de la région. Rien n'avait changé, sinon l'âge des lieux. Sentant déjà sa peau brûler, Aglaya ne perdit pas plus de temps que nécessaire à analyser la scène. En quelques pas elle avait rejoint les escaliers montant jusqu’au premier étage des chambres. À cette heure les fenêtres étaient fermées pour éviter de laisser entrer le soleil. Aglaya ne s’en plaignait pas. Elle grimpa les escaliers métalliques, contourna un vieux noir accoudé sur le garde-corps le temps d’une cigarette – il faudra, se dit-elle, se renseigner sur les autres clients – puis entra dans la chambre qu’elle avait louée.

Comme dit celle-là était minable. Juste assez à son goût. Avant tout, elle repéra puis activa la climatisation. L’air était extrêmement lourd et elle voulait mettre un terme à la sensation d’étouffement qui la suivait depuis son arrivée. Le vieux cube blanc crachota un peu, puis se mit à siffler comme un asthmatique qui aurait couru un cent mètres. Si malade fut-il, cet asthmatique avait au moins le bon goût de crachoter quelque-chose qui passait pour de l’air frais, aussi lui pardonnait-on tout le reste. Ce détail réglé, l’ingénieure fit émerger un petit boîtier d’une poche de sa veste. Un détecteur d’onde.

C’était pour ça qu’elle aimait les chambres minables. Il fallait moins de temps pour les fouiller. Elle avait déjà dormi au Manva. Des années plus tôt. On aurait ainsi pu penser qu’elle aurait considérée inutile de fouiller à nouveau cette chambre. Après tout elle connaissait les lieux et l’avait probablement déjà fait lors de son précédent passage. Cependant elle était du genre consciencieuse. On la surnommait l’ingénieure, pas la technicienne. Et puis de toute façon elle avait dormi dans une autre chambre. Dans son corps de métier chaque chambre devait être considérée comme son entité propre. Pour avoir déjà fait un peu d’observation – quoi qu’à un poste très élevé où elle se contentait de comptabiliser les informations obtenues par d’autres – elle savait pertinemment que toutes les chambres ne servaient pas nécessairement les mêmes buts. Il y avait des chambres lourdement équipées, d’autres moins, d’autres pas du tout. Selon les éventuels degrés de suspicion des éventuels ennemis, on pouvait l’avoir dirigé vers telle ou telle chambre. Certes elle devait considérer par défaut que son interlocuteur – le barman, qui lui avait donné les clefs – et donc lui avait dit de se rendre dans cette chambre précisément – était un allié : après tout c’était lui qui allait la faire entrer en contact avec Mohammed. Mais bon. Ce n’était pas une raison pour perdre ses bonnes habitudes d’une part, pas une raison non-plus pour lui faire confiance. C’était un monde de faux-semblant, la paranoïa y régnait vraiment à un poste de qualité cardinale.

Elle fit donc le tour de la chambre, son détecteur en main. Une espèce de fantôme vouté par la chaleur, son air extrêmement grave ne laissait rien deviner de la satisfaction toute professionnelle que lui faisait ressentir cette tâche. Un regard sur l'écran de son détecteur. Rien d’anormal. Rien ne pouvant indiquer qu’un dispositif d’écoute ou d’observation sans fil ne soit caché où que ce soit. Restait donc les dispositifs classiques. A l’ancienne. Elle grimpa sur le lit pour démonter le plafonnier – rien – la lampe de la table de chevet – rien non-plus – les tiroirs, le lit, s’assura que le miroir ne cachait rien, puis le détecteur de fumée, puis les prises. Rien, rien, rien. Parfait. Elle fouilla sa veste et en sortie les éléments disparates d'un petit dispositif de vision nocturne qu’elle enfila le temps d’une inspection rapide du sol et des murs. Les caméras à infrarouges et autres visions nocturnes – sensément activée considérant l’obscurité relative qui régnait sur la chambre – pouvaient être repérées de la sorte. C'était leur gros défaut, et ce pourquoi en toute logique on ne donnait pas de chambre d'espionnage à un agent vétéran. Sauf, peut-être, pour l'intimider. Lui indiquer qu'on savait qu'il savait. Quelque-chose dans ces eaux là.

Rien. L'ingénieure ne semblait pas sous surveillance, ce qui en soi ne prouvait rien mais signifiait aussi qu’elle n’avait pas grand-chose à faire en attendant la suite des opérations. Peut-être qu'elle était en terrain allié, peut-être qu'elle était en terrain ennemi, mais pas encore à un stade où cela nécessitait des précautions supplémentaires, peut-être qu'elle était tout simplement en terrain neutre.

Satisfaite, elle s’accorda quelques heures de repos.
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Ganfra dort. Elle dort dans le silence et la moiteur des nuits tièdes de l’Afarée. De ce sommeil jamais tout à fait serein que connaissent les petites villes. Elle dort comme une écorchée vive à qui on a laissé quelques minutes de repos. Ses côtes ouvertes par l’industrie du diamant et des métaux rares. Elle dort comme une sale terre. Toxique. Polluée par la civilisation et le sang. Comme dorment des milliers d’autres communes du continent. À jamais l’objet d’avidités extérieure. Soumise à ses caciques, puis aux colons, bientôt à d’autres, peut-être. Un sommeil incertain, terrifié, ponctué de spasmes, de gémissements. Des quelques mauvais souvenirs, ou peut-être plutôt, visions prophétiques que l’esprit se fait parfois, lorsqu’il analyse trop clairement une situation que la conscience refuse encore de voir. Et au cœur de Ganfra, les hommes dorment. Les femmes dorment. Les enfants dorment. Les animaux de compagnies, les petits mammifères, la plupart de ce qui vit, dort de même. Dans une expectation électrique qu’on ne peut pas uniquement mettre sur le compte de l’air trop chaud, trop lourd, et de ces lourds nuages qui se sont accumulées des kilomètres au sud, le long des côtes.

Quelque-chose a changé.

Une voiture remonte dans le sens du vent. Il vient des côtes et des grandes villes. Les cités princières, où festoient les colons, leurs fonctionnaires, leurs serviteurs les princes et les nobles locaux, qui ont bien profité du festin et se sont gavés jusqu’à plus faim. Tout leur règne a été un pillage. Les listoniens ont industrialisés le processus mais, au final, la théorie de l’écoulement s’est appliquée. Les parasites d’alors ont fait alliance aux parasites d’aujourd’hui, et ils ont bien bu le sang du peuple. Il n’en restera bientôt plus une goutte.

Les phares de la voiture éclairent la route. Elle est goudronnée, celle-là. Mais vieille. Des générations de poussière et de sable la couvrent. On devinerait presque les traces des camions qui faisaient la navette, du temps où Ganfra était active, où ses mines puisaient encore dans la terre, les richesses que l’on arrachait aux habitants. Maintenant on ne tirait plus rien de cette ville que des impôts, des taxes sur le commerce. À la surprise générale elle n’est pas morte. Les habitants, par un mélange bizarre de lassitude et de courage, sont restés après la fermeture des mines, des usines. Ont reconvertis le centre industriel en centre marchand. Comme ça a été rendu possible par ces énormes routes construites pour prendre et transporter les richesses ailleurs, les colons s’enorgueillissent d’un succès de plus. Mais bien-sûr, ils ont développé la province. Mais bien-sûr, ils ont créé des installations, des routes. Routes qui ne sont plus entretenues, mais ça fera l’affaire pour le moment. Ganfra vivra encore un peu du commerce qu’elles permettent.

La voiture accélère un peu, le temps presse. A son bord les mines sont fermées. On se tait. On a plus rien à se dire. On garde tout pour la réunion qui doit avoir lieu. Les intêréts sont nombreux, et même s’ils convergent, le silence donne une impresion facheuse. Comme si ces visages se détestaient. Comme s’ils n’avaient rien à faire ensemble. C’est peut-être le cas. Ou peut-être qu’on a peur de trop se détendre. De parraitre amis. De discuter. Les temps sont durs, troublés. Les hommes listoniens, ceux des princes, aussi, tous sont aux aguets. Il ne faudrait pas donner l’impression qu’une collusion se forme dans leur dos, quand bien même c’est effectivement le cas. Alors on garde le silence. Sur la plage arrière, il y a des mallettes et des caisses. L’une d’entre elle porte le logo d’une grande compagnie d’armement. Sa propriétaire, installée sur un siège passager, mange un sandwich. Ce qui est un peu amusant, car en dehors de ce point elle semble peut-être être la moins à sa place dans l’assemblage disparate de jeunes, de vieux, de traditionalistes et de fâcheusement nouveau qui compose les passagers du véhicule. Elle fait simplement propre sur elle. Moderne. Libérale – au sens le plus strictement capitaliste et dénué de personnalité que l’on peut trouver au mot. Après un temps, et une dernière bouchée de sandwich, elle s’exprime enfin.

Et donc elle est fiable?

Ça acquiesce un peu. Elle regarde le paysage et grogne. Elle a intérêt à l’être.

La voiture arrive enfin à Ganfra. Elle décélère, s’arrête dans la cour intérieure d’un motel où elle se range à côté d’une camionnette arrivée une heure plus tôt. Les passagers descendent, la grande femme en tailleur essuie ses mains sur un mouchoir gris marqué d’un logo, le conducteur – un jeune – se dirige vers le bar en compagnie d’un mastoc qui a un pistolet à la ceinture, un autre passager – vieillard, petit, borgne, bouteille joyeusement jusqu’au motel, grimpe les marches jusqu’au premier étage. S’approche d’une porte.

Ganfra dort encore. Ce n’est pas le cas de son invitée. L’Ingénieure a tout entendu. Tout vue. Elle attend, accroupit derrière les stores, à couvert derrière un meuble dont elle sait qu’il ne sera d’aucune aide en cas de fusillade. Là encore, une bonne habitude, rendue inutile par la situation. L’homme approche de sa porte. Elle a les mains serrées sur la poignée d’un pistolet. Arme de poing discrète, 9mm d’un classicisme absolu. Solide. Capable de résister au sable et à toute la merde qui va de pair avec Afarée. Elle a même mis son silencieux. Elle sait que l’usage sera limité. Il y a des soldats Listoniens en ville, et un poste de shérif à moins de cent mètres. Le silencieux jettera peut-être un doute sur la nature des deux ou trois premiers tirs. Maximum. Soit quelques secondes supplémnetaires pour prendre la fuite en cas de besoin. Toujours ça de pris.

L’autre est immobilisé devant sa porte. Il frappe plusieurs coups. Elle le reconnaît, malgré l’obscurité et les stores bloquant son champ de vision. Elle reconnaît aussi sa voix.

« Alors Agi’, on veut me voir ? »

L’ingénieur se relève sans ranger son arme, puis ouvre la porte. Elle était dans la chambre d’à côté. Mesure de précaution habituelle. De toute façon l’autre est monté seul, parce qu’il ne cherche manifestement pas à provoquer une fusillade en plein motel. Précautions. Précautions. Un monde de précautions inutiles. Jusqu’au jour où elles ne le sont plus. L’homme se retourne en entendant la porte s’ouvrir. Il fronce les sourcils, pas très fan des précautions, celui-là. Fixe la porte à laquelle il a frappé. Souris. Bon. Eh bien il semble avoir compris. Mohammed n’a jamais été un imbécile.

