PUTSCH DE KOTIOS J +40
Des jours, des semaines même sans que rien ne se passe dans le quartier barricadé de l'Assemblée Populaire, comme ci ce dernier avait été figé dans le temps comme par magie. Les Putschistes et leurs alliés, ainsi que ceux qui avaient tardivement rejoint le combat s'étaient durablement retranchés dans leurs cachettes et abris de fortune, ravitaillés par des proches, des habitants sympathisants, ou parfois eux-mêmes avaient tout simplement pris les devants et s'étaient fais quelques stocks de vivres en prévision d'un tel évènement.
C'était aussi l'une des leçon de vie que l'on apprenait très tôt lorsque l'on vivait à Kotios,être paré à toute éventualité, se préparer à l'impensable, faire des stocks et économiser des denrées de première nécessité à la première occasion. Car il était de coutume ici de dire qu'on ne savait jamais ce que l'avenir pouvait réserver.
En l'occurence à Kotios, quand un évènement majeur de produisait, cela n'augurait jamais rien de bon pour l'avenir.
Les hauts-parleurs Pharois crachaient leurs incessants chants révolutionnaires, mais les insurgés avaient trouvé la parade, et c'était d'ailleurs une anecdote que se racontaient les putschistes et qui pouvaient provoquer l'hilarité générale. En effet du coton simplement imbibé de graisse ou ou de vaseline dans les oreilles et hop, on n'entendait plus rien. De plus la configuration architecturale du quartier, étroit avec des vieux bâtiments en pierre qui côtoyaient des constructions en béton beaucoup plus récentes faisaient que par simplement phénomène physique, le son s'atténuait rapidement et venait mourir dans une espèce de grondement sourd, absorbé par les épais murs des bâtisses centenaires.
Alors voilà, ils y étaient parvenus à ce moment fatidique, pour beaucoup c'était un tournant décisif qui pouvait déterminer le sort de Kotios. Tous s'y étaient préparés, et attendaient cet instant ultime et redouté où l'assaut serait donné et où les forces ennemies tenteraient de déloger manu militari les Putschistes. Certains ne l'espéraient plus, et il y eu, il faut le dire, un grand moment de surprise, mêlé à une sorte d'intense excitation entremêlée de peur et d'appréhension. Après tout, même si pour beaucoup ce n'était que la suite logique de la première Révolution, certains prenaient les armes pour la toute première fois.
Quoiqu'il en soit, ce silence sépulcral fut bel et bien brisé par le camp adverse, et le bruit si caractéristique de pales d'hélicoptères fendant l'air, auquel vint s'ajouter une sorte de clameur populaire s'élevant alors dans tout le quartier. Puis soudainement la nuit sombre fut déchirée par des éclairs de lumière jaillissant de partout, à la fois du ciel, du sol, et du sommet des immeubles, des projecteurs, partout, d'innombrables brasiers, parfois de simples déchets imbibés d'alcool et d'essence périmée jetés dans un fut métallique et auxquels on avait mis le feu.
On aurait presque pu trouver cela joli, dans un autre contexte et en dehors de ces tragiques circonstances.
Des civils fuient pour se réfugier dans des abris de fortune, souvent des caves et des tunnels, afin de se protéger des bombardements à venirLes sirènes qui habituellement alertent les habitants d'éventuels bombardement furent actionnés depuis l'Assemblée Populaire, dont les réseaux de communication et certains réseaux primaires fonctionnaient encore sur groupes électrogènes, un héritage de l'insurrection révolutionnaire qui avait eu lieu ici même, à l'endroit exact où Peter Cushing, le leader du Nouvel-Ordre se tenait, fièrement, le visage grave et assombrit, mais qui n'esquissait pas le moindre signe d'une quelconque anxiété dans son expression, mais affichait au contraire, une froide et inquiétante impassibilité, comme s'il était le chef d'orchestre d'un vaste opéra qu'il avait lui même composé, et qu'il tenait dans ses mains toutes les partitions.
