Conformément aux recommandations de la C.A.R.P.E. la majeure partie du gouvernement Pharois a choisi de débloquer d’importants moyens pour conserver sous son escarcelle les régions du monde où il pense détenir des intérêts. Si les provinces nazuméennes et afaréennes sont pour l’heure laissées plutôt docilement entre les mains d’acteurs locaux que le Syndikaali estime arrangeants – Jashuria, Banairah, et d’après les derniers rapports l’Althalj – la musique est différente sur le continent Aleucien et Eurysien.
Dans le Détroit, tout d’abord, cible naturelle et point névralgique des intérêts du Syndikaali dans cette région, la ville de Port-Listonia fait l’objet depuis quelques semaines d’une intense opération de propagande (ou de séduction, appelons cela comme on voudra) visant à convaincre la population et la municipalité que s’agréger au statut de « Port-Libre du Syndikaali » est la meilleure stratégie à adopter pour l'avenir. Ce régime politique déjà en vigueur dans les trois villes du Détroit : Pohjoishammas et Etelähammas, rejointes récemment par la Caprice Coast, offre un certain nombres d’avantages que le Syndikaali fait miroiter aux Listoniens.
En échange de leur souveraineté militaire et du respect du bloc constitutionnel pharois, les Port-Libre jouissent d’une grande autonomie politique et de garanties strictes vis-à-vis du gouvernement métropolitain. Ce-dernier est ainsi obligé de négocier pour toute construction d’infrastructures d’Etat et les Port-Libres conservent une autonomie complète sur la gestion de leurs politiques douanières. Un régime ouvrant naturellement la voie à la mise en place de paradis fiscaux attirants à eux les capitaux étrangers mais également Pharois, dans une moindre mesure.
Si les Port-Libres n’ont pas leur mot à dire quant à la politique d’immigration ou diplomatique du Syndikaali, ils possèdent néanmoins leur propre force de police, autonome, ainsi que l’indépendance de leur justice pénale ce qui assure une harmonisation des règles économiques à l’intérieur du pays tout en permettant à ces provinces d’adapter leur politique sécuritaire selon les souhaits de leurs population. Ainsi il est de notoriété publique que Pohjoishammas est un hub de contre-culture et un haut-lieu des soirées animées, de prostitution et des jeux d’argents, quand sa voisine directe, Etelähammas donne l’apparence d’une cité agréable et paisible, plutôt conservatrice.
C’est donc ce statut que le Syndikaali cherche à vendre à Port-Listonie. Un rattachement spontané de la province, faute de puissance étrangère capable de s’interposer. Il faut dire que dans la balance, les Pharois font peser le risque d’un embrasement régional qui a fait l’objet de conflits à plusieurs reprises ces dernières années. Faute de protecteur ou de statut clair, Port-Listonie pourrait rapidement attirer l’attention de puissances étrangères qui lui offriraient – ou imposerait – un statut bien moins arrangeant.
A force d’un travail de sape, l’idée semble faire doucement son chemin dans la cité Listonienne et la présence de la Commune d’Albigärk et de sa puissance culturelle montante joue dans l’attrait que peut représenter le Syndikaali aux yeux d’une population en manque d’horizons politiques.
Port-Hafen, la garce se fait désirer
Il faut dire que plusieurs mouches tournent autour du trou du cul du monde. Tête de pont Aleucienne, Port-Hafen fait l’objet de convoitises bien comprises par les différents acteurs régionaux. Dans cette partie débutée plusieurs mois auparavant lors de la crise de Jadis, le nombre de joueurs n’est pas encore défini clairement alors qu’un axe Pharois-Saint-Marquise se dessine. Grâce au concours de la municipalité et de quelques notables hafenois, les mouvements indépendantistes violents semblent pour l’heure avoir été calmés, y compris en sollicitant le cas échéant l’intervention des forces de l’ordre.
Une situation tendue pour cette ville au demeurant minuscule au regard des standards du reste du monde. Avec une population frolant les quatre-milles habitants, quelques centaines de manifestants suffisent à imposer un rapport de force. Ce sont donc ces gens qu’il s’agit de convaincre et pour cela, le Syndikaali avance masqué. Corruption et propagande sont les deux tranchant de la hache de guerre politique qu’il brandit : d’une part, une proportion tout à fait significative de l’économie hafenoise repose à l’heure actuelle sur les contrats passés par des entrepreneurs pharois. Un coup risqué qui attise à la fois les peurs des locaux de se faire noyer par la manne financière étrangère, mais qui rassure également les forces économiques de la région.
Dans un contexte où une part de la subsistance de la population locale s’est longtemps reposée sur l’aide alimentaire lofotèn, pouvoir enfin avoir le sentiment de ne plus dépendre de la générosité philanthropique d’un voisin ambitieux fait plaisir. Le Pharois joue sur les symboles : il oppose indirectement d’une part l’assistanat et la dépendance au Lofoten, de l’autre le travail et l’indépendance permise par le carnet de commande du Pharois. Dans les deux cas il s’agit bel et bien d’injecter des capitaux étrangers, mais la manière de le faire compte sans doute plus que leur point de chute.
Avec la pauvreté vient la corruptibilité. Les pirates le savent : on ne graisse jamais aussi bien la patte que quand la précarité économique montre le bout de son nez. Notables, politiciens, l’argent du Syndikaali passe de mains en mains, parfois frontalement, parfois par des moyens détournés. Dons à des associations, financement de projets, et la boucle se boucle, grâce au soutien de José Esteban, maire de Port-Hafen, des permis de construire sont délivrés pour récompenser la loyauté des locaux et discrètement il se chuchote de plus en plus que le Pharois est décidément un ami bien généreux et arrangeant.
Les affaires, voilà le nerf de la guerre.
Le capitaine Mainio et le maire José Esteban, ont récemment soutenu la proposition du Premier Conseiller de Saint-Marquise Henry Peters de mettre en place un referendum d’autodétermination pour janvier 2007, date qu’ils proposent même d’avancer au 1er janvier 2007, symboliquement pour la nouvelle année.
De fait, l’objectif assumé est de couper l’herbe sous le pied des manifestants en leur offrant ce qu’ils désirent… sous des modalités arrangeantes pour le Syndikaali et Saint-Marquise. Si rien n’est encore joué et que deux semaines séparent encore Port-Hafen du scrutin, reste que pour l’heure le vent de l’opinion tourne doucement, toujours farouchement indépendantiste, mais trouvant chez son voisin immédiat Saint-Marquois et le généreux mécène Pharois des raisons de préférer s’intégrer à des alliances et tissus économiques régionaux plutôt que de simplement se jeter dans l’inconnu d’une indépendance spontanée.