« Agi’, où est mon respect bordel ? Tu me fais plus confiance ? Après toutes ces années ?
Au cas où tu l’aurais pas remarqué il y a des nouveaux prestataires sur le marché de l’indépendance. Je préfère rester prudente.  »

Elle fait enfin disparaître son arme dans un holster accroché à l’intérieur de sa veste, puis attrapera la main que lui tend son contact pour la serrer vigoureusement. Mohammed est un vieil ami, et pour tout dire elle en était presque à lui faire confiance. L’autre lui rendit sa poigne avec un petit rire satisfait qu’il acheva tout de même sur un raclement de gorge.

« Oui. Tu as sans doute raison d’être prudente.
Tu n’es pas venu seul.
J’ai pensé qu’on pouvait gagner du temps. Il fit un geste en direction des escaliers, puis se mit en marche, ouvrant la voie de son petit pas claudiquant. Tu en as pour longtemps, ici ?
Si tout se passe bien, je vais subir votre climat pour encore quelques mois.  »

Ils marchèrent ensemble sans rien ajouter de substantiel. C’était une de ces amitiés professionnelle, pleine de sentiments extrêmement dignes et d’une confiance vouée à ne jamais sortir d’un cadre spécifique. On n’avait, au final, pas grand-chose à se dire, mais on mangerait ensemble, en silence, avec plaisir. Mohammed était un de ces hommes qu’un aspect étrange et un comportement à priori volubile faisaient passer pour un genre de petit vendeur d’arme, ou d’arnaqueur de passage. Dans les faits c’était essentiellement l’un de ces héros silencieux des révolutions à venir. Grand orchestrateur des changements, Charon de l’évolution qui mettait les uns et les autres en contact et s’assurait pour faire transiter chaque jour un peu plus de vivants du côté des morts. L’armée de ceux qui n’avaient plus rien à perdre. Les rebels, révolutionnaires, indépendantistes par conviction sincère. C’était un type immensément fiable, respectable, et efficace dans son domaine.

Aglaya Lilich, pour sa part, était simplement l’Ingénieure. Une figure à laquelle les milieux locaux de la révolution vouaient une confiance loin d’être aveugle, mais tout à fait sincère. Qui avait déjà donné des gages et des preuves de son engagement, tout en restant délibérément mystérieuse sur la nature précise de ses maîtres. Quoi que le terme maître, employé sur un ton de taquinerie, tendaient à l’agace, du peu qu’on arrivait à interpréter de son comportement ferme. Et à en croire la littérature qu’elle rependait et les termes qu’elle employait, elle était probablement une espèce de socialiste révolutionnaire. Ou au moins au service de ceux-là. Elle parlait des colons avec plus de colères encore que leurs victimes, ne supportait aucune forme d’impression, avançait avec efficacité et méthode. Elle était comme une machine à faire la révolution. Ou plutôt, à l’organiser. Infectant le cœur de ses interlocuteurs d’idées dissidentes qui, à terme, germaient en autant de possibilités de libération par les armes ou la résistance civile. Avec le temps, on avait bien compris qu’elle était kah-tanaise, probablement. On ne s’en faisait pas. Du fait de la proximité de ses communes exclaves, véritables havres de liberté et de prospérité, l’Union avait bonne presse dans la région.

Le duo arriva dans une cave bien éclairée et meublée. Un grand espace rectangulaire située sous le bar, éclairé par des néons et meublée avec soin. Une grande table centrale occupait le centre de l’espace et les murs étaient couverts de bibliothèques, tables basses, et percés de loges où se trouvaient des fauteuils. Un genre de mélange entre une salle de réunion clandestine, et un tripot.

Les autres avaient commencé à préparer les discussions. Sortant des mallettes des cartes et des plans, de quoi écrire, un dispositif radio, d’autres choses encore. L’Ingénieure décida de faire bonne impression en se montrant aussi agréable que possible avec ses futurs collègues. Elle pointa du doigt un jeune homme en vêtements chics, puis une grande femme noire, crâne rasé, dans un costume tailleur gris impeccable.

« Lui je le connais pas, elle non-plus. Elle fit un geste ample englobant une bonne moitié de la salle, et lança un regard froid à Mohammed. Pas de passif avec eux. Sors-moi une bonne raison de les avoir à cette réunion. »

Tous les regards étaient maintenant sur elle. De l’incompréhension, de la curiosité. Qu’est-ce que ça voulait dire, la réunion était annulée ? Le jeune homme fit un pas vers l’ingénieure, soucieux de s’expliquer.

« Madame... »

Mohammed secoua la tête.

« Je vais lui expliquer, restes à ta place. Lui c’est Sharaf el-Sabir. Architecte, il vient de Nasabis.
La capitale. Elle croisa les bras. Il est sûr ?
La ligue pour l’indépendance nous l’a envoyé. C’est un communiste.
Et elle ? Un geste en direction de la femme en tailleur gris. Elle avait un logo brodé sur l’épaule gauche, et quelque-chose dans ses vêtements faisait un peu paramilitaire. Pourtant elle dégageait une énergie plus calme. Celle d’une haute fonctionnaire, peut-être. Partout à sa place, mais nul-part chez elle. Constamment à juger, jauger, évaluer la situation. Mohammed approcha de la femme et se plaça sur sa gauche, acquiesçant avec un petit sourire en coin.
Notre contact chez Saphir Macrotechnology. Les marchands d’armes. Elle est des nôtres, à côté de ça.
On peut pas faire confiance aux corporats. »

La femme de chez Saphir acquiesça et haussa un sourcil.

« Bien d’accord.
Elle se fout de moi ? L’ingénieure pris Mohammed à témoins, avant de visser son regard dans celui du contact. Hey, toi, tu te fous de moi ?
J’ai aidé à poser des bombes et à organiser des assassinats au sein de la compagnie et de l’administration de trois colonies Eurysiennes. J’ai déjà donné des gages de ma fidélité : votre groupe est en mesure de me retrouver moi ou mes proches, en cas de trahison. Mais cela n’aura pas lieu. Je veux cette indépendance autant que vous. »

Le sourire de Mohammed s’accentua un peu. Il fit un geste en direction de la corporatiste, et haussa un peu les épaules.

« Zula est cool. »

Puis ce fut au tour de l’ingénieure de sourire.

« Je vois ça. Et, en se plantant face à la table pour fixer les plans qu’on y déroulait. Assez perdu de temps, commençons. »
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logos des services secrets alguarenos et du Clan saadin kodedan.

26 juin 2007 - CONFIDENTIEL - Après la guerre civile varanyenne, l’Afarée occidental vient également intéresser les investisseurs et lobbys étrangers.


Le Prince Mutarrif ibn Saadin des Beïdanes et un seigneur de guerre mandrarikan.
Le "Prince" Mutarrif ibn Saadin des Beïdanes (à gauche) a récemment rencontré divers interlocuteurs, d'abord en provenance de la Fédération d'Alguarena mais aussi du Varanya et de Mandrarika, ces deux derniers pays ayant une culture des conflits armés marquée par la guerre civile et les seigneurs de guerre, constituent des partenaires de choix dans la constitution d'un groupe paramilitaire dédié aux intérêts du clan Saadin.


Des puissances étrangères, à l’image de la Fédération d’Alguarena, peuvent-elles nourrir les mêmes ambitions sur le reste du continent afaréen? La question se fait de plus en plus pressante dans la sphère politique naissante du Kodeda car alors que la guerre civile varanyenne s’est achevée il y a un peu plus de deux ans, les investisseurs étrangers reviennent dans le pays de la pointe orientale afaréenne. Le Kodeda, qui souhaite emprunter un virage dans son développement et son aménagement territorial, peut-il intéresser des capitaux étrangers identiquement à son homologue d’Afarée?

Après la distanciation des diplomaties alguarenas et listoniennes, eu égard aux joutes verbales débutées avec le ministre impérial de l’époque rattaché aux affaires extérieures, la classe politique alguarena s’était interdite toute visite diplomatique auprès d’une administration listonienne, que ce soit en métropole ou dans ses colonies.

Dès lors, l’indépendantisme cultivé sur les colonies listoniennes peut-il nourrir l’intérêt de ces pays qui ont tourné le dos à l’Empire? Pour la conseillère Sharmila al-Undi du clan Saadin, la réponse ne peut être que oui, car le changement de régime dans l’espace territorial impérial est l’opportunité de multiplier les réussites alguarenas et étrangères en :
  • faisant fi des dissensions politiques passées autour de ce qui allait devenir le conflit pontarbellois, le traité de fraternité entre la Listonie et le Pharois Syndikaali, point culminant de la rupture dans la relation alguo-listonienne.
  • en désolidarisant le nouveau régime du Kodeda de ses alignements imposés par l’Empire listonien, particulièrement en ce qui concerne le rapprochement entre la Listonie et le Pharois Syndikaali.
Ça n’était pas arrivé depuis la fin de la guerre civile varanyenne, aucun militaire alguareno n’avait à nouveau posé le pied sur le continent afaréen lorsque le capitaine Eudoxio Ruvalcaba avait sollicité une entrevue officieuse avec le Prince Mutarrif ibn Saadin. L’officier alguareno, d’ordinaire affecté à l’école militaire de Zararenas, avait reçu lettre de mission pour une durée indéterminée, afin d’aller l’un des chefs de clans Beidanes que l’ère coloniale avait longtemps mis de côté, offrant la part belle aux clans corrompus et aux lobbys listoniens de métropole.

Sécurité du Prince : Majesté, votre visiteur M. Ruvalcaba est ici, nous le faisons patienter dans le grand hall. Devons-nous vous l’envoyer maintenant?

Prince Mutarrif ibn Saadin : Allez-y envoyez le moi.

Sécurité du Prince : Ici? Ou en salle?

Les raisons d’une telle insistance faite par l’homme de main à son employeur se liaient très certainement à la présence de deux escorts girls, allongées sur le canapé aux côtés de cette aristocratie décadente dont les proches s’affairaient quotidiennement à cacher les vices.

Prince Mutarrif ibn Saadin : Ici, c’est très bien, envoyez-le moi !

Le richissime chassa les gazelles bipèdes, davantage pour s’affranchir d’oreilles indiscrètes que par crainte du qu’en dira-t-on. Et une minute plus tard même pas, le militaire étranger fit son entrée en salle, croisant les deux amantes sur le retour.

Capitaine Eudoxio Ruvalcaba : Majesté, Capitaine Eudoxio Ruvalcaba. C’est moi qui suis chargé de vous accompagner dans les changements envisagés. Avant toute chose et à ce stade des opérations, quels sont vos soutiens à l'intérieur du territoire?

Prince Mutarrif ibn Saadin : Pour dire vrai et simplement les choses mon cher capitaine, je n’en ai aucun. Les récents sondages étaient favorables à l’indépendance, nous offrant un soutien égal à 70% de la population. Mais une fois la volonté d'indépendance pour le pays partagée, cet élan s’est dispersé au profit de différentes forces politiques auxquelles on ne m’a pas associé… Le soutien populaire n’est pas acquis. Mes idées ont planté une graine et celle-ci est en train de germer. Il me faut reprendre le contrôle.