Les sirènes d'alertes aux populations, pour ceux qui veulent se mettre dans l'ambiance
A son tour, il allait pouvoir hurler dans les hauts-parleurs de fortune qui avaient été installés ici et là dans le quartier :
Peter Cushing a écrit :Très chères citoyennes et citoyens de l'Etat Libre de Kotios, c'est votre Président par interim qui vous parle. A l'heure actuelle, j'imagine que vous vous êtes rendus compte de ce qui est en train de se passer. Certains d'entre vous attendent ce moment depuis quelques temps à peine, alors que d'autres s'y sont préparés depuis fort longtemps. Ce moment fatidique est arrivé, où les forces éprises de liberté et d"indépendance de Kotios vont devoir lutter dans un combat âpre et héroïque contre les forces socialo-anarchistes, cet Axe du Mal, vendu à l'étranger, qui entend vous asservir et vous "collectiviser". L'âme des Kotioïtes n'est pas à vendre. Défendons chèrement notre peau, défendons notre sang, nos familles, nos amis, notre peuple contre les hordes étrangères rouges.
Le monde entier saura que ce sont eux qui ont attaqué les premiers, qu'aucune négociation ni tentative de médiation n'aura été formulée de leur part. Une preuve que ce ne sont que des monstres barbares qui ne connaissent que la force brute !
L'Opération "Vivre Libre ou Mourir" peut enfin débuter.
Je n'ai qu'un seul et unique ordre à vous formuler, un ordre que je sais que chaque homme et femme libre de Kotios ayant la même flamme patriotique qui anime mon cœur appliquera à la lettre : TIREZ POUR TUER ! Et surtout ne vous faites pas prendre vivant, si tel est le cas ils vous tortureront avant de vous exécuter.
Si d'aventure une telle situation se présentait et que vous ne voyiez aucune issue favorable, ne prenez pas de risques, dégoupillez une grenade, et emporter avec vous l'un de ces chiens !
Mais gardez à l'esprit que nous pouvons gagner, nous devons gagner, peu importe le prix. C'est le coût malheureusement astronomique de la liberté.
N'ayez pas la moindre pitié, ni la moindre hésitation, car eux, eux, n'en auront pas ! Les membres du Parti du Peuple et du Nouvel-Ordre se battront à vos côtés comme ils l'ont toujours fait jusqu'à maintenant !
VIVE KOTIOS LIBRE !Des cris, des hurlements, des hourras suivirent alors l'allocution de Peter Cushing, certains pressentaient que c'était peut être la dernière fois qu'ils l'entendraient. Beaucoup étaient galvanisés par ce discours d'une ferveur incroyable. Peter Cushing était il faut le dire, un homme terriblement charismatique, malgré tous ses démons, et la haine qui le consumait littéralement. Il avait cependant bien anticipé que l'assaut se ferait par les airs, une opération terrestre aurait été bien trop couteuse en matériel et en hommes, il aurait fallu se battre ardemment pour chaque centimètre, et risquer des pertes potentielles trop élevées. A cela venait s'ajouter la zone géographique urbaine qui se prêtait facilement aux pièges et embuscades en tout genre.
A fort bon escient, puisqu'en plus de nombreux tireurs isolés et embusqués, plusieurs rues avaient été piégées par des mines antipersonnels de fabrication maison. On en trouvait à foison sur le marché noir et les étals des contrebandiers alguarenos, on pouvait même les fabriquer soit même lorsque l'on maîtrisait un temps soit peu certaines connaissances rudimentaires en matière d'explosifs.
Tireur putschiste embusqué disposant d'une mitrailleuse lourde et d'un angled e tir dégagéQuelques minutes après le discours du Président par intérim de l'Etat Libre de Kotios, ce n'étaient plus des voix humaines que l'on entendaient dans l'air, mais bien des tirs réels, et non des moindres.
Les insurgés enlevèrent des bâches, retirèrent à la hâte le camouflage improvisé mais toutefois fort efficace, parfois de simple tôles disposées avec peu de précaution, qui dissimulaient des dizaines d'armes lourdes positionnées le plus souvent sur des toits, des balcons, et des hauteurs élevées stratégiques. Des canons de DCA certes un peu datés mais parfaitement opérationnelles y avaient été cachés durant tout ce temps.
