A l'attention de son Excellence madame Monika Poliakov, en sa qualité de Rapporteuse Générale de l'Assemblée Générale des Collectivités de la République Autonome de Priscyllia,
Votre Excellence,
Si nous devions trouver dans l’histoire de l’humanité un bel exemple de l’expression « deux poids, deux mesures », votre missive serait probablement sur le podium. Il est intéressant de constater que votre pays est plus prompte à pardonner et à dialoguer sereinement avec un boucher sanguinaire coupable du meurtre sanglant de plusieurs dizaines de milliers de personnes, du moment qu’il est communiste ; mais en même temps, condamne fermement la Transblêmie fasciste, qui pratique la même forme de « sport estival ». Nous espérons que si Aoki Saburo avait été un dictateur fasciste, vous l’auriez accueilli aussi à bras ouverts dans votre capitale pour prendre le thé.
Contrairement à l’Assemblée Générale des Collectivités de la République Autonome de Priscyllia, la Troisième République du Jashuria combat fermement les auteurs de crimes de guerre, qu’ils soient communistes, fascistes, ou supposément démocrates. Ainsi, pour nous, l’idéologie du criminel importe peu. Seuls comptent ses actes, des actes dont Aoki Saburo et ses sbires se sont rendus coupables et pour lesquels ils doivent être jugés et punis en conséquences. Il en va du respect de l’Etat de droit, que leur révolution sanglante a foulé aux pieds, mais aussi de la simple humanité envers les victimes et leurs familles. Mais je suppose que vous saurez parfaitement expliquer aux familles des victimes qu’elles doivent se réjouir de la disparition de leurs proches … Après tout … quand la Cause est belle, nul sacrifice n’est trop grand parait-il.
Votre Excellence, votre tartufferie confine au génie. Pendant que vous discutez de la pluie et du beau temps avec un dictateur sanguinaire qui n’a eu aucun remord à faire exécuter son propre peuple, qui venait à peine d’obtenir l’émancipation du joug impérial nordiste – ce qui rappelons-le … était l’objectif de l’Union de la Résistance au départ – vous vous permettez de nous donner des leçons de morale du haut de votre tour d’ivoire.
Madame la Rapporteuse Générale, rappelez-moi … Où était le Pryscillia quand le gouvernement du Prodnov exécutait froidement 30 000 personnes dans les rues ? Où était le Pryscillia quand le Burujoa et le Péronas menaçaient de s’exterminer mutuellement ? Où était le Pryscillia quand la Loduarie tentait de prendre en otage les citoyens jashuriens sur son sol ? Où était le Pryscillia, quand le Jashuria était menacé d’extermination par l’Empire Listonien ? Etrange … je ne me rappelle pas vous avoir vu … Ah ! Mais peut-être n’étions-nous peut être pas assez communistes à votre goût. Quelle belle démonstration d’humanité, votre Excellence ! Défendre l’humanité, défendre la paix, oui, oui et trois fois oui … Mais seulement si elle porte vos couleurs.
Madame la Rapporteuse Générale, entrons désormais dans le champ de la politique-fiction et imaginons un seul instant qu’Aoki Saburo ne soit pas le doux agneau que vous imaginez et qu’une fois vos esprits rassurés, il continue son œuvre de purge ethnique et idéologique. Imaginez un seul instant que l’homme qui vient de tuer 50 000 de ses semblables n’hésite pas un seul instant à en tuer 50 000 autres. Pourrez-vous toujours vous prévaloir de votre haute stature morale ? Endosserez-vous la responsabilité de cet échec ? Agirez-vous contre Aoki Saburo ? Mais si c’est le cas, votre Excellence, serez-vous, en votre âme et conscience, capable d’endosser le terrible fardeau du paternalisme et de l’ingérence ?
Laissez-moi vous retourner votre question : de quel droit vous mêlez-vous du droit d’Aoki Saburo à massacrer son propre peuple ? Après tout, n’est-ce pas faire preuve d’une ingérence coupable que de s’ériger entre un boucher et son peuple ? Madame la Rapporteuse, laissez-le donc massacrer ses propres citoyens que diable ! N’allons pas faire d’ingérence dans ce jeune Etat, allons allons …
L’Assemblée Générale des Collectivités de la République Autonome de Priscyllia ne semble pas comprendre qu’en endossant la responsabilité de la légitimation d’Aoki Saburo, c’est elle et ses membres qui attisent les feux de la guerre au Nazum. Le gouvernement de Saburo est illégitime et vous ne pouvez le nier. Le gouvernement de Saburo est coupable du massacre de sa propre population et vous ne pouvez le nier. Vous vous évertuez donc à rechercher une paix qui ne peut exister tant que cette personne et ses sbires ne seront pas jugés par un tribunal pénal international.
Votre Excellence, nos intentions sont claires depuis le début et nos exigences le sont tout autant. Aoki Saburo et ses sbires doivent répondre de leurs crimes par le biais d’une institution internationale compétente en matière de crimes de guerre. Il s’agit-là du seul moyen par lequel le Mokhai pourra retrouver la paix et la seule voie qui s’offre au Nazum pour ne pas sombrer dans la guerre. Le gouvernement de Saburo ne possède que la légitimité acquise par la peur et le sang de son peuple. Nous ne pouvons tolérer qu’une telle chose se produise à nouveau sur ce continent.
Madame la Rapporteuse Générale, vous êtes déjà au courant de nos exigences, mais permettez-moi de les reformuler ici :
- La démission immédiate du gouvernement communiste du Mokhai et la constitution d’un gouvernement pluraliste transitoire
- La réinstallation des députés des précédentes assemblées, injustement évincés de leurs postes
- La mise en place d’élections libres et non faussées supervisées par les grandes puissances du Nazum comme garantes
- L’ouverture d’une enquête contre les crimes commis par Aoki Saburo et le libre accès des enquêteurs des tribunaux compétents au pays
- Le démantèlement des cellules terroristes communistes et la remise aux autorités des armes
- La restitution des biens spoliés aux citoyens par les autorités communistes
Ces exigences, si elles sont respectées, permettrons d’éviter une nouvelle guerre au Nazum. Remettez-nous Aoki Saburo et ses sbires et ils seront transférés à un tribunal pénal international compétent en la matière. En l’absence du respect de nos exigences, deux scénarios peuvent se produire que je vous encourage à évaluer avec la plus grande attention : l’envahissement du Mokhaï par la Transblêmie feudataire de l’Empire Xin, ou l’intervention du Jashuria pour déposer le gouvernement illégitime de Saburo. Je puis vous garantir que le Grand Duc de Blême a une conception si particulière du respect des droits humains qu’elle donnerait des frissons à un capitaine pharois.
Vous souhaitiez vous ériger en médiateur … vous voici aux commandes. Prenez votre décision, et prenez-la bien. Vous désiriez vous ériger en pourvoyeur de paix, agissez en tant que tel et évaluez bien ce qu’il risque de se passer si le Jashuria n’est pas là pour protéger le Mokhaï du bellicisme blêmien. Engagerez-vous la vie de votre peuple pour Aoki Saburo ?
La balle est dans votre camp, et nous avons hâte de voir quel spectacle vous allez produire.
Dans l’attente de votre réponse sur les canaux diplomatiques, je reste à votre entière disposition.
Veuillez agréer, votre Excellence, l'expression de mes salutations distinguées.
Cordialement