Capitaine Eudoxio Ruvalcaba : Je partage le même constat mais à ce stade, les gens chérissent pour l’heure des pensées politiques et non une personnalité. Vos opposants actuels sont des courants politiques et en cela ils sont difficilement déboulonnables sur le terrain pour lequel j’ai vocation à vous accompagner. Une fois que les têtes d’affiche seront connues, j’aviserais soyez en certains…

Prince Mutarrif ibn Saadin : Il ne m’est pas possible d’envisager une indépendance du Kodeda par les élections ou un référendum, quand bien même l’issue du scrutin irait dans ce sens qu’il serait tout de suite exploité par un parti. En tant que représentant des familles traditionnelles, je n’y ai aucune chance pour incarner le renouveau. Ma famille s’est nourrie du sein listonien, en privilégiant des investissements en dehors du territoire, aucun des individus qui viendrait voter ou manifester pour l’indépendance dans la rue, ne m'identifie parmi les bienfaiteurs de ce pays. En tout cas, pas sans un réel coup de pouce.

Capitaine Eudoxio Ruvalcaba : C’est pour ça que je suis là majesté. La case élection a d’ores et déjà était exclue par ma hiérarchie. En tout si elles devaient malgré tout avoir lieu, nous n’y attendons rien de probant. Nous pensons effectivement que vous n’êtes pas, en tout cas perçu, comme le meilleur choix populaire possible pour diriger le Kodeda en l’absence de l’Empire listonien. Et si vous n’êtes pas le meilleur, on se contentera de faire en sorte que vous ne soyez pas le pire, en provoquant un chaos tel dans la société civile que vous pourrez paraître en figure reposante et salvatrice pour votre communauté…

Prince Mutarrif ibn Saadin : Couper des têtes, avec ou sans cravate, n'est pas un problème pour moi. Foutez-moi le boxon, je veux que les autorités impériales soient incapables de contenir la violence qui parcourt le territoire et que les kodedans aient tellement la trouille qu’ils se refusent à sortir pour réclamer quoique ce soit, si ce n’est la vie sauve.

Capitaine Eudoxio Ruvalcaba : Le marché du mercenariat s’est suffisamment développé pour vous trouver les hommes qu’il vous faut. Je connais d’ailleurs en Mandrarika des unités toutes appropriées pour la conduite d’exactions contre les populations civiles. Connaissez-vous la Mandrarika? Charmant pays où vous trouverez plus de seigneurs de guerre que de sable dans le désert ! Les mercenaires là-bas ne sont pas les plus chers, le souci est qu’ils n’ont pas la logistique militaire pour rejoindre le Kodeda. Avez-vous les moyens d’investir dans des équipements de transport militaire?

Prince Mutarrif ibn Saadin : On parle de combien?

Capitaine Eudoxio Ruvalcaba : Si je veux monter un commando digne de ce nom, il me faudrait 30 millions de pesetas alguarenas (soit 30 000 points développement), identiquement à ce que j’ai pu voir au Pontarbello…

Prince Mutarrif ibn Saadin : C’est une grosse somme, je dois en avoir à peine 10 millions…

Capitaine Eudoxio Ruvalcaba : Ecoutez majesté, ma hiérarchie n’est pas venue au Kodeda pour faire de vous leur poule aux œufs d’or, l’argent n’est pas l’objet de mon arrivée chez vous. Nos récentes opérations au Pontarbello ont déjà permis le financement d’une enveloppement de 30 millions de pesetas alguarenas, notre agence secrète fédérale, l’Oficina de Investisgacion y Seguridad Federal (OISF) peut les avancer, ce qui importe c’est ce qu’elle attendra en retour si elle avance cette somme et qu’elle vous finance le commando nécessaire à la prise du pays, à la prise du pouvoir…

Officiellement, je suis en permission et en voyage au Kodeda, indisponible pour 3 mois auprès de l’armée fédérale pour avoir effectué neuf mois d’opérations sur l’année écoulée. Alors faite-moi confiance, je trouverai l’argent et les hommes dont vous avez besoin, ce qui vous importe c’est de savoir si une fois au pouvoir, vous serez en mesure de pouvoir entretenir votre gratitude envers notre pays et favoriser ses intérêts dans la région, où les intérêts kah-tanais sont jusqu’ici très marqués à quelques centaines de kilomètres à peine…

Prince Mutarrif ibn Saadin : Mille fois oui, capitaine. Si le Kodeda prône l’indépendance et finalement la République, ma position en société sera durablement atteinte et rien de ce que les listoniens laisseront ne me reviendra… Trouvez-moi de ces paumés mandrarikans avec les 10 millions de pesetas alguarenas que je peux d’ores et déjà avancer.

Capitaine Eudoxio Ruvalcaba : 10 millions de pesetas alguarenas pour recruter des combattants mandrarikans afin de semer le chaos dans les provinces entourant la capitale, parfait. C’est de nature à ébranler le pouvoir impérial et son administration locale de façon durable, tout en effrayant les populations civiles pour qu’elles aspirent à la sécurité et l’ordre. Moyennant d’autres enrôlements, cette fois-ci faits auprès du Jaguar Paltoterran, je vous présenterai la force militaire à la hauteur de vos ambitions et ainsi croyez-moi, vous ne serez peut-être jamais le meilleur candidat pour le rôle, vous serez au moins le plus adapté… Et quand les besoins les plus élémentaires de la population ne seront pas remplis, notamment en matière de sécurité, c’est bien tout ce qui importe pour les populations civiles avant d'envisager la suite…

Prince Mutarrif ibn Saadin : C’est parfait, je vous remercie pour ce rappel de confiance et d’intérêt envers ma famille, faites-moi savoir ce soir, sous quels délais pensez-vous pouvoir me détailler le contingent retenu. Que Dieu veille sur vous dans cette quête capitaine.

La relation entre les îles fédérées d’Alguarena et le continent afaréen a longtemps connu une période de flottement, le premier ayant très largement dû concentrer ses efforts récents sur le Pontarbello, pour s’offrir un jeu favorable après que l’administration impériale listonienne de métropole ait décidé de brader la souveraineté de ces territoires en y autorisant l’accès militaire aux puissances étrangères dont la plus notable est le Syndikaali Pharois. Mais le positionnement géographique mondiale du Kodeda et sa proximité avec les territoires ultramarins du Grand Kah en fait un terrain stratégique pour le développement des intérêts alguarenos. Pour être très factuel, un accord militaire avec des autorités kodedanes amicales qui permettrait l’accès aux unités alguarenas en transit là-bas serait en mesure de conférer aux îles fédérées une capacité de projection redoutable, à moins d’une journée d’avions dans l’essentiel du globe, pour ne pas dire sa totalité, si l’on considère d’autres points d’accès militaires, entretenus au Varanya notamment.

Sous pression avec le dossier du Pontarbello, les autorités fédérales alguarenas veulent trouver de nouveaux pions susceptibles de retourner face au Grand Kah une menace grandissante auprès de ses possessions afaréennes, dont la présence en Afarée occidental vient entretenir une inconnue sur les intérêts commerciaux alguarenos, après la chevauchée téméraire et sournoise de l’aviation militaire kah-tanais dans le ciel alguareno, initiant des duels aériens de longue haleine avec les pilotes latinos.

Influer sur le niveau de stabilité actuel des possessions extra-continentales kah-tanaises est donc une réelle opportunité pour les agences gouvernementales alguarenas. Dans ce contexte, nouer des partenariats avec des lobbys étrangers est naturellement privilégié, sur la base de contreparties permises par l’effondrement d’un régime impérial mourant et dont l'abrègement des souffrances vient se monnayer chèrement auprès de micro-sphères politiques, aspirant à une prise de pouvoir rapide, dès les premiers échecs rencontrés.

Revenir dans le jeu, au prix du quoiqu’il en coûte, si l’on considère ici la nécessité d’installer au Kodeda une aristocratie peu méritante, ancrée dans le traditionalisme pour se faire le gouvernail d’un pays qui a soif de réformes, dans le cas où son indépendance pourrait être actée. Un terrain politique difficile à conquérir pour les services secrets alguarenos qui doivent miser de plus belle sur un éclatement de la société civile listonienne, pour ne pas dire kodedane. Un objectif qu’ils espèrent atteignables par la venue de soudards mandrarikans parmi les plus sanguinaires au monde et auxquels s’associeront très certainement des volontaires et combattants mercenaires varanyens. La République du Varanya et sa guerre civile sur plusieurs années, ont en effet obligé les populations à se conscrire pour prendre les armes contre les factions en présence, ce qui a eu pour effet direct de faire naître des hommes par la guerre, et de faire vivre d’autres hommes par celle-ci…
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Le destroyer Päivää stationnera trois jours au large de l'enclave pharoise du Kodeda

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C'était une promesse du gouvernement du Syndikaali au Gouverneur o Prefeito, le navire de guerre pharois, le Päivää, assurera le temps des négociations la protection des mers de la région. Faute de marine conséquente et ne pouvant plus compter sur les forces militaires impériales listoniennes, le Shibh Jazirat Alriyh (et son voisin le Tamurt n Althalj) ne peuvent suffire à garantir seuls la sécurité dans la zone. L'occasion pour la marine pharoise de faire une escale en amont de la côté ouest, au Kodeda, la seconde province listonienne d'Afarée occidentale où elle possède également une enclave.

Si le Syndikaali continue de se montrer discret quant à son influence dans les terres coloniales listoniennes, limitant sa présence à la quelques dizaines de soldats envoyés sur place du temps où l'Empire existait encore, la puissance nord-eurysienne ne compte pas pour autant abandonner ses droits sur ces territoires.

Ne pouvant être sur tous les fronts à la fois, le Syndikaali se contente pour l'heure de jouer la carte de la modestie d'une main en ne s'impliquant que très peu dans les affaires politiques locales si ce n'est pour apporter un soutien (souvent conditionné) aux processus d'indépendance politique à l'initiative des locaux. Cela ne l'empêche pas de rappeller également ponctuellement sa présence de l'autre main, en faisant démonstration de sa capacité de projection militaire.

C'est sans doute la raison de cette escale de trois jours décidée au Kodeda pour le Päivää. Officiellement l'occasion pour le capitaine Hesekiel, officier de marine et capitaine du navire, de rencontrer son homologue sur place, le capitaine Eelis, en charge de la protection de l'enclave. Une poignée de main et plusieurs heures de discussion sous la tente militaire pour un résultat secret défense.
Le capitaine Hesekiel a toutefois pris le temps de vanter le climat afaréen et, au nom de sa double nationalité pharo-listonienne, de visiter le port de Kodeda où il a pu être aperçu en train d'acheter des fleurs "pour une amie qui [lui] est chère".

Pour l'heure, la province de Kodeda n'a toujours pas donné les signes d'un désir d'indépendance de la part de la population, ce qui explique certainement la discrétion des Pharois à son égard, déjà occupés sur de nombreux autres fronts. Après tout, les déclarations conjointes du Capitaine Mainio et de José Esteban, premier homme politique listonien à avoir engagé sa province sur cette voie sont limpides : en cas de désir d'indépendance, le Syndikaali se portera toujours garant du processus. A l'unique condition que celui-ci se fasse de manière pacifiée... et que les droits des pharois soient préservés.
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logos des services secrets alguarenos et du Clan saadin kodedan.

Juillet 2007 - CONFIDENTIEL - Les services secrets alguarenos, les discrets agents recruteurs des mercenaires internationaux.


