L’exode rouge, le soleil se lève sur Peprolo
Une armée est une chose, encore faut-il la nourrir. On ne fait pas tout avec un fusil et la prise de la capitale du Prodnov, soudainement coupée des réseaux de distribution qui la reliait au reste de la campagne plonge le pays dans l’incertitude. Conscients qu’ils ne peuvent nourrir quatre millions d’habitants par pont aérien, les impérialistes de l’ONC avancent à travers champs, en quêtes de greniers remplis de grain pour l'hiver…
… provoquant l’exode de la population.
La réquisition de la nourriture pour nourrir une armée capitaliste dans un pays communiste depuis plusieurs générations passe mal. Les forces militaires aux yeux bridés ou à la peau cuivrées, parlant des jargons barbares, suscitent naturellement la méfiance d’une population longtemps enclavée et traditionaliste. Pour le petit peuple du Prodnov, déjà naturellement méfiant à l’égard des élites de la capitale, le remplacement d’une tyrannie par une autre, se déclare-t-elle démocrate, a peu d’importance. En temps de guerre, le temps n'est pas aux élections libres, tout ce que les prodnoviens ont goûté de la démocratie c'est une porte ouverte à des intérêts qui ne sont pas les siens. Pire que tout, ce nouveau gouvernement est tenue par une main étrangère.
Le communisme, pour critiquable qu’il puisse être aux yeux des démocraties commerçantes bien-pensantes, s’est imposée au Prodnov dont il a su assurer la stabilité et la continuité dans le temps, exception faite des sporadiques troubles et épisodes de répression politique dans les grands centres urbains de l’ouest lors des passations de pouvoir. L’expansion de l’armée de l’ONC provoque naturellement la méfiance, d’autant que la capitale qui représente quelques cinquante pourcents de la population, crie terriblement famine. Les impérialistes ont dû choisir entre débarquer leurs troupes ou des tonnes de céréales : leurs avions ne pouvant à eux seuls nourrir la moitié d’un pays, leur guerre se construit sur des ventres vides. Il faut donc aller chercher le blé là où il se trouve… dans les greniers des campagnes.
Voir débarquer des citadins prodnoviens excités à peine capables de tenir une kalachnikov sans trembler, accompagnés de militaires étrangers aux faciès grimaçants a rapidement douché le vent d’intérêt des ruraux pour cette « révolution » qui n’est désormais perçue que de Palais. Le démocrate a beau promettre un futur radieux, pour l’heure il vole le pain de la bouche du travailleur honnête. Avant goût de ses banques et de son économie déconnectée de la valeur réelle.
Une réalité froide qui contraste avec une autre : dans l’ouest, dans l’Est et à Peprolo, des distributions de nourriture se font. L’armée lutharovienne est communiste, autant dire : familière. L’administration ressemble à celle de l’ancien régime avec qui elle collabore. Si certaines élites y voient la suite de la tyrannie, pour le paysan c’est gage de stabilité. Mieux vaut un ordre répressif aux règles claires et connues que l’anarchie, le chaos et l’incertitude. A Peprolo, l’administration n’a pas bougée. Rendue aux armées du conseil de sécurité, les anciens cadres sont toujours en place. Seules quelques nouvelles têtes soi-disant républicaines gesticulent dans des bureaux en annonçant des réformes qu’elles n’ont pas moyen de mettre en place. Le pays est toujours tendu comme un string et la fin des conflits intérieurs n’a pas abouti à une évidente prospérité. Il faut un peu de temps pour que les choses retrouvent leur stabilité et d’ici là, les armées avancent.
Peprolo perfusée au grain lutharovien et pharois. La coalition n’est pas avare en aide humanitaire. La deuxième puissance mondiale, aidée par les forces communistes mobilisées auprès de l’armée rouge prodnovienne subviennent sans difficultés aux besoins des campagnes. Ralliée à la mer par un port et une ligne directe de train, Peprolo fait office de porte d’entrée pour les forces albiennes. Sur place, le Syndikaali a débarqué ses forces. Assez de soldats pour encadrer les mouvements de population et remplir un rôle éphémère de maintien de l’ordre, le temps que les choses se calment.
