22/07/2013
13:55:21
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Rencontre entre Sylva et Apex Energy - Page 3

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-Hé bien, pour être une bizarrerie raskenoise, ça en est une, répondit Matilde.

Alexandra demanda quant à elle :

-C'est un sport répandu dans toutes les classes sociales ? Je veux dire, la formule 1 par exemple, est réservée pour des raisons financières à des gens aisés, en règle générale. Est-ce que c'est le cas pour ce sport ? Cela demande après tout un véhicule assez massif, à moins que cela ne soit accessible même à de petits garages ou collectifs ? Ou des systèmes de financement et sponsor permettent à n'importe qui de débrouillard de pouvoir participer ?

Nicolas, lui, commençait à s'impatienter du voyage. Il le fit remarquer avec une certaine absence de subtilité.

-Dans combien de temps arriverons-nous ? Je suis impatient de voir vos installations.

Il faut dire que Rasken le dépaysait dans le mauvais sens : aucune forêt selon les critères des sylvois. Il faut dire que selon leurs critères, bon nombre de pays sont "stériles et vides".
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Falko Mayer – La fédération essaie de le rendre le plus accessible possible. Bien entendu, il faut payer une licence pour rejoindre un club. 100 euros peuvent paraître chers, mais cela ne représente qu’une goutte d’eau par rapport au coût réel de ce sport.

En fait, c’est surtout grâce au sponsoring que les équipes arrivent à se financer. Enfin, cela est surtout vrai pour la ligue 2. Pour la ligue 1, nous (Apex) sommes le principal sponsor de chaque équipe, et nous leur donnons un montant équivalent à chacune. Bien sûr, les équipes ont la liberté de trouver d'autres sources de financement en dehors du nôtre, mais ce système assure au moins que la dernière équipe a de quoi concurrencer les autres.

Paradoxalement, ce n’est pas l’achat du tank qui coûte le plus cher. Du fait des violents affrontements dans les années 50, les casses de véhicules du pays ont un impressionnant stock de blindés. Non, ce qui coûte le plus cher, c’est l’entretien et la restauration des véhicules.

De plus, les règles sont énormément assouplies pour la ligue 3 par rapport à la ligue supérieure. Car le plus dur pour les équipes n’est pas d’arriver en ligue 1, mais de réussir à sortir de la ligue 3. Une fois arrivées dans la ligue 2, les sponsors commencent à s’intéresser aux équipes. À partir de ce moment-là, les équipes peuvent se permettre d’engager des mécanos dédiés, alors que avant, chaque membre d’équipage devait en même temps être mécano.

Mais bref, je ne vais pas tout vous raconter, cela prendrait trop de temps. De plus, nous sommes bientôt arrivés.


Pendant que Falko parlait, la voiture avait atteint le portail séparant le centre d’enrichissement de la route. Une fois arrêtée au portail, un homme portant des vêtements similaires à ceux portés par les militaires vint les voir.


Matz Adorf – Bonjour madame, papiers et autorisation s'il vous plaît.

Tamara Valentynivna – Bonjour monsieur, voici les documents, normalement tout est en règle.

Matz Adorf – Ah madame Valentynivna, je suppose que c’est aujourd’hui que vous visitez le centre et que ces personnes à l’arrière sont vos invités ?

Tamara Valentynivna – Tout à fait, pourriez-vous prévenir monsieur Bastian de notre arrivée ?

Matz Adorf – Bien sûr, je lui dis ça tout de suite.


Après cette petite conversation, la barrière fut levée et la voiture se gara sur le parking.
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La délégation sylvoise sortit de la voiture, chacun gardant sous son bras les longs et épais mentaux qu'ils avaient amenés. Si en soi un manteau seul n'était pas suffisant face à un vent glacial, il s'agissait malgré tout de tissu épais, coupe-vent et particulièrement chaud. C'était autant dire un recours de dernier secours en cas d'imprévu, suffisant pour supporter le coup jusqu'à un retour en urgence vers un lieu chaud.