Cristobal Ravatomanga (surnommé Charko) est l’un des mercenaires réputés en provenance de Mandrarika, où il a longtemps combattu aux côtés d’une seigneurie de guerre locale.
Cristobal Ravatomanga (surnommé Charko) est l’un des mercenaires réputés en provenance de Mandrarika, où il a longtemps combattu aux côtés d’une seigneurie de guerre locale.


Dans une région ultramarine aussi ébranlée qu’est le Kodeda, après le démantèlement progressif de l'administration centrale impériale listonienne, la fiabilité des personnes se fait une donnée de plus en plus aléatoire et le recours aux mercenaires étrangers et afaréens constitue une nouvelle aide à l’assise d’un pouvoir local, pour ne pas dire claniques. Un pouvoir partagé entre des factions diverses.

Afaréens ou d’ailleurs, les mercenaires employés par le clan saadin justifient pour la plupart d’une expérience en situation de combat déjà éprouvée. Révolutionnaires varanyens, combattants mandrarikans pour les seigneuries de guerre ou agents du Jaguar Paltoterran, de nombreux miliciens et combattants du monde entier espèrent aujourd’hui faire leur labeur auprès du clan saadin, multimillionnaire si l’on en croit les derniers registres fixant à 21 millions de pesetas alguarenas le montant de ses épargnes stockés au sein des banques mandrarikanes.

Cristobal exulte de son côté, il vient de recevoir le premier versement de sa solde après avoir signé un contrat de sécurité avec le clan Saadin.

-” Y a pas de comparaison possible, la famille Saadin me verse pour acompte ce que je touchais pour 6 mois lorsque je combattais pour le compte des seigneurs de guerre en Mandrarika…” explique ce baroudeur invétéré. “Ma famille est restée au pays, elle a quitté les territoires des seigneuries de guerre pour rejoindre la zone gouvernementale, ils vont avoir besoin de cet argent car dans les seigneuries la mentalité clanique oblige les uns à veiller sur les autres mais en société mandrarikane, il faut de l’argent puisqu’ils sont livrés à eux-mêmes…” L’homme manipule impassiblement son fusil d’assaut et marque les coups de bon fonctionnement, sans toutefois avoir engagé de chargeurs. “Je vais aller au Kodeda et j’arracherai autant de coeurs que le clan Saadin pourra me payer…”

Aux côtés de Cristobal, ce sont en réalité des milliers d’hommes qui s’apprêtent à franchir le pas et parfois l’océan lui-même tel que celui du Deltacruzando.

Shapoor Tavakoli, un ancien soldat de l’armée impériale varanyenne qui avait rejoint celle de la Révolution, n’est pas non plus en reste pour parler de ses nouveaux employeurs. “J’ai servi dans l’armée, au Varanya, j’ai vu des contractors à la pelle là-bas. Et contrairement à ce que l’on pense, un soldat ne choisit pas ses combats, le mercenaire si. Qui est le plus immoral des deux ? Celui qui se bat là où on lui dit de se battre sous peine d’être assimilé à un déserteur et d’être déchu de ses droits civiques, ou bien celui qui se bat pour l’argent et peut raisonnablement tout envoyer voler lorsque la mission ne lui plait pas? Des deux, qui est l’aventurier? Qui est le plus à même de défendre ses valeurs? Le mercenariat m’a rendu meilleur…”
Juan Martín Campos, un alguareno originaire de la Sobraraz (ARKOHA) est le fameux mercenaire en question qui a convaincu Shapoor de rompre avec sa vie passée et de débuter l’aventure, fut-elle aux quatre coins du monde. Après avoir brièvement combattu ensemble au Varanya lors de la Révolution démocratique, les deux ne se sont en effet plus quittés et exercent aujourd’hui comme indépendants. “J’ai toujours aimé travailler en solitaire pour ne pas m’imposer des contrats là où j’ai pas particulièrement envie d’être. Mais ces dernières années, le mercenariat s’est renforcé partout dans le monde et de nombreuses missions, jadis confiées aux forces armées, sont maintenant assurées par des sociétés militaires privées. Quand j’ai débuté le mercenariat je faisais de la protection de sites et de personnalités. Aujourd’hui, vous intervenez pour la neutralisation d’un ou plusieurs individus, la capture d’une structure en territoire hostile, etc… Il faut de vrais moyens humains et matériels derrière de telles opérations. C’est donc naturellement que les mercenaires indépendants se tournent davantage vers le partenariat ou le salariat, pour justement poser plus de moyens sur la table et toucher ces nouveaux marchés en pleine expansion…”

Des horizons et des motivations divers qui font aujourd’hui du mercenariat un facteur de mondialisation à part entière avec les autres. Un mercenariat qui trouve aujourd’hui de réelles opportunités dans l’effondrement de l’Empire Listonien, offrant à chaque région en instance de décolonisation, l’opportunité de se redessiner sous les traits imposés par la loi du plus fort.

Budget des opérations OISF/Saadin actualisé au Kodeda a écrit :
26 038 points de développement
11400
Suite de ce poste.


Les discussions s’étaient prolongées jusqu’au petit matin, après lequel chacun avait décidé de prendre quelques heures de repos, le temps de mettre au courant les différents groupes d’intérêts qui avaient dépêché leurs envoyés, et aussi de dormir trois, quatre heures, le temps d’un cycle de sommeil, pour attaquer la seconde partie non-moins importante – dans de bonnes conditions. L’esprit frais. L’Ingénieure , Mohammed, l‘architecte Sharaf el-Sabir, Zula, de Saphir Machrotech, et l’ensemble des autres représentants voulaient faire les choses proprement. Ils savaient bien que la décision finale ne leur revenait pas. Que tout serait décidé par les congrès, les parlements populaires, les mécènes étrangers, les financiers du groupe d’armement, les princes populistes, les fonctionnaires évoltés, les milles et unes instances qui faisaient la politique secrète et complexe du réseau indépendantistes. Ils n’étaient qu’autant de membres, excroissances, pseudopodes sensibles envoyés tâter le terrain déblayer le passage, permettre les bases d’un accord. Ils ne valideraient rien sans l’accord explicite de ce qu’on pouvait appeler, à défaut de mieux, une direction. Nul ici n’était plénipotentiaire. Mais tous avaient la sensation de faire l’histoire. La nette impression que leur absence de pouvoir réel ne justifiait en aucun cas de la complaisance ou, pire, de la fainéantise. Ils faisaient les choses proprement.

Passé les présentations d’usage on passa directement au vif du sujet. Mohammed s’était éloigné pour aller faire chauffer une théière sur une plaque au gaz. Elle avait été modifiée, en irrespect flagrant avec les règles de sécurité en vigueur dans la région, pour brûler bien plus intensément qu’elle ne l’aurait dû. Ainsi la bouilloire siffla bien vite, et le thé fut prestement distribué aux autres. Ceux-là s’étaient rassemblés autour de la table ou Sharaf avait déployé un plan, puis un calque le recouvrant intégralement. On devinait une carte schématique de la région. Les Grands Séques au nord, Granfra au centre, la route de bitume si propre, qui traversait Kodeda jusqu’à sa capitale, Nasabis.

L’ensemble était schématique, ne contenait que les informations utiles à sa compréhension immédiate. Un petit livret, propre, contenait les détails nécessaires à la réalisation du projet. Poches souterraines, qualité du sol, estimation du prix des travaux, avec quelles ressources, quels investisseurs éventuels, ainsi de suite.

J’ai revu l’ensemble de vos plans.

L’architecte s’adressait à Aglaya Lilich, qui acquiesça pour lui indiquer de continuer. Elle parcourait son calque des yeux. Des petites notes, des traits rouges dessinés çà et là, quelques remarques, des points d’interrogation. Elle se serait cru de retour à l’académie, face à un professeur corrigeant une copie. Sauf que le professeur était plus jeune qu’elle. Elle devait au moins lui reconnaître que sa formation, et la région où elle avait eu lieu, pouvaient se traduire en une plus grande expertise.

En bref, on envisageait la création d’une route. Une vraie de vraie, authentique, entretenue, propre, utilisable sans difficultés, routes. Le genre nationale, partant de la capitale en suivant le tracé vorace des artères reliant les ports industriels aux sites d’extraction miniers, et les prolongeant selon une ligne légèrement courbée – suivant le terrain le plus simple à construire – à travers les passes montagneuses délimitant la région, partant vers les Communes exclaves du Grand Kah, à quelques kilomètres. La porte d’à côté. Premier marché d’importation et d’exportation de la région, si on oubliait le vampire Listonien.

L’architecte continua d’un ton guilleret.

La Ligue pour l’Indépendance est très favorable à ce projet. Les lignes de commerce terrestre représentent un intérêt indéniable pour la province en termes d’opportunité et d’indépendance économique. De plus la proposition effectuée par votre groupe semble extrêmement réalisable, madame...

Elle leva une main pour l’interrompre ;

Mohammed m’a dit que tu es un communiste.
C’est vrai.

Il ne semblait pas comprendre où elle voulait en venir. Le passeur arriva à côté de lui, lui glissant quelques mots moqueurs, de l’ordre du « Tu verras », avant de poser une tasse de thé sur la table. L’ingénieur l’attrapa pour l’écarter du plan. Aglaya continua d’un ton cordial.

Si tu es communiste, tu peux m’appeler camarade.
Oh. Eh bien vos plans sont très bien pensés, camarade. Vous en êtes l’auteure ?
J’ai donné mon avis. Elle se pencha pour observer la courbe de la transnationale en devenir, courant le long de la province, s’arrêtant de village en village. Courrait avec elle des poteaux électriques, des canalisations d’eau désalinisée, un jour, peut-être, un train. Tout était très clair dans son esprit. Le projet, s’il se réalisait, était parfaitement pensé. Face à elle, Sharaf restait silencieux, la laissant à sa réflexion. Finalement elle se redressa pour le fixer.

Des sympathisants locaux ont eu la bienveillance de nous faire parvenir les études de terrain effectuées par les Listoniens.
C’est-à-dire ?
L’administration sait que ce projet est viable et a conscience qu’elle aidera la région. Beaucoup de fonctionnaires sont plus attachés à la région et à leur poste en son sein qu’à l'empire. Tu me suis ?
Oh.

Ce fut au tour de Zula d’intervenir. Pour le moment elle était restée totalement silencieuse, se contentant de remercier Mohammed pour le thé – de son ton toujours très corporate, dignifié. On devinait une forme d’habitude. Elle devait probablement se faire amener à boire dans son bureau, au sein de Saphir. Peut-être avait-elle un genre d’assistant dont c’était l’une des tâches les plus importantes. Pour un peu qu’elle tourne au café, la Zula ne devait pas être plus utile qu’un presse-papier sans sa dose quotidienne.

En l’état, cependant, elle semblait parfaitement éveillée, alerte, et ne donnait pas le moindre signe de syndrome de manque.

La Compagnie est prête à s’engager sur ce dont nous avions déjà discuté. Armer une milice dédiée à la protection des travaux puis de la route, équiper les milices populaires devant à terme suppléer les Listoniens, éviter l’engagement officiel d’un quelconque parti national dans l’armement des groupes indépendantistes locaux.

L’Ingénieure croisa les bras. Elle haussa un sourcil, l’air de lui demander où elle voulait en venir. Comme tout le monde dans la salle, elle s’attendait à l’inévitable "mais". Ce dernier eut la bonté de ne pas se faire attendre.