Une tourelle de DCA improvisée, fixée à une échelle de secours en haut d'un immeubleLégers, facilement dissimulables, et maniables même par un enfant de 10 ans, de nombreux combattants putschistes possédaient des lances-roquettes, que l'on surnommaient parfois les "fusées de la liberté" et il était aisé pour un utilisateur peu averti de viser, même approximativement un aéronef à courte portée, avec une probabilité non négligeable d'abattre la cible. Une manœuvre d'autant plus facilitée qu'il était difficile d'identifier en avance de phase un tir de roquette inopiné. C'était l'un des dangers les plus craints par les pilotes d'hélicoptères en milieu de guérilla urbaine.
Un combattant putschiste armé d'un lance-roquette de fabrication alguarenaiseSCHFROUUUM...la roquette était partie avec son panache de fumée, et sembla atteindre un des hélicoptères, tandis qu'un autre essuyait un feu nourri de mitrailleuse lourde.
Les balles fusaient de toute part, le ciel était illuminé d'éclairs, tandis qu'au sol, les habitants, apeurés et terrés dans leurs abris souterrains pour la plupart, ne pouvaient qu'attendre, désespérés, que ce chaos prenne fin et que le feu des armes se taisent enfin. Pourtant il était désormais clair que le putsch entrait dans une nouvelle phase, et que la crise revêtait l'image d'une guerre fratricide, ouverte et sans concession d'aucune part.
SCHFROUUUUM...second tir de roquette qui malheureusement rata sa cible, et vint s'écraser contre un immeuble de bureau, en fait le siège de l'administration métropolitaine de Kotios, où siégeaient avant le putsch de nombreux fonctionnaires et employés gouvernementaux. On y trouvait également les Archives de la Ville et le Cadastre. La violence de l'impact projeta de nombreux documents qui vinrent telle une pluie de feuilles de papier s'étaler et recouvrir le sol au pied de l'immeuble, comme un symbole de la lente déliquescence d'une administration impuissante...
Siège de l'administration métropolitaine de Kotios en train de brûler. On estima qu'à l'heure où les tirs de roquettes ont atteint le bâtiment il est fort peu probable que des employés s'y trouvaient, en revanche, il se pouvait que de nombreux réfugiés et civils y avaient trouvé refuge en pensant l'endroit sûr.
Toute la journée qui suivit, la visibilité resta extrêmement mauvaise pour les aéronefs et autres avions dans le ciel kotioïte étant donné les impénétrables fumées noires d'hydrocarbures qui s'étendaient et développaient peu à peu au dessus de la ville à laquelle venait s'ajouter une météo non des plus favorables. Une stratégie hasardeuse et généralement peu couteuse, mais qui pouvait en l’occurrence se révéler d'une aide extrêmement précieuse pour des assiégés ne disposant alors d'aucun appui aérien.
Les insurgés allument des feux partout où ils le peuvent pour gêner la visibilité du soutien aérien ennemiAlors que l'issue aérienne était encore incertaine, et que les canons et mitrailleuses de la DCA crachaient sans interruption leur stocks de munitions, les Putschistes décidèrent de passer à la seconde phase de l'offensive sans plus attendre, le fameux plan secret de Peter Cushing pour déstabiliser l'ennemi. En fait il s'agissait ni plus ni moins que de pilonner massivement et brutalement avec toute l'artillerie disponible le QG du parti de la Libération, l'endroit que l'on appelait l'Hôtel. Hautement symbolique, siège de ses ennemis de toujours, le leader du Nouvel Ordre en avait fait une affaire personnelle, et hasard du destin, il se trouvait très proche du quartier de l'Assemblée Populaire, largement à portée de tir des pièces d'artillerie des insurgés.
Les canons mobiles, tractés par de simples utilitaires, ou des camions, se positionnaient, tiraient, pilonnait, puis après 3 ou 4 tirs, se retiraient aussi rapidement qu'ils étaient arrivés, afin d'aller se positionner ailleurs et ce dans le but d'éviter de se faire repérer trop aisément, et de devenir des cibles faciles pour l'aviation ennemie.
Un des nombreux canons tractés mobiles qui écument les rues de Kotios, difficilement saisissables, car peuvent se cacher dans des stations services, ou même de simples garagesLe lendemain, vers 5h du matin, c'est littéralement une pluie d'obus et de munitions de mortiers qui s'abattit alors sur l'Hôtel, ainsi que les bâtiments et rues adjacentes. L'objectif des putschistes était double : ruiner le moral de l'ennemi en ébranlant sa confiance absolue en sa force et exporter le conflit vers les quartiers limitrophes, afin de relâcher la pression en centre-ville. Les insurgés étaient convaincus que l'ennemi avait largement surestimé ses capacités, et sous estimer celle de ses adversaires. Une erreur qu'ils comptaient bien leur faire payer très cher, tant que cela leur était possible.
