22/07/2013
05:09:54
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Rencontre entre Sylva et Apex Energy - Page 4

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Tamara savait que ce que disait Alexandra n’était que partiellement vrai. Les décalages horaires sont souvent difficiles à gérer, et au vu de leur statut, ils n’avaient pas passé la nuit à dormir, mais sûrement à travailler. Au-delà de cela, on voyait qu'Alexandra et Mathilde étaient habituées à ce genre de voyage, ne laissant transparaître que de légères cernes, à la différence de Nicolas qui lui semblait sortir de trois nuits blanches d’affilée.


Tamara Valentynivna – Ravie d’apprendre que vous avez bien dormi, une bonne nuit de sommeil est nécessaire pour être efficace pendant la journée.

Pour répondre à votre question, hier nous avons visité le centre d’enrichissement. Aujourd’hui, nous allons visiter l'endroit où est utilisée cette uranium enrichi, donc la centrale.

Nous allons visiter la centrale d’Osterwald. Actuellement, la centrale dispose de 2 réacteurs en fonctionnement. Le réacteur numéro 4 est presque achevé et devrait démarrer d’ici décembre. Quant à celui que nous allons visiter, le réacteur numéro 3, il est entièrement terminé et seuls quelques tests sont encore à faire. Rassurez-vous, il n’y a rien de radioactif. Le combustible nucléaire va être chargé la semaine prochaine.

Maintenant, si vous voulez bien me suivre.
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"Nous vous suivons", répondit Alexandra. En cours de route, Nicolas commençait déjà à poser des questions :

-Quelle est la puissance de ces réacteurs ? Ils apporteront une quantité considérable d'énergie, comment cela s'agence-t-il dans votre réseau ? Je suppose que cela se traduit par l'extinction des centrales les plus polluantes ?
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Tamara Valentynivna – Vous n'êtes pas fatigué, à ce que je vois, eheh.

Pour répondre à vos différentes questions, les réacteurs que nous construisons à Rasken ont une puissance de 1200 MW, soit un peu moins que ceux que vous aurez. Ce choix a été pris car nous devons fermer rapidement nos centrales à charbon, les réacteurs de 1200 MW étant un peu plus rapides à construire, ils ont donc été privilégiés.

Pour ce qui est de la quantité d'énergie fournie au réseau, elle dépend grandement du facteur de charge. Pour faire simple, le facteur de charge correspond à la quantité d'énergie produite sur une période divisée par la quantité qu'aurait pu produire la centrale si elle avait fonctionné à plaine puissance. Par exemple, pour les énergies renouvelables comme les éoliennes, il est souvent autour de 25 %, tandis que pour les centrales thermiques, il est souvent de 80 %. Cette différence est due à l'intermittence des énergies renouvelables, à l'exception de l'hydroélectrique. Pour les réacteurs nucléaires raskenois, leur facteur de charge est également de 80 %, ce qui leur donne une production annuelle d'environ 6,7 TWh, soit 3,4 % de la consommation, pour vous donner une idée.

Comme je vous l'ai dit précédemment, le but du développement du nucléaire à Rasken était de fermer au plus vite nos centrales à charbon. D'ici 2023, nous n'aurons plus de centrale à charbon, mais nous garderons cependant nos centrales à gaz.

J'aurais une question à mon tour : quel est le mix électrique du duché ?
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Sans hésitation, Nicolas répondit de tête :