Mais nous avons besoin d’informations complémentaires.

Aglaya acquiesça, décroisant les bras pour attraper la tasse de thé que lui tendait Mohammed

Nous vous écoutons, camarade.
Non, je préfère que vous disiez "mademoiselle", me concernant.
Si vous y tenez.

Elle but une gorgée de thé, l’autre la remercia d’un petit signe de tête. Son visage n’exprimait rien et il était difficile de déterminer si l’interraction ne lui évoquait vraiment rien, ou si elle prenait simplement une posture professionnelle. Il s’agissait probablement d’un mélange des deux. Cependant Zula avait déjà explicitement affirmée être indépendantiste dans l’âme et dans l’action, elle tolérait probablement le parlé Révolutionnaire par habitude comme par intérêt.

Nous n’avons rien à redire sur la rentabilité potentielle de la transnationale. Les études accompagnant le projet sont claires et réalistes, c’est une bonne première étape pour assurer l’indépendance économique de la région dans les plus brefs délais. Cette première étape doit cependant se faire en collaboration avec les instances de pouvoir locales – listoniens, princes, oligarques.
Du pareil au même.

Elle acquiesça à la remarque du jeune architecte communiste, continua comme si de rien était ;

... Ou doit se faire après l’indépendance.
Aussi loin qu’est concerné Saphir, l’interrompit Mohammed de son ton toujours si aimable, l’indépendance est notre affaire.
Nous sommes prêts à participer aux efforts visant à l’atteindre s’ils nous semblent réaliste.
Et dans le cas contraire ?

Elle marque un temps, pencha légèrement la tête sur le côté, et parcouru les envoyés du regard, les uns après les autres. Finalement, elle lâcha un petit soupir.

Dans le cas contraire nous limiteront notre intervention aux domaines dont nous avions initialement discutés. Il n’est pas question de reculer à ce stade.

Les différents envoyés se regardèrent. Les silencieux, ceux qui ne représentaient jamais que des cellules locales, des micro-mouvements, des syndicats étudiants invités par politesse et par transparence, mais qui n’avaient en somme rien à dire, semblaient inquiets de ce qui pouvait à leurs yeux passer pour une collaboration active avec le Grand Capital dans sa forme la plus infâme : celle du commerce d’armes, de morts. Les trois grands – Aglaya, Mohammed, Sharaf, un peu moins. l’architecte hésita.

Nous devrions peut-être en reparler après notre rapport et...
Non. Mohammed secoua durement la tête. Si Zula a quelque-chose à ajouter, il faudra que ça parte dans le rapport de ce soir, pas après.
D’accord.

Ils se tournèrent vers Aglaya pour attendre son avis. L’ingénieure haussa un peu les épaules et passa directement à l’étape suivante.

Très bien. Cette réunion vise à vérifier que tous les composants du réseau soient bien sur la même longueur d’onde de façon à officialiser son existence. Nous allons nous faire reconnaître par des puissances régionales et exiger des négociations pacifiques avec l’Empire Listonien pour obtenir une indépendance suivant l’exemple de Jadida, et d’autres.
Bien.
Ce mouvement politique se voudra pacifique, mais nous comptons monter une milice armée. Le but sera de contrer toute tentative étrangère. Nous ne voulons pas d’un nouveau Pontarbello. D’où l’importance d’immédiatement entrer en contact avec des puissances étrangères.
Et concernant les Listoniens ?
Nous pouvons les mettre devant un genre de fait accompli : ou ils nous laissent obtenir l’indépendance pacifiquement ou l’Alguarena continuera sa guerre et prendra la région par la force : tout le monde sera perdant.
Et s’ils ne goûtent pas à la menace ?
Ce n’est pas une menace. À ce stade il est évident que l’Alguarena se compose un empire colonial en picorant les restes de la Listonie.
Tout de même, s’ils ne trouvent pas l’argument recevable ?
Nous avons d’autres cartes à jouer. Nous pouvons payer pour notre indépendance.
Avec quels fonds?
Vous savez qui je représente. Je suppose que cette réponse est suffisante en ce qui vous concerne.

Elle hésita. On avait jamais évoqué le Grand Kah de façon aussi ouverte, à aucune des réunions précédentes. C’était moins un secret qu’un non-dit. Tout le monde savait pertinemment quel jeu jouait la puissance la plus décolonisatrice du globe ; Après tout elle avait déjà joué les mêmes pions, dans le même ordre, deux fois, dans les provinces désormais dites "exclaves" bordant Kodeka. Après un long silence, Zula acquiesça enfin. Très lentement.

Vous savez ce que vous faites ?
Et vous, vous savez ce que je fais ?
Soit. J’informerai la Compagnie que votre plan est viable et qu’elle peut passer à un nouveau palier d’engagement.

Cinq heures plus tard, quand tous les envoyés s’étaient reposés, avaient fait leurs rapports, revenaient plein d’entrain et d’énergie pour attaquer la seconde partie de la réunion, les choses se firent sans difficultés.

Rapidement, on écrivit les premières lignes d’un manifeste, dont les premiers mots furent bientôt connus partout dans la province. Diffusés par le vent rapide de la libération, et ses nombreux réseaux d’influence.

Les mots étaient les suivants.

Les Princes nous ont volés. Les Listoniens nous ont volés. Les Oligarques nous ont volés.
Maintenant, de nouveaux empires veulent s'appuyer sur les mêmes princes, mêmes fonctionnaires, mêmes oligarques, pour nous voler.

Ils n’ont pas appris. Nous si.

Résolument populiste, indépendantiste, le texte était léger, bref, allant droit au but et indiquant aux intéressés quelle littérature acquérir pour comprendre les détails du plan. Pour les autres, il s’agissait d’exemples clairs, précis. Banairah, Althalj, communes libres du Grand Kah. Opposés à autant d’exemples, soumis aux dictats étrangers. Colonies Eurysiennes, Varanya soumise à l’étranger, toujours aussi inégalitaire et injuste, Mandrarika, aux seigneurs de guerre dopés par l’armement Alguarenos. Et des mots d’ordres simples. Coalisez-vous. Syndiquez-vous. Marchez ensemble. Exigez ce qui vous revient de droit. Exigez ce qui vous revient de droit ! De droit, oui ! Et si le droit n’est pas en votre faveur, exigez qu’il change. Le droit, c’est l’arme des puissants. Les puissants, les ennemis des faibles. Les faibles, les exploités, la population écrasée par la meule des oppressions. Le peuple n’a pas à être transformé en pulpe. Il peut à tout moment se dresser et réclamer sa propre liberté. Les exemples abondent. Il suffit de faire le premier pas.
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Un marché qui s’ouvre ce sont des tombes qui se creusent

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Les libéraux, c’est bien connu, adorent les marchés. Ils veulent en ouvrir de nouveaux partout. Quand ce n’est pas possible, ils détruisent des services publics pour les remplacer. Privatiser l’hôpital ? Quelle bonne idée, voilà plus de place pour les entrepreneurs de cliniques privées ! Et le rail alors ? Idem, tant d’entreprises attendent de s’engouffrer dans ce lucratif secteur d’activité…
Faute de pouvoir tout détruire chez soi, le mieux est encore de le faire chez les autres. C’est pratique d’ouvrir des marchés chez les autres : pourvu qu’ils soient un peu moins bien dotés que vous et vous pouvez débarquer, fort de votre expérience et de vos capitaux, leur apporter un service que – il faut bien le dire – ils n’ont jamais réclamé. Mais bon, quand même, des fois, ça rend service. Et puis ça installe des monopoles provisoires alors, tout le monde y gagne.

L’expertise pharoise est de niche. Intellectuels dégénérés, artistes d’avant-garde, scientifiques de pointe, certes certes, mais enfin, tout ça ça ne s’exporte pas vraiment…
L’expertise pharoise porte un nom : piraterie. Le Syndikaali ne cherche pas à ouvrir de nouveaux marchés : il est le marché. Le marché noir. La plateforme dérégulée où tout le reste pourra prendre place. Le terreau fertile du libéralisme économique rendu à sa forme la plus brutalement violente.

Aux nations à l’étroit dans le carcan régulateur le Syndikaali apporte cet espace de liberté infini que l’on nomme la contrebande. Soudain, tout devient possible. Tout devient commercialisable. Toutes les industries, y compris les plus sulfureuses, se découvrent un espace où déployer leur potentiel. Entreprises, bar, commerces de bouches, vente et revente, action acquisition, services aussi divers qu’étonnants, pour tous les goûts et toutes les bourses, tout cela chapeauté par un seul et unique adjectif : la clandestinité, poussée à un niveau de maîtrise dont on connait peu d'équivalent.

D'ailleurs, clandestin, parfois même pas tant que ça.

Le Shibh Jazirat Alriyh est devenu en peu de temps un marché noir très très blanc.

Dans cette petite province la succursale pharoise ne s’est pas contentée de ramener ses produits et ses investisseurs du grand-nord – en fait a peine l’a-t-elle fait – non, le Syndikaali vient d’ouvrir d’un coup de clef un espace de rencontre dérégulé pour toute la région. Un espace où, forts de leur expertise, ses pirates ont la main. Il faut quelqu'un pour gérer la baraque. Pour éviter que la violence furieuse du capitalisme débridé n'emporte tout le marché sur son passage. Les Pharois sont là pour ça. Ils... régulent. Pacifient. Offrent aux escrocs en tous genres un climat propice aux affaires, où tout n'a pas toujours à être à couteau tiré.
Les pirates pharois ont compris depuis longtemps qu'à défaut de pouvoir gérer la production, ils peuvent avoir la main sur les flux.
Une économie sans flux, c'est une économie morte.

Les pirates viennent de lui glisser un couteau sous la gorge.

Dans le lot certains sont déjà à la manœuvre, réactivant comme un mauvais rêve les réflexes des anciens aventuriers des époques coloniales qui se taillèrent dans le monde et par la force des canons des fiefs pour s’en proclamer roi. Aujourd’hui les couronnes ne sont plus forgées d’or, mais de réseau d’influence.


Ce soir, passé minuit, la marée montante lissera et effacera les traces des tombes de sable creusées sur la plage. Dans le dos des afaréens, le Pharois mène sa guerre contre lui-même, qui verra émerger les futurs seigneurs des mers.
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logos des services secrets alguarenos et du Clan saadin kodedan.

17 juillet 2007 - CONFIDENTIEL - L’essor du mercenariat : l’axe intercontinental entre l’Afarée et la Paltoterra


Les mercenaires cumulent les nationalités de différents états, alguarena, varanyenne ou encore mandrarikane, mais leur réputation reste la même, partout où ils vont, ils sont le bras armé et parfois vengeur d’un pouvoir en disgrâce, cherchant à instaurer ou à restaurer son autorité. Souvent jugés infréquentables, les mercenaires sont pourtant depuis trois ans en plein essor et présents sur tous les théâtres d’opération où les armées régulières rechignent de plus en plus à s’exposer, compte tenu des critiques grandissantes sur l’interventionnisme des États.