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Pas assez néanmoins pour représenter une armée d’invasion. Ce n’est pas le but. L'important dans cette affaire est la logistique.
L’asymétrie des rapports de forces est évidente : l’ONC aligne les troupes mais pâtit d’un manque flagrant de soutien une fois sortie des murs de sa capitale. Les citadins font de mauvais guides, dans la campagne profonde et gelée de l’hiver Eurysien, et de bien piètres fermiers. Il faut les voir, les troupes de l’été, du Nazum et de l’Eurysie du sud, du Paltoterra, des oliviers et des mers chaudes, des jolies filles et des brises câlines, des orangers et des draps de soie. Ah, il faut les voir, grelotter dans cette boue, dans cette neige à moitié piétinée, dans l’enfer brumeux et austère du grand slave. Soldats de l’été, bleu-bites venus comme des fleurs dans un champ de terre battue, glacé, inhospitalier, gorgé de sang, de violence et d’hostilité.
La propagande bat son plein. Les affiches de la Coalition ne vantent pas un monde meilleur. Pas comme l’ONC. Ici on sait que les promesses n’engagent à rien. Après des décennies de domination, contre-révolutions ratées, plus personne n’y croit. Le socialisme réel, la dictature du prolétariat, voilà un rêve ! Un rêve gâché, foulé au pied, travesti, dévoyé, renvoyé à la médiocrité d’une tyrranie sans queue ni tête, d’une chappe de plomb. Les prodnoviens ont eu de l’espoir, un jour. Leurs grand-parents, peut-être, on cru à quelque chose de meilleur. Quelque chose de grand. L’avenir du genre humain !
Comme ils ont été déçu…
Comme ils sont ridicules, ces étrangers, avec leurs promesses de démocratie et de richesse…
Mais qui peut croire à des fadaises pareil ?
Certainement pas un prodnovien.
Ici, on se méfie des marchands de rêve. On s’est déjà fait avoir une fois, pas deux.
Les affiches de la Coalition sont plus sobres. Si certaines, rouges et or, réveillent chez les vieux bolchéviques la nostalgie des temps glorieux, la plupart se contentent de délivrer des messages utilitaires, concrets. Elles promettent du pain et des médicaments. Elles promettent un toit, un avenir. Le reste n’est que fantaisie matérialiste pour capitalistes sans imagination.
Aux tracts sans fioritures, indiquant sobrement comment se rendre à Peprolo, des rumeurs s’ajoutent, insidieusement soufflées aux oreilles du peuple du Prodnov, par son administration, par ses soldats, des gens de confiance, des gens du pays…
L’ONC.
Trois lettres.
On dit qu’ils détestent les communistes.
Qu’ils les tuent.
N’êtes-vous pas communiste vous-même ?
N’avez-vous pas reçu une éducation marxiste à l’école ?
N’avez-vous pas brandi le manifeste rouge ?
N’avez-vous pas salué le drapeau flanqué d’une faucille et d‘un marteau ?
Ne vont-ils pas vous tuer également ?
Cela parle de charniers. Le Prodnov a l’habitude de la répression, il ne lui est pas difficile de l’imaginer. Des dizaines, des centaines, peut-être des milliers de partisans du régime, pendus sans procès aux fenêtres de Staïglad. Des hordes étrangères avides de sang et d’argent, déferlant sur les campagnes, un massacre en règle, un véritable génocide… De mauvaises photographies circulent, des images volées à la dérobé, par un enfant caché dans une cabane, par une vieille planqué dans un grenier, par un oncle venu chercher ses neveux et qui les a retrouvé…
L’histoire est toujours différente, toujours similaire : il se commet des crimes de masses au Prodnov. On veut remplacer la population. « Plus un seul communiste en vie ! » hurlent-ils, ces chiens : « tuez-les tous, le marché reconnaitra les siens ! ».