-Nous sommes actuellement à 25% de nucléaire, 15% de renouvelables en comptant tout ce qui est solaire, hydraulique et éolien, 40% de gaz en incluant le biogaz, et 20% de charbon. C'est un ensemble estimé comme très négatif par l'ensemble des différents partis politiques de Sylva. Comme l'Empire Raskenois, nous avions pour ambitions de fermer les centrales à charbon, mais la réalité du terrain nous a contraints à nous seulement les maintenir, mais également en ouvrir de nouvelles. Nous avons en effet misé sur un développement industriel très rapide avec des besoins en électricité conséquent, et nous avons fais le choix de maintenir une énergie polluante sur le moyen terme de façon à ne pas réduire la croissance.
Mais évidemment, de gros efforts sont déployés pour résoudre tout cela, avec pour objectif une suppression pure et simple du charbon, une réduction drastique du gaz naturel au profit du biogaz, et le développement de filières bas-carbone comme le nucléaire ou renouvelable.
Là où les objectifs fixés varient, c'est dans la proportion du nucléaire et des barrages sur les autres énergies, pour diverses raisons idéologiques, politiques ou nucléaires.

-Beaucoup de discussions très endiablées sont en effet tenues sur différents points, poursuivit Alexandra. Je vous passe les habituelles paniques morales sur le nucléaire pour nous concentrer sur les aspects méritant une attention. Déjà, il faut savoir que diverses provinces de Sylva portent des ambitions autonomistes, passant par une décentralisation des moyens de production en incluant ceux de l'énergie. Les grands parcs centralisés de nucléaire-hydraulique sont donc assez contradictoires avec ces ambitions, préférant de petites unités de production réparties un peu partout.
Et pour ce qui est de l'aspect écologique, il faut savoir que les sylvois chérissent, non, nous vénérons notre région et ses forêts. Or, aussi bas-carbone que soient les barrages, ils impactent les fleuves. Les centrales héliothermiques nécessitent de gros défrichements, les houlomoteurs ont des impacts en cours d'étude sur les écosystèmes marins. Et je ne parlerais pas des éoliennes qui nécessitent toute proportion gardée un très large socle de béton. Bref, il est illusoire de penser qu'une source d'énergie puisse ne pas impacter l'environnement, et là, nous devons faire des choix et compromis.

-En effet, reprit Nicolas, la question serait réglée si nous étions dans une technocratie centralisée pilotée par des ingénieurs sans aucun politicien, mais un tel monde idéal est réprouvé par la plupart du monde et nous sommes contraints de concilier les opinions de chacun sur de telles questions.
Quoi qu'il en soit, les objectifs sur le nucléaire vont de 50 à 80% de la part de l'énergie produite, avec une vingtaine de pourcents pour l'hydraulique, et le reste occupé avec les centrales à biogaz et autres énergies renouvelables.
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Tamara Valentynivna – Je vois, Sylva dépend grandement du fossile pour son mix énergétique, Rasken est à peu près dans la même situation. Le fossile occupe environ 70 % de notre mix énergétique, mais celui-ci a bien baissé depuis le lancement de notre programme nucléaire. Il y a 2 ans, le fossile occupait 81 % de notre mix électrique.

Avec le développement rapide du nucléaire, nous espérons fermer toutes nos centrales à charbon d’ici une dizaine d’années. En parallèle, nous allons fortement développer le biogaz avec la méthanisation des déchets agricoles, mais celui-ci sera en grande partie réservé à des usages domestiques. En plus des déchets agricoles, nous avons l’ambition de produire de grandes quantités d’algues en mer. Celles-ci iront aussi dans des méthaniseurs de taille bien supérieure, le gaz produit étant exclusivement destiné à nos centrales à gaz, ce qui devrait faire baisser leurs émissions.

Cependant, nous ne comptons pas nous arrêter là. La préservation de l’environnement étant une priorité pour Apex, nous avons toujours veillé à ce que notre impact soit le plus minime possible. C’est pourquoi, lorsque nous avons découvert les vastes réserves de pétrole du plateau de Crystal et que la loi sur la limitation de la production a été levée, nous nous sommes engagés à compenser les émissions de chaque baril de pétrole extrait par divers moyens. Pour garantir cet engagement, nous avons décidé de mettre en place des dispositifs de CSC sur nos centrales à gaz d’ici 2020. Comme le gaz consommé sera du biogaz, nos centrales auront des émissions négatives. Pour simplifier, pour chaque MWh produit, un peu moins de 400 kilogrammes de CO2 seront retirés de l’atmosphère. Avec les chiffres de production actuels, ce sera environ 24,5 millions de tonnes de CO2 qui seront retirées de l’atmosphère annuellement lorsque toutes nos centrales fonctionneront au biogaz et disposeront de dispositifs CSC. Cependant, nous n’excluons pas d’augmenter le fonctionnement des centrales pour augmenter la capture.