Le premier réflexe de Nicolas fut d'observer les alentours, d'un œil technique. L'état de la route et sa capacité d'accueillir de gros véhicules, les dispositifs de surveillance alentours comme des miradors ou caméras, les dimensions de l'entrée et l'infrastructure la composant. Alexandra avait un regard plus touristique et contemplateur. Ce n'était pas son domaine et il n'y avait pas d'officiels en vue. Quand bien même sa présence était politique, elle n'avait pas tant à faire si ce n'était sourire et acquiescer à ce qu'on lui disait. Conséquemment, c'était essentiellement le paysage qu'elle observait pour le moment. "Un site désert pour des déchets toxiques" pensa-t-elle pour elle-même.
Matilde restait quant à elle très formelle, répondant toujours avec un ravissant sourire à ceux qui croisaient son regard. Elle prenait très à cœur sa fonction de représenter Sylva.
C'est finalement Nicolas qui poursuivit la discussion.

-Je suppose que la zone est géologiquement très stable. Pas de faille à proximité, peu de mouvement, faible présente de nappes phréatiques ? Je suppose aussi que c'est un sol argileux, assez imperméable par nature.
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Tamara Valentynivna – Tout à fait, la zone a été spécialement choisie pour les raisons que vous avez évoquées. De plus, elle est à l’écart des centres de population. Même si une fuite radiologique est peu probable dans ce genre d’installation, on n'est jamais trop prudent.


Au même moment où Tamara finissait sa phrase, les portes du centre s’ouvrirent et le chef du centre, Johann Bastian, en sortit.


Johann Bastian – Madame Valentynivna, Monsieur Mayer, c’est un plaisir de vous voir.
Tamara Valentynivna – Comme je vous l’ai dit précédemment, aujourd’hui nous faisons la visite du centre avec des représentants du duché de Sylva. Je vous présente la chef de l’État Sylvois, la duchesse Alexandra Boisderose, ainsi que sa fille Matilde Boisderose, et voici Monsieur Nicolas Lerouge, le représentant du DES.
Johann Bastian – Mesdames, Monsieur, c’est un honneur de vous rencontrer. Si vous voulez bien me suivre.


Le petit groupe se mit à suivre Monsieur Bastian à l’intérieur du bâtiment. Pendant qu’ils marchaient, il commença ses explications.


Johann Bastian – Donc, ici, nous nous trouvons dans le centre d’enrichissement de Balmer. Actuellement, c’est le seul dont dispose Rasken, mais nous sommes en train d’en construire un autre plus au sud-ouest, à 100 km de la frontière ambaroise.

Ce centre a la capacité de produire pour 30 réacteurs de 1200 MW au maximum. Bien que d’ici 2050, on estime que Rasken ne possédera que 27 réacteurs, ce ne sont que des estimations qui placent l’augmentation de la consommation du pays à environ 1 % par an, mais cela pourrait être bien plus ou moins.

Bien, donc actuellement, nous sommes dans la baie de déchargement. C’est ici que nous réceptionnons le yellowcake produit par l’usine de traitement de Haber, qui transforme le minerai brut en ce fameux yellowcake.
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La façon dont Tamara présenta Matilde la contraria. Elle était ici en qualité de ministre des Affaires étrangères, pas en tant que fille de la Duchesse. Elle ne fit aucune remarque pour autant et salua Bastian comme l'était l'usage. Quant à Nicolas, il se permit une petite question piège pour sonder les méthodes de raffinage employées par les raskenois :

-Et ce yellowcake, il est jaune du coup ?

Les deux politiciennes écoutaient quand bien même ce n'était pas leur domaine. Elles avaient compris sur le principe que le yellowcake n'avait rien de culinaire et désignait le combustible sous forme semi-raffinée. Par contre, elles ne comprenaient pas la question sur la couleur du composant, tout en se doutant que le responsable ne l'avait pas posé par hasard.
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Johann Bastian – Eh bien, il est jaune, c’est évident, c’est dans le nom. Non, blague à part, en fait le Yellow cake est jaune dans un premier temps puis devient gris après traitement. Cependant, sa couleur peut légèrement varier en fonction de la méthode de raffinage du minerai brut.

