Ces derniers mois, alors que les tensions montaient entre Saint-Marquise et la Listonie sur le statut d'une des anciennes colonies, les mouvements anticoloniaux se sont organisé dans tout Saint-Marquise. Si l'on entend parler des débats qu'occasionne le statut de Port-Hafen un autre mouvement a tranquillement fait son chemin chez une partie de la gauche saint-marquoise : la structuration du mouvement gardox en un parti officiel, un petit parti du nom de "Parti des Trois Nations". Les Trois Nations, c'est un premier lieu les deux Premières Nations autochtones, les Pomawsuwinuwok et les Ohoteet, et ensuite, les allochtones, bien que certains membres considèrent la troisième nation comme étant les Baathu, peuple disparu quelques décennies après la première colonisation eurysienne, ou peut-être un peu des deux, comme si les Eurysiens avaient pris la place d'un autre peuple. La revendications la plus importante à la base de la formation d'un tel parti, c'est la reconnaissance de l'existence à Saint-Marquise de cultures autochtones distinctes toujours existantes actuellement et qui devraient être considérées à égalité avec la culture dominante de Saint-Marquise d'origine eurysienne. Globalement ce parti sert à donner aux Gardox une existence politique que le gouvernement saint-marquois puisse légitimer. Plus précisément, le parti des Trois Nations propose des mesures pour reconnaitre officiellement une population autochtone, et pour remodeler le fonctionnement politique et économique de Saint-Marquise. Le but est également de permettre aux autochtones d'avoir leur mot à dire sur ce que devient le territoire qu'ils occupent depuis des millénaires. Citons : la définition d'un statut autochtone, la mise en disponibilité de cours de langue ohoteet et pomawsuwine, le retour de terres à des institutions autochtones sous un statut autonome, des droits spécifiques aux autochtones sur la pêche, la chasse et la cueillette, le paiement de réparations aux communautés autochtones dans le but d'équilibrer les inégalités économique structurelles qui existent entre autochtones et allochtones, le financement de recherches archéologiques et historiques sur le passé autochtone du pays, la mise en place de différentes régulations sur l'exploitation des ressources minérales, forestières et halieutiques, ainsi que sur l'étalement urbain et agricole, une révision des lois régissant la propriété, par exemple en ne permettant pas au propriétaire d'un terrain d'en interdire sa traversée, la restitution de corps d'autochtones actuellement détenus par des musées à Saint-Marquise et au Lofoten, l'inclusion des autochtones d'un territoire aux décisions urbanistiques d'une municipalité, le droit pour les Saint-Marquois de naviguer les fleuves en canoë, la reconnaissance d'un droit de tout Saint-Marquois quel que soit ses revenus à un logement, de la nourriture, de l'eau et des soins et la mise en place de distributions étatiques. Le but à long terme est que Saint-Marquise établisse une réelle relation de nation à nation avec les autochtones plutôt que la politique unitaire actuelle, et de proposer une politique qui s'assure qu'elle ne risque pas de poser des problèmes sociaux ou environnementaux sur le long terme. Les revendications du Parti des Trois Nations reste assez modérées pour des standards communistes, et surtout dans le contexte des revendications autochtones de groupes plus informels comme les Chasseurs ou les dizaines de bandes d'activistes gardox que l'on peut trouver dans les principales villes du pays. Le programme vise par exemple à réformer la propriété, pas à l'abolir, les territoires demandés restent peu étendus et permettraient d'héberger des communautés restreintes à moins d'y construire de véritables villes, les régulations proposées sur l'exploitation des ressources restent relativement limitées et si appliquées, permettent quand même l'exploitation d'une bonne partie du territoire. Cela reste tout de même à l'extrême gauche de l'échiquier politique gouvernemental saint-marquois. Dans les faits, au-delà de la porté électorale, le Parti organise des rencontres, des conférences, et soutient des associations aussi bien sur les cause gardox que des questions environnementales et des questions de lutte contre les oppressions. Il est possible de trouver certaines sur Internet, c'est globalement parmi ce que le mouvement gadox fait de plus sage, mais c'est de bons points d'entrée dans les causes anticapitalistes, notamment sur la question autochtone qui a jusque-là été un mouvement très radical qui intéressait surtout les jeunes gardox les plus actifs politiquement.