Il est vrai que la réaction de la population peut constituer un frein important pour les projets industriels, étant donné que dans la grande majorité des cas, cela touche à des sujets complexes qui peuvent engendrer des réactions disproportionnées par rapport à la réalité. Pour résoudre ce problème, nous sommes passés par l’éducation à Rasken. En fait, le développement du nucléaire dans notre pays est en discussion depuis plus de 20 ans. Durant tout ce temps, le gouvernement a essayé de changer petit à petit la mentalité des jeunes sur la question du nucléaire, en ayant par exemple des chapitres dédiés à la production électrique et à ses différents impacts. Tout ce travail fait qu’aujourd’hui, selon les derniers sondages, 68 % de la population est pro-nucléaire, 18 % est favorable, 8 % ne se prononcent pas et 6 % sont défavorables.
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-Oui, débuta Nicolas Lerouge, l'éducation est un point capital. Dans un monde avec un système d'enseignement parfait, les choses iraient sans encombre avec des citoyens bien au fait des enjeux et décisions à approuver. Malheureusement, il y a deux problèmes : on ne peut pas parfaitement tout enseigner à tous le monde, et les gens peuvent à l'inverse être désinformé de façon bien plus facile.

C'est Alexandra qui continua.

-Il suffit de constater le succès du documentaire "Clandestin", et son impact sur l'opinion publique. Pourtant, les propos tenaient de la diffamation éhontée, Sylva et Rasken ne relâchant aucunement leurs déchets nucléaires en mer, et n'employant pas de migrants sous-qualifiés de manière dangereuse.

-Et nous ne pouvions constater la chose qu'avec une certaine impuissance, poursuivit Matilde. Nous n'avons aucune juridiction pour condamner les diffamations commises. Et même si nous pouvions, cela aurait simplement consisté à s'attaquer aux symptômes et non pas à la cause. En effet, le problème n'est pas que des inepties soient prononcées, mais qu'elles soient écoutées et prises pour argent comptant. En fait, nous n'avons pas pris la peine d'interdire le documentaire en Sylva pour plusieurs raisons. Déjà, il était illusoire de penser que ce serait efficace, Clandestin se serait visionné de façon clandestine, et cette médiatisation aurait au contraire été contre-productif en faisant sa promotion.
Ensuite, il est plus intéressant d'argumenter et apporter les outils nécessaires aux citoyens pour qu'ils comprennent par eux-mêmes ce qui est vrai ou faux, plutôt que de déployer des efforts ridiculement importants à vainement les maintenir dans un environnement aseptisé de tous mensonges.
Et puis, ce serait paternaliste à outrance de ne compter que sur le gouvernement pour traiter ce qui est vrai ou faux. Les sujets doivent conserver une certaine autonomie intellectuelle. Ce sont des adultes, pas des enfants en maternels qui croient tout ce qu'ils voient à la télévision.
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HRP : JeanPierre qui parle d’un documentaire qui n’est pas encore sorti au moment de la rencontre



Tamara Valentynivna – Il est vrai que ce documentaire est inquiétant, non pas à cause de ce qu'il raconte, entre le recrutement de SDF sans expérience, les réacteurs raskenois à Sylva pas encore construits mais qui engagent des SDF pour nettoyer le circuit primaire, ou tout simplement le fait que le circuit primaire n'est même pas à la taille des hommes. Non vraiment, une simple recherche de 5 minutes suffit pour voir que ce « documentaire » n'est qu'un ramassis de mensonges. Ce qui est inquiétant, comme vous le dites, c'est le nombre de gens qui sont persuadés que Clandestin raconte la vérité.