Le procédé utilisé dans l’usine de raffinage d’Haber consiste à broyer le minerai à forte teneur en uranium. Ensuite, la poudre est lixiviée puis oxydée et décantée avant d’être clarifiée. Pour finir, on rajoute des solvants et on fait précipiter le tout. Résultat, à la fin du processus, on obtient une solution de couleur jaune. Ensuite, tel un bon pâtissier, on met notre préparation au four à 800°C, jusqu’à obtenir une poudre grise contenant 85% d’uranium. Finalement, on la place dans des fûts avant de l’expédier ici.

Bien, si vous voulez bien me suivre, nous allons nous rendre dans la salle des ultracentrifugeuses.


Avant que Johann commence à parler, il vit que Matilde avait l'air un peu contrariée. Il ne lui fallut pas longtemps avant de comprendre la raison de cette contrariété. Il attendit que Johann finisse ses explications et pendant que le groupe se rendait dans la prochaine salle, il prit à part Matilde pour lui parler.


Falko Mayer – Madame la ministre, je tiens à m’excuser pour le manque de politesse dont a fait preuve ma collègue sur le parking. Je ferai en sorte que cela ne se reproduise plus.


Après ces quelques mots, Mathilde et Falko se hâtèrent le pas pour rattraper le reste du groupe.
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L'attention de Mayer convenait à Matilde, qui hocha respectueusement de la tête à la remarque. La mentionner comme juste la fille de la Duchesse était, en plus d'une négation de son importance, un rappel du népotisme ambiant dans la noblesse. C'était une espèce de tabou, que tout le monde connait, mais évite de mentionner pour éviter l'impolitesse.
Nicolas ne porta quant à lui strictement aucune attention à la question, ne pensant qu'au yellowcake.

-Très intéressant. Vous avez des mesures particulières par rapport à la sécurité à ce niveau ? Il n'y a pas de risque d'explosion ni de radiation, bien sûr, mais l'uranium reste cancérigène en cas d'inhalation par exemple. Vous avez des dispositifs notables pour éviter ça, hormis les combinaisons et filtres respiratoires ?

Comme si elle prenait soudainement conscience des mesures de sécurité, la Duchesse demanda à son tour.

-Devrons-nous à un moment ou un autre enfiler des tenues de protection ? Ou visiterons-nous uniquement des zones sans uranium en suspension dans l'air ?

Elle avait fait cette dernière mention avec une pointe de fierté, sortant de son expertise politique pour démontrer qu'elle avait compris un sujet bien au-delà de son domaine de compétence. Fort heureusement tout de même, elle n'avait pas enfilé de grandes robes créoles pour la visite, sachant qu'il faudrait quelque chose de pratique. Nicolas reprit quant à lui.

-D'ailleurs je ne sais plus si vous l'aviez précisé, mais l'uranium vient de Rasken ou vous en importé d'ailleurs ? Réciproquement, vous pouvez raffiner du combustible pour d'autres nations ? Par exemple, des pays ne disposant pas d'une industrie développée dans le domaine, qui vous enverrait du minerai brut pour en tirer de l'uranium suffisamment enrichi.
Pour ce qui est de l'uranium raskenois, je suppose que vous le collectez dans des roches granitiques essentiellement.

-Par ailleurs, vous avez mentionné le surplus de production d'uranium de ce site par rapport aux besoins raskenois, enchaina Alexandra. Je suppose que vous prévoyez de développer les exportations ? Rasken dispose de gisements notables d'uranium ? Après tout, Sylva ne serait pas opposée à multiplier ses fournisseurs, surtout avec la croissance à venir de sa consommation.
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Johann Bastian – Eh bien, si vous parlez d'éviter les fuites vers l'extérieur, le site a la capacité de fonctionner en circuit fermé au niveau du renouvellement de l'air. En fait, dès qu'une fuite est détectée, déjà dans un premier lieu, les lignes de production sont arrêtées, mais en plus le bâtiment devient hermétique. En fait, le bâtiment possède des réserves d'oxygène qui assurent la respirabilité du site pendant une trentaine de minutes, le temps que le personnel évacue. Une fois évacués, nous envoyons une équipe pour repérer la fuite, la réparer, puis nous décontaminons la zone.