Le Parti, comme tout parti politique légitimé à Saint-Marquise, a son représentant, ici, je cite un maire de village Pomawsuwin du Nord du pays nommé Zayn "Lamahqihkuk" Ostell. Le village en question, Sminan, majoritairement gardox et assez pauvre, est également son village natal. Il y est né en 1964 d'un père qui venait d'entrer au chômage après la fermeture de la mine et d'une mère aide à domicile qui partait régulièrement des semaines durant pour assurer son travail dans des régions éloignées du village, parfois à Bluepont. Globalement, il parle assez peu de son enfance, mais il apparait avoir principalement été élevé par un père assez strict dans un village alors en déliquescence perdant régulièrement des habitants. Il décide de partir du village en 1983 pour entamer des études de chimie, il vit dans un appartement insalubre mais qu'il pouvait se payer, tout en travaillant comme caissier dans un magasin de vêtements à côté. Il commence lentement à se politiser en faisant connaissance avec des activistes de sa fac. Il ne se voit pas mener les combats qui commençaient alors seulement à se réorganiser sous leur forme moderne, et pense pouvoir tenter de suivre la voie officielle. Il souhaite trouver un moyen de maintenir son village à flot et décide d'y retourner après avoir obtenu son diplôme et suivi une formation d'artificier, qui sera son premier métier qualifié. Il commence à vouloir contacter les gens du village pour organiser collectivement des travaux de rénovation. La tâche d'organisation s'avère colossale et les fonds des familles volontaires qui sont loin d'être aisées ne suffisent pas à fournir les matériaux et les experts pour rénover les bâtiments les plus importants : école primaire, cabinet médical, bureau de poste, épicerie, garage. Il va avoir besoin de financements gouvernementaux commence à vouloir entrer au gouvernement local : candidater comme maire. C'est à cette époque également qu'au cours d'une soirée foot-pizza, il fera la rencontre de son premier amour, un allochtone francophone du nom de Logan Tanguay. Ne souhaitant pas faire son coming out gay devant tout le village, il ne formera pas de couple officiel avec lui et se mariera finalement avec une métis Pomawsuwine du nom de Jade Nelson quatre ans plus tard. Au milieu des années 80', il se trouve un emploi de bûcheron pour une compagnie forestière qu'il quittera quelques mois plus tard car "on coupait à blanc des parcelles entières de dizaines voire de centaines d'hectares de forêt, et on laissait aux collectivités du coin le soin de les replanter s'ils voulaient revoir une forêt un jour. A un moment, j'ai plus pu". Il reste au chômage quelques années pendant lesquelles le couple fait une fille, Elena, qui mourra quelques mois après d'une forte fièvre. Le couple se déchire dans les semaines qui suivent, et Jade est revenue sur la question assez récemment lors des dernières manifestation gardox. "Je lui en ai voulu pendant des années, et je ne nierai pas qu'il s'est mal comporté. Pas de violence, mais il a été con. On s'est reparlé, et on a mis les choses au clair. Il reste qu'au fond, il n'y avait juste pas de médecin pour nous à ce moment-là. On a vraiment fait ce qu'on a pu, mais quand on a trouvé quelqu'un, c'était trop tard. Il n'y est pour rien, moi non plus, et je suis triste que ça se soit fini comme ça, mais c'est comme ça, et si je suis en colère aujourd'hui, c'est contre ce régime qui fait comme si nous, on existait pas". Il enchaînera les métiers comme manœuvre dans la construction, secrétaire de direction pour une entreprise de vente par correspondance, ouvrier dans une minoterie, employé agricole, vendeur au porte-à-porte d'aspirateurs, surveillant de plage, et finira par retrouver un emploi un peu plus stable d'artificier. En 2005, il est finalement élu pour son premier mandat de maire de Sminan et sa grande bataille fut de tenter de trouver du financement pour construire et équiper une salle de classe et un cabinet médical au village, et de rénover le réseau de distribution d'eau courante et d'électricité alors vieillissants. Le moindre vent ou la moindre chute de neige pouvait causer des black-outs de plusieurs heures, voire d'une journée entière, souvent réparée par la population elle-même, et plus personne ne faisait confiance au réseau d'eau, gérant le problème avec un volontaire qui prenait un pick-up pour se rendre au magasin ouvert le plus proche pour dépenser la somme que les villageois avaient cotisé pour acheter des dizaines de packs d'eau en bouteille. Se rendant compte qu'il n'obtiendra pas tous les financements nécessaires en un mandat, Zayn choisit sa priorité : le village a désormais un cabinet médical flambant neuf, et cherche un médecin pour l'occuper ! En automne 2008, il se rends compte que la parcelle de forêt primaire dans laquelle les ados du village aiment se rencontrer a été marqué à la découpe. Il s'engage alors une lutte judiciaire entre la municipalité de Sminan et la compagnie forestière en charge du projet, qui se terminera en juin 2009 avec la coupe de la parcelle : à priori, la compagnie était complètement légitime à couper la parcelle. A ce moment-là, il ne croit plus du tout à la possibilité de réformer le capitalisme et commence à prendre des positions frontalement anticapitalistes. Quand les événement de Moses et la première vague de mouvements sociaux autochtones du XXIème siècle éclateront dès fin juillet 2009, Zayn se positionnera complètement en soutien avec les activistes gardox, assurant même qu'il ferait en sorte que certains logements à l'abandon soient retapés au mieux si des militants devaient se réfugier au village, ce qui occasionnera quelques conflits avec la police locale majoritairement allochtone et assez opposée à là mise en porte-à-faux qu'implique l'accueil officiel de militants possiblement en position d'illégalité. Finalement, il trouvera moyen de rénover discrètement une cabane de chasse en forêt un peu à l'écart du village, qui accueillera des militants pendant quelques mois. Pendant cette période, il se met en couple avec un autre militant, un Chasseur ohoteet du nom de Kaleb "Sesgwe'g" Granholm. Avec l'appui d'une bonne partie de son village, de plusieurs municipalités de villages à majorité autochtone, et avec l'appui de mouvements plus informels, il se décide pendant l'été 2011 de fédérer des personnes intéressées pour former un parti politique. Il en devient la personnalité charismatique et le représentant, la voix officielle de la cause gardox. Il considère toujours qu'il est possible de changer les choses de l'intérieur, en jouant le jeu des institutions, ce qui est par ailleurs loin de faire l'unanimité.