Quant à l'interdiction, il est vrai que c'est une méthode peu efficace, même si ce ne sont que des mensonges, interdire quelque chose peut faire croire que l'on veut cacher la vérité.

À Rasken, certains professeurs de lycée ont bloqué des créneaux de deux à trois heures et ont demandé aux élèves de regarder ce « documentaire » avant de leur demander de faire un compte rendu dessus. Le but était de voir si les élèves étaient capables de rechercher l'information par eux-mêmes et de discerner le vrai du faux.
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Matilde Boisderose : C'est une démarche intéressante, former dès le plus jeune âge les citoyens à l'esprit critique, à la vérification des sources et au croisement des données.

Nicolas Lerouge : Permettez-moi de revenir au sujet originel, vous avez évoqué le captage et stockage du gaz carbonique ? Vous avez déjà des résultats à ce niveau dans l'Empire Raskenois ? Je pense notamment à la rentabilité d'un tel processus, en Sylva il a été évoqué, mais jamais aboutis pour plusieurs raisons.
Déjà en l'état, les centrales thermiques représentent une importante part du parc énergétique, et mettre en place ce dispositif aurait conséquemment une importante répercussion sur les prix à cette échelle. Certes, l'impact sur la pollution serait proportionnel, mais autant moderniser le parc pour ce prix-là.
Même pour le futur modèle de production de l'énergie, où ce dispositif serait appliqué sur les centrales à gaz, alors minoritaire, l'intérêt est assez limité. En fait, il existe en Sylva un dispositif déjà tellement efficace pour stocker le gaz carbonique : la végétation. Nous préférons largement investir à replanter là où on peut, et surtout, favoriser le développement d'algues dans les océans, plutôt que de pomper encore le gaz dans le sol.
D'ailleurs, le CSC ferait d'autant moins sens à l'avenir lorsque nos seules centrales thermiques seront au biogaz, puisqu'il s'agira du cycle du carbone de surface avec, donc, un bilan stable à la fin. Je veux dire, le biogaz est obtenu à partir essentiellement de végétaux ayant préalablement capturé le carbone. On ne parle pas d'extraire du sol du carbone pour le relâcher ensuite dans l'atmosphère. Dès lors, chercher à stocker dans le sol le gaz carbonique fait encore moins sens.

Alexandra Boisderose : Tout à fait, ce sont globalement les raisons de notre doctrine sylvoise sur le sujet. Mais nous restons à l'écoute de vos avancées sur le sujet, peut-être donneront-elles quelque chose ? Il y a eu d'autres projets dans le genre en Sylva, certains parlaient par exemple de serres fermées à enrichir en gaz carbonique pour accélérer la croissance, mais rien d'aboutis ni concluant.
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Tamara Valentynivna – Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, Apex se veut respectueux de la nature. C'est pour cela que nous nous sommes engagés à compenser les émissions de CO2 dues à nos activités polluantes, principalement pétrolières. Nous savons qu'en moyenne, chaque baril de pétrole extrait du sous-sol va émettre environ 20 kg de CO2 avec notre production actuelle. Cela représente environ 130 000 tonnes de CO2 émises quotidiennement, pour environ 47,2 millions de tonnes par an, ce qui est un chiffre conséquent. L'idée derrière la capture et séquestration de carbone sur nos centrales à gaz est, dans un premier temps, de réduire fortement leurs émissions. Cependant, dans un deuxième temps, quand celles-ci fonctionneront au biogaz, nos centrales deviendront de formidables aspirateurs à CO2.

Chaque année, nos centrales à gaz rejettent dans l'atmosphère un peu moins de 25 millions de tonnes de CO2. Si nous utilisons du biogaz à la place du gaz fossile et que nous séquestrons les émissions, cela veut dire que nous retirerons 25 millions de tonnes de CO2 de l'atmosphère chaque année, nous compenserons alors plus de 52 % des émissions dues à l'extraction pétrolière.