“La présence de troupes alguarenas au Varanya, sans critiquer les motivations qui ont conduit à leur détachement, a marqué un tournant dans les relations internationales car pour la première fois de l’Histoire contemporaine, un état s’est substitué à un autre pour faire valoir les intérêts d’une population engagée dans un mouvement social inédit… La Fédération d’Alguarena a pris faits et causes pour la population varanyenne, face à son gouvernement” exprime ainsi Shakir al-Attar, un officier de la milice kodedane combattant pour le clan Saadin.” C’est pour cela que l’implication militaire alguarena au Pontarbello et aujourd’hui au Kodeda, a vocation à se faire la plus discrète possible. “Dans ces circonstances, le mercenariat, fut-il subventionné par les services secrets alguarenos, est le soutien le plus viable à espérer pour émanciper notre pays de l’Empire Listonien décadent et de l’insupportable sphère d’influence dans laquelle s’était asservi l’Empire lusitanien.”

Expérimentés et exposés à une mort qui vient indifférer l’opinion publique kodedan, les mercenaires sont effectivement une ressource adaptée pour briser les rouages d’un système politique contesté et pour instaurer un juste et nécessaire climat de terreur sur les populations qui identifie plus facilement la force de mercenaires étrangers comme un contingent incorruptible, inébranlable compte tenu de la totale absence de liens familiaux avec les populations civiles locales. “Une force mercenaire peut plus facilement s’adonner à l’impensable car l'opinion publique n’a pas de prise sur elle. Elle n’a aucune attache, familiale et affective avec les gens qui peuplent son théâtre d’opération. Quand vous mettez un mercenaire varanyen, alguareno ou mandrarikan dans un théâtre de guerre comme au Kodeda, il n’hésitera pas à presser la gâchette car le civil kodedan fait partie de la mission. A contrario, quand le Prince Mutarrif ibn Saadin souhaite recourir à des hommes de main locaux, il prend le risque que ces derniers aient des intérêts liés au sort des populations locales, rendant caduques toutes les tentatives de prise de pouvoir sous cette conjoncture.”

L’emploi de mercenaires n’est cependant pas sans contrainte, ne serait-ce que sur la guerre d'influence qui pourrait opposer le clan Saadin aux autorités impériales. Comment se légitimer auprès d’un peuple lorsque vous faites appel à un autre pour vous imposer? Des questions rhétoriques légitimes, qui obligent le clan Saadin à tempérer ses actions pour ne pas faire définitivement basculer la jauge du côté du mercenariat étranger.

En la matière, la guerre d’indépendance initiée au Pontarbello est riche d’enseignement pour le clan Saadin qui vient prendre la mesure des pistes explorées par le gouvernement militaire de Santialche (capitale Pontarbelloise) afin de renverser l’autorité impériale listonienne mais surtout pour fédérer l’opinion publique derrière elle. Atout chance indéniable pour les forces de l’ANPL, l’intervention étrangère des milices kah-tanaises affiliées aux Brigades Solaires qui vient faire passer l’incursion de mercenaires alguarenos pour une opération défensive, face à d’autres mercenaires d’origine étrangère et culturellement parlant beaucoup plus éloignés des langues, des us et coutumes latino-portugaises. La différence est une source de peur dans l’inconscient d’une majeure partie de la population.

“C’est une évidence” confie la sociologue Ayisha Mursi “vous mettez trois hommes dans une pièce, deux latinos de Paltoterra et un nazuman. Et bien les latinos, même séparés par la barrière de la langue chercheront d’abord à communiquer entre eux, c’est prouvé. Car chacun d’eux va plus facilement s’identifier à l’autre, là où la différence du Nazuman incarne inconsciemment une difficulté supplémentaire à la socialisation de cette petite troupe.” L’expert en sociologue nus évoque cette exemple tout en nous précisant que le raisonnement ainsi présenté à une échelle réduite, est facilement transposable à une population plus importante. Elle nous invite pour cela à nous interroger, à nous imaginer la violence d’un tel brassage culturel, matérialisé par une invasion de milliers de combattants nazumans. Il faut reconnaître que le déploiement d'un tel contingent pour l'extermination d'un ennemi entre 5 et 10 fois moins nombreux que les Brigades Solaires vient interroger, quant au caractère strictement défense de la région.

“Envahir un territoire en surnombre comme ont pu le faire les Brigades Solaires est forcément perçu comme un acte agressif par les populations locales quand vous savez que les forces impériales listoniennes puis après elles, celles pontarbelloises, c’est à tout casser un millier d’hommes chacune…”

In fine, pour la spécialiste consultée à ce sujet, l’indépendance réussie du Pontarbello est autant liée à l’adresse du commandement de l’ANPL et de ses soutiens étrangers, qu’au caractère brouillon et malavisé des états-majors leur faisant face, particulièrement celui des Brigades Solaires. Pour envisager l’indépendance du Kodeda, le clan Saadin devra donc s’appuyer sur d’autres moyens que ceux expérimentés au Pontarbello car il ne profitera peut-être pas du tempérament hardi de ses ennemis, comme ont pu au final en profiter les autorités militaires de l’ANPL. L’affrontement armé entre le clan Saadin et les autorités impériales listoniennes constitue donc une donnée inconnue, dont l’équation vient s’enquérir d’une réponse à travers la guerre de propagande expérimentée par les autorités alguarenas, lors des guerres du Varanya et du Pontarbello.

Pour renverser les autorités listoniennes et solidariser la société civile kodedane derrière lui, le clan Saadin doit apporter ou déclarer apporter une solution à un problème qui touche directement la population nationale. “Sans réponse aux enjeux sociétaux, le clan Saadin ne trouvera pas de place, autrement dit de légitimité, dans les troubles qu’il souhaite causer dans la société kodedan. Car bien que les autorités impériales constituent une contrainte grandissante pour les territoires ultramarins de l’Empire, le recours à des actions violentes et armées, susceptibles de rompre avec la paix sociale entretenue durant plusieurs siècles, ne figurent pas à ce jour parmi les actions envisagées au travers d’enquêtes d’opinion ciblant les citoyens kodedans.

Il y a donc préalablement à toute guerre armée, une guerre d’influence qui dans le cas du Kodeda, doit battre son plein à la faveur du Prince Mutarrif ibn Saadin, à la tête du clan éponyme. Autoproclamé l’héritier issu d’une grande famille ancestrale, le Prince Mutarrif ibn Saadin aurait pour lui sa parenté avec des familles kodedanes illustres mais c’est jsutement sa force qui fait sa faiblesse, compte tenu de la relative passivité que cette dernière a entretenu face à l’autorité impériale régissant la région ces cents dernières années.

“Le Prince Mutarrif ibn Saadin incarne effectivement le traditionalisme kodedan, entretenu par les grandes familles du pays dont il revendique être le descendant. Toutefois, ce traditionalisme n’a été d’aucune aide au Kodeda sur les cinquante dernières années, les fonds détenus par ces familles se sont même jusqu’à présent et très largement, dirigés vers des investissements offshore, extérieurs au territoire national. Il est facile de comprendre que dans ces circonstances, que ces familles peuvent faire l’objet de critiques très nourries, par les populations déclassées et plus généralement, lésées, par l'administration impériale listonienne et la délocalisation des capitaux détenus par des familles détenant pour partie d’entre elles, leur profit, auprès de sources économiques étrangères...”
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Note de surveillance : Ouest Afarée

Renseigement banairais

Objet : Kodeda, mouvements suspects détectés

Résumé de la situation vis-à-vis des colonies listoniennes :
Suite à l'effondrement politique de l'Empire Listonien, les mouvements séparatistes à travers les colonies ont pris en ampleur. Porto-Mundo et Port-Hafen ont ainsi pris l'indépendance et sont désormais plus ou moins liés au Pharois Syndicalii, l'un étant devenu un "Port Libre" et l'autre entraînant des relations économiques avec le Pharois. Jadida s'est quant à elle libérée grâce à l'aide de nos services ainsi que celle du Grand Kah. Ce nouveau micro-état permet d'avancer nos positions dans notre région. Cependant, la situation au Pontarbello nous incite à nous montrer plus incisif dans les processus d'indépendance : une telle situation de guerre interposée et de coup d'état militaire pourrait se reproduire de par le monde, en particulier le Kodeda. Cette région est historiquement une principauté dont la famille régnante existe encore : le clan Saadin. Il est possible que cette famille tente de reprendre le pouvoir, avec ou sans aide étrangère, et donc mette en péril le processus de libération de l'Afarée.

Situation à Kodeda : activités à surveiller et opération préparatoire nécessitée :
La famille princière Saadin, selon nos agents sur place, entame des rapprochements avec des familles alliées ou vassales. Ceci signifie que les Saadin comptent reprendre le contrôle de la région en s'appuyant selon leur légitimité au trône. Le retour à une monarchie absolue est totalement contraire à nos valeurs, ainsi qu'à nos intérêts, ne pouvant connaître pour l'instant ses éventuels liens avec l'étranger. Ces derniers devront donc faire l'objet d'une enquête afin de démasquer toute organisation intervenant en sa faveur.
Il existe toutefois des soutiens possibles pour l'instauration d'une démocratie au Kodeda, notamment le parti de l'indépendance kodedan. Cette organisation possède des idéaux similaires aux nôtres et pourront donc assurer un avenir paisible à la région, et servir d'allié dans l'Ouest Afaréen. La construction d'un réseau dans l'ensemble du continent, réseau qui pourra être étendu grâce à la libération de Shibh Jazirat Alriyh par l'Althalj et par l'aide éventuelle du Syndicalii qui possède des bases dans l'ensemble des colonies. Ces terrains pourraient être utilisés afin de placer des systèmes d'écoute. La proximité politique avec l'Althalj en termes d'objectifs pour le continent ainsi que des liaisons amicales avec le gouvernement jouent en faveur d'un engagement de l'Althalj au Kodeda au côté du parti de l'indépendance, une aide précieuse à la vue de sa position géographique.
La famille Saadin pourrait néanmoins faire appel à du mercenariat, devenant ainsi une menace directe à la vie des Kodedans qui en cas de protestation pourraient se retrouver sur le contrat.
Cette hypothèse vient justement d'être corroborée : plusieurs criminels varanyens ayant servi durant la révolution varanyenne aux côtés des révolutionnaires en tant que mercenaires ont été surveillés durant ces derniers mois. Ces mercenaires se sont déplacés au Kodeda, détectés grâce à nos contacts dans l'industrie du transport. Nous ne pouvons à cette heure pas écarter l'hypothèse d'une signature d'un contrat, même si nous ne savons pas encore, le cas échéant, en faveur de qui. Ces individus sont réputés pour leur extrême violence et dangerosité, mais aussi pour leur efficacité. L'équipe à dépêcher au Kodeda devra donc également enquêter sur l'existence et la nature de l'éventuel, ou des éventuels contrats.

Ces informations permettront de mieux préparer la suite des opérations. Nous pouvons comme dit précédemment compter sur un soutien local important parmi la classe ouvrière révolutionnaire. Longtemps victime du régime princier puis listonien, la population reste en toute probabilité dubitative quant à la recréation de la principauté. L'exploitation des classes inférieures couplée à la proximité culturelle et géographique de communes exclaves du Grand Kah ont formé un terreau fertile pour les idéaux libertariens. L'adhésion du Banairah au Liberalintern ne fera que faciliter le placement de nos positions dans cette région et sécuriser l'avenir du Kodeda.
Les services diplomatiques sont en voie d'ouvrir le dialogue avec le Parti de l'Indépendance et espèrent bien saisir l'étendue de l'influence du parti et de ses moyens techniques.