Après tout, au Prodnov, on a massacré des capitalistes. Pourquoi ne nous rendraient-ils pas la pareil ? Tout cela est terriblement prévisible, terriblement logique. Assez pour provoquer un vent de panique, un souffle d’effroi.
Avec l’ancienne administration, on pouvait toujours négocier. Appeler à la charité chrétienne, invoquer le sang slave partagé. Et puis, tout le monde a un cousin dans la bureaucratie. Mais si, Ivan, le fils de Martta, mais si… Ah oui ! Bon, sortez par derrière, je dirai que je ne vous ai pas trouvé.
En connaissant les bonnes personnes, on s’en sortait, pas très riche, pas très heureux, mais vivant. Mais là ?
Personne ne connait de Lofotenois. Ou de Jashuriens. Ou d’Alguarenos. Qui sont ces gens ? Qui sont ces étrangers qui déferlent au nom d’une idéologie ennemie, inconnue, violente, barbare ? Que veulent-ils ? Certainement nos filles et nos vaches.
Et puis ces vogimskans, là… tout va mal pour eux depuis qu’ils ont renversé le communisme. On le sait, l’administration du Prodnov n’a cessé de le répéter. C’est le chaos à l’Est, les rumeurs le confirment à présent.
« Ils tueront les hommes et prendront tout le reste. »
C’est l’exode. Le grand départ. On pouvait discuter avec l’armée rouge, d’ailleurs ils parlaient notre langue. Qui parle leur langue à eux, aux étrangers ? Personne. Qui négociera ? Personne. Qui se soucie de nous ?
… les communistes.
Et ces pirates venus du nord, connus des habitants de la côte habitués à la contrebande. Des gens avec qui on a autrefois échangé de la bière contre une radio satellite, ou payé en nourriture des magazines colorés.
Le Pharois est familier. Le Prodnov est familier. Le communisme est familier.
Le reste… chaos. Désordre. Incertitude. Rumeurs de massacres. Qui pourrait en attendre autre chose de ces nazuméens ? Tout le monde sait que les paltoterriens baisent leurs chèvres et sacrifient des enfants à leurs dieux. C’est connu. On en riait l’année dernière, à la fête du village. Maintenant on ne rit plus, l’ennemi est là. Le fou, le monstre. Il est dans la ville, bientôt dans la campagne. A la nuit tombée, il quittera ses centres urbains, viendra à pas feutrés commettre pillages et atrocités. On le sait, la rumeur le dit, les photographies le disent, la cousine de la tante le dit, l’administration du Prodnov le dit.
Mais si, c’est une source sûre, Anna, dont le fils est à la préfecture, tu sais, le petit Dmitri, avec ses dents du bonheur ? Si Anna a peur, alors c’est qu’il y a une bonne raison, tu peux me croire ! Oh par pitié ne restons pas là, je t’en prie écoute moi pour une fois au lieu de faire le brave ! Tu crois que c’est avec ta vieille carabine que tu nous défendras ? Ils ont toutes sortes d’armes là dehors, oh mon dieu par tous les saints ils te tueront ne fait pas l’imbécile et les enfants tu y as pensé ?? Enfin Leonid vas-tu m’écouter ? Qu’est-ce que c’est qu’une ferme après tout ? Nous reviendrons je t’en prie passons l’hiver à Peprolo le mari de ma sœur nous hébergera je le sais !
A Peprolo se trouve l’avenir, ou du moins une sécurité familière, mieux vaut la fuite pour un peut-être que rester pour un certain : la mort. Les commissaires régionaux, le cousin Micha qui travaille pour l’administration l’assure : prenez tout ce que vous pouvez et rejoignez-nous au nord, le temps que cesse la crise et reflue la marée. Trouver refuge sous l’égide protectrice des embruns marins. Et des embruns pharois.
Alors on part. On emporte pas grand-chose, les bijoux de la grand-mère, des animaux fourgués à l’arrière de la voiture ou du camion. Les économies sous le matelas. La literie. Des vêtements chauds pour hiverner.
« On ne sait jamais ce qui peut se passer ! »
Les prodnoviens sont habitués aux catastrophes, mais celle-ci semble particulièrement redoutable.