Bien que cela soit un engagement d'Apex en faveur de l'écologie, la CSC présente également un avantage économique. Rasken a désespérément besoin de gaz. Jusque dans les années 90, le gaz ne fut jamais un problème grâce à une série de 7 gisements de taille variable. Notre production était toujours supérieure à la consommation. Mais cela a changé en 1995, date à laquelle la consommation a été supérieure pour la première fois à la production. Depuis lors, la consommation ne cesse d'augmenter. D'environ 30 millions de m³ par jour en 2000, elle devrait dépasser les 100 millions cette année, alors que notre production dépasse à peine les 22 millions de m³.

Le CO2 que nous allons capter sera destiné à plusieurs endroits.

Premièrement, nos supergéants du plateau de cristal. Dans un premier temps, l'injection de CO2 servira à maintenir la pression dans le réservoir pour maintenir le niveau de production en plus d'améliorer le taux de récupération. Aussi surprenant que cela puisse paraître, augmenter le taux de récupération de 1 % n'augmente pas les réserves de 1 %. En moyenne, on estime qu'augmenter le taux de récupération de 1 % augmente les réserves de 3 %. De plus, comme je vous l'ai dit, Rasken a besoin de gaz. Nos 6 gisements de pétrole contiendraient, d'après nos estimations, environ 980 milliards de m³ de gaz récupérable. L'injection accrue de CO2 permettra alors de récupérer le gaz tout en maintenant la pression dans le réservoir. L'injection de CO2 est aussi à l'étude pour de vieux gisements afin de revitaliser leur production. Sur une simulation que nous avons faite, l'injection de CO2 a permis de rallonger la durée de vie du gisement de 25 ans. Au final, 18 millions de tonnes de CO2 ont été injectées pour une production supplémentaire de 130 millions de barils.

Deuxièmement, nous avons signé des accords avec Ambar et l'Aquitagne afin d'acheminer le CO2 capturé de nos centrales mais aussi de nos grosses industries comme des aciéries, cimenteries, raffineries, etc., vers les gisements de charbon Aquitagnais. Le but est de forcer le méthane contenu dans le charbon (le grisou) à sortir et de le capturer. Nous envisageons aussi de le faire avec la Tcharnovie.

Tout à l'heure, vous avez mentionné la forêt. À Rasken, nous avons aussi des plans de reboisement visant à réparer la déforestation du passé. Il est vrai que les arbres sont de formidables aspirateurs à CO2, mais de notre point de vue, ils sont assez peu efficaces. Un km² de forêt absorbe en moyenne 1000 tonnes de CO2 par an, ce qui est peu en comparaison de nos émissions. C'est pour cela que nous préférons mettre le gros de nos efforts dans la production de gaz, qui a en plus l'avantage de pousser en moins d'un an en comparaison de quelques années voire dizaines d'années.
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Nicolas fronça les sourcils en relevant légèrement la tête. Il n'était pas expert sur la question et n'osait pas remettre en question les propos de connaisseurs... mais il suspectait une confusion entre pourcentages et point. Ceci dit que l'augmentation exponentielle des réserves avec celle du taux de récupération ne le surprenait pas complètement, mais la chose piquait sa curiosité.

-Très intéressant, je serais très curieux d'avoir une vue sur les calculs entre taux de récupération et réserve, même approximativement.
Pour ce qui est de l'efficacité du CSC par rapport aux forêts sur le plan écologique, Sylva compte facilement 400 000 km² de forêts, soit largement de quoi absorber nos émissions de carbone, si tant est que les forêts déjà densément implantées continuent d'en absorber en quantité. Par contre l'argument du taux de récupération est très intéressant.

-En effet, poursuivit Matilde, ce serait là un point intéressant sur les plans économiques comme politique. Augmenter la production nationale de Sylva contribuera à limiter les dépendances de l'étranger.