S'il en est le représentant, il n'est évidemment pas seul. Parmi les personnages notables du partie, l'on peut citer :
- Sabrina "Papahtom" Gesner, ex-hôtesse d'accueil dans un hôtel de luxe de Mont-Law et désormais trésorière du parti
- Joel "Gise'g" Saucier, publicitaire rural réalisant de spots et des affiches pour les commerces et municipalités du coin, et directeur de la communication aux Trois Nations
- Daxton Black, routier faisant des trajets sur toute l'île de Norland qui dirige l'événementiel du parti
- Brooke "Gaqtaqaiaq" Beaton, ouvrière dans un pressoir d'huile de tournesol et militante syndicale, elle sert de contact sur le terrain avec différentes institutions politiques, dont les partis et les syndicats, et les groupes de citoyens locaux
- Arianne "Pisuwapiqehe" Martin, étudiante en communication et attaché presse
- Madison "Ceconessu" Law, tenancière de bar et logisticienne du parti
Et quelques milliers d'adhérents et de petites mains qui font l'activité du parti. Globalement, un certain nombre de défis lui font face, aussi bien pour être légitimé par les partis politiques traditionnels, que par les mouvements gardox beaucoup plus radicaux. Le parti est globalement très rural et n'a encore que peu investi les problèmes de populations urbaines, qui sont pourtant les plus nombreuses, et la plus grande réserve potentielle d'électeurs. Mais le fait est qu'il s'agit d'un parti issu de la population gardoxe rurale qui avait besoin d'un représentant accueillant, qui porte sur le devant de la scène des questions que les saint-marquois, allochtones comme autochtones par ailleurs, n'ont pas nécessairement l'habitude d'entendre. Et si nous n'imaginons pas une présidence autochtone de sitôt, même convaincre un pays qu'un sujet est important représente un défis auquel nous-mêmes avons bien du mal à répondre. Disposant de peu de soutien médiatique par les canaux traditionnels à ce jour, c'est en bonne partie en ligne que la campagne se joue, si bien que le partie a déjà organisé plusieurs meeting sur des streams et des forums, et communique en bonne partie par vidéos. Si vous souhaitez voir à quoi ça ressemble leur site est disponible sur
https://threenations.stm. Ils comptent organiser des débats le 10 novembre avec plusieurs streamers de gauche pour les intéressés. Ce à quoi on assiste avec le Parti des Trois Nations est aussi un peu la sortie des questions autochtone du monde de la contre-culture vers un milieu plus grand public. S'il est important que cette transition ait lieu, cela ne se fait pas nécessairement sans compromettre sur certains principes au passage, et il ne faudrait pas que la présence d'un parti gardox nous fasse oublier celles et ceux qui on mené le combat jusqu'ici, et le mènent toujours. Bien des luttes nous l'ont montré : c'est aussi grâce aux radicaux que les modérés peuvent être écoutés, n'oublions pas qu'elles et eux doivent aussi être représentés. Mais toutes ces questions, c'est avant aux Gardox qu'il revient de les mener sur le devant de la scène. Nous continueront à documenter leurs luttes et leurs idées, nous nous efforceront au mieux de relayer leur voix telle qu'ils et elles voudraient qu'elle le soit, en sachant que nous somme une rédaction majoritairement allochtone avec ses biais. Aussi, nous vous invitons à voir ce que des militants autochtones ont à dire sur la question.