C’est aussi pour cela que les 6 lignes de production ne sont pas dans une seule grande salle, mais sont séparées. Cela évite de devoir décontaminer toutes les lignes. Je ne l'ai pas précisé car cela me paraît logique, mais évidemment, tous les employés sont munis de masques à gaz en cas de fuite.

De plus, nos équipes de recherche sont en train de mettre au point un produit qui serait grandement utile.

Vous voyez les gicleurs au plafond ? Eh bien, en fait, même si cela n’est pas encore opérationnel, ils disposent de deux arrivées : une classique pour éteindre les incendies et une autre pour le produit dont je vous ai parlé. Ce produit, s'il tient toutes ses promesses, aurait la capacité de se fixer aux particules d'uranium en suspension dans l'air, ce qui les ferait tomber au sol directement à cause de la masse supplémentaire. Une fois au sol, le liquide ruissellerait dans les canalisations situées sous les grilles que vous voyez au sol vers un réservoir de stockage prévu à cet effet. Cela aurait l’avantage de concentrer l’uranium en un point plutôt que de l’éparpiller dans toute la ligne de production.


Johann Bastian vit les inquiétudes de la duchesse. Bien que de son point de vue, il savait qu’il n’y avait aucun danger, il prit la question très au sérieux.


Johann Bastian – Eh bien, Madame la duchesse, je vais vous poser une question : pouvez-vous tendre l'oreille vers la centrifugeuse et me dire ce que vous entendez ?


Alexandra se rapprocha de la machine comme demandé par Bastian et écouta.


Alexandra Boisderose – Je n'entends rien. Est-ce normal ?

Johann Bastian – Tout à fait. La ligne de production que nous visitons est à l'arrêt pour maintenance, tout comme la ligne 2. Cette année, ce sont les lignes 1 et 2 ; l'année prochaine, ce sera les lignes 3 et 4, et dans deux ans, ce sera les lignes 5 et 6. Si la ligne était en fonctionnement, vous n'auriez pas passé le SAS du moins pas habillée comme ça. C’est aussi pour ça que nous ne vous avons pas donné de masque à gaz.


Alexandra sembla rassurée par les paroles de Bastian. Lorsque Nicolas reprit la parole pour parler de la provenance du minerai, ce fut Falko Mayer qui prit la parole.


Falko Mayer – Rasken a beau être riche en pétrole, ce n'est pas la même chose pour le reste. Pour l'uranium, nous ne disposons que d'un seul gisement qui ne permet d'alimenter qu'une seule ligne de production et encore, cela reflète juste un rythme d'exploitation très rapide. Il sera épuisé dans une dizaine d'années. Actuellement, ce gisement suffit car nous n'avons que 4 réacteurs, ce qui suffit à les alimenter, mais dès le début de l'année 2014, cela ne sera plus suffisant. À terme, la Tcharnovie sera l'un de nos principaux fournisseurs d'uranium. Nous avons aussi des discussions avec Ambar.

Ensuite, nous disposons d'un stock de secours conséquent. Je pense que de votre point de vue, les cendres de charbon ne sont qu'un déchet bon à jeter, mais dans les cendres de charbon, il y a des traces d'uranium, ce qui fait que, paradoxalement, une centrale au charbon émet plus de radioactivité par an qu'une centrale nucléaire. Avec les années, nous avons accumulé un stock impressionnant de cendres que nous avons traité pour en extraire de l'uranium. On estime que dans toutes les cendres que nos centrales à charbon ont produites depuis les années 50, il y a l’équivalent de 2000 tonnes d’uranium naturel, soit de quoi alimenter 11 de nos réacteurs pendant un an. À partir de 2022, nous ne disposerons plus que d'une centrale au charbon de 1000 MW que nous réservons à des usages spécifiques, mais celle-ci produira encore environ l'équivalent de 6 tonnes d'uranium naturel par an.

Tamara Valentynivna – Pour ce qui est du raffinement du combustible pour d'autres pays, nous en sommes tout à fait capables étant donné que nous avons encore une grosse marge dans notre capacité de raffinement. Mais cette surcapacité de production n’a pas été faite dans le but de développer nos exportations. Comme Apex est avant tout une entreprise nationale, nous avons le devoir d’accomplir la tâche que l’on nous donne en tout temps. C’est pour cela que nous avons une vision à long terme.