C'est Alexandra qui conclut ensuite :

-Et pour ce qui est du temps d'implantation, nos forêts sont déjà bien développées. Mais c'est là surtout un argument local et culturel. Nous adorons nos arbres en Sylva et favoriseront toujours les solutions permettant d'en ajouter. Si l'augmentation du taux de récupération est un argument en soi, l'accroissement des forêts en est un autre. Les deux sont conciliables après tout.
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Tamara Valentynivna – Quand on a l'espace nécessaire, il est vrai que la reforestation est souvent avantageuse. Cependant, le problème réside dans le fait que Rasken est petit comparé à Sylva. La surface forestière de Sylva est 2,5 fois plus grande que la surface totale de Rasken. En tenant compte du plateau de Crystal ainsi que de la majorité des montagnes, on estime approximativement que Rasken possède moins de 30 000 km² de surface forestière. Il est estimé que l'on pourrait reboiser entre 10 000 et 15 000 km² sans impacter le développement des villes.

En ce qui concerne le taux de récupération, nous pourrions apporter notre expertise si vous le souhaitez. Sans vouloir me vanter, Rasken et, par extension, Apex, a toujours été un précurseur dans la recherche sur l'exploitation du pétrole. Comme je vous l'ai dit, jusqu'à récemment, nous avions une loi limitant l'exploitation des hydrocarbures afin de maximiser dans le temps notre approvisionnement. Cette loi nous a constamment poussés à chercher de nouvelles méthodes pour prolonger la durée de vie de nos modestes ressources pétrolières.

Pour donner quelques exemples, les forages horizontaux, qui permettent une meilleure exploitation d'un gisement, se sont démocratisés dans les années 1980, mais ils étaient déjà largement utilisés à Rasken au début des années 1965.

Actuellement, nous investissons encore des sommes importantes dans la recherche de nouvelles méthodes pour améliorer le taux de récupération. Par exemple, un gisement simple avec seulement des forages horizontaux a un taux de récupération maximal d'environ 10 à 15 % en fonction de la qualité du gisement. Avec l'injection de CO2, nous parvenons à augmenter le taux de récupération à environ 28 %. Depuis quelques années, nous avons commencé des procédés de récupération de pétrole par injection de CO2 chauffé, avec lesquels nous avons observé des taux de récupération atteignant jusqu'à 38 %. Récemment, nous avons débuté la recherche sur l'injection de CO2 sous forme de plasma, avec l'espoir de faire grimper le taux de récupération au-delà de 50 %.
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Nicolas Lerouge, fronçant les sourcils, poursuivait son interrogatoire :

-Du CO2 sous forme de plasma ? Les atomes se désolidarisent alors je suppose. C'est plus par simplicité de langage que vous le mentionnez comme tel, plutôt que de dire "du plasma de carbone et oxygène" ?
Pour ce qui est des mécanismes impliqués, je suppose qu'il est question d'augmenter la pression pour purger vers la sortie le pétrole et le gaz ? Et l'intérêt des plasma ou gaz chauds seraient d'avoir une pression supérieure sans augmenter le volume ?

-Pour ce qui est d'approfondir les coopérations, continua Alexandra, ce n'est pas exclu. Mais vous devez connaitre le... hmm... protectionnisme sylvois et son caractère très exigeant sur les questions stratégiques. Comprendrez-vous que nous insisterons encore pour avoir le plein contrôle et nos conditions appliquées dans un éventuel partenariat.
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Tamara Valentynivna – Oui, le CO2 se décompose en oxygène et en carbone. Si j'ai dit "plasma de CO2", c'est parce que la technologie que nous essayons de mettre au point s'appelle la "Récupération assistée de pétrole par Plasma pulsé". On peut utiliser différents gaz pour cette technologie, mais nous avons choisi le CO2, car s'il doit être séquestré sous terre, autant que ce soit un déchet.