Il est envisageable par ailleurs d'utiliser des suspicions de détournement de fonds vers l'étranger et affaires sombres de famille que nous ne manquerons pas de trouver sur la famille Shaadin ou sur les clans associés. Cela ne fera qu'accroître la contestation.

Sur le plan militaire, les armées doivent restées prêtes à intervenir en cas d'éclatement d'un coup d'état non perpétré par le parti. En l'attente, du fait de notre capacité de projection limitée, seul un effectif réduit de soldats banairais pourront être transportés. Notre matériel militaire pourra être quant à lui embarqué sans grande difficulté. Le plan de réarmement de la Marine est en cette approche un total succès malgré la petitesse relative de notre complexe militaro-industriel dédié à son entretien et équipement. Les efforts en ce sens doivent être poursuivis.
Cependant nous rappelons qu'il ne s'agit que d'une mesure de précaution, et que la guerre doit être évitée tant que possible. Il ne sera pas dit du Banairah qu'il s'agit d'une puissance impérialiste renversant un gouvernement traditionnel local et innocent. L'image du Banairah doit bien-sûr rester celle d'un pays libérateur, d'un frère afaréen bienveillant, car tels sont nos idéaux et bien-sûr nos intérêts.

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Fidèle à ses valeurs, lorsqu'il se trouve face à une énigme, le Syndikaali se vautre dans l’anarchisme épistémologique

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Contrairement aux méthodes de soutien militaire musclé chères à certaines nations outre-espérance, la nation pirate sait ses positions précaires et ses flancs découverts. Pas question de ternir son image en soutenant brutalement l’indépendance de territoires qu’elle a, par ailleurs, promis de protéger. On en passera donc par des méthodes alternatives et dans la guerre psychologique et culturelle qui se joue en afarée occidentale, les travaux ésotériques d’Albigärk la mystérieuse pourraient s’avérer utiles.

Herméneutique sombre en sciences du langage, théories du genre, de l’esprit, de la matière, performativité du langage pour grilles de lecture post-moderne, marxisme d’avant et d’arrière-garde, chercheurs en sciences cognitives, en sciences sociales, en psychologie des masses se massent à l’appel du gouvernement : « quadrillez ces putains de région, je veux des études, des études, des études ! je veux comprendre, je veux voir, l’Etat a besoin de données ! »

Et l’Etat en reçut. Cette machine bâtarde qui au Pharois n’était pas un Etat mais un service, secret qui plus est, une tentacule monstrueuse coupée de sa tête qui continuait à vivre, à assurer dans l’ombre les intérêts de la nation pirate sans concertation sans mot d’ordre, sans méthode. La C.A.R.P.E. se gave de connaissances et de théories, toujours au nom de l’intérêt supérieur du pays. En vérité c'est un ogre boulimique, le pouvoir rendu fou par l’absence de contre-pouvoir.

Tout est bon. Disent-ils. Tout est bon pour résoudre le mystère de l'Afarée lointaine et sur cette contrée étrange poser un regard dépouillé des vicissitudes de l'anthropocentrisme et des rêves toxiques d’exotisme.
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Pour favoriser l’emprise pharoise en Afarée, l’incitation par la mythologie

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S’il est un épisode représentatif de l’Etat d’esprit des habitants du Syndikaali qui resta dans de nombreuses mémoires, c’est celui de la grande baleine francisquienne. Ce mastodonte aperçu au large des côtes de l’Empire avait suscité l’enthousiasme d’une grande partie des pêcheurs et marins du Syndikaali qui s’étaient déplacés non loin des eaux territoriales impériales dans l’espoir d’admirer l’animal. Déplacement massif d’embarcations ayant dans son effervescence finalement poussé jusqu'au débarquement illégal de trois adolescents sur le sol Francisquien, conduisant au drame de leur exécution sommaire, et à la guerre francisco-pharoise, premier conflit militaire en Eurysie depuis le début du XXIème siècle.

Si l’épisode garde un caractère fortement traumatique pour une partie du monde, reste que le gouvernement pharois sait désormais sur quelles cordes jouer pour pousser à la mobilisation de ses citoyens les plus aventuriers. Bien que le Syndikaali soit en permanence en pénurie de main d’œuvre, ses diasporas, travailleurs détachés et expatriés forment par ailleurs un pilier crucial de sa politique extérieur et de son influence à l’internationale. Pour truculentes qu’elles soient, les communautés de marins pharois sont autant source de profits que de problèmes pour les pays qui les hébergent.

Là où est la piraterie, la contrebande n’est jamais loin et participe à la fois à l’attractivité du territoire qu’à l’évasion de ses capitaux.

Si certains luttent contre, d’autres n’en ont pas les moyens et devront faire avec. C’est le cas du Shibh Jazirat Alriyh, devenue en quelques mois une plateforme du marché noir eury-afaréen qui assure autant sa prospérité que ses emmerdes. N’étant pas le dernier à bénéficier de ces entrées d’argent, le Gouverneur Paolo o Prefeito laisse faire, sachant bien que sa population ne crachera pas sur ces investissements venus de l’étranger, fussent-ils pour moitié crapuleux. N’empêche, une caractéristique des marchés dérégulés c’est que la demande n’y est jamais satisfaite. Débarqués de la moitié de l’Afarée les commerçants viennent désormais se pourvoir à la corne d’abondance, acheter sur les étals du Shibh Jazirat Alriyh les produits importés du monde entier débarrassés de toutes taxes douanières ou interdictions morales.
Pas de place pour cela.
Mais manque de place quand même.

C’est un marché qui s’ouvre pour un continent tout entier, à l’heure actuelle les Pharois sont sans concurrence et comptent bien s’imposer sans tarder pour faire de leur enclave la capitale du capitalisme sauvage et du business déchaîné. C’est une aventure caractérisée par sa flamboyance et son dynamisme à deux chiffres.

Mais il faut croire que cela ne suffit pas pour certains romantiques. Alors orchestrée par la Merenlävät, matriarche officieuse de toutes les criminalités, marraine silencieuse des mafias de ce monde venues se faire adouber par sa visqueuse tentacule, la Merenlävät vante les mérites de l’exotique Afarée. La douceur des peaux des prostitués, la clémence de son climat, la plénitude de ses eaux et l’étrangeté de son bestiaire.

Des images d’animaux étonnants surpris au large des côtes réveillant les passions ichtyologiques et l’angoisse teintée de fascination pour les profondeurs insondables des eaux de l’Océan Deltacruzando. C’est une population de braconniers, descendants directs des vieux boucaniers, qui pose le pied dans les jungles torrides et fouille au sonar la mer turquoise du Shibh Jazirat Alriyh, biologistes en amateurs, aventuriers de l’exploration sous-marine.
La communauté pharoise n’est pas vaste, mais elle est bigarrée et les expéditions se montent pour la côte ouest, chacun poursuivant ses chimères. Des chimères astucieusement érotisées par la propagande insidieuse du bouche-à-oreille, si puissante dans les ports du Syndikaali.
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Journal local kodedan.

24 juillet 2007 - Indépendance du Kodeda, l’importance de certains chantiers expliquée par l’héritier du clan Saadin.


La balance commerciale, choyée par le Prince des beidanes.
Le Prince Mutarrif ibn Saadin définit trois priorités au redressement du territoire, si celui-ci parvenait à accéder à l’indépendance, parmi elles le rééquilibrage de la balance commerciale.


“Il n’y a de plus grands maux à supporter que ceux relatifs à l’inconnu et à l’absence totale de visibilité” soufflait le Prince Mutarrif ibn Saadin lors d’une entrevue avec un journaliste kodedan, travaillant pour une maison de presse régionale. Une remarque ouvertement dirigée contre ceux qui veulent quitter l‘existant sans entrevoir les perspectives alternatives d’un autre régime. “La région du Kodeda peut-elle prospérer, voire même en réalité s’enliser, dans une administration tournée vers une puissance métropolitaine? Manifestement non. Mais quitter l’Empire listonien imposerait à chacun ou chacune d’entre nous de pallier les interdépendances soulevées jusqu’ici.

Devrions-nous payer nos denrées plus chères pour nous être éloignés de nos réseaux de distribution liés à l’Empire listonien ? Devons-nous renoncer à notre science pour nous être affranchis de notre pays colonisateur et des brevets associés? Clairement pas… Et c’est là que doit se marquer notre différence de l’offre politique kodedane. Par la définition de chantiers clairement définis, qui rendront l’’hypothétique indépendance du territoire durable…”

Depuis l’émergence des premières pensées indépendantistes au Kodeda, la famille Saadin s’évertue à louer la nécessité d’une réflexion nationale autour de trois chantiers décisifs pour l’accompagnement d’une autonomisation du territoire. “Il n’y aura pas d’autonomisation du territoire sans perspectives de réindustrialisation du pays. Comme il n’y a pas d’indépendance politique sans indépendance économique !” Un avertissement lourd de sens, qui pointe une critique légitime eu égard aux capacités de productions sur le territoire national. “Qu’il n’y ait pas d’autonomie du territoire en matière d’approvisionnement industriel, soit, pourquoi pas. Le positionnement géographique du Kodeda suffit à faire de la région un point d’interface privilégié avec le reste du monde. Cependant notre incapacité à développer un tissu industriel fort dans la région, nous oblige à importer des produits manufacturés, beaucoup plus chers que l’importation de matières premières. Le positionnement du Kodeda pour intégrer le commerce mondial est idéal. Si l’on se contente d’être importateur, de maintenir notre balance commerciale dans le négatif, on passe à côté de réelles opportunités… Il faut produire les pièces phares de nos industries positionnées dans la manufacture.

En premier lieu, la fabrication de composants électroniques, pour alimenter les industries spécialisées dans la fabrication de matériel informatique. On ne pourra pas produire des biens à forte valeur ajoutée si les composants préalables sont importés. C’est susciter une dépendance inacceptable. A la place des autorités du pays, je réfléchirai sérieusement à un plan de financement pour l’installation pérenne de nos fabrications de composants électroniques. Ce sont elles qui vont permettre la production des ordinateurs, des téléphones et plus généralement des moyens de télécommunication, qui dynamisent les échanges et les interfaces entre les individus.

Une industrialisation ciblée qui irait de pair avec le développement des technologies électroniques, afin de garantir une production contemporaine de nos besoins nationaux et de lisser par le haut, l’offre en la matière. “Il nous faut produire mais bien évidemment produire de manière qualitative. Si l’Empire Listonien rompait tout lien avec le Kodeda, il y a fort à parier que les entreprises listoniennes se retireraient en large nombre, leurs brevets sous le bras. Ceci aurait pour conséquences directes de nous obliger à stopper la production de nombreux produits et à initier de la sous-traitance vers l’étranger, auprès des pays justifiant une forte maîtrise de ces technologies…

Redresser l’économie n’est donc pas qu’une approche systémique pour l’une des personnalités médiatiques kodedane emblématique de la société civile, il y a comme partout des priorités à définir et celles-ci sont captées par le domaine des nouvelles technologies. Vous développez vos outils de production en matière de composants électroniques, vous vous offrez les moyens de modernisation pour votre outil industriel, offrant immédiatement un regain de performance, un avantage économique certain pour la région.