Au-dessus de la tête passe un avion étranger. Pas les vieux coucous soviétiques, reste fond de révolution, même pas produits ici, sans doute envoyés à une autre époque par un pays allié. Peut-être la Lutharovie ? Le matériel prodnovien grince et rouille dans les hangars, l’armée vit sur ses réserves et tenait le pays par la brutalité et l’omniprésence. Ce qui vole aujourd’hui dans le ciel du Prodnov fait figure d’étrangeté.
Ces avions-là ont le ronflement des mauvaises tempêtes. Leurs drones bourdonnent comme d’affreux moustiques avant un orage. Rien de tout ça n’est normal, tout pue l’ingérence, tout pue que les types de la capitale ne gèrent plus rien du tout. Ah ils ont fait les malins, les blancs-becs, les citadins, avec leurs petits privilèges, les premiers collaborateurs du régimes, ceux qui avaient les bons appartements, les belles maisons, avec l’eau chaude, là, les bureaucrates déconnectés, les collecteurs d’impôts, les « élites ».
Ah, ça, ils ont bien retourné leurs vestes, ces salopards. A peine Kuklin Viktor élu qu’on le butait dans la rue, même pas un bel assassinat, non, une prostituée qui lui a tiré dessus, parce qu’il ne l’avait pas bien regardée. L’histoire se sait, elle fait rire jaune.
Après s’être engraissés sur le dos des campagnes, voilà que les villes veulent maintenant imposer leur loi au reste du pays, encore. Ce n’est pas l’armée, ce ne sont pas les militaires qui décident, leur autorité s’imposait par la légitimité des armes, le courage ou la cruauté des soldats – toutes les familles ont eu leur lot de conscrits – tu savais que le petit Sergej est entré dans l’armée ? Dire qu’il y a encore quatre ans il jouait dans le jardin, c’est fou comme le temps passe vite…
L’armée a sa légitimité. Une certaine logique structure un pays dressé par la force et les vieilles hiérarchies familiales. L’Etat est un père de famille, lorsqu’on lui désobéit, on goûte à la cravache.
Mais ces citadins, qui sont-ils ? D’où tirent-ils leur légitimité ? Leur autorité ? Ont-ils jamais fait quoi que ce soit à part signer des papiers ? Ont-ils jamais travaillé la terre, réparés un tracteur, parti pêcher en mer ? Qu’ont-ils fait sinon assassiner un leader politique, plonger le pays dans le chaos et venir ensuite pleurnicher dans les bras d’une armée étrangère, venue des confins de la terre ?
Forte de plus de deux millions d’habitants, Peprolo fait figure de poumon économique dans un pays enclavé comme le Prodnov. Reliée à l’océan par voie de chemin de fer, moins d’une cinquantaine de kilomètres la sépare du « port de Peprolo », sorte de ville banlieue et annexe spécialisée dans le commerce maritime et l’import/export. Si la nation communiste n’a jamais brillé par son intégration territoriale, la proximité de pays aux inspirations idéologies similaires tels que la Lutharovie, le Reylos, le Boltorkhoy dans une certaine mesure ainsi que le Vogimska jusqu’à sa révolution capitaliste, a permis aux échanges d’avoir du sens en mer du nord.
Deux millions d’habitants. C’est moitié moins que la capitale mais c’est beaucoup plus qu’ailleurs. A Peprolo on a suivi de loin des troubles qui ne semblent pas nous concerner : les massacres ont eu lieu dans l’Ouest et l’ancien dictateur du Prodnov n’a jamais pu se permettre de réprimer sa principale ville portuaire.
La classe supérieure prodémocratie qui s’est soulevée à Staïglad n’a pas grand-chose à voir avec les élites économiques de Peprolo : la fortune de la région construite sur les règles du communisme et les monopoles d’Etat, il n’est pas certain qu’une ouverture au commerce et à la concurrence internationale ne bouleverse pas violement l’équilibre économique de la ville. Et s’il y a bien une chose que n’aiment pas les gens de pouvoir et d’influence, c’est les bouleversement.