Par exemple, pour le pétrole, avant 2011, nous avions l’interdiction d’exporter notre production. Cela signifie que même si nos anciens gisements sont relativement modestes, comme notre plus gros gisement avant les découvertes du plateau de cristal, qui disposait de 4,9 milliards de barils initialement en place et a été découvert en 1923, ce ne fut qu'en 2011 que sa production commença à décliner. Il aurait pu produire jusqu'en 2064, soit plus de 140 ans d'exploitation, tout cela grâce à une ancienne loi de Rasken qui a sauté en 2011. Cette loi interdisait l’exportation du pétrole, ce qui a fait que nos vieux gisements ont été grandement économisés.

C’est dans cette vision à long terme que nous avons construit ce centre de traitement. Pour l’instant, il ne fonctionne pas à pleine capacité, mais chaque année, il sera de plus en plus sollicité. C’est aussi dans cette optique que nous avons commencé la construction d’un autre centre. Ainsi, si un centre est dans l'incapacité de produire, l'autre peut prendre le relais.

Comme mon collègue Falko vous l’a dit, Rasken ne dispose pas de grandes réserves d'uranium. Si vous voulez élargir vos fournisseurs, je vous conseille de vous tourner vers la Tcharnovie. Si cela vous intéresse, nous pouvons raffiner le minerai brut pour vous avant de vous l’envoyer pour fabriquer le yellowcake dans vos installations.
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Nicolas fut captivé par le dispositif pensé pour fixer l'uranium.

-Hé bien, cela m'a l'air intéressant. En Sylva, nous nous contentons de régler la contamination des salles avec l'aspiration, équipées de filtres et combinées à des capteurs dans la pièce. Je serais donc très à l'écoute des résultats de votre dispositif, nous serons enclins en Sylva à l'intégrer s'il s'avère particulièrement intéressant.

Alexandra intervint quant à elle sur les questions politiques et souveraines, en bonne dirigeante :

-De l'uranium dans le charbon ? C'est intéressant, nous pourrons étudier la rentabilité de cette idée en Sylva. Quand bien même la chose ne permettrait pas d'assurer notre autonomie, elle amortirait au moins nos besoins pour limiter la nécessité d'importations. D'ailleurs, nous aussi devrons commencer à rechercher davantage de fournisseurs. La Tcharnovie, j'ai entendu parler de leurs gisements d'uranium, dans une région contestée, ponctuellement marqué par un autre conflit interne. Dès lors, le Duché préfère ne pas y compter pour le moment, pas tant que la question n'aura pas été durablement résolue.

Matilde poursuivit.

-La production d'uranium est en effet bien moins médiatisée. Le pétrole et le gaz, on en entend régulièrement parler, mais pas les combustibles nucléaires.

-C'est pourquoi nous devons accentuer nos efforts sur les surgénérateurs, poursuivit Nicolas. Ils permettraient de revaloriser l'uranium appauvri, et même d'exploiter du thorium. De là, les réserves possibles exploseraient et assureraient au Duché sa souveraineté.

Ce à quoi Alexandra poursuivit :

-Très juste, mais il s'agit là d'une question sur le long terme. Nous avons déjà commencé à étudier la question et des réponses concrètes ne seront pas apportées de si tôt. Rien ne garanti en l'état l'aboutissement de ces recherches, qui s'avèrent qui plus est couteuses.

Sur ce, Nicolas fit la moue, contrariée à cette idée. Il faisait partie des acteurs les plus impliqués dans ce projet, mais force était de constater qu'il y avait du vrai : Sylva n'était pas la première à se lancer dans le concept, somme toute ancien, et rien pour le moment n'indiquait qu'elle aurait à l'avenir de meilleurs résultats. Pourtant, la chose laissait rêveur par les perspectives annoncées.
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Falko Mayer – Il est vrai que la Tcharnovie n’est pas ce que l’on pourrait appeler un havre de paix, mais les avantages dus à sa distance relativement faible rendent ses gisements plus qu'attrayants. De plus, nous avons signé des accords avec la Tcharnovie pour procéder à de la prospection. Si les résultats s'avèrent concluants, nous pourrions établir une ou plusieurs mines gérées par Apex. Bien sûr, cela se fera dans plusieurs années, mais à ce moment-là, nous pourrions peut-être vous vendre l’uranium Tcharnove.