Une ambition réelle pour le Prince mais plus important encore réaliste selon plusieurs économistes kodedans ainsi qu’étrangers, qui soulignent le caractère unique à ce jour ou encore pertinent du programme avancé par la famille Saadin. “En matière industriel, une région comme le Kodeda ne peut pas faire de la quantité, c’est un poids plume de l’industrie. Quand vous ne pouvez pas produire de la quantité vous vous tournez nécessairement vers la qualité…” explique dès lors l’économiste Zinat Majlad, intervenante honoraire pour notre journal régional. “A ce jour, on ne trouve pas de programme plus tangible parmi l’offre politique kodedane. Il y a donc fort à parier que si le Prince ne constitue pas l’offre politique, il en sera très fortement lié, par la justesse de sa lecture, en faveur du rebond économique espéré pour la potentielle nation Kodedane.”

S’autoriser une balance commerciale négative par l’importation de matières premières que l’on ne trouve pas sur le territoire kodedan, pour ensuite retravailler ces matières premières, leur offrir une valeur ajoutée à travers différents biens manufacturés et finalement les revendre avec une plus value, “c’est la bonne trajectoire à opérer en matière de gestion de la balance commerciale, de management économique du territoire.” En marge de cette stratégie, le choix de prioriser la production des outils informatiques et avec eux, des composants électroniques, se défend allégrement, compte tenu du relatif déclassement technologique subi dans la région d’Afarée occidental. Le Kodeda ne peut pas imposer ses produits par la présentation d’un tarif peu élevé, car il y a de nombreux pays beaucoup plus industrialisés que lui, qui produisent plus à moindre coût. Le salut de l’industrie kodedane réside donc dans sa capacité à vendre des produits supérieurs, par l’assimilation de technologies en leur sein.

L’équilibrage de la balance commerciale est un objectif à fort enjeu sur le plan économique car l‘emplacement du Kodeda, central vis-à-vis du commerce international, commande de maintenir la compétitivité et l’investissement au sein du secteur industriel kodedan. Mais pour y investir, les capitaux et leurs détenteurs ont besoin d’identifier une certaine dynamique, de percevoir des signaux favorables. Entre les lignes, les experts pourront lire des mesures relatives à la mise en place de crédits d’impôts pour favoriser l’investissement et rapidement amorti sur les prochains impôts les années suivantes. “Prélever un dinar local auprès de chaque société, quand vous en avez six, est toujours plus rentable que prélever six dinars auprès de la même… Le clan Saadin milite pour un regain de l’industrialisation kodedane, car à moyen terme c’est sa seule chance d’augmenter les recettes publiques tout en rendant supportable l’impôt et la taxation sur les sociétés installées sur le territoire national.”

Investir sur les axes défendus par le clan Saadin, manoeuvré par son Prince Mutarrif, doit être une priorité. “Le Prince a un programme, des soutiens et des financements initiaux pour démarrer des investissements et lancer une dynamique, l’équation est selon moi parfaitement complète” soufflait la jeune experte en économie.

Et si les entreprises en voie d’installation bénéficient d’un crédit d’impôt favorable, d’autres dispositions seront également préconisées pour privilégier tout particulièrement les industries à très forte valeur ajoutée si l’on considère le développement de la production de biens électroniques et informatiques, particulièrement attendus pour accompagner le changement d’ère des secteurs économiques secondaires. Soutien à l’embauche de profils qualifiés et experts sur les technicités de l’environnement informatique, fonds nationaux pour encourager la transition numérique des entreprises et aides à la dotation d’un parc informatique modernisé, les dispositions sont nombreuses, obligeant naturellement et de façon incitative, à la consommation, c’est-à-dire in fine à la production, de biens technologiques tournés vers l’électronique et l’informatique. “La compétitivité de nos organisations et notre capacité immédiate à investir en elles seront des leviers de croissance durables et décisifs pour la région. Il est plus que temps que tout le monde, qui se déclarait soucieux du devenir kodedan, en ait conscience…”

Le développement des capitaux sur le territoire et la modernisation du parc informatique des sociétés, est également une source notable d’emploi par l’émergence de métiers et d’expertises recherchés, susceptibles de rehausser les gains salariaux et donc le salaire moyen, du salariat dans l’industrie. En marge de l’industrie, ce sont également les activités du secteur tertiaire qui vont pouvoir se développer, si l’on tend vers la relance du secteur informatique. L’essentiel de la politique publique défendu par le clan Saadin viendrait donc en définitive d’une alchimie nationale, obtenue en trois temps:

  • Maintenir les importations de matières premières
  • Redéployer l’industrie spécialisée dans la fabrication de biens manufacturés.
  • Développer la production nationale de composants électroniques nécessaires à la modernisation de l’économie kodedane (réalisation d’outils de télécommunication au bénéfice des sociétés kodedanes).
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Un voyage pour une jeunesse

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Assis sur une chaise en osier, tout en sirotant un jus de baie, Mattias écoute son capitaine négocier à voix basse. Quinze jours maintenant que le Rehellinen a accosté au Shibh Jazirat Alriyh et le jeune homme pense encore à sa déconvenue d’hier. Sales garces, il entend encore leurs rires alors qu’il fuit le patio, le ventres crispé de crampes. A trop se penser en terrain conquis, il s’en est mordu les doigts.

- « En ce moment, chaque mètre carré de cale est précieux, si vous vous engagez à faire l’aller-retour on rajoutera un bonus. » dit l’homme au capitaine.

De nombreux business étranges se sont montés dans la province ces derniers mois. L’Afarée du sud et de l’ouest, traditionnellement refermée sur elle-même, s’est réveillé un matin avec à sa portée des marchandises venues du monde entier, irriguées et sous-taxées par la contrebande pharoise. Les opportunités sont nombreuses et lucratives, les marins qui acceptent de faire le chemin entre le Shibh Jazirat Alriyh et les ports d’Eurysie se vendent à prix d’or. Le capitaine l’a bien compris, son regard brille alors qu’il négocie des sommes toujours plus juteuses. Qui aurait pu croire que sa vieille cale vaudrait si chère ici ?

Mattias s’en fout. Il pense toujours au patio. L’humiliation lui reste en travers de la gorge.

- « Petit, va nous chercher les règles. »

Il met quelques secondes à comprendre qu’on s’adresse à lui, les pensées ailleurs, mais se redresse à voir le regard insistant du capitaine. « Petit » il ne l’est pas tant que ça. Sans un mot, il se glisse dans les boyaux froids du bar où ils se sont installés. Les sudistes savent aussi bien préserver des espaces frais qu’au Syndikaali tout est fait pour garder la chaleur. Les règles, les règles… Ce sont de longs instruments de cartographie marine qu’on appose sur les cartes pour mesurer les distances et calculer les coûts des voyages. Le tonnelage se rapporte au nombre de kilomètres parcourus et permet de faire des devis.

- « Suomi t’as pas vu les règles ? »

La vieille, à moitié dissimulée dans un coin d’ombre, hausse les épaules. Elle dispute une partie d’échec contre un local qui observe Mattias de pied en cap avec curiosité. Sa peau est aussi brune que la sienne est pâle, deux ombres inversées, parfaite.

- « Au bateau j’imagine. » répond-elle voyant qu’il reste bras ballants.
- « Ok. »

Fais chier, pas envie de revenir à l’épaisse chaleur des rues de la ville. Si les cours intérieurs sont préservées du soleil par d’épais feuillage luxuriant, le pavé lui, cuit, surtout au zénith.

Cela n’y manque pas, il franchit les portes du bar et c’est comme recevoir un coup au visage. Sonné par les 40°C ressenti en cette fin juillet. L’élan coupé, Mattias rase les murs en quête d’ombre. Sur ses épaules, le morsure du soleil lui fait l’effet de toucher une plaque de cuisson, sous ses pieds nus la chaleur du sol lui fait serrer les dents.

Il se projette dans les rues désertées comme un animal blessé, à la torture, oreilles basses et regard braqué par terre pour ne pas être trop ébloui.

- « Tiens, le blanc bec. »

Il se retourne. Assise sur un parapet de fontaine, profitant de l’ombre d’une cage de bois qui entoure le bassin, l’une des filles le salue.
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Au Shibh Jazirat Alriyh, Paolo o Prefeito s’affiche sur le pont du destroyer Päivää

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Alors que l’Empire semble, contre toute attente, retrouver une forme de stabilité intérieure, le Syndikaali semble bien décidé à jouer sur tous les tableaux. A quelques encablures de l’enclave pharoise du Shibh Jazirat Alriyh, le navire de guerre pharois continue de mouiller avec à son bord quelques milliers de soldats de marine du Syndikaali.
Jusqu’alors la mission du Päivää était officiellement de maintenir le calme dans des territoires abandonnés à eux-mêmes et d’apporter leur soutien symbolique et logistique aux gouverneurs locaux.

Au Shibh Jazirat Alriyh, Paolo o Prefeito s’était jusque là engagé sur une voie similaire à celle de la République Hafenoise et de Port Mundo, une déclaration d’indépendance validée par un scrutin démocratique et l’intégration du territoire au tissu économique local afaréen. Ayant obtenu des garanties de l’influente Althalj, sa voisine, l’affaire semblait entendue dans une colonie où les derniers sondages d’opinion donnent le désir d’émancipation soutenu à plus de 75% par la population.

Reste que la récente annonce d’un déploiement militaire en Afarée inquiète désormais et si Paolo o Prefeito n’a pas été officiellement démis de ses fonctions – n’ayant pour l’heure pas encore eu l’occasion de désobéir aux ordres d’un Empire jusqu’alors silencieux – le risque que la métropole Listonienne cherche à le remplacer inquiète aussi bien les locaux que les Pharois.
En effet, le Syndikaali a posé ses griffes sur le gouverneur en intégrant son entourage le plus intime et en lui offrant de garanties politiques, économiques et diplomatiques. Des promesses honorées, le Shibh Jazirat Alriyh a pu voir son économie abreuvée de capitaux pharois ces derniers mois pour devenir en quelques temps une plateforme continentale du commerce de contrebande et de marché noir, la sauvant de la crise.

… très officieusement, évidement. Comme à son habitude, le Syndikaali agit par le biais de sociétés écrans qui donnent de loin l’apparence que les eurysiens se seraient soudain pris de passion pour la côté occidentale de l’Afarée, pour une raison qui échappe encore aux politologues les plus naïfs.


Sur le pont du Päivää, Paolo o Prefeito, la Capitaine Suoma et le Capitaine Eikki, vêtus en grands uniformes malgré la chaleur plombante de cet été tropical, se donnent des grandes tapes sur les épaules et rient à gorge déployée sous l’œil des caméras de l’Agence Générale de Presse, conviée à la conférence.

« Nous allons entamer très prochainement des pourparlers avec la métropole, et nos amis Pharois, afin de régler toute cette affaire en bonne intelligence. » explique o Prefeito, le sourire aux lèvres. « La population du Shibh Jazirat Alriyh est Listonienne, c’est vrai, tout comme moi, mais des droits ne vont pas sans devoirs, l’Empire ne peut pas disparaitre pendant plus d’un an pour revenir du jour au lendemain faire valoir sa souveraineté avec des navires de guerre. Il va falloir renégocier nos liens et je pense qu’une plus grande autonomie territoriale et un meilleur ancrage au sein des rapports de forces et dynamiques afaréennes est nécessaire. L’époque où tout se réglait depuis Listonia n’est plus acceptable désormais. »



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Paolo o Prefeito, Gouverneur Impérial du Shibh Jazirat Alriyh
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