Sans provoquer une levée de bouclier, le soulèvement de la capitale a été accueilli avec une franche circonspection. Les évènements ayant rapidement suivi n’ont pas arrangé les choses. Si la reddition de l’armée rouge aux forces coalisées a d’abord suscité la crainte, force est de constater que le paysage n’a pas été mis cul par-dessus tête. La proclamation de la république fantoche par les forces norstalkiennes reste pour l’heure à l’état de pure théorie et les rouages de l’administration et de la police n’ont pas bougés d’une seule vis. Le seul changement notable est désormais la présence d’Albien à Peprolo, mais ça, ce n’est pas si nouveau. L’Océan du Nord est dominé depuis quelques années par le poids économique du Syndikaali et de la Lutharovie en la ville de Merengrad qui sert de soupape entre monde capitaliste et monde communiste. La langue liquide des péninsulaires n’a plus d’accent exotique depuis longtemps.
Le changement est d’autant moins frappant que faute d’avoir déployé une véritable armée, le Syndikaali et le Royaume-Uni se retrouvent naturellement à travailler avec les autorités locales. Les forces de polices ont été maintenues dans leurs fonctions et seuls les généraux les plus récalcitrants ont changé.
Il faut dire que ce qui passait hier encore pour une invasion armée du Prodnov prend de plus en plus des allures de maintien de l’ordre au regard de la progression des forces capitalistes qui représentent, elles, un véritablement changement de paradigme. L’alliance du nord, composée des communistes de Lutharovie et des libertaires albiens, associés aux autorités locales, semble capable de préserver un statut quo bienvenu en période de crise.
La stabilité des positions conservatrices rassure plus que le grand inconnu livré à des étrangers.
Seul changement significatif est le camp pharois de Peprolo. Là, entre le port et la ville, dans cette espèce de semi-campagne urbanisée composée pour moitié de champs et de terrains vagues, s’alignent de vastes tentes chauffées et des abris en plastique et contreplaqués. Du matériel humanitaire destiné aux régions du grand nord, provisoire mais capable de préserver du froid et de la neige qui s’abat sur le pays en ce mois de novembre.
Une vaste étendue grouillante de réfugiés, fuyant l’armée qui marche sur eux, fuyant un processus d’autophagie nationale, cannibalisation par les millions de ventres affamés de la capitale de leurs propres frères et sœurs au nom d’un idéal qui n’est pas le leur. Soupe chaude, repas efficaces, à base de poisson, les seuls que savent réellement cuisiner les Pharois. Rapidement, certaines babouchka ont repris les choses en main, ajoutant carottes, navets et pommes de terre dans les larges bassines qui mijotent sur le feu et dégagent des vapeurs odorantes.
Les volontaires du Syndikaali, rapatriés depuis Merengrad, sont de précieux intermédiaires entre les forces de la Coalition et les habitants du Prodnov. Polyglottes russes du fait de leur proximité avec la Lutharovie, ils participent à pacifier une situation tendue et fébrile. Si les débordements ne sont pas rares, comme c’est naturel dans ce type de rassemblements, la communication au moins n’en est pas la cause.
Cela tombe bien. Communication. Le second nerf de la guerre après l’argent. Le terrain est aussi bien miné par des mots que par des explosifs. Depuis Peprolo les rumeurs vont bon train, chacun a une histoire à raconter, avec le lyrisme tragique de ceux qui aiment être écoutés, on conte, parfois non sans quelques exagérations, les horreurs de la guerre, le chaos venu de l’Ouest, les exactions de l’ONC, de ces putains de capitalistes sans morale, des fanatiques religieux pour la plupart, avec leurs croyances hérétiques, mais qui ne sont pas de bons chrétiens non plus. Les icônes orthodoxes n’ont pas complètement déserté les familles du Prodnov et en temps de crise les vieilles dames glissent dans les chemises de leurs enfants des portraits de Saint Georges.
La peur fait dire des bêtises, c’est vrai. Elle pousse aussi à en faire.
Cela tombe bien.
Les Pharois ont toujours prospéré dans le chaos.