Les membres d’Apex furent surpris par l’énorme engouement que portait Nicolas envers cette technologie. Tamara prit alors la parole pour lui répondre.


Tamara Valentynivna – Il est vrai que cette technologie, si elle tient toutes ses promesses, peut être considérée comme le salut de l’Humanité en ce qui concerne la question de l’énergie, du moins si la fusion s’avère impossible.

Le programme de recherche sur la surgénération raskénois en est qu'à ses débuts. Nous n’avons pas encore de réacteur de recherche. Disons aussi que nous n’en avons, pour ainsi dire, aucun intérêt dans l’immédiat. Le but derrière la construction rapide de notre parc nucléaire est avant tout de sortir du charbon qui nous détruit les poumons jour après jour. Donc nous n’allions pas investir des milliards dans un programme de recherche qui aurait pu nous donner des résultats dans 20 ans. En fait, de notre point de vue, développer les surgénérateurs maintenant ce serait comme essayer de promouvoir les éoliennes et les panneaux solaires au début de la révolution pétrolière. Ils disposent de sérieux avantages, mais ne sont pas du tout compétitifs. Cependant, il ne faut pas reproduire les erreurs du passé, il ne faut pas attendre le point de non-retour avant de décider de commencer la recherche sur les surgénérateurs.

Comme je vous l’ai dit, cette technologie n'a pour l’heure pas grand intérêt pour nous, mais nous n’allons pas attendre que les réserves en uranium de la planète soient épuisées pour nous lancer dans cette aventure. C’est pour cela que nous avons commencé la recherche sur le sujet, même si cela ne se fait pas à grande vitesse. Si un partenariat dans ce domaine entre nos deux entités vous intéresse, nous sommes ouverts.
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Nicolas fut par contre bien moins enthousiaste sur la question de la fusion, sans pour autant y témoigner une absence d'intérêt.

-En effet, si la fusion était maitrisée, elle éclipserait les surgénérateurs... mais ce seront pour un avenir encore plus lointain. En l'état, les surgénérateurs constituent une étape intermédiaire entre la fission classique et la fusion, fission qui est elle-même une étape pour se passer du fossile.
La chose n'est pas urgente pour l'instant, mais comme vous le dite, il ne faut pas tarder à outrance, autrement nous serons pris au dépourvu.

-Concernant Sylva, poursuivit Alexandra, il s'agit avant tout de questions souveraines. Maitriser les surgénérateurs limiterait grandement les besoins en uranium et donc en importation. Ce serait là une façon de soutenir notre autonomie.
Par rapport au partenariat sur la question, hé bien nous étudierons l'éventualité en fonction de l'évolution du projet de réacteur de facture raskenoise en Sylva. Ce sera là l'occasion d'évaluer la confiance que nous pouvons vous attribuer, et vos performances. Une fois que vous aurez fait vos preuves, nous pourrons approuver une recherche conjointe. En vue du sujet, vous comprendrez que nous soyons très exigeants sur les partenaires à impliquer.
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Tamara Valentynivna – Bien entendu, un programme de recherche conjoint sur les surgénérateurs ne serait pas pour tout de suite, comme je vous l'ai dit, notre programme de recherche n'a pratiquement pas encore commencé.

Johann Bastian – Bien, si vous voulez bien me suivre, nous allons continuer la visite.


Après cela, les représentants sylvois ont visité la salle de contrôle d'où le site entier était géré, ainsi que le reste de l'installation, pendant environ 2 heures. La visite du site d'enrichissement de Balmer s'est achevée aux alentours de 18 heures. Une fois terminée, le groupe est sorti des installations et est remonté dans les véhicules pour conduire les représentants sylvois jusqu'au lieu de leur hébergement.
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Le reste de la visite fut apprécié, chacun des invités poursuivant sur la même dynamique. Nicolas Lerouge enchainait les questions techniques tandis que Matilde et Alexandra Boisderose voyaient les choses sous le prisme de la diplomatie et politique.