L'intérêt du CO2 est, premièrement, de maintenir la pression dans le réservoir, mais aussi, il a pour effet de réduire la tension superficielle entre le pétrole et l'eau. Cela permet de supprimer les tensions à l'interface entre les deux fluides en interaction, ce qui augmente l'efficacité du déplacement de l'ensemble.

Quand on commence à chauffer le CO2 que l'on injecte, on parle de "récupération assistée de pétrole par injection de chaleur". Le but recherché est d'augmenter la température du pétrole, ce qui réduit sa viscosité et améliore ainsi sa mobilité dans le réservoir. Habituellement, on utilise de la vapeur, mais le problème est que cela augmente aussi la quantité d'eau que les puits de production récupéreront, ce qui n'est pas idéal. Pour utiliser cette méthode, on se sert généralement du gaz présent dans le réservoir de pétrole qui remonte en même temps que celui-ci. On le brûle dans une chaudière pour produire de la vapeur et un peu d'électricité en même temps.

Dernièrement, comme je vous l'ai dit, nous expérimentons la technologie du plasma pulsé. Le but de cette technique est d'être une alternative à la technologie d'incendie in situ. Même si cette technologie obtient de bons taux de récupération, une partie du pétrole est définitivement perdue, car cette technologie repose sur la combustion directe du pétrole dans le réservoir. Les promesses de la récupération assistée de pétrole par Plasma pulsé sont de faire aussi bien, voire mieux, que la combustion in situ, car le pétrole qui aurait dû brûler reste présent. Un effet secondaire que nous avons observé lors de tests est aussi une réduction de la quantité d'eau extraite.

En ce qui concerne la coopération, c'était juste une idée lancée comme ça. De toute façon, je n'ai pas le pouvoir pour ça, étant donné que je ne m'occupe que de la branche nationale d'Apex.
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Alexandra Boisderose : En effet, nous étudierons la chose en temps voulu et verrons comment nous procéderons.

Nicolas Lerouge : Ce modèle global est en tout cas très intéressant, et une fois l'aspect forestier et économique pris en compte, on comprend rapidement l'intérêt de Rasken pour ce système. Là, nous allons voir les filtres pour la collecte du gaz carbonique ?
D'ailleurs, sous quel état est stocké le dioxyde de carbone ? Liquide ? Gazeux sous pression ?
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Tamara Valentynivna – Avant d’être envoyé dans un gisement, le CO2 est stocké sous forme gazeuse à grande pression. Comme le gouvernement a lancé un grand plan pour réduire nos émissions de CO2 grâce à la capture et à la séquestration du carbone, nous avions besoin d'un site intermédiaire pour centraliser nos émissions avant de les rediriger vers les différents projets que j'ai évoqués précédemment. C'est ainsi que VaultCarbone a vu le jour, une immense cavité saline pouvant stocker l'équivalent de 21 millions de tonnes de CO2. Bien que sa taille soit relativement faible par rapport à nos émissions, son rôle n'est pas le stockage définitif, comme je l'ai expliqué. C'est à cet endroit que toutes nos émissions captées transiteront avant d'être envoyées à différents endroits.

En ce qui concerne le CO2 une fois injecté dans le gisement, une grande partie restera sous forme de gaz, mais une autre partie peut réagir avec la roche. Le CO2 peut être absorbé par la surface de la roche, réagir chimiquement avec celle-ci, par exemple transformer les carbonates en bicarbonates ou en carbonates solides. Sous certaines conditions, le CO2 peut également réagir avec la roche et libérer du gaz.

Quant à l'injection du CO2 sous forme de plasma, nous étudions encore le sujet, je ne peux donc pas vous fournir d'informations à ce sujet.

Si la capture du CO2 vous intéresse, nous pourrons organiser une autre rencontre si vous le désirez.

D’ailleurs, nous sommes bientôt arrivés à la centrale.



Quelques instants plus tard, les véhicules passèrent le poste de sécurité à l'entrée de la centrale.


Tamara Valentynivna – Mesdames et Messieurs, bienvenue à la centrale nucléaire d’Osterwald.
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