Au sol, les combats étaient plus hasardeux, on mitraillait de toute part, des mines sautaient sans que l'ons ache très bien qui avait marché dessus, des insurgés, des contre-putschistes, d'innocents civils ?
Difficile à dire, tant la panique et l'impression de chaos était omniprésent.
Les putschistes avaient également à leur disposition les fameux "fils de détente", ces espèces de fils invisibles à l'oeil nu, reliés à un détonateur astucieusement caché dans un mur ou sous un gravat, et en guise d'explosif, une bombe sale fabriquée artisanalement avec tout ce qui traine, verre pillé, clous, lames de rasoirs. Non mortels dans la plupart des cas, ils peuvent s'avérer terriblement handicapant, ôtant un œil, un doigt, voir dans le pire des cas pouvant arracher un membre, dans des souffrances franchement peu enviables.
Le but étant de faire le plus de dégâts et de provoquer des blessures assez graves pour clouer sur place un combattant. Et autant dire qu'à Kotios on pouvait très facilement se procurer tout le matériel nécessaire.
Mais peu pensaient que cela serait suffisant pour stopper la contre-offensive des Rouges, et leur implacable supériorité numérique et matérielle. Ils n'étaient pas venus pour tergiverser ou négocier, mais bien pour raser pierre par pierre la ville entière si cela s'avérait nécessaire. L’extrémisme et la violence dans sa forme la plus pure avait pris le pas sur toute autre forme d'expression.
L'Hôtel, quartier général du Parti de la Libération, a concentré les tirs d'obus et de mortiers de la part de toute l'artillerie putschisteEn effet, les Putschistes ne pouvaient compter uniquement sur leurs cachettes et leur mobilité, car en face l'ennemi était nombreux, bien équipé, et rendait coup pour coup. Il pouvait en autre disposer d'un solide soutien aérien, et cela faisait clairement la différence. La contre-offensive ne se fit pas attendre, et le camp d'en face déversa à son tour un déluge de feu sur les positions tenues par les putschistes. En milieu urbain il était difficile d'imaginer que seuls des ennemis étaient touchés par de tels tirs, et on s'attendaient, des deux côtés, à de très nombreuses pertes civiles et des dommages collatéraux importants. Il apparaissait désormais clair pour les stratèges de tous les côtés que seule une riposte lourde et frontale pourrait résoudre la situation, à moins que l'une des deux parties ne décida de rendre les armes, ce qui, au stade actuel, paraissait hautement improbable.
La détermination et le fanatisme cultivé par les Putschistes rendaient ce scénario quasiment impossible à concevoir, mais il restait encore une alternative, celle d'une intervention massive internationale pour mettre un coup d'arrêt aux hostilités, cela s'était vu par le passé, et avaient obligé les belligérants à devoir négocier autour d'une table.
Une chose était sûre, la journée qui venait de se dérouler avait été funeste et dramatique pour tout le monde, la tension et l'attentisme avaient cédé leur place au chaos et à la guérilla urbaine. Kotios la Révolutionnaire, Kotios l'Insoumise, était devenue un champ de bataille, les quartiers s'étaient mués en camps retranchés, chaque faction semblait bien décidée à défendre ses acquis et ses gains territoriaux. Un immense et épais nuage noirâtre enveloppait désormais la ville et assombrissait son horizon, une vision cauchemardesque pour ceux qui avaient l'opportunité de pouvoir l’apercevoir de loin.
Nul doute que l'on pouvait également les observer sans difficulté par delà les frontières francisquiennes dont les habitants frontaliers ne pouvaient qu’assister ébahis à ce tragique spectacle.
Une rue du centre-ville de Kotios non loin de l'Assemblée Populaire, au petit matin du lendemain de la contre-offensive qui témoigne de la violence des combats en ville. Une vision sinistre et apocalyptique des habitants qui voient leur ville se défigurer au fur et à mesure de l'intensification des combats