C'est sans encombre que la délégation retourna à ses appartements, se reposant pour les prochaines visites.
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Une fois la visite du centre d'enrichissement de Balmer achevée, les membres d'Apex Energy raccompagnèrent les représentants sylvois jusqu’au lieu où ils allaient passer leur nuit.


Tamara Valentynivna – Tu veux que je te ramène directement chez toi ?

Falko Mayer – Non, ramène-moi au parking du siège, j’ai ma voiture là-bas. Mais avant, est-ce que tu es libre ce soir ?

Tamara Valentynivna – Pourquoi cette question ? Tu veux m’inviter au resto ?

Falko Mayer – Non, faut que je te parle. Allons au bar, je connais un bon établissement.


Après cela, les deux collègues allèrent comme convenu au bar.


Serveur – Je vous sers quoi, Messieurs-Dames ?

Tamara Valentynivna – Ce sera une bière pour moi.

Falko Mayer – Bon, ça fera deux bières du coup.

Serveur – Je vous sers ça tout de suite.
Et voilà.
Tamara Valentynivna – Bon, tu voulais me parler de quoi du coup ?

Falko Mayer – Tu as un peu merdé aujourd’hui.

Tamara Valentynivna – Comment ça ?

Falko Mayer – Matilde Boisderose, tu l’as présentée comme la fille d’Alexandra Boisderose, même si c’est le cas, elle est surtout ministre des Affaires étrangères. Même si je sais que tu ne pensais pas à mal, ne le refais pas demain. J’aimerais autant que possible éviter de les contrarier, Sylva c’est le premier gros contrat de la boîte.

Tamara Valentynivna – Il n'y a pas à dire, j’ai vraiment merdé. J’ai dû lire le dossier trop vite, faut croire. Mais je ne pense pas que tu m’as fait venir juste pour ça, je me trompe ?

Falko Mayer – Qu'est-ce que tu penses de nos invités ?

Tamara Valentynivna – Pour Alexandra et Matilde, je n'ai pas grand-chose à dire. Ce sont des politiques, ce n’est pas leur domaine, même si Alexandra fait des efforts pour ne pas être perdue, elle essaie de comprendre la situation. Pour ce qui est de Nicolas, c’est très drôle, on a l’impression de voir un enfant qui visite une usine de jouets. Tu vois directement que c’est un passionné et qu’il prend son travail très à cœur. Les centrales sylvoises sont entre de bonnes mains.

Falko Mayer – Je vois.

Tamara Valentynivna – Tu m’as fait venir juste pour ça ?

Falko Mayer – Ça va, si on ne peut même plus discuter avec une collègue.


Les deux collègues continuèrent de discuter de tout et de rien pendant une vingtaine de minutes avant de rentrer chez eux pour se reposer, une rude journée les attendait le lendemain.


Tamara Valentynivna – Bonjour, Madame Alexandra, comment allez-vous aujourd’hui ? Vous avez passé une bonne nuit ?
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Aucun des trois membres de la délégation sylvoise n'avait chômé durant la nuit. Quelle que soit leur distance avec le Duché, leurs responsabilités persistaient et ils avaient du traiter diverses demandes. Ils n'étaient que moyennement en forme, la faute au décalage horaire auquel ils ne s'étaient pas encore adaptés. La chose était visible seul sur Nicolas ceci dit, pas habitué aux déplacements du genre là où la Duchesse et la ministre des Affaires étrangères y étaient accoutumées de par leurs fonctions.
C'est avec un sourire radieux qu'Alexandra répondit, galvanisée par les jus de fruit concoctés spécialement pour rester en forme qu'elle emportait à chaque voyage.

-Bonjour à vous, je vais très bien aujourd'hui, merci. La nuit a été excellente, nos appartements sont très confortables. Et vous ? Comment allez-vous ? Pouvez-vous me rappeler quel site nous visiterons aujourd'hui ?
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